❤️ Les aidants font-ils partie de la Silver Économie ?
Aider les aidants, c'est aider les aidés ?
La dixième journée nationale des aidants s'est tenue la semaine dernière - le 6 octobre - et si l'on peut saluer le succès médiatique de cet événement, le moment me semble approprié pour poser une question qui me taraude depuis des années :
Les aidants sont-ils un sujet de Silver économie ?
J'ai demandé l’avis d’un entrepreneur qui développe un dispositif de care management pour les aidants et il ne considère pas que son business fasse partie de la Silver économie.
J’ai interviewé Thierry Calvat, le créateur de la journée nationale des aidants, co-fondateur du cercle Vulnérabilité et Société et il m’a tenu le même discours.
Et pourtant, les aidants sont indéniablement présents dans la Silver Économie. Soit directement, avec des services qui leur sont destinés, soit indirectement, quand les entreprises les ciblent pour leur vendre des services destinés aux seniors. Soit par effet de bord, puisqu’ils sont présents auprès des vieux dépendants et que donc, il font partie du tableau.
Cible indirecte
Les gens “de l’extérieur” perçoivent la Silver économie comme le marché des plus de 60 ans. Celui dans lequel on range tous les dispositifs qui concernent les personnes âgées. Et comme les startup qui n'arrivent pas à vendre aux seniors se tournent vers les aidants en espérant que ces derniers sauront à leur tour convaincre leurs parents, il est tentant d'imaginer que les aidants font partie de la Silver économie, que la Silver Économie doit aider les aidants et que les startup qui aident les aidants font donc partie de la Silver Économie.
C’es quoi le problème ?
Si vous vendez aux aidants un produit pour les aidés, cela va influencer le design de votre produit, ses fonctionnalités et sa finalité.
Si votre produit ou service est destiné aux vieux, c’est à eux et eux seuls que vous devriez penser pour bâtir votre offre. Et si vous rencontrez des difficultés pour les persuader, c’est soit que votre produit ne répond pas à leur besoin, soit que vous n’avez pas identifié le bon segment de consommateurs.
Comme les fabricants de jouets avec les enfants !
Un fabricant de jouet conçoit des produits que les enfants adorent. Il en fait la promotion sur les canaux d’acquisition que les enfants fréquentent. Il laisse aux enfants le soin de persuader leurs parents. Il ajoute quelques arguments pédagogiques ou de santé pour rassurer les parents : fabriqué en France, recommandé par les médecins, bon pour la motricité, etc…
Si ce fabricant de jouet échoue à persuader un enfant que son produit est génial, ce n’est pas en persuadant les parents qu’il contournera l’écueil.
Pensez à tous ces jouets que VOUS avez acheté pour des raisons qui VOUS semblaient les bonnes et qui n’ont jamais attiré votre marmot, ne serait-ce qu’une demi minute.
Pourquoi pensez-vous que ça serait différent si vous achetez à la place d’un parent âgé un produit ou service qui vous a séduit ?
Il y a justement un domaine dans lequel cette stratégie de vente indirecte fait flores ces temps-ci, ce sont les systèmes d’actimétrie.
Actimétrie, Kesako ?
Les dispositifs qui analysent vos routines, sont capables de détecter une rupture dans votre train train, l’interpréter comme une anomalie et prévenir vos aidants.
Les systèmes d’actimétrie qu’on vend aux aidants
Ces dispositifs existent en BtoB pour aider les soignants professionnels en EHPAD à gérer leurs résidents malgré le sous-effectif. Ils se développement aussi à domicile, à destination des aidants familiaux qui souhaitent garder un oeil bienveillant - mais distant - sur leur parent âgé. Les systèmes d’actimétrie vous enverront une notification pour signaler que :
Mamie Madeleine s'est levée à la même heure que d'habitude
Mamie Madeleine a ouvert trois fois son frigo, comme d'habitude
Mamie Madeleine a bien tiré la chasse après avoir ouvert trois fois son frigo et elle n'a pas passé plus de temps que d'habitude aux toilettes...
Dans la Agetech Database, on a sourcé 21 startup qui proposent de l’actimétrie, dont plus des deux tiers en B2C. Et la plupart le vendent avec des arguments orientés vers les besoins des aidants, pas des aidés.
Ce choix de distribution influence les choix de conception
Même si les concepteurs pensent que l’actimétrie va aider les seniors, en ciblant les aidants, ils sont amenés à créer des systèmes qui répondent aux besoins des aidants. L’idée pivote avec le business model. Le système n’aide pas le senior à bien vieillir, il aide l’aidant à s’assurer que tout va bien, sans avoir besoin de passer un coup de fil ou rendre une petite visite.
La mission
Nous - acteurs de la Silver Économie - devons concentrer notre énergie sur l’adaptation de la société au vieillissement. Et donc rechercher des systèmes qui préparent les seniors d’aujourd’hui et de demain à une vie longue, heureuse et autonome.
Si vous vous concentrez sur les aidants, vous ne traitez pas le besoin des seniors, mais le problème de l'allègement des difficultés des aidants. En outre, vous percevez trop souvent l’aidant à travers son rôle de care, alors que le rôle de l’aidant, c’est bien plus que cela.
Les rôles de l’aidant
Je vous renvoie aux quatre interviews de Thierry Calvat que j’ai réalisé pour Audiens.
Cet expert est le plus qualifié pour expliquer le rôle des aidants auprès de leur aidé.
Le bon combat
Bien sûr, on devra toujours soutenir les aidants car ils jouent un rôle clé, mais le combat pour la souveraineté des seniors ne peut pas être le combat pour le bien être des aidants.
Il doit être le combat pour aider les seniors en adaptant notre société au phénomène de son vieillissement.
Et il y a du boulot.
Comme le dit Nicolas Menet dans l'interview qu'il m'a accordé en juin dernier,
Je m’adresse aux start-up qui se créent : regardez attentivement ce qui existe parce que si vous réinventez l’eau chaude ou répondez à un micro-besoin, votre projet est mort-né. Mais vous associer, composer des PME avec des plateformes de services complètes, voilà ce qui intéresse les investisseurs. Formez-vous à l’innovation au sens large et à la gestion au-delà de votre produit.
ça, c'est pour faire la transition avec mon édito de dimanche prochain où je vous parlerai d'innovation en essayant de répondre à une épineuse question :
"Si ça existe déjà, est-ce une innovation ?"