Comment passer de start-up inconnue à partenaire convoité sans vendre votre âme (ni adhérer à la même loge maçonnique que le DAF)
La matrice des partenaires, mon outil secret pour signer les bons partenariats dans la Silver économie, expliquée et partagée.
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je décortique l’outil que j’ai développé pour aider mes clients à identifier les bons partenaires : la matrice des partenaires.
J’analyse ses 3 étapes en profondeur, j’illustre avec de nombreux exemples réalistes et, cerise sur le gâteau, je vous partage mon framework. Durant tout l’exercice, j’essaie de répondre à LA grande question : Comment persuader les meilleurs partenaires que vous êtes l’allié dont ils ont toujours rêvé ?
Dimanche dernier, j’ai analysé l’échec commercial de William Saurin dans sa tentative de lancement d’un produit adapté aux seniors sous l’enseigne La Cuisine de William.
L’enseigne de conserves a d’abord tenté le B2C, a fait un bide et s’est rabattue vers le B2B2C en recherchant des partenariats avec les SAD (notamment le groupe APEF). Cette stratégie partenariale n’a pas fonctionné parce qu’elle était mal pensée, mal calibrée et qu’elle ne ciblait pas les meilleurs partenaires pour diffuser la gamme.
Cependant, mon analyse montre que le problème de cette offre était plus inhérent au produit qu’aux partenaires.
Ce qui est souvent vrai.
Si votre produit n’intéresse personne en B2C, il y a fort à parier qu’il n’intéressera pas plus de monde en B2B2C.
Avant de chercher un partenaire, trouvez des clients
J’ai donc tendance à recommander à tout candidat à la recherche de partenaire de commencer par vendre à sa cible (son client idéal) afin de valider son marché et son MVP avant de rechercher des partenaires.
Et ce pour 3 raisons :
Ces ventes feront rentrer du cash pendant que vous développez votre réseau partenarial ;
Avoir des clients rassurera vos partenaires sur la pertinence de votre offre ;
Cela pourra même constituer un atout pour les partenaires, puisque vous leur apportez déjà quelques clients.
Par exemple, une mutuelle avec qui vous cherchez à signer un partenariat pour faire financer votre produit par ses adhérents accueillera toujours avec bienveillance les clients que vous lui apporterez. Compte tenu de la tension sur le marché de l’assurance complémentaire santé, un prospect vaut plus qu’un long discours !
La matrice : vue d’ensemble
Je vais vous détailler le framework que j’ai construit pour répondre aux besoins de mes clients lorsqu’ils me sollicitent pour une recherche de partenaire.
Cet outil nous permet de répondre simplement à toutes les questions utiles à la détermination du partenaire idéal.
C’est une première étape, puisque je dois ensuite identifier les partenaires qui correspondent aux critères fixés par mon client, mais elle fait gagner beaucoup de temps et permet de faire des choix rationnels plutôt que passionnels.
Par exemple, si vous lancez un produit Silver économie, que vous n’êtes pas une marque connue (genre William Saurin) et que vous n’avez pas beaucoup de clients, vous ne pouvez pas commencer par solliciter Vyv ou La Poste. Vous perdrez un temps infini à discuter avec des sous-fifres et votre projet n’avancera pas aussi vite que si vous commenciez par chercher des partenaires cohérents avec la taille actuelle de votre projet.
Voici une vue d’ensemble de la matrice
Analysons-en à présent chacun des trois composants.
I. Ciblage : listez vos besoins et vos atouts
La première partie du framework vous aide à cibler les bons profils de partenaires. Je l’ai appelée, la matrice de désirabilité.
Cette matrice en croix sert à identifier les bénéfices attendus et les investissements consentis dans le partenariat par vous et vos partenaires.
Vous allez lister ces items dans les 4 parties du tableau afin de mesurer l’impact attendu par le partenariat recherché et de déterminer si l’investissement que vous ferez en contrepartie en vaut la chandelle.
Le framework de la matrice de désirabilité
Le framework pose 4 questions :
De quoi avez-vous besoin pour renforcer votre offre : vous listez tous les besoins auxquels vous pensez qu’un partenaire pourrait répondre mieux que vous.
Que pouvez-vous apporter à vos partenaires pour renforcer leur offre : vous listez tous les besoins que vous attribuez à vos partenaires auxquels vous pensez répondre mieux qu’eux.
Quels partenaires votre offre peut-elle intéresser : En fonction des bénéfices identifiés dans la case précédente, essayez d’imaginer le type de partenaire qui serait intéressé. Vous ne faites pas de nominatif à ce stade, mais vous identifiez des typologies de partenaires.
Comment les séduire : quelle preuve devez-vous apporter à ces partenaires pour qu’ils valident la pertinence de votre promesse, tant durant la négociation partenariale que pendant l’exécution du partenariat.
