💊 Prévenir ou Guérir ?
Définir la prévention | Espérance de vie en bonne santé | Politiques publiques ou programmes sur mesure | Olivier Guérin | 7 problèmes à résoudre
Mieux vaut-il prévenir ou guérir ?
Si l’adage affirme la supériorité de la prévention sur le soin, les comportements de nos concitoyens le font souvent mentir.
Mais en sont-ils responsables ?
Est-ce que notre système de soin les incite à être plus préventifs ?
Est-ce que les dispositifs de prévention portés par les pouvoirs publics sont suffisamment éclairants pour que les cibles s’activent dans des actions préventives qui leur éviteraient des actions curatives ?
C’est facile de critiquer les Français sur l’air bien connu du “le latin n’est pas très préventif” sans expliquer pourquoi, ni regarder ce qui se passe chez les autres.
Prenons un exemple illustratif
L’exemple de l’obésité
L’obésité est une forme sévère de surpoids considérée aujourd’hui comme un trouble médical grave.
Chiffres
Selon l’OMS, plus d’un milliard d’humains sont touchés (650 millions d'adultes, 340 millions d'adolescents et 39 millions d'enfants) et le chiffre ne cesse d’augmenter. Tous les pays de l’OCDE à l’exception notable de la Corée (3% d’obèses) affichent des scores affligeants. Avec 10% d’obèses, la France n’est pas dans le peloton de tête, loin de là (source: Statista)
Guérir
Le traitement curatif de l’obésité et des maladies associées pourrait coûter jusqu’à 1000 milliards de dollars au niveau mondial.
Prévenir
Une dépense vertigineuse évitable pour une majorité de situations. Et assez simplement. La prévention de l’obésité réside dans deux comportements : un régime alimentaire équilibré et une activité physique régulière (source : Vidal).
Outre les bénéfices individuels, cette modification de nos usages peut aussi contribuer au climat et à l’environnement : moins d’aliments transformés, plus de mobilités douces.
Et bien sûr, une espérance de vie en bonne santé qui s’améliore, car l’obésité ne fait pas bon ménage avec la longévité.
Je saute sur l’occasion pour définir l’espérance de vie en bonne santé, une notion essentielle pour notre sujet.
Deux définitions nécessaires pour comprendre la suite
Espérance de vie (EV)
L'espérance de vie est une donnée économique générale qui permet de comparer les pays ou les époques, tout comme le PIB. Elle n'est pas basée sur un sondage, un recensement ou une mesure de la situation réelle, mais sur une formule qui utilise des tables de mortalité. Elle sert à évaluer la longévité probable d'une cohorte née l'année où la mesure est effectuée.
Espérance de vie en bonne santé (EVBS)
L'espérance de vie en bonne santé, également connue sous le nom d'espérance de vie sans incapacité, est une mesure du nombre moyen d'années qu'une personne est censée vivre en bonne santé.
Je vais aussi vous expliquer comment sont calculés ces deux indicateurs, car c’est rarement fait et pourtant essentiel pour en comprendre la portée et les limites. Notamment : comprendre que ce n’est pas un indicateur individuel, ni une donnée certaine.
Processus de construction de l’EV et de l’EVBS
Collecte des données sur la mortalité :
Rassembler des données sur le nombre de décès et l'âge auquel ces décès surviennent dans une population donnée. Ces données sont généralement issues des systèmes d'enregistrement des faits d'état civil, des recensements et des enquêtes.
Collecte des données sur la morbidité :
Rassembler des données sur la prévalence de différentes conditions de santé et handicaps dans la population. Ces données peuvent être issues d'enquêtes de santé, de dossiers d'hôpitaux et d'autres bases de données liées à la santé.
Calcul de l'espérance de vie (EV) :
En utilisant les données de mortalité, on peut calculer l'espérance de vie à la naissance et à différents âges. Ceci est fait à l'aide de tables de mortalité, qui fournissent la probabilité de décès à chaque âge.
