Peut-on compter sur l'effet JO pour motiver les Français à faire du sport ?
J'analyse le baromètre Sport-Santé de la Mutualité Française, j'en questionne les résultats, j'en décortique les recommandations.
Après une cérémonie d’ouverture pluvieuse et diversement appréciée, les Jeux produisent l’effet escompté par Macron sur la politique (l’opposition est inaudible), quelques critiques en marge et une liesse populaire dont nous avions oublié la saveur.
Chaque apparition de nos champions tricolores est saluée par des applaudissements ininterrompus, des Marseillaises scandées à tue-tête et des faisceaux de drapeaux français agités avec frénésie par un public exultant.
À côté des retombées économiques et diplomatiques, il y a un sujet dont j’aimerais vous parler aujourd’hui, c’est l’impact des Jeux Olympiques sur la pratique sportive. Comment saisir la balle au bond pour inciter plus de citoyens, notamment âgés, à faire du sport ?
Pour y répondre, j’ai étudié des travaux de l’INSEE qui montrent, données à l’appui, l’impact réel des JO sur la pratique sportive, plusieurs articles et études sur les facteurs de motivation et de démotivation ainsi que le récent baromètre Sport Santé de la Mutualité Française.
Pourquoi c’est une bonne question ?
Elle n’est pas anodine, cette question, compte tenu de l’impact avéré de l’activité physique et du mouvement (l’opposé de la sédentarité) pour un vieillissement en bonne santé.
Vieillissement en bonne santé qui est soutenu par les acteurs de la mutualité dans le cadre de cette démarche Sport Santé.
Démarche à laquelle ils ont consacré leur fameux baromètre, assorti d’un plan d’action en 10 points que j’analyse en 2è partie.
Au-delà de - et grâce à - ce plan d’action, la Mutualité Française entraîne ses 900 mutuelles adhérentes dans une action en faveur du Sport Santé. Car des adhérents en bonne santé, c’est :
Des adhérents qui vivent plus longtemps (et donc, cotisent plus longtemps).
Des adhérents qui sont moins malades (et donc, coûtent moins cher).
Un partenariat opportun
Et justement, à l’heure où je relis cet article, la Mutualité Française annonce un partenariat avec Goove.app qui s’inscrit dans la continuité de son plan d’action. Goove.app est une plateforme collaborative qui aide professionnels du sport santé, prescripteurs et pratiquants à se connecter.
Quand vous aurez lu les objectifs que se fixe l’Observatoire Sport Santé de la Mutualité Française, vous comprendrez pourquoi ce partenariat a fonctionné.
Il serait très intéressant de comprendre comment il s’est fait, car outre son rapprochement de la Mutualité Française, cette start-up créée en 2022 est aussi partenaire du ministère des sports. Goove.app est un promoteur du Sport Santé, ce qui explique son partenariat avec la Mutualité Française. Il veut aider les citoyens - notamment âgés - à se mettre au sport.
Comme vous allez le découvrir, c’est une bonne raison de s’y mettre, mais pas une raison suffisante pour pratiquer sur le temps long.
Cependant, il semble que ce soit une raison suffisante pour nouer un partenariat avec les mutuelles de la Mutualité Française !
Mon analyse en deux parties :
P1 (pour tous) : Enjeux de l’activité physique et sportive pour les seniors
P2 (pour les abonnés) : Comment inciter les Français (notamment seniors) à s’y mettre ?
P1 : Les enjeux de l’activité physique et sportive pour les seniors
Toutes les citations sont issues du baromètre Sport Santé de la Mutualité Française
J’enfonce une porte ouverte en vous vantant les mérites de l’activité physique et sportive. Le sujet est galvaudé. Pas un soignant ne dira le contraire. L’activité physique (bouger) et sportive (pratiquer une activité sportive) ont un impact sur la santé1. Leur absence ou leur insuffisance aussi :
Les personnes ayant une activité physique insuffisante ont un risque de décès majoré de 20 % à 30 % par rapport à celles qui sont suffisamment actives.
