đž Retraite : faut-il supprimer les rĂ©gimes spĂ©ciaux ?
Et enfin abolir ce scandaleux privilĂšge !
Lundi dernier, le PrĂ©sident Macron a annoncĂ© la reprise de la rĂ©forme des retraites Ă la fin de lâĂ©pidĂ©mie.
Cette nouvelle a bien sĂ»r enflammĂ© lâOpinion, mais la grogne a vite dĂ©viĂ© sur lâautre annonce du PrĂ©sident, Ă propos du Pass Sanitaire.
Les deux annonces sont liĂ©es puisque câest la fin de lâĂ©pidĂ©mie qui conditionne la rĂ©forme des retraites.
Le pass vaccinal nâest pas notre sujet.
La retraite oui.
Aujourdâhui, la retraite constitue un changement majeur dans la vie dâune personne.
Câest le moment oĂč on devient âun vieuxâ aux yeux de lâEtat, de vos anciens collĂšgues, de votre employeur et de la sociĂ©tĂ© dans son ensemble.
Câest un changement de statut social, de rĂŽle dans la sociĂ©tĂ©.
Câest aussi un changement Ă©conomique puisque le retraitĂ© passe du statut de producteur de richesse Ă celui de consommateur de richesse.
Hier, vous Ă©tiez un actif contributif, dĂ©sormais vous ĂȘtes un poids !
Ce changement aura un impact majeur sur la capacité du retraité à assurer son autonomie financiÚre.
Si vous ne produisez plus de richesse, vous nâavez plus la possibilitĂ© d'augmenter vos entrĂ©es dâargent. Votre seul horizon, câest la pension de retraite et vous nâavez aucun levier pour en faire varier le montant. Pire, lâEtat peut dĂ©cider unilatĂ©ralement de vous pĂ©naliser en gelant lâĂ©volution des pensions ou en augmentant vos prĂ©lĂšvements obligatoires.
La rĂ©forme des retraites : tout le monde sâaccorde sur sa nĂ©cessitĂ©, mais personne sur ses modalitĂ©s.
Comment réformer les retraites
Pour réformer les retraites, les pouvoirs publics agissent sur trois leviers :
Retarder le moment de la retraite
Augmenter les cotisations
Diminuer les pensions
Et le problĂšme de toute rĂ©forme des retraites, câest la justice sociale. Quel que soit le mix retenu, il sera forcĂ©ment dĂ©favorable Ă une partie des citoyens et ne sâappliquera pas Ă©quitablement entre tous.
Et donc, si une majoritĂ© de citoyens est favorable Ă une rĂ©forme des retraites - depuis le temps quâon leur serine que les rĂ©gimes sont en pĂ©ril - ils sont tout aussi majoritairement opposĂ©s Ă un allongement des carriĂšres.
En clair, il faut rĂ©former en pĂ©nalisantâŠ. lâautre.
Dans un tel contexte, agiter le hochet de la justice sociale en supprimant les rĂ©gimes spĂ©ciaux, câest montrer patte blanche pour pouvoir - demain - rĂ©former les autres rĂ©gimes.
Supprimer les rĂ©gimes spĂ©ciaux, câest une rĂ©forme facile, qui ne pĂ©nalise quâune petite partie de la population, perçue comme privilĂ©giĂ©e puisquâelle a le droit de partir Ă la retraite avant les autres.
MĂȘme si lâimpact est minime, cela permet dâengager la rĂ©forme en commençant par un sujet simple.
Comprendre les régimes spéciaux
Je vous propose dâaller au fonds des choses pour comprendre - vraiment - en quoi consiste la rĂ©forme des rĂ©gimes spĂ©ciaux et ce quâelle reprĂ©sente pour les bĂ©nĂ©ficiaires de ces rĂ©gimes.
Nous allons nous concentrer sur le rĂ©gime des cheminots de la SNCF. MĂȘme si ce nâest pas le seul rĂ©gime spĂ©cial, câest sans doutes le plus emblĂ©matiqueâŠ. et il se trouve que jâavais Ă©crit un article dessus en 2018, quand le gouvernement avait - dĂ©jĂ - annoncĂ© sa suppression.