Remarques
Faites des recherches pour remplir le 3 et le 4.
Prenez votre temps, étudiez les besoins, sortez du cadre et de vos perceptions de la demande partenariale. En partant de ce que vous pouvez offrir au marché, vous devriez éviter de tomber dans le piège consistant à voir les seuls partenaires potentiels auxquels tout le monde pense.
Pour le 4, tenez compte de l’organisation des partenaires identifiés en 3
Souvent, vous allez cibler des entreprises plus structurées que vous, qui disposent de plusieurs services support (DRH, DAF, SAV, etc.), vous devez donc imaginer des bénéfices pour vos différents interlocuteurs.
Par exemple, l’accès à un dashboard spécifique pour le DAF et un autre pour le DRH, avec des données spécifiques à chacun. C’est utile d’avoir plusieurs alliés, surtout si la décision d’achat dépend d’eux et qu’ils ne sont pas les bénéficiaires au premier degré de votre partenariat.
Toujours pour le 3 et 4, ne considérez pas que les bénéfices du client final suffisent.
Vous devez aborder un partenariat comme une vente. Et donc, apporter de la valeur à votre partenaire. Il verra d’un bon œil que vous serviez son client, mais cela ne lui suffira pas. Il doit aussi retirer un bénéfice direct de ce partenariat.
C’est pourquoi vous ne pouvez vous contenter de faire miroiter un impact social pour “les seniors” ou “les aidants”. Vous devez le faire, mais cela ne suffira pas. C’est justement là que les offres à tiroirs avec des bénéfices pour les différentes parties prenantes de la structure prennent leur sens.
Certains décideurs vont arbitrer sur le bénéfice client, d’autres sur le bénéfice direct et plus vous apportez de bénéfices à chacun, plus vous êtes séduisant pour vos partenaires.
Passez du temps sur ce framework
C’est la partie la plus importante de la matrice, car elle va déterminer la suite. Elle constituera votre feuille de route tant pour choisir les bonnes cibles que pour négocier votre partenariat.
Vous avez donc intérêt à peaufiner cette étape et même à élaborer plusieurs scénarios, plusieurs hypothèses sectorielles. Par exemple, si vous voulez travailler avec la protection sociale :
Une matrice de désirabilité par type d’offre (santé, prévoyance, retraite)
Une matrice de désirabilité par type d’organisme (mutuelle, IP, assureur, courtier)
Une matrice par type de bénéficiaire
etc.
À l’issue de ce travail sur la matrice de désirabilité, je suis en mesure d’identifier, pour chaque type de partenaire identifié en 3, les structures pertinentes pour mon client, le jour où je fais ce bilan et dans le futur.
Le second framework permet d’organiser la recherche dans le temps.
II. Priorisation : calendrier des partenariats
La priorisation permet de situer le bon moment pour approcher un partenaire potentiel selon le niveau de développement de votre projet.
Après la première étape, vous savez qui approcher et pourquoi. Mais avant d’approcher vos partenaires, vous devez vous assurer qu’ils sont mûrs pour être cueillis.
C’est là que vous allez positionner vos cibles sur le framework de priorisation.
Le framework évoque une cible de tir à l’arc : plus le partenaire est près du centre, plus il est pertinent pour vous à court terme. Plus il en est éloigné, plus vous devrez attendre de vous être développé pour l’approcher.
Vous l’avez compris, votre enjeu est d’approcher les partenaires dans le rouge, de commencer à vous faire remarquer par ceux dans le jaune et d’étudier ceux dans le bleu, mais sans tenter une approche frontale et prématurée. Si vous approchez ces gros poissons trop tôt, vous risquez d’être ignoré, envoyé sur une voie de garage ou de griller vos chances futures.
Exemple de voie de garage : les programmes spéciaux pour les start-up.
Plusieurs acteurs institutionnels ont développé des programmes spéciaux pour financer le prototypage dans les start-up.
Par exemple, le Vivalab porté par la CNAV, l’Agirc-Arrco, la Banque des Territoires, France Active et la MSA.
Etude de cas : du care management pour les agriculteurs
Imaginons que vous ayez développé un service de care management dédié aux agriculteurs retraités. Vous pensez - à juste titre - qu’un partenariat avec la MSA (Mutualité Sociale Agricole) serait pertinent. La mutuelle pourrait intégrer votre produit à ses garanties complémentaires et le financer avec une quote-part de la cotisation de ses adhérents.
C’est le genre de partenariat que recherchent les start-up qui marchent dans les pas de Papa (la licorne américaine qui fait exactement cela, mais pour tous les retraités US). Si vous approchez la MSA à l’amorçage de votre projet, quand vous n’avez pas de clients, ni de crédibilité, il y a fort à parier qu’on vous renvoie vers Vivalab, un programme d’accompagnement pour les start-up.
