Réforme de la protection sociale dans la fonction publique : quelles opportunités business ?
Eclairage sur la réforme de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique. Je vous montre comment en tirer parti.
Vous êtes nombreux, très nombreux, à rêver d’un partenariat avec une mutuelle. Même un partenariat boiteux avec une mutuelle de troisième zone vous ferait plus rêver qu’un ballon dédicacé par Mbappé (pour les sportifs) ou la guitare de Tony Iommi signée par son propriétaire (pour les mélomanes).
Et quand vous m’en parlez, vous manquez parfois de discernement sur ce qu’est une mutuelle, ce que vend une mutuelle et comment une mutuelle pourrait tirer profit d’un tel partenariat.
Pourtant, vous admettrez qu’il est difficile de vendre à quelqu’un dont vous ne connaitriez pas le problème. Parce que vous auriez bien du mal à être persuasif. A lui expliquer comment vous êtes une solution à ce fameux problème.
Evidemment, j’ai un petit avantage sur vous, c’est que j’ai travaillé dans une mutuelle pendant des années et donc je sais ce qu’elle vend, comment elle fonctionne, ce qu’elle a besoin d’entendre - et de ne pas entendre.
Même si cette connaissance n’est qu’une base que je dois affiner pour chaque projet que j’accompagne dans la recherche de partenaires, elle me donne une petite avance sur une personne qui n’y comprend rien.
J’aborde souvent le sujet dans Longévité, car il fait écho à de nombreuses demandes que formulent mes clients… et beaucoup d’autres acteurs de notre marché.
C’est dans ce cadre que j’analyse les projets qui ont réussi à signer un deal de rêve. Comme dernièrement :
McCormack Baron Salazar qui reçoit 900 millions de dollars de la mutuelle Centene pour créer des habitats inclusifs (l’article ici)
Papa dont le produit est intégré aux garanties santé Medicare et distribué dans tout le pays par ses partenaires assureurs (article ici)
Mais aujourd’hui, je vais vous parler d’un autre pan de la mutualité. Et plus largement, de l’assurance complémentaire en santé. Je vais vous parler d’une réforme majeure qui va provoquer la mutation de plus de 2,5 millions d’assurés, passant d’un régime facultatif et individuel à un régime collectif et obligatoire.
Je vais vous parler d’une réforme monstrueuse du système de santé complémentaire dont il est très peu question dans les médias généralistes.
Je vais vous éclairer sur les enjeux et perspectives de la PSC.
Mais avant cela, place à l’annonce de notre sponsor, Apolean. Ils ont choisi un exemple fort à propos pour illustrer leur annonce, vous allez voir !
[sponsorisé] Soyez Senior Friendly et adaptez vos messages et parcours clients…
De même qu’on estime que 30 % des produits vendus en France sont météo sensibles (la météo actuelle par exemple favorise la vente en kiosque et défavorise les instituts de beauté), il y a beaucoup de produits et services qui sont sensibles à l’âge (je ne sais pas s’il existe un mot pour ça).
Et donc les messages et parcours clients doivent s’adapter, d’autant qu’il est simple aujourd’hui de connaître ou d’évaluer l’âge d’une personne.
Je vous propose l’exemple ci-dessous juste pour illustration.
Pour une mutuelle santé, au-delà des garanties les préoccupations ne sont pas les mêmes entre une personne de 30 ans et une de 65 ans. Et ce qui est vrai pour un simple mail l’est tout le long du parcours client (garanties, up-sell, cross-sell, fidélité, attachement à la marque, medias utilisés…).
L’appliquez-vous dans votre entreprise ?
e-mail 1 : Pour une personne de 30 ans
Objet : Résilier votre mutuelle santé en toute simplicité !
Madame, Monsieur,
Vous souhaitez changer de mutuelle santé pour une offre plus adaptée à vos besoins et à votre budget ?
Chez [Nom de votre mutuelle], nous vous proposons une large gamme de contrats santé répondant aux attentes des jeunes actifs.
