Comprendre et éviter la maltraitance envers les personnes âgées
10% des personnes âgées en sont victimes. Mettons des mots sur un problème et des actions pour y remédier.
Une personne âgée sur dix est victime de maltraitances. Ce phénomène méconnu et rarement dénoncé est mis en lumière chaque année à l’occasion d’une journée mondiale de sensibilisation instaurée par l’ONU.
La journée mondiale de sensibilisation à la maltraitance des personnes âgées a lieu chaque année, le 15 juin.
Elle a été instaurée par l’ONU en 2011 dans le cadre du plan d’action de Madrid sur le vieillissement. Cet accord international veut contribuer à créer une société de tous les âges, c’est-à-dire une société qui ne laisse personne au bord du chemin en raison de son âge.
La maltraitance des personnes âgées, enjeu planétaire
Considéré comme une affaire d'ordre privé, ce problème social a très souvent été absent du débat public. Il demeure encore aujourd'hui un sujet peu ou pas reconnu, et globalement sous-estimé.
La maltraitance des personnes âgées représente toutefois un véritable problème de société et de santé publique qui nous concerne tous. Elle peut entraîner de graves traumatismes physiques, ainsi que des conséquences psychologiques graves, comme la dépression ou l'angoisse.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu’à l’échelle mondiale, les connaissances relatives à la maltraitance des personnes âgées et à la manière de la prévenir sont insuffisantes, en particulier dans les pays en développement.
L’ampleur et la nature du problème commencent seulement à être esquissées. De nombreux facteurs de risque sont encore contestés et les données disponibles sur les mesures efficaces pour prévenir la maltraitance des personnes âgées sont limitées.
Une journée mondiale est l’occasion idéale pour s’informer sur le sujet, en comprendre les enjeux et mieux connaître les dispositifs de prévention.
Comment définir la maltraitance envers les personnes âgées ?
La maltraitance est un acte isolé ou répété ou l’absence d’intervention appropriée qui se produit dans toute relation de confiance et cause un préjudice ou une détresse chez la personne âgée. - Rapport Mondial Violence et Santé, OMS 2002
La maltraitance peut prendre plusieurs formes :
L'abus financier,
Les violences physiques, psychologiques ou sexuelles,
L'abandon ou la négligence,
L'atteinte grave à la dignité,
Le manque de respect.
En EHPAD
La personne âgée résidant dans un établissement médico-social est exposée au risque de maltraitance dans trois situations :
La négligence, dite aussi maltraitance institutionnelle
Imputable au sous-effectif et aux cadences imposées aux soignants. On la qualifie de maltraitance institutionnelle car elle n’est pas un fait individuel, mais lié à l’organisation même du care en établissement, accentuée par les problèmes d’effectifs.
La contention
Imputable aux mêmes causes que la négligence, mais aussi à la méconnaissance d’alternatives douces à ces pratiques consistant à restreindre la liberté d’une personne atteinte de troubles neuro-dégénératifs lorsque les soignants estiment qu’elle a des comportements “à risque”.
La contention physique, dite passive, se caractérise par l'utilisation de tous moyens, méthodes, matériels ou vêtements qui empêchent ou limitent les capacités de mobilisation volontaire de tout ou d'une partie du corps dans le seul but d'obtenir de la sécurité pour une personne qui présente un comportement estimé dangereux ou mal adapté. - Haute Autorité de Santé - 2000
Si la contention est fortement réglementée en unités psychiatriques (article L. 3222-5-1 du code de la santé publique), aucune règle de droit spécifique n’encadre les pratiques en EHPAD, ce qui peut conduire à des abus, des situations anormales et donc de la souffrance et de la maltraitance.
Une maltraitance qui n’est pas intentionnelle, mais dont les effets pour la personne qui subit la contention sont ceux de la maltraitance.
La camisole chimique
Qui consiste à administrer un cocktail calmant à une personne âgée afin de la rendre plus docile et plus simple à gérer. Proche de la contention dans ses causes et dans ses effets directs (la personne âgée est plus facile à gérer) et indirects (les très nombreux effets secondaires négatifs sur le psychisme de la personne).
Cette pratique de l’ombre souvent imposée aux familles et à la personne elle-même est justifiée par des comportements qui peuvent être contenus par des méthodes plus douces.
À l’instar de la contention, on peut donc imputer la camisole chimique à la méconnaissance des alternatives ou au manque de moyens pour se les payer, sachant que la camisole chimique est prise en charge par l’Assurance Maladie.
À domicile
Les personnes âgées vivant chez elles sont plus souvent exposées à la maltraitance financière, aux violences physiques et psychologiques, aux atteintes à la dignité et au manque de respect.
Contrairement à certaines pathologies, il n’existe pas une étiologie1 qui permet de déterminer s’il y a maltraitance. Il est toutefois possible d’identifier des facteurs de risque imputables à la personne âgée, à ses proches aidants, à leur relation commune et au contexte.
