L'habitat partagé, un marché en plein essor en 2022
Découvrez les tendances et les opportunités de développement sur le marché de l'habitat partagé
La semaine dernière, nous avons constaté que l’habitat partagé de demain devra s’adapter aux contraintes climatiques et démographiques :
Cette semaine, je vous présente les modèles d’habitat partagé qui vont structurer le marché dans les prochaines années.
En guise de préambule, je vous raconte l’événement auquel j’ai participé cette semaine et qui me conforte dans la structuration du marché de l’habitat partagé que je vais vous présenter ensuite.
Animateur
J’étais invité à animer la table ronde de clôture au colloque annuel organisé par l’association Alim50+. Cet organisme rassemble tous les professionnels de l’alimentation qui s’intéressent au marché des consommateurs âgés de 50 ans et plus.
Cette première réunion physique d’après covid était consacrée à l’alimentation des personnes âgées dépendantes vivant à domicile. Des experts se sont succédé à la tribune afin de brosser un portrait saisissant des enjeux et des perspectives d’une alimentation adaptée aux besoins de ces publics.
Alimentation = plaisir
Arrivé à la mi-journée, j’ai assisté aux dernières réunions qui se sont conclues par un sondage visant à faire ressortir les points clés des échanges.
Pour tous ces professionnels, le maître mot de l’alimentation des personnes âgées dépendantes à domicile, c’est le plaisir.
On prend plaisir à manger.
On mange pour le plaisir.
Et donc, toute la réflexion devrait tourner autour du plaisir et non pas du bénéfice sanitaire d’une bonne alimentation.
C’est donc sous ces auspices que j’ai attaqué ma table ronde. J’y recevais :
Paul Tronchon, président de Saveurs et Vie
Cécile Blanck, diététicienne et nutritionniste
Armelle TILLY, présidente de l’agence interdépartementale de l’Autonomie (Hauts-de-Seine et Yvelines)
Corinne GIRARD, responsable des commissions thématiques, Réseau francophone des villes amies des aînés (RFVAA)
Et je tenais donc à parler du plaisir de manger et des moyens à mettre en œuvre pour le préserver. Mais très vite, la conversation a dévié sur la dénutrition, pour ne plus en sortir.
Dénutrition = maladie
La dénutrition est à l’alimentation ce que la dépendance est à la vieillesse.
Si je parle de dénutrition, j’aborde la question de la maladie (puisque la dénutrition en est une) et donc je traite le sujet par son volet sanitaire.
Et c’est un biais trop fréquent chez les professionnels du grand âge. Se focaliser sur une pathologie ou la dépendance en sous-estimant leur effet repoussoir.
Le problème se pose aussi dans l’habitat partagé, dès lors qu’il est présenté comme une alternative à l’Ehpad et non comme une communauté pour vivre ensemble et s’amuser.
Alternative à l’Ehpad ou communauté de vie
L’alternative à l’Ehpad résout un problème de dépendance tandis que la communauté répond à un besoin de vie à plusieurs.
Par exemple dans le groupe Korian :
Korian fait des Ehpad
Petit Fils fait des services à la personne (mais pas du SAAD)
Ages & Vie fait des alternatives à l’Ehpad
Casa Barbara cherche à créer une communauté de loisirs pour les seniors CSP+ urbains
Casa Barbara and co
Et ce n’est pas du tout un hasard, puisque Casa Barbara est développé par les Trigano. On devait s’attendre à cela de la part d’une famille qui a créé le Club Med et les hôtels Mama Shelter, vous voyez ce que je veux dire, non ?
Les habitats partagés ressemblent aux gens qui les construisent.
Des promoteurs immobiliers vont avoir une vision très immobilière du projet,
Des particuliers qui montent un projet isolé pour leur commune, une vision très Airbnb
Des acteurs du médico-social, une vision très… Médico-sociale.
Or, si les projets d’habitat partagé veulent sortir du lot, ils doivent offrir quelque chose dont le marché n’est pas saturé. Ils ne doivent pas être une alternative à l’Ehpad, ni une RSS en plus petit, car ces deux cases sont déjà bien occupées. Si l’on écoute les aspirations des citoyens âgés de 55 à 75 ans, Ils devraient plutôt se présenter comme une alternative au domicile individuel : plus sûre, plus chaleureuse et plus conviviale.