Et pourtant, constat amer, la majorité des humains n’en fait pas, ou pas assez. Rien que chez nous :
95% de la population adulte en France est à risque sanitaire en raison du manque d’activité physique ou d’un temps excessif en position assise et la tendance s’aggrave.
L’âge n’est pas un critère de distinction : la fragilité aura une incidence sur la fréquence et l’intensité, mais non sur la pratique elle-même.
L’Observatoire Sport Santé étaye son analyse par une série de données qui dressent une cartographie de l’activité et de l’inactivité. Pour réaliser cette mesure, les auteurs se sont concentrés sur la pratique des citoyens âgés de 18 ans ou plus qui font du sport à une fréquence hebdomadaire (ou plus).
Les 5 chiffres clés du baromètre
Fréquence : 61% des Français déclarent pratiquer du sport au moins une fois par semaine, mais une proportion significative (30%) ne pratique jamais ou presque (moins d’une fois par mois) la moindre activité sportive, y compris modérée.
Freins : Le coût de la pratique sportive est un frein majeur pour de nombreux non-pratiquants (31%), juste derrière le manque de motivation (40%) et les contraintes familiales, professionnelles ou scolaires (38%).
Profil des sportifs : La pratique sportive est corrélée à l’âge (72 % des jeunes font du sport chaque semaine contre 57 % des plus de 50 ans) et au milieu social (71 % des cadres font du sport chaque semaine contre 57 % des ouvriers).
Territoire : La pratique est liée au territoire et à la région où l’on habite. On enregistre ainsi des écarts de près de 20 points entre les régions les plus sportives et celles qui le sont le moins et donc, entre le sud et le nord de la France. La région Provence-Alpes- Côte d’Azur (PACA) est championne de France avec 71 % de pratiquants hebdomadaires alors même que c’est une région où les plus de 65 ans sont plus nombreux. De même, Eurostat réalise une étude qui fait ressortir les écarts entre pays européens.
Motivations : Selon l’Observatoire, rester en bonne santé serait, de loin, la principale motivation des Français pour pratiquer du sport avec 71 % de citations. Son corollaire - améliorer sa condition physique - arrive en 2ème position avec 51 % de citations, devant le besoin de se détendre ou d’évacuer son stress (38 %) et l’envie de perdre du poids (34 %).
Constat qui permet à la Mutualité Française de conclure que :
Les Français sont convaincus des bénéfices du sport sur la santé : 93 % pensent que pratiquer régulièrement du sport est important pour rester en bonne santé.
7 Français sur 10 font du sport pour rester en bonne santé ?
Les 4 motivations identifiées comme prioritaires par l’Observatoire sont en lien avec la santé :
Être en bonne santé
Rester en forme
Garder la ligne
Gérer son stress (santé mentale)
Moi, je trouve cela étonnant.
Le constat tombe à pic dans un rapport sur le Sport Santé, puisqu’il vient valider sa raison d’être.
D’autres motivations
Cependant, il me semble faire l’impasse sur d’autres motivations. Quand j’assiste aux épreuves des JO, je vois des athlètes qui excellent dans leur pratique pour des raisons dont le lien avec la santé est assez lointain.
Voire, pour les triathlonistes qui ont pris un bain dans la Seine mercredi 31 juillet, une priorisation de la performance sur la santé, puisqu’ils acceptent de tomber malades en nageant dans un fleuve pollué.
Combien de sportifs sont conscients que le sport a des effets positifs sur le corps et l’esprit, mais sont motivés par autre chose ?
Facteurs de motivation
J’ai posé la question au co-fondateur de goov.app, Grégory Czaplicki. Il me confirme un écart entre la situation des gens qui font du sport thérapeutique (c’est dans le cadre d’une prescription) et les autres.
Pour les autres, Grégory m’explique que la motivation peut être intrinsèque ou extrinsèque. Il m’a recommandé un très bon article2 qui vulgarise le concept et dont je vous propose une courte synthèse.
Motivation intrinsèque et extrinsèque
La motivation constitue un élément fondamental pour adopter et maintenir un mode de vie physiquement actif.