Cet article, je vous le partage aujourdâhui ici đ
Le statut de cheminot đ
Nos arriĂšre-arriĂšre-grands-parents ont vĂ©cu Ă une Ă©poque oĂč le travail des cheminots Ă©tait trĂšs difficile et fatigant. Ils devaient rĂ©aliser beaucoup de choses Ă la force des bras.
Câest pourquoi lâEtat leur a accordĂ© un statut qui les protĂšge et compense les difficultĂ©s de leur travail par des avantages. Ils bĂ©nĂ©ficient notamment dâun rĂ©gime de retraite spĂ©cial. Les cheminots peuvent partir Ă la retraite plus tĂŽt que la majoritĂ© des employĂ©s français (52 ans pour les roulants, 57 ans pour les sĂ©dentaires).
Leur retraite est calculĂ© sur le dernier traitement et les trois derniĂšres ou les trois meilleures annĂ©es de la prime de traction. Le traitement câest le salaire de base brut sans les primes et la prime de traction câest la prime pour le nombre de kilomĂštres parcourus par mois.
La vĂ©ritĂ© sur la retraite des cheminots đ
Aujourdâhui peu de cheminots peuvent partir Ă 52 ans car ils sont pĂ©nalisĂ©s par une mĂ©canisme de dĂ©cote qui fait fortement baisser leur pension de retraite sâils ne cotisent pas suffisamment. Si les plus ĂągĂ©s peuvent espĂ©rer partir avant 58 ans, tous les jeunes cheminots seront obligĂ©s de cotiser autant de trimestres que dans le rĂ©gime salariĂ© pour toucher une retraite Ă taux plein.
Prenons un exemple :Â
Jean-Marc est nĂ© en 1968. LâĂąge auquel il peut partir car il a atteint le niveau de cotisation minimum autorisant la prise de retraite câest 50 ans et 8 mois. On parle dâĂąge pivot. Mais sâil part Ă 50 ans, il est pĂ©nalisĂ© par une dĂ©cote. Pour Jean-Marc, la dĂ©cote reprĂ©sente 490 euros par mois. Il a donc dĂ©cidĂ© de travailler jusque Ă 54 ans et deux mois pour annuler la dĂ©cote mais il sera quand mĂȘme pĂ©nalisĂ© car sâil voulait avoir sa retraite Ă taux plein, il devrait continuer Ă travailler jusque Ă 58 ans.
Pourquoi câest embĂȘtant que les cheminots aient un rĂ©gime de retraite spĂ©cial ?
En France, les actifs financent la retraite des retraités.
A la SNCF, les cheminots actifs cotisent pour payer leurs retraités. Au milieu du vingtiÚme siÚcle, quand le régime de retraite des cheminots a été mis en place, il y avait moins de retraités. Et compte tenu des conditions de travail, ils ne vivaient pas trÚs vieux.
Aujourdâhui câest diffĂ©rent : les gens vivent beaucoup plus longtemps. Et comme la SNCF a besoin de moins de cheminots, il y a trop cheminots retraitĂ©s pour que les cotisations payĂ©es par les cheminots en activitĂ© suffisent pour payer les retraites de leurs anciens collĂšgues.
La SNCF demande donc Ă lâEtat de lâaider et quand lâEtat a besoin dâargent, il le prend aux français en leur faisant payer des impĂŽts. Alors, depuis plusieurs annĂ©es, la retraite des cheminots est payĂ©e par tous les français, qui ont lâimpression de payer deux fois : une fois en achetant leur billet de train et une deuxiĂšme fois en payant leurs impĂŽts.
Et malgrĂ© cela, la retraite des cheminots, et plus gĂ©nĂ©ralement leur statut, coĂ»te trĂšs cher Ă la SNCF. LâEtat pense que sans ces dĂ©penses, la SNCF serait plus compĂ©titive et câest pour cela quâils veulent supprimer le statut de cheminot pour les nouveaux embauchĂ©s.
Mais, les cheminots ne sont pas du mĂȘme avis. Ils estiment que lâEtat nâa pas le droit de les priver de leur statut.
