Mayotte sans EHPAD : le laboratoire inattendu de la Silver économie
Sans infrastructure dédiée aux personnes âgées, ce territoire ultramarin pourrait devenir pionnier des solutions alternatives au modèle EHPAD
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je m'intéresse à Mayotte, un territoire français dévasté par le cyclone Chido, pour explorer une situation unique : celle d'un département qui doit penser son adaptation au vieillissement sans avoir d'EHPAD.
Un constat surprenant : alors que l'absence d'infrastructure médicalisée pour personnes âgées semble constituer un handicap majeur, cette situation particulière pourrait bien devenir une opportunité.
Dans ce département où seulement 1,7% de la population a plus de 65 ans, l'absence de structures traditionnelles ouvre la voie à des approches innovantes.
Le drame qui frappe actuellement l'île met en lumière la fragilité des rares services existants. Mais il souligne aussi l'urgence de construire des solutions adaptées aux spécificités locales.
Comment créer une offre de services pour personnes âgées dans un territoire qui refuse le modèle EHPAD et doit tout inventer à partir de zéro ?
Mayotte : et si l'absence d'EHPAD était une chance pour repenser le vieillissement ?
Le cyclone Chido qui vient de frapper Mayotte met en lumière, une fois de plus, la situation critique de ce 101e département français. Infrastructure insuffisante, pauvreté endémique, immigration massive... les défis semblent insurmontables.
Pourtant, cette terre d'apparence si jeune - avec seulement 1,7% de sa population âgée de plus de 65 ans - pourrait bien devenir un laboratoire inattendu de l'adaptation au vieillissement.
Car Mayotte dispose d'un atout paradoxal : contrairement à la métropole, elle n'est pas prisonnière du modèle EHPAD. Sans établissement existant ni prévu avant 2031, le territoire part d'une page blanche pour imaginer des solutions adaptées à sa culture et à ses contraintes.
Un territoire singulier
Une jeunesse trompeuse
Les statistiques sont trompeuses. Certes, la population mahoraise est l'une des plus jeunes de France avec un âge médian de 23 ans et près de la moitié des habitants ayant moins de 20 ans.
Mais cette jeunesse ne doit pas masquer une réalité plus complexe : l'île connaît un vieillissement progressif qui, s'il est moins marqué qu'en métropole, n'en est pas moins réel. D'ici 2050, le nombre de personnes âgées devrait tripler, entraînant des besoins croissants en termes de soins et d'accompagnement.
Des indicateurs préoccupants
Plus inquiétant encore, les indicateurs de santé sont alarmants. L'espérance de vie à Mayotte accuse un retard de près de 10 ans par rapport à la métropole : 74,3 ans pour les femmes et 73,9 ans pour les hommes, contre respectivement 85,7 et 80 ans en France hexagonale.
Un écart qui révèle des conditions sanitaires préoccupantes, avec 47% des plus de 65 ans qui estiment leur état de santé mauvais ou très mauvais - soit trois fois plus qu'en métropole.
Le défi des traditions
Dans ce contexte, la culture familiale mahoraise, qui considère la prise en charge des aînés comme une obligation morale, pourrait sembler une protection naturelle.
Mais cette tradition se heurte aux mutations sociales : travail des femmes, exode des jeunes vers la métropole, précarité économique. Le modèle familial, aussi solide soit-il, ne pourra pas à lui seul répondre aux défis du vieillissement.
Des opportunités cachées
Une page blanche
Paradoxalement, c'est l'absence d'EHPAD qui pourrait constituer la plus grande opportunité pour Mayotte. Là où la métropole peine à se défaire d'un modèle à bout de souffle, l'île peut construire des solutions innovantes sans avoir à déconstruire l'existant.
Le projet d'EHPAD prévu pour 2031, avec ses 80 places dont 20 en accueil de jour, apparaît déjà en décalage avec les besoins et les aspirations de la population.
Un tissu social préservé
Les structures familiales et sociales, bien que sous pression, restent plus préservées qu'en métropole. L'exemple de l'agence Générale des Services de Mayotte, qui accompagnait plus de 300 personnes âgées grâce à une équipe de 100 salariées avant sa destruction par le cyclone Chido, montre qu'il existe un vivier d'emplois et de compétences dans le secteur du soin à domicile.