Si Vivalab constitue la voie royale pour signer par la suite des partenariats avec ses fondateurs, l’investissement (en heures, jours, semaines, mois) dans la candidature et le cursus représente un temps que vous ne passez pas à développer votre entreprise. Cela peut donc constituer un pari risqué si la contrepartie est un hypothétique partenariat futur avec la mutuelle dont vous auriez voulu faire votre partenaire tout de suite.
Donc, en l’espèce, avant d’approcher la MSA, vous auriez intérêt à trouver une mutuelle plus petite, qui travaille pour votre audience cible, serait ok pour un POC avec vous, et vous permettrait par la suite d’approcher la MSA avec une plus forte crédibilité. Cela pourrait être un pur player du monde agricole ou bien une petite mutuelle locale dont une grande partie des adhérents appartiennent au monde agricole.
Une fois que les cibles sont positionnées sur votre framework de priorisation, vous allez utiliser le dernier framework, le pitch, pour savoir quoi dire et quelle preuve apporter.
III. Pitch : quelles preuves et quel discours servir à votre partenaire potentiel
Je le dis, je le répète, je le crie, je l’écris, le B.A BA d’une vente réussie (et ça vaut pour les partenariats qui sont - vous l’avez compris à présent - une variante de la vente) c’est de connaitre son client, d’identifier son problème et de le persuader que vous allez pouvoir le résoudre.
Et donc, sans surprise, le framework de pitch vous aide à identifier les éléments de preuve qui vont guider cette démarche commerciale.
Sur ce framework, vous positionner à gauche les cibles que vous avez précédemment placées sur le framework de priorisation. 1 = rouge, 2 = jaune et 3 = bleu.
Logiquement, plus le partenaire est complexe, plus le niveau de preuve qu’il attendra de vous sera ardu.
Une cible de niveau 1 veut que vous résolviez son problème, que votre proposition soit simple à mettre en oeuvre et que vous soyez fiable.
Une cible de niveau 2 veut tout ce qu’attend le 1 et en plus que vous fassiez autorité dans votre domaine, que vous ayez déjà des alliés et soutiens de valeur (preuve sociale) et parfois que vous ayez fait la preuve scientifique de votre promesse.
Une cible de niveau 3 veut tout le 1, tout le 2 et en plus que vous soyez crédible au niveau des clients et du marché, que vous ayez des points communs en termes d’engagement social, de labels, de valeurs et surtout que vous ayez des connexions “invisibles”.
Des connexions invisibles ?
Oui, vous savez, votre associé appartient à la même loge maçonnique que leur DAF, vous jouez au golf dans le même club que le dircab, vous faites partie de la même fédération, vous avez fait des dons à la même asso, vos enfants fréquentent la même école que ceux de la DRH, vous avez rencontré leur président dans un mosh pit au Hellfest.
Je ne dis pas que ces connexions sont indispensables, mais une grande partie des partenariats se concrétisent pour des raisons indirectes. Et plus vous visez des grandes entreprises, plus l’approche frontale et les qualités du produit seront insuffisantes.
Rien n’est impossible en l’espèce
Le meilleur moyen de détecter ces connexions grises, c’est d’étudier à fonds votre partenaire cible. Cela va bien sûr dépendre de l’enjeu, mais si vous sentez avoir de grandes chances de signer un partenariat à très forte valeur ajoutée, vous devez vous en donner les moyens.
Et donc, étudier votre cible.
Pas juste screener leur site internet et vous connecter à leur comex sur Linkedin. Non, pour savoir si le DG est membre de l’amicale des anciens de son école de commerce, pratique l’équitation et mange tous les midis dans le même italien du Bd Exelmans, vous devez aller un peu plus loin que Linkedin.
Tout le monde ne le fera pas et c’est justement pour cela que vous pourrez tirer votre épingle du jeu.
En conclusion, ce n’est que le début
Le framework que je vais à présent vous partager est un point de départ.
Vous l’utilisez pour cadrer votre projet, mais le gros du travail se passe en coulisses. Le gros du travail, c’est de trouver les infos que vous allez écrire sur les post-it que vous collerez ensuite sur les 3 framework.
Pour vous aider à identifier les bons partenaires, vous avez la cartographie de la Silver économie que je tiens à jour depuis 2021 et que vous pouvez consulter librement ici :
Et bien sûr, si vous le souhaitez, je peux vous accompagner dans votre projet de recherche de partenaires. Je vous ai mis un lien pour une prise de rdv sur le framework :
Bonne découverte et rdv dimanche pour une nouvelle analyse inédite.