Bénéficiez d'une couverture complète et personnalisée :
Remboursement des frais médicaux courants (consultations, médicaments, analyses...)
Prise en charge des frais d'hospitalisation
Des garanties optiques et dentaires avantageuses
Des options complémentaires pour une protection sur-mesure (prévoyance, médecine douce...)
Etc etc
E-mail 2 : Pour une personne de 65 ans
Objet : Changez de mutuelle santé et profitez d'une couverture optimale !
Madame, Monsieur,
Vous recherchez une mutuelle santé performante pour vous accompagner au quotidien ?
Chez [Nom de votre mutuelle], nous sommes conscients des besoins spécifiques des séniors et vous proposons des contrats santé répondant parfaitement à vos attentes.
Bénéficiez d'une couverture complète et adaptée à votre âge :
Remboursement renforcé des frais médicaux courants (consultations, spécialistes, médicaments...)
Prise en charge des frais d'hospitalisation et de convalescence
Des garanties optiques, dentaires et audiométriques avantageuses
Des options complémentaires pour une protection sur-mesure (hospitalisation privée, forfait dépendance...
Etc etc
Si vous souhaitez qu’on voit comment adapter votre parcours clients, prenez RDV gratuitement avec Mickaël Saillant, co-fondateur et dirigeant d’Apolean.
Fin de l’annonce
La PSC c’est
La protection sociale complémentaire de la fonction publique.
Une réforme activée en 2022 qui a pour objet de créer un régime de protection sociale obligatoire pour les fonctionnaires.
Cela me permet de vous éclairer sur le fonctionnement de la protection sociale santé en général, mais aussi de vous donner des idées pour rechercher des partenariats avec les mutuelles historiques de la fonction publique qui doivent se réinventer pour rester en lice dans les appels d’offres qui les opposent à des acteurs habitués aux contrats collectifs.
Je vais commencer par ce point, car c’est le plus crucial, je pense pour vous aider à comprendre où se situe l’enjeu.
Imaginez que la MGEN perde l’appel d’offre de l’Education Nationale
Vous connaissez tous la MGEN, non ? La Mutuelle Générale de l’Education Nationale est la plus importante mutuelle du pays en nombre d’adhérents (4 millions) et en cotisations. C’est la première mutuelle de la fonction publique.
Jusqu’à 2024, la MGEN commercialisait surtout des contrats d’assurance santé individuels pour les fonctionnaires de l’Education Nationale. Ces derniers pouvaient décider de souscrire à la MGEN ou ailleurs. Mais étaient incités à aller à la MGEN, grâce à des accords, des offres spéciales, des délégués dans les administrations, des représentants syndicaux communs, etc.
S’adressant à des adhérents à titre individuels, la MGEN a développé un savoir faire, une expertise pour s’adapter à une demande individuelle. Elle doit à présent inventer un contrat collectif pour couvrir les besoins des ministères dont elle espère gagner l’appel d’offre. Elle a désormais le droit de candidater pour tous les appels d’offres, mais elle a surtout le devoir de ne pas perdre celui de son administration historique.
Et elle se retrouve confrontée à des propositions émanant d’assureurs qui ont eux l’expérience des contrats collectifs.
Alan 1 / MGEN 0
Exemple : Alan qui vient de remporter l’appel d’offre du ministère de la transition écologique (60 000 agents). Un appel d’offre sur lequel la MGEN avait postulé. Et devinez quoi ? La MGEN attaque à présent l’appel d’offre car elle estime que l’attribution est biaisée. Que la structure de l’appel d’offre est irrégulière (source).
Ce qui est amusant, c’est qu’ils dénoncent ce problème après l’attribution et pas avant.
Le ministère ne doit pas être surpris, car les mutuelles de la fonction publiques sont vent debout contre les menaces que représentent ces appels d’offre. Il y a quelques mois, c’est la MNT (mutuelle nationale du trésor) qui a fait ajourner l’appel d’offre de son ministère pour un point de procédure.
