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Ma vision de la Silver économie
Catégories vs Raison d'être | Service client | Etudes de cas | Produit Total de Theodore Levitt
Vous êtes nombreux à vous être demandé si votre projet s’inscrivait ou non dans la Silver économie.
La semaine dernière, c’est un entrepreneur souhaitant développer une offre de care management que m’interrogeait sur le sujet. Est-il dans la Silver économie si son offre cible les aidants ?
Ma foi, je n’en sais rien.
Ou plutôt, c’est à vous de le décider.
Attendus
Dans cet article, nous allons explorer la Silver économie, un concept qui peut sembler flou pour certains.
Nous allons discuter des différentes interprétations de ce terme, des clivages qui existent au sein de l'industrie et de ce que cela signifie pour les entrepreneurs.
Nous allons également examiner comment les entreprises peuvent se positionner dans cette industrie et offrir des services adaptés à leur clientèle senior.
Nous verrons que la Silver économie est plus qu'une simple catégorie de services, mais une couche de service qui se greffe sur toute activité, apportant une réponse à des besoins spécifiques.
Existe-t-il une vérité unique ?
La notion de Silver économie, si elle permet de catégoriser des offres qui s’adressent aux seniors, a tendance à créer un clivage anormal et peu clair.
Par exemple, certains considèrent que ni les EHPAD, ni les services à la personne ne font partie de la Silver économie alors qu’ils sont régulièrement sollicités par les organismes de la Silver économie pour des partenariats et qu’il est difficile d’imaginer un avenir sans eux.
Les acteurs de l’économie sociale et solidaire font parfois une distinction entre leur champ d’action et celui de la Silver économie, comme si les deux univers étaient incompatibles.
Certaines personnes considèrent que la Silver économie concerne uniquement les start-up. D’autres vont encore plus loin et ne retiennent que les start-up technologiques, les fameuses agetech.
Ces nombreux clivages enferment la Silver économie dans un champ ultra-restreint et catégoriel.
Évitez ce piège.
Adoptez une approche ouverte.
Ne considérez plus la Silver économie comme une catégorie de produits et services, mais comme la raison d’être de votre projet.
La Silver économie, c’est une raison d’être
Voici comment je vois les choses.
La pierre d’achoppement des acteurs qui s’engagent dans une offre dédiée à l’autonomie des seniors, c’est un souci d’équité.
Nous avons tous à cœur l’adaptation de la société au vieillissement.
Et donc, dès lors que le but de votre projet s’inscrit dans cette dynamique, vous faites partie de la Silver économie.
Vu ainsi, la Silver économie ne se définit pas par son contenu, mais par son contenant. Je ne suis pas dans la Silver économie selon le service que je rends, mais selon l’intention qui m’anime, selon le monde auquel je rêve. Et donc, je ne vais pas définir la Silver économie en listant les multiples services qui la constituent, mais en décrivant le monde qu’elle voudrait construire.
La Silver économie cherche à adapter la société au vieillissement grâce à l’action d’acteurs économiques engagés au service des personnes âgées et de leurs parties prenantes.
Qu’en pensez-vous ?
Silver économie pour tous ?
Et c’est pour cela que la Silver économie peut concerner les pure players dont l’offre est dédiée à l’autonomie des seniors (logement adapté, établissements spécialisés, services à la personne), mais aussi des services dont la cible n’est pas la personne âgée, mais qui ont une démarche pour les cibler ou adapter leur offre à ces publics.
La Silver économie englobe tous les acteurs de l’économie française : du supermarché à l’hôtel de luxe en passant par le concessionnaire automobile et le transporteur aérien.
Ce qui explique qu’en 2019, BPI ait évalué la Silver économie à 130 Mds€, soit 5% du PIB. Ce calcul n’est possible qu’en prenant en compte toute la consommation des seniors, du déambulateur à la Toyota Yaris en passant par la paire de Mephisto, le pass pour le Hellfest et le Canard Enchaîné (ou le JDD).
Déni de Silver économie
Or, aucune des entreprises qui vendent indistinctement à tous les consommateurs ne considère faire de la Silver économie, y compris quand elles vendent aux seniors.
Elles ne sont pas engagées dans les instances de la Silver économie, ne participent pas à ses salons et considèrent que la Silver économie, c’est le marché de la dépendance.
Pourquoi ?
Parce que, historiquement, la Silver économie est effectivement le marché de la dépendance. Elle a été fondée par les acteurs de ce secteur, elle continue à véhiculer cette image et attirer les organismes qui se positionnent sur ce problème.
Parce que la Silver économie ne se définit pas par sa finalité, mais par ses éléments constitutifs. Cela se manifeste par des catégories fermées qui ont pour effet sinon pour objet d’exclure ceux qui n’y sont pas associés. Les ouvrages traitant du sujet se résument à des énumérations de secteurs économiques qui font - ou ne font pas - partie de la Silver économie.
