La Poste veut devenir le premier opérateur de portage de repas pour seniors : mon analyse
Audition de Philippe Wahl au Sénat | Analyse à 360° du secteur portage de repas | Comment La Poste peut s'y intégrer | Comment ses concurrents peuvent se distinguer
Jamais 2 sans 3 !
Il y a trois ans, en avril 21, j’ai écrit un état des lieux sur la stratégie de La Poste dans la Silver économie. En avril 23, je l’ai actualisé1.
Et figurez-vous qu’en avril 24, l’actualité nous offre une nouvelle opportunité sur un plateau d’argent.
L’actualité de La Poste
La semaine dernière, le PDG de La Poste, Philippe Wahl a été auditionné par la commission des Finances du Sénat à propos de sa stratégie. En effet, même si l’Etat n’est plus l’actionnaire majoritaire2, le groupe bénéficie de compensations financières qui s’élèvent à plus de 800 millions d’euros pour remplir ses quatre missions de service public :
Le service universel postal,
Le transport et la distribution de la presse,
La contribution à l’aménagement du territoire,
L’accessibilité bancaire.
Le seul service universel postal coûte au contribuable 500 millions d’euros pour l’exercice 2023.
Les parlementaires sont donc curieux de comprendre comment l’opérateur utilise cet argent et comment il compte faire évoluer son service en réponse à une diminution massive (et qui n’est pas près de s’arrêter) de son activité historique de distribution du courrier.
Entre 1990 et 2023, la part du courrier dans le CA de La Poste est passée de 70% à 15%.
Selon Philippe Wahl, le salut de La Poste réside dans le portage de repas.
Il déclare :
À quoi ressemblera La Poste en 2035 ? Notre premier métier restera le colis, mais le repas sera la première activité des facteurs. Notre offre de repas est en effet moins chère, décarbonée, valable six jours sur sept. La Poste, demain, sera donc organisée autour de quatre métiers : colis, bancassurance, services de proximité humaine - aller vers, repas, numérique. - Philippe Wahl
Vous avez bien lu ?
Je veux dire, vraiment bien lu ?
Dans ce cas, avez-vous compris comme moi l’intention réelle de Wahl ?
Il ne parle pas uniquement de portage de repas. Il évoque d’abord cette activité, certes. Mais ensuite il parle aussi de services de proximité humaine - aller vers. C’est-à-dire de toute l’offre de services à la personne qui ne sont pas dans le champ du care, mais en amont. Autrement dit, les prestations de lien social d’une part et de facilitation d’autre part.
Par lien social, j’entends : l’accompagnement souvent réalisé par des étudiants que proposent des entreprises comme Allo Louis, Granny & Charlie ou Mamie Boom en France ainsi que Papa aux Etats-Unis3.
Et par facilitation, je pense au care management. Vous savez, cette activité que tous les acteurs de SAP cherchent à développer, mais pour laquelle personne n’a encore trouvé un business model viable4.
L’ambition de La Poste ne se limite pas au portage de repas. Wahl veut transformer ses facteurs en care managers !
Et attention, qu’il parle de portage de repas ou de service de proximité, Wahl ne fait pas référence à Axeo, la filiale de services à la personne rachetée par La Poste en octobre 2016. Il ne fait pas non plus référence au partenariat signé entre la conciergerie “veiller sur mes parents” et l’enseigne de portage de repas Saveurs et Vie.
Non, ce que Monsieur Wahl présente, c’est une activité qui sera réalisée par les facteurs.
En effet, La Poste fait le pari de maintenir dans l’emploi ses 65 000 facteurs même si leur activité historique de distribution du courrier disparaît.
Une ambition courageuse et audacieuse
Pour trois raisons
Parce que si les services publics délégués à La Poste sont financés par le contribuable, ce n’est pas le cas des nouveaux métiers. La Poste doit donc vendre des prestations sur le marché concurrentiel.
Parce que cela va à l’encontre du réflexe habituel de dégraissage des services. Là, nous avons un acteur qui décide de se réinventer tout en tirant parti de son formidable maillage territorial.
Parce que les 65 000 facteurs de La Poste représentent seulement 20% de son effectif. L’entreprise doit en réalité réinventer le métier de tout un groupe et opérer un pivot majeur pour rester compétitive et attractive.
C’est donc une formidable opportunité d’étudier comment une quasi-administration opère un énorme pivot pour rester compétitive et attractive alors que son activité principale est condamnée à disparaître.
Compte tenu des mutations que devraient provoquer dans le monde du travail les trois transitions du siècle (démographique, numérique et climatique), je trouve intéressant que nous disposions, en France, d’un tel modèle.
En outre, compte tenu de son statut particulier, La Poste est amenée à communiquer de façon plus franche que des organismes privés de même taille.
Ainsi, lorsqu’il est auditionné par le Sénat, Philippe Wahl ne se contente pas de servir la soupe à un auditoire conquis et peu loquace. Il doit aussi supporter la contradiction de sénateurs qui vivent, sur leur territoire, l’évolution du modèle postal.
C’est pourquoi je vous recommande de lire ou visionner l’audition de Monsieur Wahl devant le Sénat (si vous avez un peu de temps et que le sujet vous intéresse).
Pour ma part, je vous propose une analyse des enjeux et perspectives au niveau Silver économie qui va occuper 2 parties :
Portage de repas : état des lieux du marché, chiffres clés, opportunités et contraintes
Quelle place La Poste peut-elle occuper dans le portage de repas et par extension, dans la Silver économie ?
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