Calcul de la prévalence spécifique à l'âge de la mauvaise santé :
En utilisant les données de morbidité, on détermine la prévalence de la mauvaise santé ou du handicap à différents âges.
Calcul de l'espérance de vie en bonne santé :
Pour chaque tranche d'âge, la proportion de vie vécue en bonne santé est calculée en soustrayant la proportion de vie vécue avec un handicap de 1.
Cette proportion est ensuite multipliée par le nombre d'années vécues dans cette tranche d'âge (à partir de la table de mortalité) pour obtenir le nombre d'années saines vécues dans cette tranche d'âge.
La somme des années saines vécues à travers toutes les tranches d'âge donne l'EVBS à la naissance.
Ajustements et pondérations :
Parfois, différentes conditions de santé et handicaps sont pondérées différemment en fonction de leur gravité. Par exemple, vivre avec une condition de santé mineure pourrait être considéré comme vivre 0,9 an en bonne santé, tandis que vivre avec un handicap grave pourrait être considéré comme vivre 0,5 an en bonne santé.
Ces poids sont souvent dérivés d'enquêtes où les gens sont invités à évaluer la qualité de vie associée à différents états de santé.
Comparaisons et tendances :
L'EVBS peut être comparée entre différentes populations, régions et périodes pour identifier les tendances, les disparités et les zones de préoccupation.
La méthodologie spécifique et les sources de données peuvent varier en fonction de l'organisation ou du pays réalisant l'analyse. Cependant, l'approche générale décrite ci-dessus est couramment utilisée dans de nombreux contextes.
Et donc, prévenir ou guérir ?
Je n’ai pas la réponse, mais je vous propose d’y réfléchir ensemble. À cet effet, l’opus de ce dimanche constitue le prologue à une série de plusieurs publications. Une série qui vous aidera à identifier les opportunités économiques et sociales du préventif et du curatif.
Programme
Dans ce prologue, je vais :
Définir la prévention.
Expliquer pourquoi les gériatres considèrent que c’est l’avenir.
Identifier les 7 thèses d’innovation dans la prévention.
Important :
La troisième partie où je présente les 7 thèses d’innovation est un contenu premium réservé aux lecteurs ayant souscrit un abonnement payant.
Attachez votre ceinture, c’est parti.
Définir la prévention
La médecine préventive, également connue sous le nom de médecine prophylactique, est une branche de la médecine qui se concentre sur la prévention des maladies et des conditions plutôt que sur leur traitement. La médecine préventive doit promouvoir la santé et le bien-être. Elle doit aussi prévenir l'apparition, la progression et les complications des maladies.
Prévention(s)
Ne dites pas LA prévention sans préciser de quel type de prévention vous parlez :
Prévention primaire : Prévenir l'apparition de maladies ou de blessures. Les exemples comprennent les vaccinations, le maintien d'une alimentation saine et d'une routine d'exercice, et l'arrêt du tabac.
Prévention secondaire : Détection et traitement des maladies à un stade précoce avant qu'elles ne deviennent plus graves. Par exemple, les dépistages réguliers tels que les mammographies, les coloscopies et les contrôles de la pression artérielle.
Prévention tertiaire : Gérer et à atténuer les complications d'une maladie existante chez les patients. On évoquera les programmes de réadaptation et la surveillance des médicaments pour les patients atteints de maladies chroniques.
Parties prenantes de la médecine préventive
La médecine préventive est une responsabilité partagée entre 4 parties prenantes :
Les professionnels de la santé jouent un rôle important dans l'éducation des patients et la promotion de modes de vie sains.
Les gouvernements et les organisations de santé publique sont responsables de la mise en place de politiques et de programmes de santé préventive à grande échelle.
Les individus sont encouragés à adopter des habitudes saines et à participer activement à leur propre santé et bien-être en suivant les recommandations de leur médecin et en prenant des mesures préventives pour réduire leur risque de maladie.
