🗳️ Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin
L'habitat inclusif, c'est comme la présidentielle...
La semaine dernière, des internautes du monde entier se sont livrés à un pixel war. C’est une compétition pacifiste consistant à remplir de création visuelles un immense tableau blanc en ligne. Le but : imposer une illustration et composer une oeuvre magistrale et éphémère, représentative de la pop culture de 2022.
La règle était simple : chaque minute, un pixel était adressé à l’un des participants connectés qui pouvait l’utiliser pour compléter sa création. Donc, plus les participants étaient nombreux, plus la taille des créations était restreinte. Le seul moyen de réaliser un visuel qui prenne de la place, c’était de s’allier.
Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin
Dans le pixel war, vous pouviez agir seul et espérer remplir un petit carré ou bien travailler de concert, en équipe pour construire une oeuvre majeure et plus visible.
Ce qu’on fait les français qui, se concertant, ont empli le coin inférieur gauche d’un immense drapeau, d’une représentation de l’Arc de Triomphe, d’un portrait de Zidane et d’un croissant.
Une telle place n’aurait pu être occupée par un acteur isolé, seule la force du collectif a contribué à imposer cette image pour la postérité.
La force du collectif, c’est de faire des choses plus grandes que ce qu’on aurait fait tout seul.
Voici une anecdote qui illustre à merveille notre sujet du jour. Abordons-le franco de porc, comme dirait Bérurier.
Un homme peu ordinaire
Un garçon formidable dont je parle souvent sur Sweet Home m’a mis le pied à l’étrier quand j’ai commencé à m’intéresser à l’habitat partagé.
Ce garçon s’appelle Stéphane Sauvé et c’est le fondateur de La Maison de la Diversité, une enseigne d’habitats partagés destiné aux seniors LGBT.
J’ai créé Sweet Home en décembre 2017, j’ai écrit mon premier article sur l’habitat inclusif en mars 2018, j’ai contacté Stéphane en avril 2018 et à ce moment là, il travaillait déjà sur son projet d’habitat partagé depuis 18 mois.
Nous sommes le 10 avril 2022 et la première maison de la Diversité ouvrira à Lyon dans plus d’un an.
Entre la formalisation du projet et sa concrétisation, 7 années se sont écoulées
Combien d’entrepreneurs auraient supporté leur projet pendant un plein septennat avec comme seule motivation la conviction qu’ils font le bien et l’espoir de concrétiser leur idée dans une réalisation hypothétique ?
Pas des masses.
C’est pour des personnes comme Stéphane que nous avons créé le collectif 150 000 en 2030.
Parce que tous les entrepreneurs qui se lancent dans l’habitat groupé pour seniors n’ont pas sa résilience... et parce qu’il y a urgence.
L’idée derrière le nom
Nous avons baptisé notre collectif 150 000 en 2030 en référence au chiffre clé du rapport Piveteau Wolfrom de juin 2020.
Ce document évalue à 150 000 le nombre de logements inclusifs qu’il faudrait ouvrir à horizon 2030 pour répondre à une demande croissante.
Nous pensons que 150 000, c’est le minimum syndical pour répondre à cette fameuse demande.
Le rapport Piveteau emet trois hyphothèses : la basse, la médiane et la haute. La basse est à 100 000, la médiane à 240 000 et la haute à 450 000. Les auteurs ont coupé la poire entre basse et médiane, en retenant un chiffre qui interpelle les professionnels, parce qu’il ne parait pas à la hauteur de la demande réelle.
Un chiffre anormalement bas
Nous avons interrogé Cyrille Billaud de KPMG sur la pertinence de ces chiffres. Selon ce spécialiste des questions sociales qui accompagne depuis plus de 15 ans les stratégies des acteurs privés et publics dans le champ de l’autonomie, les rapporteurs auraient choisi de communiquer sur l’hypothèse basse pour ne pas effrayer les pouvoirs publics ou échauder les derniers promoteurs de la suprémacie de l’Ehpad.
Il y a quand même un sous-jacent, non dit : L’habitat inclusif aura-t-il un effet négatif sur le taux d’occupation des établissements médico-sociaux.
C’est donc sur ce chiffre de 150 000, que se construisent toutes les politiques en faveur de l’habitat inclusif. Et ces politiques auxquelles la CNSA a adossé un train d’aides financières font un carton sur tout le territoire : selon un officiel haut placé de la CNSA, de nombreux projets voient le jour partout en France.
Helas, ce même officiel doute que la plupart de ces projets passent l’épreuve du feu 🔥
Le parcours du combattant de l’habitat inclusif 🪖
L’inclusion (sic) dans la loi donne à l’habitat inclusif un régime, des modalités de financement et inspire des porteurs de projets qui rêvent des maisons fleuries où ils pourront accueillir des groupes de seniors souriants, qui y seront tellement mieux que dans leur sinistre demeure glaciale où ils survivent chichement en attendant la mort.