Une startup qui se revendique de la Silver économie cherche à lutter contre les maux associés à la dépendance : perte d’autonomie, isolement, maladie, limitations physiques, troubles cognitifs, etc.
Et donc, je vous invite à oublier ces clivages trompeurs pour ne considérer la Silver économie selon l’intention qui rassemble les acteurs qui aimeraient adapter la société au vieillissement.
Chacun à son niveau et selon ses moyens.
Par exemple…
Une chaise dans la boucherie
Un boucher de quartier est un artisan qui vend des produits carnés au détail.
Si une boucherie accueille une population âgée, elle peut a minima installer une chaise dans son espace de vente, afin que les seniors qui en éprouvent le besoin puissent s’asseoir en attendant leur tour.
Pour s'adapter à une population vieillissante, une boucherie de quartier pourrait envisager d'offrir des options de viande pré-découpée pour faciliter la préparation des repas pour les clients ayant des problèmes de mobilité.
Elle pourrait également envisager de proposer des services de livraison à domicile.
De plus, la boucherie pourrait offrir des ressources éducatives sur la façon de préparer des repas faciles à mâcher et à avaler, ainsi que des recommandations pour des options de viande plus tendres et plus faciles à cuisiner pour les personnes âgées.
Enfin, la boucherie pourrait envisager d'offrir des réductions ou des programmes de fidélité pour les seniors afin d'encourager les achats répétés.
Dans cet exemple, le produit générique de la boucherie, c’est la vente au détail de produits carnés.
En cela, la boucherie n’est pas différente des autres artisans bouchers.
Cependant, en adaptant son produit aux besoins spécifiques de sa clientèle senior, notre boucher développe un service de Silver économie.
Ce que je vous montre avec cet exemple, c’est que le produit n’est qu’une partie de l’offre.
Un interlocuteur dédié
Alors que je m’approche doucement de la cinquantaine, je réalise à quel point j’aime avoir un interlocuteur dédié pour résoudre mes petits problèmes avec les fournisseurs et l’administration. Et cela tombe bien, car mon comptable est ainsi.
Dès que j’ai un problème d’ordre financier, fiscal ou administratif en rapport avec l’argent, je peux l’appeler.
Il me connaît.
Il connaît mon dossier.
Je n’ai pas besoin de lui rejouer tout l’historique.
Il répond à toutes mes demandes.
Il me rappelle dans un délai très bref.
Il est patient.
Il sait me renvoyer vers la bonne personne quand ce n’est pas de son ressort.
Et c’est pour cela que je continue à faire appel à ses services, même s’il est un plus cher qu’un service en ligne.
Et ça, c’est quelque chose de rare.
Pour lequel d’autres que moi sont prêts à payer.
Parce que tous les consommateurs ne veulent pas payer le moins possible quitte à renoncer à la qualité du service.
Sinon les palaces auraient mis la clé sous la porte et tous les hôtels seraient des Formule 1.
Vous pouvez automatiser votre service, mettre un chat sur votre site internet, demander à l’IA de gérer les clients, mais je doute que ça soit la meilleure des stratégies avec une clientèle âgée. Qui a été habituée à avoir des interlocuteurs sinon dédiés, au moins humains. Et qui plébiscite le rapport direct, au téléphone ou de visu.
Le produit n’est qu’une partie de l’offre
La vente de votre produit ne se limite pas simplement à la transaction commerciale entre vous et votre client. Vos clients achètent également tout ce que vous mettez autour de votre offre, ce qui les distingue de vos concurrents : le service client.
Le service client est un ensemble d'interactions entre votre marque et vos clients, avant et après la vente. Cela peut inclure des réponses rapides aux questions, une assistance technique, une livraison rapide et fiable, des retours faciles et sans souci, et bien plus encore.
Votre aura besoin de vous solliciter à différentes occasions. Et ces occasions représentent pour vous des opportunités de renforcer son attachement à votre marque.
Vous devez comprendre que votre produit est une partie de la solution que vous offrez à vos clients. Mais que le service client est également un élément crucial pour répondre à leurs besoins.
Les atouts d’un bon service client
Offrir un excellent service client peut vous aider à vous différencier de vos concurrents et à vous positionner comme une entreprise qui se soucie réellement de ses clients. Et si parmi vos clients, il y a des seniors, vous avez l’obligation d’adopter le service client aux attentes spécifiques de ce segment vis à vis d’un service client de qualité.
La question se posera aussi pour d’autres segments. D’autres générations. L’offre de service client que vous proposerez s’ajustera en conséquence. Mais ne vous attendez pas à des cris d’extase de la part d’une population senior si vous ne proposez que des services digitaux, aucun point d’entrée téléphonique et pas d’interlocuteur dédié !
Notre boucher n’a pas modifié son produit, mais il a créé un service client adapté à sa clientèle senior. Et c’est à ce niveau qu’il fait de la Silver économie.