Deux types de motivation se distinguent : la motivation intrinsèque et la extrinsèque.
La première se caractérise par le plaisir et la satisfaction personnelle que l’on retire de l’activité physique. Elle est essentielle pour garantir un engagement durable.
En revanche, la motivation extrinsèque est liée à des récompenses externes, telles que la reconnaissance sociale ou les bénéfices pour la santé. Bien qu'elle puisse sembler moins noble, elle joue un rôle crucial en incitant les individus à s'initier à un programme de mise en forme.
L’influence de facteurs externes
La motivation n’est pas une donnée statique ; elle peut être développée et influencée par divers facteurs. Contrairement à l’idée reçue, ce ne sont pas uniquement des facteurs individuels qui déterminent le niveau de motivation. Les environnements social, physique, politique, économique et culturel revêtent une importance capitale.
Par exemple, le soutien familial, l’accès à des installations sportives de qualité, des politiques publiques encourageant l’activité physique, le coût abordable des activités et la valeur culturelle accordée au sport sont autant d'éléments déterminants.
Pour ce qui est des besoins psychologiques fondamentaux, la compétence, l’autonomie et l’appartenance sociale sont identifiés comme essentiels pour favoriser une motivation intrinsèque durable. La satisfaction de ces besoins encourage une participation active et agréable aux activités physiques.
Plaisir vs Satisfaction
Pour illustrer la distinction entre plaisir et satisfaction, on peut prendre l'exemple de la course à pied sous la pluie. Bien que cette activité ne soit pas toujours plaisante, elle peut procurer un profond sentiment de satisfaction et de réalisation personnelle une fois terminée. Ce sentiment de dépassement de soi renforce la motivation à long terme.
Afin de maintenir une motivation constante, il est recommandé de fixer des objectifs personnels significatifs, de s'engager dans des groupes de soutien pour renforcer le sentiment d’appartenance sociale, et de choisir des activités procurant à la fois plaisir et satisfaction.
Bilan
Là nous avons un tableau plus complet et exhaustif.
Certes, la pratique sportive peut être justifiée par des motivations sanitaires, mais ce ne sont ni les seules, ni les principales.
Qu’en pensez-vous ?
Que faut-il retenir de ces résultats ?
La Mutualité Française défend le Sport Santé : le sport c’est la santé et donc il faut faire plus de sport pour être en meilleure santé. Tout son propos appuie sa thèse afin que les citoyens fassent plus de sport.
En omettant les autres facteurs motivationnels, la Mutualité Française se tire une balle dans le pied.
Si elle se retrouve à ne promouvoir que des projets qui justifient le Sport Santé, elle risque de passer à côté de l’essentiel.
D’expérience, quand un grand projet est porté par une thèse aussi radicale, il attire des partenaires qui soutiendront le propos (comme Goove.app dont j’ai parlé en introduction).
Or, j’ai des doutes, en l’espèce, sur la pérennité d’un projet aussi obsessionnellement sanitaire, car il ne sera jamais financièrement autonome. Il tiendra à grand renfort de subventions.
Pourquoi Sherlock ?
Pour la même raison que les politiques de prévention ont du mal à décoller.
Parce que, grâce ou à cause de notre système de protection sociale, nous estimons que la santé est gratuite. Et donc, que les actions de prévention étant de la santé, elles seront toujours gratuites, car prises en charge par l’Etat ou les “mutuelles”.
C’est l’objet de mon dossier consacré à la prévention en Silver économie ⬇️.
Transition : Intéressons-nous à la pratique
Que ce soit pour la santé ou une autre raison, nous avons toujours un problème de pratique qui pourrait être améliorée. Et donc, Comment faire pour que les citoyens s’y mettent et s’accrochent ?
C’est ce que nous allons étudier dans la deuxième partie, en nous appuyant sur les analyses réalisées par l’INSEE et d’autres structures à propos du lien entre les événements internationaux et l’augmentation du nombre de sportifs ainsi que sur les préconisations de l’Observatoire Sport Santé, dont je vous livre une version synthétique et commentée.
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