Voila des mois et des mois qu'on nous rabâche que le vieillissement de la population engendrera mathématiquement plus de dépendants et qu'il faudra donc construire plus d'Ehpad pour les accueillir.
Ce discours sanitaire semble aller à l'encontre de l'aspiration majoritaire, rabâchée avec la même vigueur, celle de vivre et vieillir chez soi jusqu'au bout de sa vie.
Fatalisme, ignorance ou déni.... difficile de trancher. Les rapports qui se succèdent et la perspective toujours plus floue d'une future loi "Grand Age" ne contribuent pas à la clarté.
Dans ce contexte troublé, le Sénat vient de jeter un pavé dans la mare en adoptant un rapport intitulé "Bien vieillir chez soi : pour une véritable politique de prévention de la perte d'autonomie" présenté par les sénateurs Michelle Meunier et Bernard Bonne (le rapport a été adopté par la commission des affaires sociales le 17 mars dernier).
Ce travail de 145 pages invite les pouvoirs publics à cesser de construire de nouvelles chambres d'Ehpad et de concentrer son effort sur l'adaptation du domicile. Le rapport s'inspire de l'exemple du Danemark qui ne construit plus d'Ehpad depuis 1987, sans que les vieux danois aient à s'en plaindre.
Chez nous, l'Ehpad est un héritage de Louis XIV. Le Roi Soleil a créé un hébergement pour les indigents qui n'avaient pas les moyens de se soigner seuls - parce qu'ils étaient pauvres et isolés.
L'institution a évolué au fil des siècles, mais elle conserve cette image de l'hospice où l'on enferme les gens qui n'ont plus leur place dans la "vraie vie".
Ce discours vous semble dur ?
Vous pensez que l'Ehpad, c'est pas si mal que parfois on n'a pas d'autre choixet qu'il n'existe pas d'alternative viable ?
C'est votre droit, mais vous admettrez qu'il y a un problème.
C'est quoi le problème ?
Le problème n'est pas que personne ne veut y aller.
Le problème n'est pas que l'Ehpad coûte horriblement cher à ses résidents, mais aussi à la collectivité.
Le problème n'est ni l'hémorragie du personnel soignant, ni le turnover endémique qui déséquilibrent l'organisation des Ehpad et dégradent l'expérience client des résidents et des familles.
Le problème n'est pas que tous les gens qui vous en parlent en ont toujours eu une expérience traumatisante.
Le problème n'est pas que les Ehpad ont une communication déplorable et choisissent de répondre au bad buzz par un silence assourdissant. Le dernier scandale en date à propos des plateaux repas ne fait pas exception à la règle.
Le problème n'est pas que l'Etat ait décidé d'accorder 2 milliards d'euros pour aider les Ehpad à se rénover alors que dans un même temps, les acteurs du domicile doivent mendier pour recevoir une malheureuse prime covid et une petite augmentation de salaire.
Non, tous ces problèmes ne sont pas le Vrai problème.
Le vrai problème ?
Le vrai problème est celui du modèle de société dans lequel nous voulons vivre et vieillir.
Le vrai problème, c'est de penser l'âge comme une une maladie, la dépendance comme une fatalité et la vieillesse comme un naufrage.
Toute l'énergie qu'on dépense dans la création de système plus sécurisés, de maisons plus médicalisées, de réponses à la dépendance et aux maladies chroniques, on ne le met pas dans le travail en amont.
Arrêtons de répéter qu'il vaut mieux ajouter de la vie aux années que des années de vie, c'est un discours de looser.
Nous pouvons ajouter des années à la vie ET de la vie aux années.
Le changement, c'est maintenant
Et devinez quoi, nous le faisons déjà, sans en avoir toujours conscience.
Vous avez grandi dans un monde où les centenaires étaient une exception, ils sont de plus en plus nombreux et pourraient devenir la norme.
Si vous avez entre 25 et 80 ans, vous vous sentez comme un humain plus jeune que ce qui est écrit sur votre carte d'identité. Et cette sensation, c'est à l'amélioration globale de notre environnement que nous la devons.
Ne nous offusquons pas de pouvoir offrir à nos enfants une vie plus longue. Une vie où ils pourront réaliser plus de choses :
Lire l'intégrale de La Comédie Humaine sans se presser (70 romans).
Arrêter de binge-watcher les séries Netflix en sachant qu'ils auront des décennies pour les déguster.
Faire une thèse de doctorat en géologie à 80 ans.
Assister au mariage de leurs arrière-petits-enfants et disputer un match de walking football avec eux.
Prenons de la hauteur
Au lieu de tourner en boucle sur la prise en charge de la dépendance, intéressons-nous aux innovateurs qui inventent le monde où le grand âge ne sera plus celui du déclin.
Attachons de l'intérêt à tous ces chercheurs qui travaillent sur les 9 causes du vieillissement et dont les premières découvertes sont trop peu médiatisées en France où tout ce qui porte l'étiquette du transhumanisme est ridiculisé par les médias bien pensants.
Concentrons nos efforts et nos investissements sur les entreprises qui oeuvrent pour faire de nos logements et de leur environnement des espaces qui contribuent à notre bonne santé.
Prêtons attention à tous les entrepreneurs qui recherchent un moyen d'agir en amont et non pas en aval.
Il ne s'agit pas de jeter bébé avec l'eau du bain, nous aurons encore besoin de systèmes d'aide au maintien de l'autonomie des personnes qui la perdent à cause d'une santé défaillante.
Il s'agit de considérer que cette situation peut changer.
Que nous pouvons agir préventivement pour y remédier.
Qu'il y a une autre histoire à inventer, un autre futur.
Est-ce que vous voyez où je veux en venir ?