De la même façon qu’un constructeur automobile ou une compagnie aérienne pourrait imaginer un service adapté à sa clientèle senior sans que cette couche de service dénature son offre grand public.
Approfondissons un peu avec une approche théorique que je trouve très adaptée, et très efficace : La théorie du produit total élaborée par le Pr. Théodore Levitt.
Produit total
Le produit est égal à la somme de ses résultats. Il représente l'ensemble des avantages dont le client bénéficie après l'achat.
Le professeur Theodore Levitt de la Harvard Business School imagine le concept de produit total.
Levitt considère un produit comme une combinaison de divers attributs qui augmentent la complexité qu'ils développent à travers quatre niveaux différents.
Selon lui, l'attente du client, sa conception du produit et de son coût, ainsi que ses attentes, vont au-delà de la simple matière première commercialisée par la marque.
Les 4 niveaux du produit selon Levitt
Le produit générique est le produit brut = ce que l’entreprise pense vendre
Le produit attendu est le problème que le client cherche à résoudre = ce que veut le client
Le produit augmenté est le produit assorti de différentes options qui vont augmenter le plaisir et la satisfaction du client = ce qui fidélise le client
Le produit potentiel constitue une promesse, des attentes non exprimées que le client pourrait exprimer, un besoin futur = ce que le client aimerait
Passons la Silver économie au crible de la méthode Levitt
La Silver économie pourrait être une offre de produits augmentés qui répondent aux besoins spécifiques des seniors.
Et donc, partant de cette définition, tout produit qui offrirait un service client adapté au marché des seniors fait partie de la Silver économie.
Il ne s’agit pas seulement de produits génériques apportant une réponse spécifique aux besoins particuliers des seniors. Il pourrait s’agir de produits génériques, mais dont le service client, l’offre s’adapte aux attentes spécifiques des clients âgés. Sans pour autant renoncer à servir des clients qui ne soient pas des seniors.
La marque va consciemment chercher à satisfaire sa clientèle âgée en adaptant son offre sans dénaturer son produit.
Un service adapté aux clients
La Silver économie, ce n’est pas une catégorie de services, c’est une organisation orientée service client senior.
Ce qui vous distingue d’un concurrent, ce n’est pas le produit que vous commercialisez, mais le service que vous apportez à vos clients.
Suivez le raisonnement du Pr Levitt.
Vous êtes dans la Silver économie si vous développez un produit attendu par les seniors.
Cela peut être un produit qui répond à un besoin propre aux seniors.
Mais aussi un produit plus générique, que des seniors utilisent depuis des années, mais qui pourrait être adapté à l’évolution de leurs attentes, sans dénaturer le produit lui-même, mais seulement en adaptant le service.
Et quand je dis “adapter”, cela consiste bien souvent à conserver une organisation antérieure.
L’interlocuteur dédié n’est pas une innovation
L’interlocuteur dédié n’est pas une innovation de rupture : c’est la prolongation d’un niveau de service client qui a été la norme pendant des années et que les marques suppriment par souci d’économie et d’optimisation.
Et donc, pour conclure, on pourrait dire que la Silver économie est un détail de votre offre, mais c’est le détail essentiel qui en fera une marque désirable pour les seniors, sans faire fuir les autres catégories de clients.
Donc, vous pouvez avoir développé un produit générique et n’adapter à votre client final que le service qui l’accompagne.
Mettre une chaise dans la boucherie.
Offrir un interlocuteur dédié à vos clients.
Cette règle est applicable à tous les projets.
Je vous mets au défi de me prouver le contraire.
Ma vision de la Silver économie
Voilà encore une Newsletter qui tombe à point nommé, au beau milieu d'une grande réflexion existentielle qui anime le cœur du projet Charly's Family (générateur de lien social autour d'activités de loisir et de culture).
C'est le même chemin que nous empruntons, mais dans l'autre sens.
Nous n'avons pas inventé les loisirs, la culture et encore moins le lien social. Pourtant, c'est ce que nous "vendons". Et nous l'avons vendu au tout début à un public senior qui se situe dans cette zone de fragilité qui précède la perte d'autonomie qui elle, signe l'entrée dans la dépendance. Du coup, notre produit c'est vu bardé d'une pléiade de services qui étaient là pour apporter une rupture avec l'offre existante (facilitation, incitation, sécurisation,.....).
Notre offre bien ficelée, nous avons vite compris que le public que nous avions ciblé est un des plus difficile à atteindre. La bonne surprise, a été de constater que ce que nous avions construit pouvait aussi satisfaire des seniors plus jeunes, plus agiles, et voir même des seniors pas forcement isolés, ayant une vie déjà très active qui nous utilisent comme une corde supplémentaire.
Depuis notre création, (Octobre 2021), la moyenne d'âge de nos membre baisse, et nous avons intégré la réalité de notre "marché".
Certains soirs, je me surprend même à rêver d'une Charly's Family si inclusive qu'elle s'adresserait à toute la population ! 😊