Il vaut mieux être le seul que le meilleur🤴🏽👸🏽
La recette de Papa pour créer un monopole dans le care management
Bonjour, c’est Alexandre de Sweet Home. Longévité est notre newsletter hebdomadaire consacrée à l’actualité de la Silver Économie. Aujourd’hui, je vous explique sur quoi repose la réussite de la startup américaine Papa.
La semaine dernière, j'ai terminé ma newsletter en vous invitant à lire mon étude de cas consacrée à la startup floridienne Papa.
Cette entreprise créée il y a moins de 5 ans a levé plusieurs centaines de millions de dollars en capital risque pour développer un service d'aide à domicile.
Moralité(s) :
Il n'est pas nécessaire de créer une startup tech pour devenir une licorne,
On peut être innovant sans inventer quelque chose qui n'existe pas,
On peut créer une boite scalable, même dans des secteurs où la croissance repose sur l'humain.
La scalabilité, c'est quoi ? 📈
C’est un modèle de croissance exponentielle où les coûts n'augmentent pas avec les volumes consommés. Plus je vends, plus ma marge augmente car je n'ai pas de coûts variables.
Par exemple, Google est scalable car le coût fixe demeure identique quel que soit le nombre de requêtes qui sont réalisées sur le moteur de recherche.
Les services à la personne ne sont pas scalables ? 🤑
Les activités à fort besoin humain ne sont pas scalables, car les coûts augmentent avec les volumes. Si je suis prestataire de services, plus ma demande augmente, plus je dois recruter de personnel pour exécuter le service et donc plus mes charges augmentent.
Le modèle peut être scalable si je maîtrise la croissance des coûts :
En concentrant les services support,
En utilisant la technologie pour améliorer ma productivité,
En recourant à du personnel bon marché : étudiants, stagiaires, services offshore, bénévoles,
En considérant la stratégie de distribution comme une partie intégrante du produit.
Papa joue sur les quatre tableaux, mais c’est surtout avec leur stratégie de distribution inédite qu’ils ont pris la tête de peloton. 🚴♀️ 🚴🏻♂️🚴♀️🚴🏻♂️
Des ventes et un mode de distribution supérieurs sont capables en soi de créer un monopole, même sans aucune différenciation de produit. L’inverse n’est pas vrai. Quelle que soit la force de votre produit – même s’il cadre aisément avec des habitudes déjà établies et si tous ceux qui l’essaient l’apprécient immédiatement –, il vous faut le soutenir avec un plan de distribution solide.
Thiel, Peter. De zéro à un (p. 178). JC Lattès. Édition du Kindle.
La distribution par les complémentaires santé, pierre angulaire du biz model de Papa
Le génie de Papa c'est d'avoir recherché dès le départ des partenariats avec les mutuelles, en comptant sur celles-ci pour diffuser son offre.
Comment ça marche ?
Papa intègre sa prestation dans les contrats complémentaire santé des mutuelles partenaires. Ainsi, le service de Papa sert de produit d'appel aux mutuelles pour vendre leur contrat et Papa peut s'appuyer sur ses partenaires pour faire la promotion de son service.
Attention, ça ne fonctionne pas tout seul. Même si vous signez un partenariat de la sorte avec une grosse mutuelle ou une caisse de retraite, vous ne pouvez pas compter sur la bonne volonté de votre partenaire pour faire les ventes à votre place. Si vous ne le marquez pas à la culotte, il y a peu de chances pour qu'il fasse la promotion de vos services.
Ces partenariats permettent à Papa d'exister sur tout le vaste territoire américain, mais cela ne le dispense pas de faire la promo de son service par des moyens traditionnels. Mais cela lui coûte moins que s'il était tout seul, car il joue aussi sur la notoriété de ses partenaires.
C'est pareil chez nous : vous pouvez vous appuyer sur un réseau de prescripteurs pour faciliter la diffusion de votre offre et renforcer votre notoriété, mais ça ne marche pas tout seul. Vous devez veiller au grain.
L'autre force de Papa, c'est qu'ils ne sont pas tombés dans le piège de la rénovation.