Vous voyez l’enjeu, n’est-ce pas ?
Si les mutuelles qui ont été créées pour assurer les fonctionnaires d’un ministère perdent ce ministère, ça va être difficile de conserver leur assiette, leur train de vie et même leur raison d’être.
Or, quel est le problème ?
Penchons-nous sur l’appel d’offre du ministère de la transition écologique.
Que dit l’AO de la Transition écologique
Quand vous lancez un appel d’offre, vous devez expliquer aux candidats comment vous allez les départager. Vous fixez les critères et vous leur attribuez des pondérations pour montrer ce qui est important et ce qui l’est moins. On appelle ça un grille de notation.
Souvent, le choix de la complémentaire santé se fait sur le coût de la cotisation, attendu qu’il sera financé en partie par l’employeur (50% pour les contrats de la PSC).
Mais en l’espèce, le ministère a choisi de mieux pondérer les tarifications optionnelles marginales que le socle. Et c’est ce qui a permis à Alan de remporter la mise, car le neo-assureur propose un service global plus attractif que la MGEN, même si le prix de son socle est plus élevé.
C’est pourquoi la MGEN dénonce :
une « sous pondération du panier de soins socle de base et une sur pondération des options, sur laquelle a joué Alan pour être attributaire du marché, alors que la détermination de l’offre la plus avantageuse ne doit pas se faire sur la base d’une tarification optionnelle déclenchée à la marge ».
Le vrai problème
Au-delà de cette bataille de chiffres, c’est surtout une bataille idéologique qui se joue ici.
Les mutuelles et syndicats de la fonction publique voient disparaitre des bastions sur lesquels ils jouissaient d’une emprise incontestée. Et ils voient entrer dans l’arène un acteur qui incarne tout ce qu’ils détestent, tout ce qu’ils craignent.
Une crainte qui s’exprime sans détour dans un tract syndical diffusé le 22 mai aux agents du ministère de la transition écologique :
M. Béchu serait-il prêt à donner la santé des agents du ministère de la transition écologique aux fonds de pension nord-américains ?
Les syndicats poursuivent :
En confiant la santé des agents publics à des organismes financiers non solidaires, le ministère, et derrière lui le gouvernement, fragilisent la protection sociale complémentaire en santé des Français (…). Les décisions des collaborateurs du ministre conduisent la santé des personnels droit dans le mur.
Les syndicats craignent une “dérive libérale” et des augmentations de cotisation qui pourraient entrainer un péril pour la Sécurité sociale des fonctionnaires.
Chacun jugera la pertinence de l’argument.
Mais ce qui est important que vous notiez, c’est que ces organismes ont peur. Ils ont peur de perdre quelque chose.
Et vous pouvez les aider.
Mais comment ?
Et bien, dites-vous que si les mutuelles historiques perdent face à leurs concurrents du secteur marchand, c’est parce qu’elles ne sont pas capables de proposer des offres qui fassent le poids.
Elles sont donc condamnées à innover pour rester dans la course.
Et elles le font déjà, à leur façon, en créant des alliances pour faire des réponses communes qui couvrent un plus large spectre que des offres individuelles, comme vient de l’annoncer la MGEN (encore), alliée à la Mutuelle Générale des Affaires sociales et le groupe mutualiste spécialiste des acteurs de santé Relyens (source).
Mais ce sont des énormes usines à gaz et je doute que le résultat soit vraiment plus simple pour leurs clients, vu l’inertie de ces mastodontes.
Ce dont ils ont besoin pour innover, c’est d’agilité, de souplesse, de créativité. Bref, ils ont besoin de créer des partenariats avec des acteurs comme vous. Enfin, je dis vous. Comme les start-up, les PME innovantes, les imaginatifs.
Mais il y a un frein à la recherche de partenariat, vous voyez lequel ?
Elles doivent vous comprendre et vous devez les comprendre
C’est toujours plus facile de discuter avec ces structures si vous parlez leur langue. Si vous comprenez leur jargon et si vous êtes en mesure de leur montrer comment votre projet peut constituer un atout compétitif pour leur produit.
