Les exosquelettes pour favoriser l'autonomie et la santé des seniors
Découvrez comment les exosquelettes peuvent aider les seniors à rester autonomes et en bonne santé
Bonjour, c’est Alexandre de Sweet Home. Longévité est notre newsletter hebdomadaire consacrée à l’actualité de la Silver Économie. Aujourd’hui, je vous présente un entrepreneur, un vrai. Samuel Corgne, le CEO et fondateur de Ergosanté. Depuis 2012, cette firme cévenole aide les citoyens souffrant d’un handicap à travailler normalement, en entreprise.
La semaine dernière, j’ai terminé mon édito en évoquant cette économie de la confiance qui structure le marché des seniors et en réfléchissant à la suite de nos échanges épistolaires, il m’est venu deux idées.
Une économie de la confiance, c’est celle qui permet aux citoyens fragilisés d’évoluer dans un environnement auquel ils font confiance.
Une économie de la confiance, c’est celle où les prescripteurs sont des personnes en qui les acheteurs ont confiance.
J’en étais là de mes réflexions quand trois événements majeurs ont boulversé mon emploi du temps.
Je suis parti en vacances chez mes parents avec mes 3 enfants et je leur ai promis de ne pas travailler de la semaine,
Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine,
J’ai rencontré Samuel Corgne, le président fondateur d’Ergosanté, une PME qui fabrique du mobilier ergonomique et des exosquelettes à Anduze, le village où habitent mes parents...
Conséquences : j’ai passé moins de temps que prévu sur cet édito, mais ma rencontre avec Samuel m’a donné envie de vous partager l’interview que nous lui avions consacrée il y a quelques mois.
Comme vous le découvrirez, Samuel et sa formidable équipe construisent des briques de ce que j’appelle l’économie de la confiance.
Un monde où l’on a confiance dans son environnement est un monde où l’on se sent bien.
Sans tarder, voici quelques éléments contextuels pour comprendre comment Ergosanté y contribue.
Rencontre avec Samuel Corgne
Une fois n’est pas coutume, Samuel n’a pas créé sa boite en pensant à sa grand-mère, mais c’est quand même une expérience personnnelle qui lui a mis le pied à l’étrier.
En 2011, Samuel a été victime d’une hernie discale et la période post-opératoire lui a montré comme le monde du travail est peu adapté à un travailleur handicapé.
A partir de cette expérience et dès 2012, Samuel a créé Ergosanté, une entreprise qui aide les travailleurs handicapés à travailler. L’entreprise supplée leur handicap en concevant des équipements qui compensent le handicap ou préviennent les troubles musculo-squelettiques.
Des équipements inclusifs
Ergosanté créé des équipements pour faciliter l’inclusion des travailleurs souffrant de handicap, mais la firme développe aussi des dispositifs préventifs.
Notamment des exosquelettes destiné à alléger l’effort des personnes travaillant dans des postures contraignantes. Des exosquelettes que l’entreprise gardoise voudrait à présent distribuer en B2C, sur le marché des seniors... qui en ont bien besoin. Ne serait-ce que pour pouvoir se relever sans assistance quand ils font une chute molle sans perte de connaissance ni fracture. Soit la majorité des chutes chez les seniors (je pose ça là au cas où Brigitte Bourguignon et les auteurs de son rapport sur les chutes passeraient dans les parages).
L’été dernier, Ergosanté s’est lancé un nouveau défi : le recyclage de sièges de bureau. Cet équipement indispensable qui a une durée de vie moyenne de 15 ans finit sa vie en décheterie, mais ses pièces sont mal valorisées. L’equipe d’Ergosanté y a vu une opportunité et en trois mois, ils ont monté une chaine de recyclage pour les vieux fauteuils. Je l’ai visitée hier et c’est bluffant tout en restant ultra simple : ils reçoivent des lots de fauteuils, ils les étudient, ils les recyclent et les mettent en vente sur leur site e-commerce dédié. Et ils ne s’arrêtent pas aux sièges de bureau, ils prennent aussi en charge les fauteuils médicalisés !
Leur dernière innovation, L.E.A est un outil digital qui aide les entreprises et leurs employés à identifier les problèmes posturaux au travail. Gratuit et fonctionnant sur un smartphone, il peut - à partir d’une séquence vidéo d’une dizaine de seconde - identifier les zones du corps sollicités par l’effort et détecter les problèmes de posture.
Bref, vous l’aurez compris, j’ai eu un coup de coeur pour cette entreprise, sa localisation chère à mon coeur et son équipe.... et ça a fait ma semaine.
Du coup, j’ai envie de vous partager l’interview de Samuel Corgne que j’avais fait à l’automne dernier.