Malheurement, l’ambition et l’enthousiasme de ces entrepreneurs se fracassent bien vite contre le mur de la réalité :
Recherche d’une commune accueillante,
Recherche d’un foncier bien placé et abordable,
Recherche de financeurs,
Recherche de clients,
Recherche des autorisations départementales indispensables,
Recherche de subventions,
…
Le parcours de l’entrepreneur en habitat inclusif est aussi ardu qu’un chemin de croix, aussi long que la quête du Graal et aussi périlleux que l’ascension de l’Everest en slip.
Au bout du compte, le résultat est le même que ce soir à la fermeture des bureaux de vote : beaucoup de candidats, peu d’élus. Sauf que ce ne sont pas les urnes qui les départagent, mais la difficulté de mener son projet à bien.
Et contrairement au couperet électoral qui limite à 2 le nombre de finalistes et à 1 le nombre de gagnants, il n’y a pas de numerus clausus pour l’habitat inclusif.
Pas de numerus clausus 🔢
Non, le seul couperêt, c’est la complexité à créer son habitat.
Pour détailler cette complexité, je donne la parole à la sociologue Anne Labit, spécialiste de l’habitat participatif, que j’ai interviewé à l’occasion du livre blanc de l’habitat inclusif réalisé pour Ages&Vie.
Le principal écueil réside dans la coordination des projets. Un projet qui fonctionne, c’est un projet qui est porté par un collectif d’acteurs qui ont travaillé en partenariat. Ces démarches d’ingénierie sociale sont complexes car vous devez faire travailler ensemble des acteurs issus d’environnements différents : des promoteurs, des élus, des architectes, des urbanistes, des habitants.
S’associer avec un bailleur social permet d’accueillir des publics moins argentés, mais le bailleur social n’a pas l’habitude de travailler en collaboration avec lees populations.
Une fois le projet livré viennent toutes les difficultés liées à la nature même de ce type de lieu. L’habitat inclusif et participatif, c’est avoir de l’entraide, utiliser des espaces communs. dès lors qu’on est un collectif qui s’autogère, qui décide ensemble, la divergence de vues est fréquente. Le collectif doit apprendre à communiquer, à prendre des décisions partagées. Des difficultés classiques en projet collaboratif.
C’est pas parce que ça a l’air sympa que c’est facile
C’est pourquoi, si nous voulons atteindre les objectifs ambitieux fixés par le rapport Piveteau, nous devons faciliter au maximum le travail de tous les entrepreneurs :
Ceux qui veulent trouver une solution pour leur commune, leur territoire ou leur famille.
Ceux qui veulent ouvrir des centaines de maisons partout en France.
Dans un cas comme dans l’autre, ils ne répondront qu’à une partie du besoin, qui est immense.
Et c’est ce qui nous pousse à leur proposer de se fédérer pour faire avancer le schmilblick à plusieurs et porter leurs revendications.
Tous les fondateurs sont différents et c’est ce qui fait la force de notre collectif.
Je pourrais les présenter en parlant des publics qu’ils veulent aider, mais l’exercice est réducteur. Ce qui est plus intéressant, c’est d’évoquer la philosophie qui les guide, le monde auquel ils rêvent.
Je rêve d’un monde…
Par exemple, Epic Coliving, un jeune projet de Nouvelle Aquitaine veut offrir aux seniors autonomes un lieu de vie convivial et amical.
A l’origine, deux frères, Sébastien et Benjamin Patat. Dirigeants d’un SAAD local dédié aux personnes âgées dépendantes, ils ont créé en 2020 un lieu d’accueil pour les boomers bordelais : l’Atelier de No Working. Installé dans le quartier Bacalan, à un jet de pierre de la Cité du Vin, cet atelier spacieux accueille les seniors Bordelais et leur propose des activités, de la convivialité, de l’apaisement et des rencontres.
C’est en dialoguant avec leurs clients que les deux frères construisent leur projet d’habitat partagé, Epic Coliving.
Leur idée ne vient pas de nulle part. Elle s’est forgée sur le terrain, au contact avec des gens qui pourraient être les futures habitants de l’habitat imaginé par Benjamin et Sébastien.
Ce sont des histoires comme celles-ci qui forgent l’identité de chaque projet.
Chacun des fondateurs du collectif pourrait vous conter les siennes. Elles ne sont pas toutes similaires, témoignage de la diversité des seniors que nous avons tendance à perdre de vue, imaginant que passé 80 ans, tout le monde entre dans le moule uniforme du grand âge.
Aidez-nous à faire grandir le collectif
Vous portez projet en habitat inclusif, partagé ou groupé. Que vous en ayez un seul, plusieurs ou pas encore, rejoignez les 12 acteurs du collectif (vous m’écrivez, c’est moi qui gère le bureau de recrutement).
Le site est ici : https://c150.fr
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Revue de presse :
Article paru dans Le Parisien le 6 avril 2022
Article paru dans Challenge le 31 mars 2022
Article paru dans le JDD le 3 avril 2022