Et donc, j’ajoute une quatrième catégorie à ma liste :
Des entrepreneurs qui ont une vision très spécifique vont la répliquer… Cela donne Casa Barbara ou Carpe Diem…
Carpe Diem
L’archétype de ce format, c’est la maison Carpe Diem au Québec. C’est une grande maison à plusieurs étages, ancienne, avec des boiseries, du parquet, des moulures, une cheminée. Elle accueille une demi-douzaine de malades d’Alzheimer qui vivent comme à la maison, sans contrainte, mais bien entourés. C’est une réalisation qui existe depuis des années et qui ne s’est pas répliquée, tant le modèle est associé à la personnalité de sa fondatrice et dirigeante, qui est l’âme de la maison.
Habitat partagé, état des lieux 2022
Ce qui m’amène à vous parler de ces fameux trois formats que j’agite depuis le début de mon édito. Mais avant cela, listons les faits marquants de cette année 2022, en matière d’habitat partagé.
Que constate-t-on.
Le format a le vent en poupe : Le dernier observatoire de l’habitat inclusif fait état de 1657 habitats inclusifs bénéficiaires de l’aide à la vie partagée, versée pour 15 000 personnes, moitié handicapée, moitié personnes âgées. Ces habitats qui ont une taille moyenne de 10 places n’ont que le statut de commun. Les formats d’habitats sont ultra-hétérogènes, même si l’offre destinée aux personnes souffrant de troubles neurodégénératifs reste le parent pauvre. Sur l’ensemble des bénéficiaires, on compte 900 nouveaux projets (le reste = des projets qui existaient déjà et bénéficiaient d’autres formes de financements).
Ce format subventionné est la partie visible de l’iceberg. De gros acteurs commerciaux sont en train de se positionner sur le marché, mais se désintéressent de l’AVP, soit parce que c’est compliqué, soit parce qu’ils peuvent s’en passer.
Tandis que les petits porteurs bénéficiaires de l’AVP se contentent d’une ou deux maisons, les gros projets annoncent des centaines de constructions à horizon 2030.
Tandis que le format traditionnel de l’habitat partagé (Ages & Vie, Homnia) est une petite colocation à moins de 10 habitants, les nouveaux entrants peuvent adopter des tailles supérieures, autour de 25 logements.
Le point précédent n’est pas généralisé et nombre de nouveaux entrants restent dans le format moins de 10 (Chez Jeannette, Biens Communs, Les Pénates, Cosima, Domani). La règle, c’est qu’il n’y a pas de règle.
Pour l’heure, tous les bâtisseurs adoptent le format immeuble. Le format village de maisons individuelles, très populaire aux Etats-Unis est encore à inventer (il pourrait marquer des points, compte tenu de l’attachement des Français à la maison individuelle).
À côté des acteurs traditionnels qui évoluent dans l’écosystème Silver économie - Services à la personne, de nouveaux entrants qui viennent de l’habitat collectif spécialisé ou généraliste commencent à s’intéresser au format de l’habitat partagé et pourraient y poser quelques pierres sous peu.
Le monde se divise en deux catégories : ceux qui tiennent le pistolet et ceux qui creusent…
Et donc, dans l’habitat partagé, le monde se divise en trois catégories :
#1 Les petits porteurs qui créent une ou deux maisons
Ce sont des particuliers ou de petites associations qui n’ont pas l’ambition d’en ouvrir plus. Ils veulent juste un endroit chaleureux pour un enfant handicapé ou un parent âgé. Ils peuvent prétendre à l’AVP et à d’autres subventions.
Ils peuvent négocier avec la mairie un terrain pas cher en échange d’un loyer très bas. Ils peuvent s’en sortir avec moins de 10 locataires, mais à condition d’être au four et au moulin.
#2 Les projets commerciaux massifs (plus de 50 maisons)
Dans cette catégorie disparate, vous rencontrez des entrepreneurs isolés qui lancent une nouvelle marque et des acteurs qui font déjà du logement collectif sur une autre verticale et trouvent opportun de se lancer sur le marché des seniors.