Elle vous aidera à mieux cerner la façon dont les exosquelettes peuvent donner ou rendre de la confiance aux citoyens
Interview de Samuel Corgne réalisée en octobre 2021 par Alexandre Faure pour Sweet Home
Hello Samuel, pouvez-vous présenter la raison d’être d’ErgoSanté ?
Samuel Corgne : En 2011, j’ai été confronté déjà à titre personnel, et aussi dans l’entreprise, aux sujets du handicap. Je me suis rendu compte qu’il ne suffisait pas d’avoir de la bonne volonté pour intégrer dans le monde du travail des personnes en situation de handicap. Il fallait aussi un contexte, d’une certaine manière.
C’est là où nous avons eu l’idée de créer une espèce de pharmacie de la médecine du travail pour permettre de transcrire les préconisations de la médecine du travail pour l’emploi des personnes handicapées en outils concrets.
Par exemple, si quelqu’un a très mal au dos, nous allons lui faire un siège sur mesure. Si quelqu’un ne voit pas, nous allons essayer de trouver des systèmes de lecture et de retranscription à voix haute etc. Du coup, nous sommes devenus un acteur majeur du maintien dans l’emploi des personnes handicapées.
Plus globalement, ça part aussi du constat que malgré tous les progrès de notre société, de notre civilisation, l’homme est de plus en plus cassé par le travail. C’est pour ça que nous voulions concevoir, fabriquer et distribuer des postes de travail, des solutions techniques pour réduire la pénibilité au travail des hommes valides et non valides.
L’activité se développe bien. Maintenant, nous avons un peu plus de 130 salariés et le chiffre d’affaires évolue très favorablement aussi. Nous développons aussi des exosquelettes. Ces exosquelettes étaient d’abord dédiés au monde du travail. Mais de plus en plus, nous travaillons sur la silver économie. En particulier sur des exosquelettes qui permettent d’adoucir la vie des personnes âgées à domicile.
Comment en êtes-vous venus aux exosquelettes ?
Samuel Corgne : Les exosquelettes, c’est quelque chose de fantasmagorique qui souvent, fait appel dans l’imaginaire à l’homme augmenté. En 2014, j’ai essayé de sourcer des exosquelettes existants. Il y en avait peu, mais systématiquement, quand nous intégrions ces exosquelettes chez nos clients, le fabricant passait en direct.
Je pense que ça venait du fait que le marché n’était pas du tout mature. Les coûts de développement étaient très élevés et ces sociétés voulaient absolument faire de la vente sans intermédiaire pour essayer de reconstituer de la marge. Cette manière de fonctionner n’était pas éthique pour moi. Ça ne collait pas avec ma manière de faire du business, c’est-à-dire de la manière la plus équitable possible. Pour que tout le monde s’y retrouve et de faire les choses honnêtement.
J’ai essayé de réfléchir plutôt à un cahier des charges. Qu’est-ce que pouvait être un exosquelette selon les éléments que j’avais tirés ?
À l’époque, vu qu’il y avait très peu d’offres. J’avais pensé à un exosquelette dit « couteau suisse », c’est-à-dire très configurable, qu’on ne porte pas toute la journée. Par exemple, dès qu’on a besoin d’une assistance pour percer quelque chose, travailler les bras en l’air, se pencher, porter une charge, on le configure de manière différente. Je me suis dit que comme ça, il n’y a qu’un seul outil avec une utilisation très vaste. Ce qui permet déjà d’évangéliser le marché sur ce que peuvent être les dispositifs d’assistance physique. En 2018 ou 2019, nous avons sorti notre premier exosquelette.
Quelle a été l’évolution du marché ?
Vu que le marché a évolué et que la concurrence aussi a évolué, nous avons pu constater que les exosquelettes se concentraient sur deux ou trois postures contraignantes. De toute façon, il suffit de regarder la répartition des troubles musculo-squelettiques (TMS). Cela donne le plan d’action pour la répartition de marché. Les problèmes de dos en se penchant, et les problèmes d’épaule en travaillant soit les bras en extension, soit les bras en l’air.
Nous avons donc réfléchi à quels étaient les freins à l’acceptation. Souvent, c’est le prix, bien sûr, le poids, et le fait que ce soit très ostentatoire. Il y a encore des réflexes primaires dans le monde du travail, quasi comme dans une meute de loups. Du coup, si nous voulions que ce soit accepté, il fallait que ce soit efficace et discret. Ce qui aux antipodes d’un exosquelette de start-up qui lui doit être hyper visible. Nous, nous n’avions pas le besoin de lever des fonds, nous nous sommes donc concentrés sur l’efficacité.
Je pense que nous avons mis un gros coup de pied dans la fourmilière, parce que notre deuxième exosquelette, le Hapo du dos, nous l’avons sorti à moins de 1 000€. Le premier produit concurrent était à 5 000 ou 6 000€. C’est sûr que ça a fait grincer un peu des dents pas mal de concurrents. Mais bizarrement, tout le monde s’aligne.
