Comment ne pas vendre dans la Silver économie : continuez à dire "perte d'autonomie" quand vos clients cherchent "dépendance"
Réconciliez vocabulaire bienveillant et réalité des recherches : la stratégie des deux temps.
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Dans mon essai de dimanche dernier, Every body knows EHPAD, j'analyse pourquoi, sur Tik Tok, les vidéos sur l'EHPAD ont plus de succès celles portant sur d’autres thèmes, moins identifiés, de la Silver économie.
Dans un contexte de communication grand public, j’en conclus que EHPAD est le meilleur mot-clé pour introduire vos services (s’ils ont un rapport avec l’EHPAD, même lointain).
Vous avez été nombreux à apprécier cette analyse et un commentaire d'abonnée m'a fait réaliser que ce principe s'applique bien au-delà du seul secteur de l'hébergement.
(…) C'est aussi un sujet quand on veut parler de nutrition si tu n'utilises pas le mot « perte de poids » tu attires moins l'attention alors que la prévention et la santé n'est plus une question de poids. - Aline Victor, nutritionniste
Stimulé par ce second exemple, j'ai voulu creuser :
y a-t-il d'autres thèmes où le "bon" terme marketing n'est pas forcément le terme le plus politiquement correct ? Et répondre à LA grande question :
Comment adopter le bon wording pour vos clients ?
Le test implacable de Google Trends
J’ai attaqué dans le dur en comparant "dépendance" versus "perte d'autonomie".
Dans nos cercles professionnels, on nous répète qu'il faut éviter le mot "dépendance" - jugé trop négatif, stigmatisant. À la place, nous devrions privilégier "perte d'autonomie", plus respectueux et bienveillant.
Voyons ce qu'en pensent les internautes...
Google Trends - cet outil qui mesure la popularité des termes de recherche au fil du temps - montre que, depuis 2020, "dépendance" (courbe rouge) domine largement "perte d'autonomie" (courbe bleue) dans les recherches des internautes français. Ratio moyen : 4 pour 1.
Concrètement : quand 100 personnes cherchent des informations sur ce sujet, environ 80 tapent "dépendance" et seulement 20 tapent "perte d'autonomie".
Interrogez-vous : devez-vous privilégier l'intention louable ou la réalité des recherches ?
Ce que révèlent les vraies recherches
Prolongeons cette analyse en étudiant, pour les secteurs clés de la Silver économie, l’écart entre les bons termes et les vrais termes (ceux utilisés par vos clients quand ils font une recherche Google).
Il y a toujours deux raisons pour faire quelque chose, une bonne raison et la vraie raison - Dale Carnegie, pionnier du développement personnel
1. Santé & prévention
Les bonnes ❌
"préservation des capacités cognitives"
"maintien de la vitalité"
"prévention du déclin fonctionnel"
Les vraies ✅
"dépendance parent âgé"
"incontinence personne âgée"
"prévenir les chutes seniors"
"mémoire Alzheimer début"
2. Habitat & logement
Les bonnes ❌
"habitat partagé intergénérationnel"
"solutions de logement innovantes"
"résidences services nouvelle génération"
Les vraies ✅
"maison de retraite pas chère"
"EHPAD près de [ville]"
"résidence senior prix"
"alternative à l'EHPAD"
3. Technologies & services connectés
Les bonnes ❌
"solutions de sécurité respectueuses"
"assistance intelligente personnalisée"
"écosystème connecté pour l'autonomie"
Les vraies ✅
"bracelet alarme chute personne âgée"
"téléassistance senior"
"caméra surveillance parent âgé"
"géolocalisation Alzheimer"
4. Nutrition & repas
Les bonnes ❌
"plaisir de manger retrouvé"
"nutrition bien-être"
"expérience culinaire adaptée"
Les vraies ✅
"perte de poids personne âgée"
"dénutrition senior"
"refuse de manger maison de retraite"
Pourquoi ce décalage existe-t-il ?
C’est une question de fréquence et d’intensité d’exposition. Vous et moi, nous baignons dans ces sujets. Nous avons donc développé des champs lexicaux riches et nous reconnaissons les nuances du wording. Vos clients n’ont pas cette connaissance étendue, c’est comme si vous étiez un doctorant et eux des étudiants de première année. Vous devez donc vous mettre à leur niveau si vous ne voulez pas sembler pédant et hors sol.
Pour hameçonner vos clients, mettez-vous à leur niveau. Parlez comme eux. Avec leurs mots. Les familles décrivent ce qu'elles voient, ressentent, redoutent. Leur vocabulaire est plus direct, moins policé, mais il reflète leur réalité immédiate.
Ce langage technique et bienveillant, vous pouvez le conserver pour vos échanges professionnels et la discussion avec des personnes un peu plus averti, y compris vos clients, quand vous les aurez hameçonnés avec “leurs mots” et convertis à “votre vocabulaire”.
C’est ce que j’ai appelé : La stratégie des deux temps
La stratégie des deux temps
Une approche pragmatique pour réconcilier ces deux logiques :
Premier temps - La connexion : Utilisez les termes que recherchent vos prospects
Dans vos titres, mots-clés SEO, accroches publiques
Objectif : être trouvé par ceux qui cherchent une solution
Deuxième temps - L'accompagnement : Reformulez avec votre vocabulaire professionnel
Dans votre discours, vos explications, vos propositions
Objectif : rassurer et proposer une approche respectueuse
Exemple pratique :
Titre d'article : "Dépendance des personnes âgées : 7 signaux d'alerte à surveiller"
Développement : "Comment accompagner la perte d'autonomie de vos proches avec bienveillance"
Vous captez l'attention avec le terme recherché, vous développez avec votre approche professionnelle.
Quelques observations de terrain
Cette réflexion m'a rappelé plusieurs situations observées :
Des sites web qui parlent d'"optimisation du parcours de vie senior" mais que personne ne trouve sur Google.
Des startups innovantes qui peinent à expliquer leur valeur ajoutée parce qu'elles évitent soigneusement les mots que connaissent leurs prospects.
Des résidences qui se positionnent sur l'"art de vivre intergénérationnel" alors que leurs prospects cherchent une "alternative EHPAD".
Ces exemples montrent des bonnes intentions qui ratent leur cible. Sans connexion directe avec le vocabulaire de vos clients, même les meilleures solutions restent invisibles.
Une question d'équilibre
Cette analyse ne critique pas les efforts pour utiliser un vocabulaire bienveillant. Elle propose simplement d'être plus direct dans votre communication.
Gardez vos valeurs et votre respect, mais acceptez que vos clients utilisent des mots plus crus pour exprimer ce qu'ils cherchent.
Pas besoin de choisir entre bienveillance et efficacité - adaptez votre langage selon la situation.
Le meilleur service à rendre?
Être trouvé quand quelqu'un cherche de l'aide, tout simplement.
C’est à vous
À votre tour : sortez vos propres exemples de "mots moches mais efficaces" vs "mots jolis mais invisibles". Les commentaires n'attendent que vos histoires de terrain.
Exactement ce que je disais dans un précédent post où les diets ne veulent pas utiliser le mot « perte de poids » pour ne pas stigmatiser et être jugé de grossophobie mais en entendant les coachs et naturopathe nous piquent le job car eux « happent » leur client avec ce que les gens recherchent