Comment passer d'illuminé du yoga à prophète de la prévention (sans finir dans un monde à la Huxley)
Pourquoi vos efforts individuels de prévention sont (presque) inutiles tant que vous ne pensez pas collectif
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je vous présente mon idée d’un parcours préventif depuis la pratique individuelle jusqu’à la normalisation.
J’illustre l’idée avec des études de cas et j’essaie de répondre à LA grande question : Comment transformer un usage de prévention individuelle en phénomène de société (comme le yoga) ?
Dimanche dernier, je vous ai montré comment j’ai profité d’une table ronde sur la prévention au congrès HTID 2024 pour découvrir un concept permettant de transformer une pratique individuelle de prévention en norme de société.
Ma newsletter ici :
J’ai appelé cette - brillante - idée : le parcours préventif.
Je suis resté vague sur le concept, car je voulais lui consacrer l’espace et le temps qu’il mérite, afin de vous apporter toutes les explications nécessaires.
C’est l’objet de cet article.
Je vous y explique en quoi consiste ce parcours. Je vous aide à en percevoir l’intérêt en m’appuyant sur de nombreux exemples. En effet, j’ai formalisé l’idée sous la forme d’un schéma, d’un parcours. Et une fois ce schéma dessiné, j’ai découvert de nombreux concepts préventifs qui ont suivi ce schéma, de la pratique individuelle à la norme de société.
Et donc, je me suis demandé pourquoi ne les avais-je pas vues avant ?
Le brouillard cognitif
Selon moi, c’est parce que nous avons du mal à nous sortir du schéma de la santé quand nous pensons prévention. Ce brouillard cognitif nous empêche de voir des situations, des comportements et des usages qui sont préventifs d’un risque ou d’un problème, mais qui ne sont pas des pratiques sanitaires.
Dans la Silver économie, nous souffrons de ce biais à cause d’une lecture excessivement sanitaire de la perte d’autonomie.
Quand nous pensons dépendance, nous pensons GIR.
Quand nous pensons GIR, nous pensons maladie.
Quand nous pensons maladie, nous pensons santé.
Et donc, quand nous pensons prévention de la dépendance, nous pensons santé également. Alors que la dépendance et la perte d’autonomie ne sont pas uniquement imputables à la maladie.
Lister les causes de la dépendance
Je me suis amusé à lister toutes les situations de dépendance, afin d’identifier celles pour lesquelles une approche préventive pourrait éviter cette dépendance.
J’en présente un extrait ci-dessous et je vous invite à consulter le tableau dynamique et détaillé (accès avec le bouton orange).
Vous pouvez constater la variété des situations et des faits générateurs de la dépendance.
En adoptant cette nouvelle grille de lecture, vous disposez d’une meilleure compréhension des problèmes auxquels répondre si vous voulez agir contre la dépendance des personnes âgées (ou de quiconque est menacé de dépendance).
En partant de cette approche, vous pouvez considérer comme préventives toute action ou comportement qui aurait pour objet ou pour effet de prévenir (et donc d’éviter) la dépendance.
Une fois ce concept compris, nous pouvons nous intéresser au parcours préventif et à ses différentes applications, dont certaines concernent la santé et d’autres… d’autres situations.
Le parcours préventif
L'évolution organisationnelle et sociétale que j'appelle "parcours préventif" transforme une pratique individuelle en une pratique largement adoptée.
La prévention commence au niveau individuel, quand des citoyens réalisent qu’ils préfèrent prévenir que guérir.
L’usage évoluant, il attire l’attention de collectifs qui l’adoptent et le développent en programmes de plus grande envergure. Ou d’entreprises qui développent une gamme d’offres de produits et services autour de cet usage, contribuant à sa popularisation.
Tant et si bien que l’usage devient la norme. Elle est ancrée dans la vie des citoyens, ils n’envisagent pas un monde où elle n’existerait pas, surtout quand le système législatif en consacre l’aspect obligatoire par la loi.
Je vous ai représenté ces étapes dans un schéma
Comment lire ce schéma
Vous le parcourez de gauche à droite.
En bleu, l’usage individuel : c’est le niveau 1 de la prévention, quand des citoyens décident de prévenir au lieu de guérir. Les 3 patates en bas listent l’impact sociétal de cette action individuelle, si elle fait tache d’huile.
Quand des gens commencent à développer un usage préventif, ils sont perçus comme des fous, puis comme des modèles, qui donnent envie à d’autres gens de les copier et petit à petit cette mode inspire des collectifs.
C’est l’étape jaune qui se développe et accélère l’adoption des usages individuels. Les collectifs développent quelque chose de plus grand, et font ainsi grossir la vague.
Si la hype se poursuit, parfois accompagnée par des opérations de lobbying et d’influence, ce qui a commencé comme une mode peut évoluer jusqu’à devenir une norme (en vert).
Exemples de passage d’une pratique individuelle vers une appropriation collective
Le running : de la course solitaire au phénomène social 🏃♂️
Les origines : le coureur solitaire
Vous vous souvenez de l'époque où croiser un joggeur dans la rue faisait tourner les têtes ? C'était il n'y a pas si longtemps ! Dans les années 70-80, le running était principalement une activité solitaire, pratiquée par quelques passionnés qui s'aventuraient sur les routes avec leur simple short et leurs chaussures. Les coureurs de cette époque étaient souvent perçus comme des originaux, bravant les éléments dans leur quête personnelle de dépassement.
La révolution marketing : quand les marques s'en mêlent
Le grand bouleversement est arrivé avec l'entrée en scène des géants du sportswear dans les années 90-2000. Ces marques ont complètement réinventé l'image du running. Nike, avec son célèbre slogan "Just Do It", a transformé la course à pied en un symbole de dépassement de soi accessible à tous.
Les équipementiers ont créé tout un écosystème autour du running, développant des gammes complètes de vêtements techniques qui allient performance et style. Les vitrines des magasins de sport sont devenues de véritables temples dédiés à la course à pied, où chaque détail est pensé pour inspirer le coureur qui sommeille en chacun de nous.
La tech s'invite dans la course
La révolution technologique a donné une nouvelle dimension à la pratique du running. Les montres connectées sont devenues les compagnes indispensables des coureurs, transformant chaque sortie en une mine de données analysables.
La technologie a créé un nouveau rapport à la course : chaque foulée est désormais mesurée, chaque battement de cœur enregistré. Les applications comme Strava ont transformé la solitude du coureur en une expérience sociale virtuelle, où chaque parcours devient une occasion de partager, de comparer et de se motiver mutuellement.
Les réseaux sociaux regorgent de screenshots de performances, créant une émulation collective qui pousse chacun à se dépasser.
La dimension collective explose
Le running est aujourd'hui devenu un véritable phénomène social. Les running crews ont révolutionné la pratique en créant des communautés urbaines dynamiques qui se retrouvent plusieurs fois par semaine. Ces groupes ne sont pas que des clubs de course : ce sont de véritables familles qui partagent bien plus que leur passion pour le running.
Les courses à thème ont transformé ce sport individuel en événements festifs et collectifs. La Color Run, par exemple, a réussi l'exploit de faire courir des millions de personnes qui n'auraient jamais pensé participer à une course traditionnelle. Les challenges caritatifs ont ajouté une dimension solidaire à la pratique, donnant un sens supplémentaire à l'effort physique.
Le yoga : de l'ashram au phénomène mainstream 🧘♀️
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