La vraie peur des cheminots
Le statut de cheminot ne se limite pas Ă ses avantages. Câest un ciment qui unit ceux qui en bĂ©nĂ©ficient. Les cheminots partagent un mĂ©tier, un outil de travail, une culture ouvriĂšre, une histoire, un hĂ©ritage, un sens du service, des valeurs et une vision commune.
Câest une corporation qui a peur de disparaĂźtre et de perdre son identitĂ©. Si lâEtat dĂ©cide quâil nây aura plus de nouveaux cheminots, la corporation va se rĂ©duire au fur et Ă mesure des dĂ©parts en retraite, perdant un peu de son aura et de son Ă©norme influence dans le fonctionnement de la SNCF.
Par exemple, les cheminots ne pourraient plus faire peser la menace dâune grĂšve paralysante pour faire passer leurs revendications. Les cheminots pensent quâune fois le statut supprimĂ©, ils pourraient avoir Ă subir les mĂȘmes pressions que les employĂ©s de France TĂ©lĂ©com Ă la crĂ©ation dâOrange, les ouvriers mĂ©tallurgistes aprĂšs le rachat dâArcelor par Mittal et toutes les industries victimes des dĂ©localisations de lâoutil de travail.
Et quoiquâils en disent, en supprimant le statut, ce que souhaitent la direction de la SNCF et lâEtat câest avoir les coudĂ©es franches pour libĂ©raliser le marchĂ© du rail.
La vraie raison de la réforme du statut
Sous couvert de lâouverture des marchĂ©s, il sâagit en fait de rĂ©duire les avantages sociaux consentis aux cheminots, incarnation dâun des derniers bastions ouvriers, dans lâespoir dâexacerber la concurrence ainsi que de faire baisser les coĂ»ts et rĂ©duire les tarifs pour les clients industriels et les voyageurs les plus solvables.
Le gouvernement a dĂ©cidĂ© dâintervenir pour aider la SNCF Ă sâen sortir avec son Ă©norme dette de 50 milliards dâeuros.
Or, cette dette nâest pas imputable au seul rĂ©gime de retraite des cheminots. Câest surtout la consĂ©quence de la politique de dĂ©veloppement du TGV. Cette dette va ĂȘtre prise en charge par lâEtat, donc par les contribuables. LâEtat estime que les cheminots doivent faire un effort pour rééquilibrer les comptes de leur entreprise.
Et cet effort, câest la suppression du statut et du rĂ©gime spĂ©cial de retraite.
Câest quoi le problĂšme avec lâautonomie financiĂšre des seniors?
Que vous soyez cheminot, employĂ©, cadre ou dirigeant salariĂ©, une fois Ă la retraite, vos revenus nâaugmentent plus. Si votre pension est insuffisante pour couvrir votre train de vie et vos petits extra, vous grignotez lentement, mais sĂ»rement vos Ă©conomies. MĂȘme sans envisager une maladie invalidante ou un emmĂ©nagement dans une Ehpad privĂ© Ă 5000 euros par mois, vous devez planifier votre existence en fonction de ressources limitĂ©es et qui nâaugmentent plus.
Si vous dĂ©cidez dâacquĂ©rir une meuliĂšre Ă Chatou, un T2 aux Sables dâOlonne ou un tour du monde en voilier, vous ne pouvez pas souscrire de crĂ©dit auprĂšs de votre banquier prĂ©fĂ©rĂ© pour financer cette dĂ©pense.
MĂȘme si vous avez une belle retraite. MĂȘme si vous ĂȘtes en bonne santĂ©. MĂȘme sâil vous reste suffisamment dâannĂ©es de vie pour payer les mensualitĂ©s.
Donc, aujourdâhui en France, la retraite marque la fin du travail, mais aussi la fin du crĂ©dit.
Enfin, pas pour tout le monde. Si vous ĂȘtes propriĂ©taire dâun bien immobilier, vous pouvez lâengager pour percevoir une compensation financiĂšre.
Et comme 7 retraitĂ©s sur 10 sont propriĂ©taires de leur logement, ils bĂ©nĂ©ficient dâun moyen de financer la meuliĂšre Ă Chatou, le T2 aux sables dâOlonne ou le tour du monde en voilier !
Rendez-vous la semaine prochaine pour découvrir ces merveilleuses possibilités.

