Cette semaine, j'ai été profondément marqué par la tribune écrite par le président de la Fedesap, Amir Reza-Tofighi dans Le Telegramme. L'auteur y déplore la décision du conseil départemental du Finistère de réserver le versement de la prime Covid aux intervenants à domicile travaillant dans le secteur associatif. Le Finistère est le seul département à appliquer cette préférence idéologique.
Ce qui heurte ma sensibilité d'entrepreneur, dans cette position démagogique du département Breton, c'est cette façon de catégoriser les projets selon des critères subjectifs. Comme si une association était par essence plus vertueuse qu'une entreprise.
Or, cette situation n'est pas un cas isolé.
Les entreprises qui cherchent à travailler avec l'Etat ou les collectivités publiques doivent montrer patte blanche pour abattre la perception négative qu'ont leurs interlocuteurs du monde de l'entreprise privée commerciale. Et essuyer des remarques acerbes, des petites phrases blessantes et des refus cuisants justifiés par la seule forme de leur entreprise.
Pourtant, la somme des points communs aux acteurs engagés dans l'adaptation de la société au vieillissement est bien supérieure à la somme de leurs différences.
Les réserves de leurs interlocuteurs reposent sur des intersubjectivités. Un ensemble de règles, de codes, de croyances ancrées en profondeur.
Intersubjectivités
Dans son essai Homo Deus : une brève histoire de l'avenir, l'historien Israéliens Yuval Noah Harari explique le succès de l'humanité - un développement bien plus rapide et massif que n'importe quelle autres espèce peuplant notre planète - par la capacité des humains à créer des groupes de très grande taille régis par des règles subjectives.
Petites dents, petits muscles, absence de fourrure et de griffes : pris isolément, l'homme n'est pas l'animal le plus prédisposé à la survie. C'est sa capacité à créer des organisations de milliers d'individus - voire plus - qui le rend aussi fort.
Il y a une limite : un groupe d'homme ne peut excéder une certaine taille sans l'appui de croyances et de règles qui vont structurer sa croissance.
150 personnes, c'est la limite du nombre d'individus que chacun d'entre nous est en mesure de connaitre suffisamment pour leur faire confiance.
Pour dépasser cette limite, créer des peuples, des villes, des royaumes et des empires, l'homme a besoin de construire ce que l'auteur appelle des intersubjectivités.
Ce sont les histoires et croyances, les organisations complexes et les corpus de règles qui les structurent qui soudent les relations des groupes de grande taille.
Par exemple, les mythes fondateurs, religions, traditions, croyances et leur représentation physique. Mais aussi les nations, les idéologies politiques, les philosophies ou même l'argent.
L'auteur explique :
" L’argent n’a pas de valeur objective. Un dollar ne se mange pas, ne se boit pas et ne se porte pas. Pourtant, tant que des milliards de gens croient en sa valeur, on peut s’en servir pour acheter de la nourriture, des boissons et des vêtements."
Pluralisme
Vous vous en doutez, tous les individus ne partagent pas les mêmes intersubjectivités.
En outre, avec la mondialisation, la digitalisation des échanges et un monde de plus en plus ouvert et complexe, il devient de plus en plus difficile de savoir à quel saint se vouer.
Qui croire.
Comment être certain que cette personne qui me propose son aide ou me demande un service est digne de confiance ?
Action
Dans notre action quotidienne, nous oeuvrons tous à consolider les intersubjectivités qui donnent un sens à notre engagement.
Et nous avons besoin de tisser des liens avec d'autres organismes qui croient en d'autres intersubjectivités.
Pour y parvenir, nous devons apporter des preuves de compatibilité.
Si je veux rentrer dans les bonnes grâces d'une individu ou d'un groupe, je dois donner la preuve de notre compatibilité.
Comme la bonne bouteille que vous apportez au dîner chez vos beaux parents.
Comme le costume que vous endossez pour aller demander un prêt à votre banquier.
Comme les photos de vacances que vous postez sur Facebook en recherchant l'approbation de votre tribu.
Montrer patte blanche
Dans notre monde si compliqué, les intersubjectivités sont si imbriquées, les demandes si nombreuses et le temps si précieux, que je dois donner à mon interlocuteur un gage de compatibilité qui lui fera gagner du temps.
Qui l'aidera à prendre une décision raisonnée, reposant sur un critère moins subjectif que son seul jugement, ses seules émotions.
Illustration par l'exemple
Vous êtes entrepreneur et vous développez un projet à vocation commerciale qui profite aux citoyens d'un territoire et pour lequel vous cherchez l'approbation ou l'aide des collectivités publiques locales. Vous vous heurtez à des réserves, des blocages.
Pour les contourner, quatre possibilités s'offrent à vous :
Créez une structure qui soit idéologiquement compatible avec vos interlocuteurs. Autrement dit, choisissez un statut social non lucratif.
Développez votre offre directement auprès des citoyens, sans rechercher l'approbation ou l'aide des collectivités publiques.
Trouvez des interlocuteurs compatibles et démontrez votre compatibilité en y passant le temps qu'il faut.
Créer une structure commerciale, mais obtenez des labels, choisissez un statut ou prenez des engagements qui donnent à vos interlocuteurs des preuves de votre légitimité.
Le premier choix est un mauvais choix. Si vous êtes entrepreneur, vous ne devez pas créer une structure à vocation commerciale sous forme associative. C'est juridiquement réalisable, mais la somme des contraintes est bien supérieure à l'avantage de pouvoir dialoguer avec des collectivités publiques.
Le deuxième choix est le choix de la raison, mais dans l'écosystème de la longévité, il peut se heurter au déni. C'est possible, mais cela demande beaucoup d'énergie, de temps et de moyens.
Le troisième choix semble être le plus pertinent. Les collectivités publiques ne sont pas les seuls interlocuteurs institutionnels qui puissent vous ouvrir les portes d'un marché local. D'autres organismes bien implantés peuvent aussi y contribuer. Si une petite structure de la Silver économie cherche à percer localement, elle devrait s'attacher les bonnes grâces d'un organisme qui peut l'épauler dans sa croissance.
Je vous parlerai de cette option plus en détail dans ma lettre de la semaine prochaine.
Le label de vertu
Le quatrième choix peut aussi être un bon choix, si tant est qu'il reflète vos convictions profondes et n'est pas juste un habit de circonstance... qui ne fait pas le moine.
Certifications diverses, agrément ESUS, entreprise à mission, B Corp, etc. Les intersubjectivités qui donnent à une entreprise commerciale le vernis qui plait aux élus idéologues sont nombreuses.
Pour y voir plus clair, nous avons étudié les agréments en vogue afin de vous aider à choisir le plus adapté à vos besoins - ou à ne pas choisir, justement !
C’est à lire sur Sweet Home :