L’OMS identifie également des facteurs socio-culturels qui peuvent influer sur le risque de maltraitance des personnes âgées :
La représentation des personnes âgées comme des êtres frêles, faibles et dépendants,
L’érosion des liens entre générations au sein des familles,
Les règles d’héritage qui influent sur la répartition du pouvoir et des biens matériels dans les familles,
L’éclatement des familles (en France, la distance moyenne qui sépare une personne âgée de ses descendants est de 280 kilomètres),
Des ressources insuffisantes pour payer les soins ou faire appel à des aidants professionnels.
Lieu de la maltraitance
La grande majorité des personnes âgées habitent leur domicile. Il est donc assez logique que la majorité des situations problématiques s’y déroule même si, médiatiquement, la maltraitance en milieu institutionnel est plus souvent évoquée.
La maltraitance, un problème mal compris et rarement dénoncé par les victimes
La maltraitance est d’autant plus difficile à détecter que les victimes se taisent et n’osent pas parler de la situation qu’elles vivent.
Soit par crainte de représailles ou d’institutionnalisation.
Soit parce que, victimes de troubles de la perception, elles n’ont pas conscience de la gravité de la situation.
Soit parce que leur entourage va nier ou minimiser la situation.
Comment prévenir ou faire cesser la maltraitance envers les personnes âgées ?
La maltraitance est parfois difficile à identifier. Un acte isolé peut être le fruit du hasard ou d’une négligence passagère, en revanche sa répétition constitue bel et bien de la maltraitance.
Si vous êtes témoin d’une situation de maltraitance, votre premier réflexe devrait être de tenter d’aborder le sujet avec les intéressés. Vous pouvez également contacter les autorités compétentes.
Un premier filet de sécurité est tendu par la Fédération 3977 contre la maltraitance. Cet organisme coordonne un dispositif d’alerte sur les risques de maltraitance envers les personnes âgées et les adultes handicapés.
La Fédération 3977 s’appuie à la fois sur un numéro d’appel national unique (le 3977) et sur un vaste maillage de relais locaux lui permettant d’être présente dans 77 départements et de faire participer plus de 1 200 bénévoles à ses missions.
En cas de situation avérée, il est également possible de faire un signalement. Celui-ci peut être adressé aux autorités médico-sociales ainsi qu’au procureur de la République pour les cas les plus critiques.
Les personnes âgées résidant dans des établissements médico-sociaux bénéficient des dispositifs de protections instaurés par la loi n°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. Ce texte reconnaît des droits fondamentaux au résident et notamment le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité. La loi créée une série d’outils destinés à garantir ces droits.
La situation est bien plus complexe à domicile où le nombre d’intervenants potentiels, les aidants familiaux et les tiers peuvent, volontairement ou non, être source de maltraitance.
Le risque de maltraitance à l’égard des personnes âgées à domicile
“Les proches n’ont pas conscience d’être maltraitants, l’intervention d’un aidant professionnel va instaurer de la normalité dans la relation avec la personne âgée.”
Pour Rajaa Chahbi, Directrice de l’autonomie chez OuiHelp, la maltraitance au domicile résulte d’un glissement des tâches. Les proches aidants ont adopté un rôle qui n’est pas le leur et prennent en charge des activités de care qui sont du ressort des professionnels.
L’aidant pro : le rempart
Faire appel à un aidant professionnel permet bien souvent d’éviter ou de faire cesser les situations de maltraitance.
En intervenant au domicile, l’aidant professionnel va rééquilibrer la relation avec la personne âgée en prenant en charge les activités de care, comme la toilette ou le change des protections contre l’incontinence.
La relation entre le proche aidant et la personne âgée aidée peut alors se reconstruire sur les bases saines du rapport affectif et du lien social.
L’aidant professionnel joue également un rôle de vigie. Par sa présence régulière auprès de la personne âgée, il veille à éviter les situations de maltraitance.
C’est pourquoi on pourrait dire que les services d’aide à domicile constituent un rempart contre la maltraitance domestique :
en veillant sur la personne âgée pour détecter les situations anormales, les corriger ou les dénoncer aux autorités compétentes,
en prenant en charge les activités de care qui sont du ressort des aidants professionnels,
en organisant le binôme aidant professionnel / aidé de manière à éviter tout risque de maltraitance de la part de l’aidant professionnel.
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Je pense bien à vous jusqu’à notre prochain rendez-vous.
Étiologie, c'est le mot qu'on utilise pour parler de la recherche des causes d'une maladie ou d'un problème. C'est un peu comme chercher les raisons pour lesquelles quelque chose arrive. Par exemple, si quelqu'un est malade, les médecins vont chercher l'étiologie de sa maladie pour comprendre pourquoi il est malade. Cela aide les médecins à trouver le meilleur traitement pour guérir la personne. Donc, l'étiologie, c'est vraiment une sorte de recherche des raisons cachées derrière quelque chose que l'on veut expliquer.
Félicitation pour cet article
Il y a une petite imprécision sur la contention physique en EHPAD : elle est fortement encadrée et doit être prescrite par un médecin. ( Y compris les barrières au niveau de lit...)