Toutes les entreprises heureuses sont différentes : chacune d’entre elles détient un monopole en résolvant un problème unique. Toutes les compagnies qui échouent sont identiques : elles n’ont pas su échapper à la concurrence.
Thiel, Peter. De zéro à un (p. 50). JC Lattès. Édition du Kindle.
Papa, c'est une recette qui répond d'une façon unique à un problème massif
Papa n'a pas cherché à créer le SAAD 2.0 ou l'Ehpad à domicile. L'entreprise savait que les services médico-sociaux qui aident les seniors à domicile pâtissent d'une faible valeur perçue et souffrent d'une difficulté endémique à recruter du personnel.
Donc, au lieu de réinventer quelque chose qui ne marche pas bien, la startup a imaginé une réponse nouvelle à des besoins non satisfaits.
Transporter les clients chez leur médecin et les ramener chez eux,
Assister les clients avec leur équipement digital,
Tenir compagnie aux client et les divertir.
Quels sont les points communs à ces trois prestations :
Elles peuvent être réalisés par quelqu'un qui n'a pas de qualifications ou de diplôme du médico-social,
Elles ne nécessitent pas une formation très appuyée,
Elles apportent un vrai soutien aux bénéficiaires et leur valeur perçue est élevée.
Et donc, Papa a construit un système qui recourt à des étudiants pour assurer une mission sociale auprès des personnes âgées.
L’ubérisation du care 🚕
Bien sûr, vous pouvez penser que c'est de l'uberisation, que la méchante startup exploite les pauvres étudiants et que le service sera forcément de piètre qualité vu que les étudiants ne seront pas fidélisés et qu'ils n'auront pas les mêmes motivations qu'un salarié carrieriste....
Mais essayons de voir un petit peu plus loin.
Oui, Papa rencontre ce problème avec les étudiants et ils ont d'ailleurs annoncé au printemps qu'il vont aussi recruter du personnel non étudiant - et plus qualifié - pour remplir certaines missions.
Mais là où la startup ose quelque chose de neuf, c'est justement en proposant différents services, qui sont assurés par différents profils d'intervenants, mais qui offrent à leur client un bouquet complet de prestations :
des appels de courtoisie sur zoom
des menus services assurés par des étudiants
des services premium assurés par du personnel qualifié
une application pour s'organiser
du care management pour les aidants salariés.
Petit à petit, Papa diversifie son offre en adaptant le niveau de son personnel à chacune des tâches et propose des prestations "à la carte" sans jamais se retrouver en concurrence avec les services médico-sociaux, alors qu'ils proposent pourtant le même genre de services.
C'est super malin pour 3 raisons :
Parce qu'ils évitent le principal handicap du médico-social : la faible valeur perçue des prestations qui tire les prix vers le bas.
Parce qu'en diversifiant leurs offres, ils offrent plus de débouchés et de perspectives qu'un service médico-social et pourront donc attirer des profils avec des promesses d'évolution professionnelle.
Parce qu'en structurant leur produit autour des complémentaires santé, ils facilitent la vie de leurs clients : pas besoin de se compliquer l'existence pour se faire rembourser la prestation, elle est prise en charge, à la source, par l'apporteur d'affaire.
“Only is better than best.”
Holiday, Ryan. Perennial Seller (p. 53). Profile. Édition du Kindle.
En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées
La semaine prochaine, nous poursuivons le voyage là où nous le laissons aujourd’hui. Je vous présenterai trois super boites françaises qui ont construit leur monopole grâce à une stratégie bourrée de bon sens : My Jugaad MonSenior et Sorenir capital.
Pour aller plus loin
Vous pouvez lire mon interview de Romain Ganneau intitulée “Comment la protection sociale peut aider les entrepreneurs”.
Romain est responsable autonomie et services chez AG2R LA MONDIALE et il y livre sa conception du rôle de son organisme dans l’animation de l’écosystème. Il explique comment les entreprises doivent solliciter les groupes de protection sociale, ce qu’elles peuvent en retirer, ce qu’elles doivent démontrer.
L’interview à lire si vous souhaitez appliquer la méthode Papa.