

Découvrez plus de Longévité
Pouvoirs publics : jusqu'où peut-on se passer d'eux en Silver économie ?
Abandon loi Bien Vieillir | Nouveau ministre | Critique cynique, mais constructive | Inspirations | Appel à l'action
Mardi 18 juillet à l’Assemblée Nationale, Jean-Christophe Combe a annoncé le report sine die de la loi “Bien Vieillir”.
Le futur ex-ministre a affirmé que le gouvernement ne renonce pas à son engagement envers les personnes âgées. Il a annoncé la présentation d'une feuille de route interministérielle sur le vieillissement, sans préciser de date. Il n'est pas certain que cette nouvelle promesse ait convaincu tout le monde, compte tenu de l'inquiétude répandue dans le secteur…
Et de la pérennité de ses précédentes annonces.
OK, JCC n’est plus ministre, mais quiconque est un peu familier avec la politique sait bien qu’il n’était qu’un bouchon ballotté par le courant politique, lui-même mû par l’actualité, puisque nos gouvernants ont bien du mal à tenir un cap qui ne soit perturbé par les crises imprévisibles qui jalonnent son quotidien.
Et donc, qui pourrait imaginer qu’il en aille différemment avec Aurore Bergé, qui n’est pas - encore - experte des sujets dont elle a hérité le 20 juillet 2023 ?
Les promesses n’engagent que ceux qui les croient
Un sujet parmi d’autres : comment Aurore Bergé compte-t-elle poursuivre le “combat” entamé par JCC qui, il y a trois mois, promettait que les travaux délivrés par le CNR autour du bien vieillir ne déboucheraient pas “juste” sur une loi, mais sur “plus qu’une loi” ?
Je suis curieux de le découvrir. Parce que cette annonce tonitruante avait fait l’objet d’un raout en grande pompe dans l’amphithéâtre “Laroque” du ministère de la Santé (tout un symbole).
Là, notre ex-ministre s’était fendu de déclarations incantatoires analysées dans cet article dont je vous recommande la lecture :
Sauf que voilà : la loi est - à nouveau - abandonnée.
Que faire ?
2 options :
Espérer que la nouvelle ministre reprenne le flambeau.
Considérer que la solution ne viendra pas de là.
Souviens-toi du vase de Soisson
Sans vouloir jouer l’air du “Je vous l’avais bien dit”, je me réjouis de ce nouvel abandon.
Nouvel abandon car c’est bien sûr le dernier en date d’une série de renoncements dont le plus tonitruant fut l’abandon de la loi “Grand Age” en septembre 2021.
Déjà à l’époque, je m’étais réjoui de l’abandon de ce projet de loi qui nous avait tenus en haleine pendant 3 ans, bloquant un paquet d’initiative au motif qu’il fallait attendre la loi qui allait résoudre tous les problèmes.
Une attente qui s’est soldée par un bien maigre butin :
Une pléthore de rapports financés par le contribuable,
Un cinquième risque dont personne ne comprend le fonctionnement,
Un système de subventions pour l’habitat inclusif,
Une aide à l’aménagement de l’habitat (la Prim’Adapt, entrée en vigueur en janvier 2024)
Mais surtout, de beaucoup de frustrations et de temps mobilisés pour créer les conditions légales d’un changement, comme si le changement venait de la Loi.
Le changement, c’est maintenant
Aujourd’hui à nouveau, j’appelle de mes vœux un changement de perspective.
Il ne s’agit pas de partir de zéro, se retrousser les manches et suppléer aux carences de l’Etat, mais au contraire d’apprécier la situation avec un regard neuf.
On ne découvre pas le sujet.
Des choses se passent.
Les gens se préoccupent du vieillissement.
Des initiatives sont prises dans le monde entier.
Plutôt que de ronchonner autour du cercueil de cette loi mal fagotée et mal engagée, soyons attentifs à ce qui se passe sur la planète grise et arrêtons de crier haro sur le baudet.
Ta loi, on n'en veut pas !
Une telle loi aurait sanctuarisé quelque chose que nous devons arrêter de sanctuariser.
C'est parce que nous cherchons tant à ranger nos concitoyens dans la case du Grand Age ou du Bien Vieillir que nous oublions qu'ils sont d'abord des citoyens.
Si la dépendance leur fait peur, ce n’est pas leur préoccupation principale.
Ce qu’ils veulent tous, c'est pouvoir continuer à vivre normalement, rester souverain et arrêter d'être perçus comme des petites choses fragiles, vulnérables, socialement isolées et à l'article de la mort.
La dépendance et l’isolement sont une réalité, oui. Mais ils ne reflètent guère la vie d’une majorité des 17 millions de Français âgés de plus de 65 ans.