Regardez, par exemple, comment les contrat MRH (multi-risque habitation) s’étoffent au fil des ans.
Au départ, c’est une garantie qui couvre les risques inhérents à votre occupation d’un logement. Vous vous assurez pour ne pas avoir à payer votre voisin si vous l’inondez à cause d’une fuite dans votre salle de bains. Ou si votre convecteur défectueux met accidentellement le feu à vos rideaux et à l’immeuble.
Mais les assureurs ont ajouté plein de petites options, incluses dans la garantie, et qui gonflent donc son coût : l’aide juridique, l’assistance H24…
S’ils le proposent tous, c’est pour s’aligner sur la concurrence.
Et donc, quelqu’un leur a donné une idée au départ. C’est un tiers qui fait l’assistance juridique, pas l’assureur lui-même.
Soyez ce tiers
Soyez l’apporteur de solution qui va montrer à cette mutuelle comment elle peut proposer un meilleur produit à ses clients, histoire de damer le pion à Alan. Le cahier des charges de la PSC vous offre beaucoup d’opportunités, notamment au niveau de la prise en charge des retraités.
Je vous mets un article qui explique en quoi consiste la PSC pour clôturer cette réflexion.
Moi aussi, j’y reviendrai, car je n’ai fait que poser le sujet, je suis bien conscient de ne pas vous avoir donné toutes les billes.
Annexe : La PSC dans le détail
Un accord interministériel a été signé le 26 janvier 2022, et publié au Journal Officiel le 6 mars 2022.
Cet accord conduit à la mise en place d’un contrat collectif à adhésion obligatoire en matière de santé pour tous les agents de la Fonction publique d’Etat, pris en charge par l’employeur à hauteur de 50 % de la cotisation pour les seuls agents actifs. Il inclut un panier de soins socle, c’est-à-dire la définition de niveaux de remboursement pour toutes les dépenses de santé prises en charge, pensé pour offrir une protection d’un niveau correct aux bénéficiaires de cette couverture santé.
L’objectif de cette réforme est de couvrir la totalité des agents en activité, comme cela se fait dans le secteur privé. Cette réforme devra être mise en application entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2025 pour la Fonction Publique d’Etat. Tous les agents publics actifs sont concernés, y compris les agents en congés parental, en congés ou en disponibilité pour raison de santé, en congés d’aidant, etc.
Les agents contractuels seront également bénéficiaires de ce nouveau dispositif.
Les retraités et les ayants droit pourront eux aussi, bénéficier de cette adhésion à certaines conditions :
Les retraités actuels et à venir pourront bénéficier de cette couverture santé, à la condition d’en faire la demande dans un délai d’un an à compter de la mise en œuvre de la réforme ou suivant la cessation d’activité.
Les conjoints et enfants (jusqu’à 25 ans) de l’agent pourront aussi se rattacher au contrat collectif.
Mais les retraités, les conjoints et enfants ne bénéficieront pas de la participation de l’Etat employeur sur leurs cotisations.
Un financement de l’accompagnement social est prévu dans l’accord et le socle de garanties pourra être amélioré dans le cadre des négociations à venir.
De même, la nécessité d’inclure la prévention dans le cadre de l’offre santé est indiquée, sans aucune indication sur les conditions de financement.
D’ici la mise en œuvre des contrats collectifs obligatoires, une participation forfaitaire de l’Etat de 15€ par mois est versée aux agents actifs, depuis le 1er janvier 2022 sur justification d’adhésion à un contrat santé. Pour tout savoir sur la participation employeur de 15 euros, vous pouvez.
Et c’est fini, fidèles abonnés de Longévité !
Merci d'avoir lu ce dossier !
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Je pense bien à vous jusqu’à notre prochain rendez-vous.
Un peu frustré par la conclusion de l'article, mais j'ai découvert Tony Iommi, ca compense.