C'est la panique à Mionnay en Dombes !
Le torchon brûle entre le conseil municipal et son bailleur social, la Semcoda. En 2019, le bailleur s'était vu confier la construction d'une résidence senior qu'il a unilatéralement décidé de transformer en habitat intergénérationnel, mettant la mairie devant le fait accompli.
Pour se justifier, la Semcoda explique qu'elle aurait eu toutes les peines du monde à louer les 12 T4 de 90 mètres carrés à des seniors vivant seuls qui privilégient les T1 et les T2. C'est donc dans un souci de rentabilité, mais aussi pour répondre à la demande de ses locataires que le bailleur social a pris la décision de changer de braquet et de proposer ses appartements à des citoyens de tous âges.
La mairie s'offusque d'être mises devant le fait accompli, mais on pourrait effectivement demander à Monsieur le maire comment il comptait remplir cet immeuble de 60 appartements avec uniquement des seniors alors que sa commune compte 2184 habitants. Tous les vieux Mionnezans avaient-ils décidé d'emménager aux Jardins de Carrel ?
On est en droit d'en douter, attendu que la plupart des vieux souhaitent avant tout vieillir dans leur maison.
Interrogé, l'édile justifie sa réticence par une formule bien à lui :
On connaît la limite de ce genre de cohabitation. C'est le chic-ouf.
Sous-entendu, quand les grands-parents voient arriver leurs petits-enfants, ils s'enthousiasment, "chic !", mais poussent un "ouf !" de soulagement quand cette même jeunesse... repart.
Sauf qu'il existe une différence entre les petits enfants qui viennent passer les vacances chez papi et mami et un immeuble où les appartements sont occupés par des locataires de tous âges.
Monsieur le maire essayerait-il de cacher la 💩 du chat ?
Cet argument sur les grands parents ne semble pas être la vraie raison qui pousse le conseil municipal à crier à l'imposture. Dans une pétition lancée sur le site Change, le "collectif des citoyens de Mionnay" s'inquiète de l'impact de la requalification en logement social sur la vie du village, la circulation et la sécurité.
Tandis que certains dénoncent les ravages de l'agisme, les Mionnaizans craignent plutôt le fléau de la jeunesse !
Mais laissons ces querelles de clocher de côté et revenons à nos 🐑
Ce qui m'interpelle, c'est qu'une mairie ait pu penser qu'un bailleur social soit l'organisme le plus qualifié pour construire une résidence services seniors. Parce que - soyons clair - ce n'est pas son métier. Son métier, c'est de construire et distribuer du logement social.
Si le bailleur avait été plus au fait du marché des seniors, aurait-il accepté de construire une résidence de 60 appartements dans une commune rurale, sachant que la zone de chalandise de ce type d'établissement tourne autour de 20 kilomètres ?
Mis à a part les habitants de la commune, leurs parents âgés vivant loin et les amateurs de cuisses de grenouilles, peu de vieux ont envie de venir habiter à Mionnay en Dombes.
Non, franchement, rendons justice à la Semcoda, le projet n'était pas réaliste. Sans compter que le marché de la résidence pour senior vit une période troublée.
Le marché de la résidence vit une période troublée
D'un côté, les résidences autonomie (ex logement foyers) subissent de plein fouet la concurrence des résidences services et peinent à faire le plein.
De l'autre, les résidences services seniors (privé commercial) qui ont poussé comme des champignons dans certaines villes ont également du mal à se remplir, ce qui inquiète d'ailleurs les élus locaux.
Et au milieu de tout ça, les porteurs de projets d'habitat inclusif ont le vent en poupe, vu que le gouvernement semble être tombé amoureux de cette formule (sans parvenir à la définir précisément).
Dans ce contexte, les pros de l'habitat collectif senior espèrent l'imminence de cette "vague grise" correspondant à l'entrée des boomers à l'âge de la fragilité. C'est ce qui explique que tant de nouveaux projets voient le jour alors même que le parc actuel est loin d'être saturé.
Pour l'heure on peut comprendre qu'un bailleurs social ne souhaite pas prendre le risque d'une résidence dédiée aux seniors qui serait aux trois quarts vide alors même qu'il est submergé de dossiers de demandes de logements émanant de publics plus jeunes.
Que devez-vous retenir de ce fait divers au pays des grenouilles ?
Quatre enseignements :
Dans un projet d'habitat collectif senior, il est plus facile de travailler avec la mairie que pour la mairie. Gardez le contrôle.
Les élus locaux sont bien conscients du phénomène de vieillissement de leur population et ils sont demandeurs de solutions pour y remédier.
Le bailleur social, n'est pas toujours l'interlocuteur le plus pertinent pour de l'habitat senior ou de l'inclusif.
Dans tout projet pour les seniors, vous devez chercher à associer les futurs clients afin de couper court aux fantasmes. Vous pourrez ainsi monter votre projet en fonction des besoins réels de votre marché.