Le vrai sujet du grand âge est ailleurs.
Il est où ?
Selon Joseph Coughlin, directeur du MIT AgeLab
Et auteur de The Longevity Economy : Unlocking the World's Fastest-Growing, Most Misunderstood Market, il serait à chercher dans le déni de longévité qui touche les états, les institutions et la plupart des acteurs économiques dans le monde entier.
Parce que le vieillissement de la population se manifestera de manière si dramatique mais prévisible, lorsque les entreprises feront des plans à long terme pour l'avenir, il ne devrait y avoir rien de plus élevé sur leur liste de priorités que de se préparer à un monde plus âgé. À quelques exceptions près, cependant, les entreprises – les organisations à but non lucratif et les gouvernements – ne se préparent pas. La raison en est un mystère.
Selon Eric Guillaume, créateur du viager mutualisé
Et membre de la chaire TDTE (Transitions démographique, transitions écologiques), il serait à rechercher du côté de leur pouvoir d'achat, qui baisse inexorablement et continuera à baisser au fur et à mesure que les régimes de retraite s’effondreront, car ils n'ont pas été conçus pour un monde où la longévité progresse autant.
Ce sont des consommateurs dans un état de santé relativement satisfaisant entre 60 et 80 ans. Des consommateurs de plus en plus nombreux qui ont besoin de vivre et qui ont envie de consommer.
Selon Linda Gratton et Andrew Scott, professeurs d'économie au London College
Et auteurs de The 100 Years Life, il est à chercher dans l'organisation de nos vies et le remplacement d'un schéma enfance - études - activité - retraite par une organisation qui alternerait les phases de travail, d'étude et de retraite tout au long de la vie.
Nos vies seront beaucoup plus longues que ce qui a toujours été le cas, plus longues que les modèles sur lesquels nous basons actuellement nos décisions de vie, et plus longues que ce qui est supposé dans nos pratiques et arrangements institutionnels actuels.
Selon le biochimiste David Sinclair, professeur de génétique, codirecteur du Paul F. Glenn Center for Biology of Aging Research à la Harvard Medical School
Et auteur de Lifespan, Why we Age and why we don't have to, il est à chercher dans la reconnaissance du vieillissement comme un état réversible, non obligatoire et que la science pourrait un jour guérir.
Cent vingt ans pourraient ne pas être une valeur aberrante mais une attente, à tel point que nous ne l'appellerions même pas longévité ; nous l'appellerons simplement « la vie », et nous regarderons en arrière avec tristesse l'époque de notre histoire où il n'en était pas ainsi.
Selon Nicolas Menet, sociologue décédé en janvier 2023
Et ancien directeur du cluster européen Silver Valley, Il serait à chercher du côté de l'image collective de la longévité.
L’empowerment et l’utilité sociale seront les questions existentielles des années 2020 pour le senior. Qu’est-ce que je fais ? À quoi je sers ? Comment écoute-t-on ma parole en dehors de la maladie, du soin et de la retraite.
En bref
Tous ces contributeurs pensent que le problème et sa solution sont du ressort des chercheurs, des entrepreneurs et de la société civile. C’est à eux - et donc, à nous - d’inventer un monde que nos politiques se chargeront ensuite de codifier…. et non l’inverse !
L'arbre de la dépendance nous cache la forêt de la longévité 🌿
La loi Grand Age a focalisé l'attention sur le financement de la dépendance alors que la longévité peut être appréhendée sous un angle bien plus optimiste et ambitieux.
La longévité n'est pas un mythe
Elle n'est pas réservée aux riches qui pourront se payer un clonage, une cryonisation1 ou un uploading2.
Non, la longévité va nous profiter à tous.
Plus de temps en bonne santé à consacrer aux choses qu’on aime faire avec les gens qu’on aime fréquenter.
C'est le paradigme dans lequel nos enfants vieilliront.
Une réalité qui va changer notre rapport monde.
Entrepreneurs engagés dans l'économie de la longévité, notre rôle est de rendre cela possible. Pour que chacun y ait une place, une raison d’être, selon ses choix.
Rester focalisé sur la dépendance, c’est s’emprisonner dans le modèle médico-social qui domine le sujet depuis 150 ans.
Réinventer
Nous pouvons faire bouger les lignes et arrêter de compter sur le législateur :
Faire confiance aux gens qui veulent se retrousser les manches pour agir.
Ne pas chercher des idées dans les études des petits frères des pauvres, mais sur le terrain.
Arrêter de prendre la tête aux entrepreneurs qui ont décidé de créer une entreprise plutôt qu’une association
Penser global, agir local, mais essayer de ne pas dupliquer les bonnes idées dans chaque département : un projet national qui se répliquerait en fonction des contingences locales aura plus de poids, d’influence et d’impact que 99 start-up locales.
