Comment financer l'autonomie sans aides publiques en Silver économie ?
Découvrez des solutions de financement alternatives pour favoriser l'autonomie en silver économie
La semaine dernière, j’ai terminé mon édito en vous teasant un projet vertueux qui veut contribuer à l’autonomie des citoyens fragiles sans se faire d’argent sur leur dos, ni vider les caisses de l’Etat.
Si vous me pratiquez depuis un moment, vous avez compris que je ne suis pas fan de l’entrepreunariat subventionné.
J’irai même plus loin : je pense que les entreprises ne devraient pas utiliser des subventions pour leur croissance.
Certes, les entreprises gagneraient en souplesse si elles n’étaient pas assommées par des prélèvements obligatoires et confiscatoires, redistribués via des mécanismes tordus imaginés par des énarques qui n’ont jamais travaillé ailleurs que dans des institutions et des ministères… Mais là n’est pas mon propos !
Non, je vais ici me concentrer sur le financement de l’amorçage et de la croissance. Dans ce domaine, donc, j’ai la conviction que l’entreprise ne devrait pas perdre son temps à réclamer des aides de l’Etat. Elle dispose de leviers de financement qui ne sont pas à la portée du monde associatif. Et donc, elle peut solliciter ces leviers en laissant les subventions à ceux qui ne peuvent pas faire autrement pour s’équilibrer.
Bien sûr, vous pourriez me rétorquer que les associations elles aussi ont d’autres moyens de subsistance que le percepteur, puisqu’elles peuvent faire appel aux dons et employer des bénévoles.
Et je vous répondrai que si les associations peuvent aussi éviter de puiser dans les poches de l’Etat, c’est tout aussi bien.
Tenez, par exemple, le Hellfest ne bénéficie d’aucune subvention. Le festival fonctionne sur ses fonds propres…et le recours à 5000 bénévoles !
Ainsi, il permet au département et à la région d’utiliser leurs fonds culturel pour financer d’autres événements, moins populaires, qui ne pourraient pas exister sans assistance.
C’est important de le souligner, je ne cherche pas à valoriser un modèle économique plus qu’un autre, mais à promouvoir un système qui puisse s’équilibrer sans l’impôt, car je pense qu’un projet entrepreunarial ne devrait pas y recourir s’il peut faire autrement.
Pourquoi ?
La raison d’être d’une entreprise, c’est…
Parce que la raison d’être d’un projet commercial, c’est de se développer en apportant une solution à un problème pour lequel des clients sont prêts à payer. Et donc, vous allez intéresser des clients qui veulent payer votre prix parce qu’ils l’estiment à la hauteur de leur problème.
Si vous constatez que vos client n’ont pas les moyens de payer le prix que vous réclamez, peut-être ciblez-vous le mauvais marché…. et donc, peut-être devriez-vous rechercher des clients qui sont prêts à mettre le prix dans votre solution plutôt que de minimiser leur effort avec des aides publiques.
ça semble frappé au coin du bon sens, et pourtant….
Ce que moi je vois dans les startup de la Silver économie, ce sont trop souvent des entrepreneurs qui vont rechercher de l’aide publique avant même d’avoir identifié leur marché et constaté in situ que leurs clients idéaux n’ont pas les moyens de s’offrir leur solution.
C’est devenu un réflexe. Le réflexe de la facilité.
Une aide existe, j’y ai droit.
Sincèrement et objectivement, si vous avez créé une entreprise pour vivre aux crochets de l’Etat, vous vous êtes trompé de vocation : il fallait devenir fonctionnaire !
Essayons de voir comment se passer d’aides publiques avec un exemple…
Exemple de l’habitat partagé
Aujourd’hui en France, ce format désigne des habitats collectifs de petite taille dédiés aux personnes âgées ou aux adultes souffrant d’un handicap. Perçu comme une alternative à l’Ehpad moins typé CSP+ que les résidences services et plus facile à développer que les résidences autonomie, l’habitat partagé évoque pourtant une version “petite format” de ces deux structures historiques. Il séduit les pouvoirs publics qui lui ont donné un régime dans la loi ELAN. Un ensemble d’aides financières sont venues faciliter le développement de ces projets, avec :
Une aide à la création : Le dispositif hapi porté par la Caisse des dépôts, la fondation Petits Frères des pauvres et le réseau Hapa,
Une aide au fonctionnement : l’aide à la vie partagée (AVP) versée par les départements sous contrôle de la CNSA,
Une aide indirecte au fonctionnement de SAAD dédiés avec la mutualisation de la PCH ou de l’APA.
Deux business models
J’ai longuement observé les structures, notamment celles qui adhèrent au collectif 150 000 en 2030 que j’ai aidé Ages & Vie à co-fonder avec 11 autres entreprises et associations.
Et j’ai découvert quelque chose de renversant… que je vous partage en exclusivité mondiale…
Dans l’habitat partagé, deux business model sont en train de s’imposer.
Le business model condamné à la perfusion d’argent public
D’un côté des petites structures locales et uniques (les porteurs de projets créent une seule maison). La plupart du temps associatifs, ces projets sont ultra dépendants de l’aide publique puisqu’ils n’ont pas la taille critique pour s’équilibrer financièrement. Taille critique que plusieurs acteurs que j’ai interrogés évaluent à 70 logements. En outre, ces projets sont montés par des acteurs “non professionnels” qui n’ont pas les codes pour développer leur projet et sont donc encore plus à la merci des finances publiques…. craignant par dessus tout le jour où le robinet s’assèchera.