In fine, c’est peut-être moins bien pour les marges, mais c’est bien pour l’utilisateur. Parce que le marché de l’exosquelette, je pense, existera à partir du moment où il franchira la porte des maisons des individus. Donc, ça peut être la porte des personnes âgées. Tant que ça restera dans le monde du travail, on effleurera le marché. Le vrai besoin, il est quand même à la maison.
Vous constatez une plus grande demande ?
Samuel Corgne : J’ai le sentiment qu’on voit l’exosquelette comme un outil et clairement, c’est une extension du transhumanisme. Le transhumanisme, c’est l’augmentation de l’homme par la technologie. Ce n’est pas l’amélioration, c’est l’augmentation. Et augmenter les capacités physiques alors que de plus en plus de gens sont fracassés par le travail, c’est une espèce de non-sens absolu.
C’est pour ça que j’ai pris le contre-pied et que j’ai la paternité de « l’homme préservé ». Notre exosquelette n’est pas là pour augmenter les capacités physiques de l’homme, mais il est là pour les préserver. J’essaie plutôt de trouver des dispositifs qui soulagent les gens.
Par exemple, pour une personne âgée, pour qu’elle continue à faire un peu de jardin pendant quelques années. Vous connaissez un peu la dégringolade liée à l’âge, le diabète, la sédentarité, les problèmes de genoux, les problèmes de dos. Ça vous fiche dans un fauteuil, et après, c’est le début de la fin, d’une certaine manière. Je pense que ces exosquelettes, ce sont des petits dopages mécaniques qui permettent d’améliorer la vie quelques années : continuer à faire son jardin, pouvoir porter ses petits-enfants, etc. Surtout au niveau des genoux et du dos, ils permettent de se préserver un petit peu. Ce n’est pas pour porter plus qu’avant, c’est juste limiter le poids de l’âge.

L’enjeu sur une diffusion BToC, c’est sur quels prescripteurs s’appuyer ?
Samuel Corgne : Nous nous sommes beaucoup appuyés sur les médecins du travail. Ça peut être des organismes comme la CARSAT, mais il y a pas mal d’évangélisation à faire au niveau de ce que sont réellement les exosquelettes. En fait, je pense que c’est le moment d’arrêter l’utilisation du mot « exosquelette ».
Avez-vous pensé aux organismes de services à la personne qui pourraient, eux, l’utiliser pour leur travail ?
Samuel Corgne : C’est déjà utilisé. Il y a des secteurs où les gens ne se posent même pas la question. Par exemple, au CHU d’Alès (sous-préfecture du Gard), ils s’en servent, et en particulier, ils s’en servent vraiment beaucoup sur les blocs opératoires. Et ce n’est pas tant pour les mouvements, c’est pour les postures. Par exemple, quand ils se penchent pour avoir les yeux sur le champ opératoire pendant toute la durée de l’opération. Cette petite flexion, au bout d’un moment, tétanise le dos et ils utilisent des exosquelettes dans ce cadre-là. Il y avait aussi des organismes comme l’ADMR qui utilisent des exosquelettes.
Après, il y a des problèmes de financement, mais ça avance un petit peu. Je pense qu’en 2022, les financements seront opérationnels. Nous avons fait voler ces histoires de financement en faisant tout simplement des études scientifiques publiées, parce que sinon, tout ça reste du bla-bla de commerciaux.
C’est pourquoi nous mesurons tout ce que nous faisons dans notre laboratoire interne. Je pense que ces études publiées, donc validées par les pairs, ont pour vocation d’améliorer la prise en charge financière de ce genre de dispositifs.
Pour conclure
Moi, vous me connaissez, quand je rencontre un entrepreneur qui fait avancer le schmilblik, je ne me contrôle plus, je n’ai qu’une seule envie, vous partager ma découverte et aider cette belle entreprise à faire avancer le schmilblik encore plus fort, encore plus loin, auprès d’un marché plus vaste, avec des partenaires... bref, j’ai envie de faire ce que je viens de faire.
Pour la semaine prochaine, je me tâte encore un peu, soit je vous ferai un topo sur le rapport de Brigitte Bourguignon sur la prévention des chutes, soit je vous parlerai de notre partenariat avec la filière Silver Économie pour dresse et structurer une cartographie de l’écosystème.
Vous préférez quoi ? (répondez-moi par email, c’est le plus simple)
Très interessé par l'article car concerné pour "limiter le poids de l'âge".
ErgoSanté par la voix de son dirigeant affirme vouloir aborder le marché des personnes âgées.
Je me suis rendu donc sur le site d'ErgoSanté.
Je n'ai pas trouvé (ou pas su trouver) d'offre dédiée à cette cible.
Il y a visiblement un "gap" entre la vision de Samuel Cogne et sa mise en oeuvre.
Dommage!