Mais en même temps, ne pas inventer des modèles qu’on duplique sur tout le territoire sans concertation (exemple des RSS). Chercher à travailler en synergie au niveau des territoires, avec tous les acteurs de terrain.
Observer ce qui se fait à l’étranger et s’inspirer des bonnes idées (arrêter de penser en silos nationaux)
Là où j’attends l’Etat
N’allez pas me prendre pour un libertarien3 qui veut reléguer l’Etat à la portion congrue pour laisser les entreprises gérer le monde. Cette conception peut avoir cours aux Etats-Unis où elle prend sa source, mais elle est peu transposable dans un pays aussi régalien que le nôtre.
Je pense que l’Etat doit jouer un rôle, mais il ne doit pas prétendre les jouer tous, au risque de se ridiculiser en ne tenant pas ses engagements, comme Jean-Cricri.
Il y a des sujets sur lesquels l’Etat pourrait apporter des solutions à la racine et sur lesquels il pourrait mobiliser. Je pense à des actions qui se pilotent sur le temps long et doivent bénéficier d’une politique dans la durée, avec un budget régulier et un accompagnement national. Certaines de ces actions sont déjà à l’agenda gouvernemental.
J’en liste 3 :
Lutter contre la paupérisation des personnes âgées en luttant contre la paupérisation de tous les citoyens : aider les Français à disposer de revenus suffisants pour vivre et préparer leur retraite sereinement, puis, une fois à la retraite, pouvoir conserver leur autonomie financière et organiser leur existence sans être pénalisés par leurs ressources.
Engager des politiques pour mieux répartir la population sur le territoire et en évitant une concentration des citoyens de tous âges dans les métropoles, pour des raisons d’accès aux services et aux soins.
Soutenir des politiques de prévention en santé, afin d’éradiquer les maladies liées à l’âge qui sont évitables et de diminuer ou anticiper celles qui ne le sont pas encore.
Sur ce dernier point, je vous recommande le dernier dossier de la Filière Silver économie réalisé en partenariat avec Sweet Home. Son point d’orgue est une interview du Professeur Olivier Guérin4 consacrée à la prévention chez les 55 - 75 ans. Le gériatre va participer à une étude sur le sujet qui sera pilotée par la filière Silver économie et ses idées sont étonnantes.
La cryonie, est une technique de conservation à très basse température des cadavres, vise à ressusciter les individus grâce aux avancées technologiques futures. Elle offre une possibilité d'attente pour les patients atteints de maladies incurables en espérant qu'un traitement puisse être développé dans le futur.
L’uploading, une hypothèse scientifique, envisage la possibilité de numériser un esprit et de le transférer d'un cerveau à un ordinateur. En simulant son fonctionnement, l'ordinateur serait capable de reconstituer l'esprit, rendant difficile de distinguer un cerveau biologique réel d'un cerveau simulé.
Le libertarianisme, également connu sous le nom de libertarisme, est une philosophie politique née aux États-Unis. Son principe fondamental est que la société juste doit respecter et protéger la liberté de chaque individu. Cette doctrine vise l'émancipation plutôt que la soumission, et propose une philosophie et une structure sociale qui permettent à chaque personne de jouir d'une liberté maximale.
Olivier Guérin, professeur des Universités en gériatrie et praticien hospitalier, est un expert de renom dans le domaine de la santé et de l'autonomie des personnes âgées. Il dirige le pôle Réhabilitation autonomie vieillissement au CHU de Nice et joue un rôle clé dans le développement de solutions numériques pour la santé et l'autonomie. Il est président du Conseil National Professionnel de gériatrie et a été président de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie. Son expertise et ses recherches sont axées sur l'évaluation et l'expérimentation de nouvelles approches pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées.
Pouvoirs publics : jusqu'où peut-on se passer d'eux en Silver économie ?
Intéressant, comme d'habitude.
Mais parfois le propos est empreint de naïveté.
Par exemple sur la loi "Grand âge".
Rien d'étonnant qu'elle soit à l'arrêt.
Ce n'est qu'un leurre.
Car La véritable loi 'grand âge" s'appelle en réalité "mourir dans la dignité" qui, elle, est toujours dans les tuyaux.
Elle recueille le consensus des plus jeunes générations qui trouvent guère gratifiant de devoir visiter "mamy" ou "papy" à l'Ephad tout en ne pouvant pas disposer immédiatement de leurs biens.
Et surtout, c'est TRIPLE BINGO pour la collectivité:
- moins de dépenses médicales en soins en tout genre
- moins de retraites à servir
- augmentation des rentrées fiscales avec les droits de succession.