Le business model qui n’a pas besoin d’argent public
De l’autre, des projets entrepreunariaux qui décident dès le départ qu’ils vont construire un réseau de plusieurs maisons afin de dépasser la limite des 70 logements. Ces projets s’adossent à un promoteur immobilier ou une foncière afin de confier le volet construction à un professionnel et de gérer l’exploitation du lieu en échange d’un loyer.
C’est - vous l’aurez reconnu - le modèle en vigueur dans les résidences services seniors.
Et la beauté de ce modèle, c’est que l’argent n’y manque pas, mais alors pas du tout. Les entrepreneurs qui persuadent des investisseurs immobiliers de s’adosser à leur projet n’ont aucun mal pour obtenir les financements nécessaires.
Les investisseurs immobiliers vont privilégier les zones résidentielles à forte valeur ajoutée, qui permettront au bien immobilier d’être affecté à une nouvelle destination si le projet d’habitat senior capote.
Ce business model n’a aucune raison de solliciter les aides sans lesquelles le premier ne peut pas exister.
Car il dispose d’autres financements et peut aussi décider d’augmenter son loyer pour s’équilibrer financièrement. Certes, il ne s’adressera pas à tout le monde, mais vous le savez bien, vous les entrepreneurs : quand on s’adresse à tout le monde, on ne s’adresse à personne.
Plan B
Si vous êtes persuadé que vos clients ne peuvent pas se payer votre service, mais que vous êtes alergique à la subvention, vous pouvez jouer sur un autre levier financier en allan chercher une contribution auprès d’organismes prêts à la payer.
Récemment, une entreprise a annoncé se lancer sur le marché des seniors avec un business model redistributif et c’est à elle que je vais consacrer cette deuxième partie. Cette entreprise désire utiliser un mécanisme de contribution indirecte qui ne sera pas payé par le contribuable, mais par le consommateur, à travers sa consommation courante.
Ce business model s’appelle l’économie bienveillante, il a été théorisé par un entrepreneur appelé Serge Bueno.
Economie Bienveillante : buzzword ou idée de génie ?
Serge Bueno est entrepreneur, mais son domaine, c’est plutôt la grande distribution. Il a notamment inventé un dispositif de gazéification de l’eau (les fameuses fontaines domestiques pour faire des boissons gazeuses à partir de boissons non gazeuses). Sa dernière innovation est une boisson déshydratée qui se réhydrate dans l’eau, ce qui en simplifie le transport et en limite l’impact carbone (vu que ça utilise moins d’emballage). Cette boisson est distribuée par sa marque, Smart Good Things, dans les pharmacies et les enseignes de grande distribution ainsi que sur le site de la marque.
Je sais que vous vous dites que ça ressemble à du Tang, mais c’est pas vraiment ça….
D’abord parce que la boisson a été développée avec des nutritionnistes et qu’elle est vendue en pharmacie, mais aussi parce que le projet de Serge Bueno ne se limite pas à un nouveau produit qui se boit. L’entrepreneur rève d’un monde où les entreprises puissent s’engager activement au profit de programmes d’intérêt général.
Concrètement (extrait de leur site web)
SMART GOOD THINGS conçoit des produits innovants de bien-être et les commercialise en partenariat avec de grandes marques du monde du sport et de la culture et reverse 25% de son chiffre d’affaires net issus de ces « produits partage » pour financer des programmes en faveur de causes d’intérêt général comme le décrochage scolaire, la formation des jeunes, le maintien à domicile des aînés, etc.
Au début du 2è trimestre 2022, l’entreprise annonce l’arrivée d’un nouvel associé, le basketeur professionnel Tony Parker.
Voici ce que dit le site de la marque
A travers ces liens financiers et opérationnels, SMART GOOD THINGS et Tony Parker s’associent donc pour faire progresser l’économie bienveillante et contribuer positivement à la résolution de défis majeurs auxquels la société est confrontée, notamment en matière de formation des jeunes et d’accompagnement de nos aînés.
C’est ça l’idée
L’idée est là, il faut à présent la réaliser. Le marketing des produits B2C en grande distrib’ n’a pas de secrets pour Serge Bueno, mais son expertise ne s’étend pas aux services pour les seniors. Il s’associe donc avec David Sadigh à qui il confie la création d’un service de conciergerie qui doit prendre en charge la cause des ainés.
Ce projet reçoit l’appui des enseignes Casino qui participeront au financement de la conciergerie à hauteur de 12% du CA réalisé sur leur site e-commerce.
Le service sera d’abord lancé dans le département de la Loire (42) avant de se développer sur tout le territoire.
Un service que vous pouvez découvrir sur le site de la Smart Good Alliance, ici :
https://smartalliance.fr
Un os dans la noce
Et là, vous voyez une contradiction dans mon propos, puisque je passe les 2/3 de mon édito à défendre un modèle où le client paye le prix qui répond à son problème et le dernier tiers à promouvoir un projet “subventionné” par une contribution indirecte.
Je comprends votre désarroi, mais c’est parce que vous ne prenez pas les bonnes lunettes pour observer la situation.
Je vous expliquerai tout ça la semaine prochaine !
En attendant, vous pouvez approfondir le sujet en compagnie de Romain Ganneau (AG2R LA MONDIALE) et Laure de la Bretèche (Caisse des Dépôts) dans la newsletter que Sweet Home a co-écrit avec la filière Silver économie et qui est online depuis ce jeudi.
Merci Alexandre pour cet article mais pourquoi la taille critique des porteurs de projets est de 70 logements ?