Ceux qui réussissent persuadent des promoteurs immobiliers, des fonds d’investissement immobiliers ou des foncières de les soutenir. Et pour cela, ils doivent présenter des projets massifs de 50 maisons ou plus, car c’est à ce niveau d’investissement que leurs partenaires sont prêts à les suivre.
Ces entrepreneurs réussissent leur lancement grâce à une parfaite connaissance du marché de l’investissement immobilier qui leur permet de dépasser le blocage initial de beaucoup de porteurs de projet de la catégorie #1 : le foncier, le financement, les travaux d’aménagement.
Cependant, certains sont pénalisés par une vision schématique des besoins et développent un produit sans grande saveur qui peine à se distinguer ou à séduire sa cible.
Et leur propension à vouloir créer des projets massifs et nationaux leur fait parfois surestimer la taille de leur marché ou bien chercher à toucher tous les seniors sans nicher.
À la différence des projets immatériels qui lèvent des fonds sur la promesse d’une valorisation exponentielle liée à la capture de parts de marché, l’investisseur dans le marché de l’habitat partagé sait qu’il pourra recycler les logements en habitats diffus si le projet d’habitat partagé capote.
#3 Les francs tireurs qui répondent à un besoin spécifique du terrain pour créer des projets sur mesure
Parfois ils développent ce projet avec un promoteur, parfois ils le gèrent eux-mêmes à 100% et parfois ils apportent une brique de service dans des projets existants.
Souvent issus du médico-social et dotés d’une expérience en établissement ou en service à domicile, ils souffrent parfois d’une carence de connaissance du volet immobilier et finance, qui peut les plomber. C’est pourquoi ils ont intérêt à s’adosser à des acteurs issus de l’immobilier ou de la finance pour créer une alliance puissante entre pragmatisme, réseau et sensibilité.
Conclusion
Le marché de l’habitat partagé est en croissance et de nouveaux projets émergent tous les mois, même si nous n’en avons pas toujours connaissance dans l’écosystème Silver économie.
Pourquoi ?
Les acteurs locaux qui portent des projets isolés sont quasi invisibles, soit parce qu’ils ne s’y reconnaissent pas, soit parce qu’ils ne savent pas à qui s’adresser, soit parce qu’ils méprisent les méchants capitalistes de la Silver économie qui veulent faire de l’argent sur le dos des vieux.
Les gros-porteurs commerciaux ne se mélangent pas car ils ont peur - je pense - d’être associé à l’écosystème des Ehpad et de la dépendance (oui, la Silver économie est souvent perçue de la sorte).
Les francs tireurs n’ont pas l’usage ou le budget nécessaire à une communication massive et c’est bien dommage car il s’agit, à mon avis, du créneau le plus pertinent pour l’habitat partagé.
J’approfondirai donc ce sujet la semaine prochaine en vous présentant quelques réalisations qui m’inspirent.
Post-Scriptum sur la dénutrition : Sweet Home s’est occupé de la ligne éditoriale du collectif de lutte contre la dénutrition pendant toute l’année 2020.
Nous avons publié 1 article tous les 15 jours sur leur site.
Lancé leur page Linkedin,
Lancé et animé la newsletter bihebdomadaire,
Lancé et animé un bulletin d’information quotidien pendant les 8 jours de la semaine de la dénutrition.
C’est dire si on en a bouffé (sic).
Bonjour Alexandre, réflexion intéressante. Je suis toujours gênée par les grands groupes qui multiplient leurs initiatives, certes louables. J'ai l'impression que c'est la course au profit sous couvert d'un développement d'une "belle idée". Je ne suis pas contre la "belle idée" mais j'ai un faible pour les petits porteurs de projet, certes invisibles, mais qui ont un réel impact sur la vie des personnes qui bénéficient de leur initiative.
Belle journée.
Bonjour Alexandre
Vraiment intéressante ta réflexion
Tu as bien cerné la problématique de l’habitat partagé et te remercie de bien faire la différence entre les acteurs
Nos maisons de colocation sont vraiment comme tu les décrit toute petite mais tellement grande en chaleur humaine et lien social
Merci