L'avantage du retard
Ce "retard" apparent permet aussi d'éviter les erreurs commises en métropole. Plutôt que de reproduire un modèle d'institutionnalisation coûteux et souvent mal adapté, Mayotte peut s'inspirer des nouvelles approches qui émergent : habitat partagé, services à domicile renforcés, solutions technologiques.
Vers un nouveau modèle
Des solutions locales
Le véritable enjeu n'est pas de rattraper un prétendu retard par rapport à la métropole, mais d'inventer un modèle spécifique qui corresponde aux réalités mahoraises.
Les "unités de vie" envisagées par le Conseil Départemental, qui permettraient d'accueillir trois à cinq personnes dans un cadre familial, constituent une piste intéressante. Mais il faut aller plus loin.
Un levier économique
La formation et la valorisation des aidants familiaux pourraient devenir un levier de développement économique. Dans un territoire où le taux de chômage est endémique, la création d'emplois qualifiés dans le secteur du care représente une opportunité.
Plutôt que d'attendre des "Mzungu" (métropolitains) qui ne restent que quelques mois, pourquoi ne pas investir massivement dans la formation locale ? Les 170 postes actuellement non pourvus chez Mlezi Maore témoignent de l'urgence de structurer une véritable filière professionnelle.
Une approche régionale
L'innovation pourrait également venir d'une approche ultramarine coordonnée. La proximité avec La Réunion, qui dispose déjà d'infrastructures et d'expertise dans le domaine du vieillissement, ouvre des perspectives de coopération.
Plutôt qu'une relation verticale avec la métropole, c'est peut-être dans cette horizontalité géographique et insulaire que Mayotte trouvera des solutions adaptées à son contexte.
Conclusion
Le défi du vieillissement à Mayotte ne pourra pas être relevé par la seule puissance publique. L'État, déjà débordé par les urgences sociales et sécuritaires, ne peut être l'unique réponse. C'est aux entrepreneurs sociaux, aux associations, aux communautés locales de s'emparer du sujet.
Mayotte nous rappelle qu'adapter une société au vieillissement ne se résume pas à construire des EHPAD. C'est avant tout repenser l'organisation sociale pour faire face à l'allongement de la vie.
Paradoxalement, ce territoire souvent présenté comme "en retard" pourrait bien devenir un laboratoire d'innovation sociale. À condition d'abandonner nos réflexes métropolitains et de faire confiance aux forces vives locales pour inventer leurs propres solutions.
Le défi est immense, surtout dans le contexte actuel de reconstruction post-cyclone. Mais c'est peut-être justement le moment de penser différemment l'avenir de l'île.
Car si la jeunesse est indéniablement la priorité de Mayotte, la question du vieillissement ne peut plus être reportée aux calendes grecques. Il y va de la dignité de nos aînés, mais aussi de l'avenir d'un territoire qui pourrait montrer la voie d'une adaptation au vieillissement plus humaine et plus innovante.
Un appel à la solidarité
Le drame qui frappe actuellement Mayotte nous rappelle que les plus belles intentions ne suffisent pas : il faut des acteurs de terrain pour les transformer en actions concrètes. Générale des Services, sous la direction de Didier Chateau, en est un parfait exemple.
Son agence mahoraise, pilier essentiel de l'île depuis quatre ans, accompagnait plus de 300 personnes âgées grâce à une équipe de 100 salariées en CDI, majoritairement des femmes, souvent cheffes de famille.
Le cyclone Chido a brutalement endommagé cette structure, menaçant la pérennité de son activité. Aujourd’hui, c'est tout un écosystème de soin et d'accompagnement qui se trouve fragilisé.
Face à cette situation, Générale des Services a lancé une cagnotte solidaire pour soutenir ses salariées et ses bénéficiaires, et contribuer à la reconstruction de leur quotidien.
Cette initiative nous rappelle que l'adaptation au vieillissement n'est pas qu'une question de modèle ou de politique publique : c'est avant tout une aventure humaine, portée par des femmes et des hommes de terrain.
Si vous souhaitez participer à cet élan de solidarité et soutenir celles et ceux qui œuvrent quotidiennement auprès de nos aînés mahorais, vous pouvez contribuer à la cagnotte mise en place par Générale des Services.