Les organismes (entreprises, ONG) développent des programmes ciblés ou des systèmes de prévention personnalisés en s’appuyant sur les préconisations des médecins et des pouvoirs publics.
Exemple de la sécurité routière
La prévention des accidents de la route est une action conjointe de toutes les parties prenantes. Les actions de communication et de recherche médicale sont importantes, mais il est également crucial d'améliorer les véhicules pour réduire la mortalité et les conséquences graves pour les victimes des accidents.
Quelques mesures préventives classiques
Dépistages de santé : Des bilans de santé réguliers et des dépistages peuvent détecter les problèmes de santé potentiels avant qu'ils ne deviennent problématiques. Par exemple, les contrôles de cholestérol, les mesures de la pression artérielle et les dépistages du cancer peuvent identifier les problèmes tôt.
Choix de mode de vie : Encourager des habitudes saines telles qu'une alimentation équilibrée, une activité physique régulière et l'évitement du tabac et de l'alcool excessif peut réduire considérablement le risque de nombreuses maladies.
Vaccinations : Les immunisations protègent contre diverses maladies telles que la rougeole, les oreillons, la rubéole et la grippe.
Mesures environnementales : Assurer une eau propre, réduire la pollution et promouvoir des pratiques professionnelles sûres peut prévenir de nombreuses maladies.
Recherche : La recherche continue en médecine préventive aide à comprendre les nouvelles menaces, à développer des vaccins et à trouver de meilleures façons de prévenir les maladies.
Initiatives de santé publique : Les gouvernements et les organisations lancent souvent des campagnes de santé publique pour promouvoir les mesures préventives à grande échelle.
Éducation et sensibilisation : L'éducation du public sur les risques et la prévention des maladies joue un rôle crucial. Les campagnes de sensibilisation sur les dangers du tabagisme, l'importance des ceintures de sécurité et des pratiques sexuelles sûres en sont des exemples.
Quelques plans nationaux de prévention en France
Programme national nutrition santé (PNNS) : lancé en 2001, ce programme vise à améliorer l'état de santé de la population française en promouvant une alimentation équilibrée et une activité physique régulière.
Plan national canicule (PNC) : lancé en 2004, ce plan vise à prévenir les risques sanitaires liés aux vagues de chaleur estivales en France, en particulier chez les populations les plus vulnérables.
Programme de dépistage organisé du cancer colorectal : lancé en 2008, ce programme vise à détecter les cancers colorectaux à un stade précoce et à réduire la mortalité liée à cette maladie.
Les limites de la prévention à large spectre
Ces exemples correspondent à la prévention à large spectre qui est portée par les Etats. C’est une prévention peu intrusive, mais peu engageante. Elle contribue à une prise de conscience par toutes les parties prenantes du pays, mais sa portée pour les citoyens est diffuse. Les messages, les campagnes, les forums et les postures n’engagent que ceux qui les entendent et valident leur pertinence.
Pourquoi ?
Parce que les citoyens préfèrent avoir une recommandation sur mesure qu’un avis général.
Vous serez plus influencé par le diagnostic de votre dentiste qui vous explique la corrélation entre vos dents qui se déchaussent et votre tabagisme que par les photos malaisantes sur les paquets de cigarettes.
En outre, cette prévention à large spectre prend des années, ne doit jamais s’arrêter, coûte une blinde et il n’est pas toujours évident de mesurer la corrélation entre les causes et les conséquences.
Ces programmes sont donc nécessaires, parce qu’ils créent un cadre national favorable à l’action, mais ils devraient se traduire par des préconisations individuelles plus ciblées, lesquelles ne sont possibles qu’avec des dispositifs spécifiques alliant mesure, diagnostic, conseil et suivi.
Prévention ciblée
Et c’est pourquoi les médecins font aujourd’hui la promotion d’une promotion ciblée, sur mesure, qui impliquerait plus le citoyen. Son prescripteur lui dira très exactement ce qu’il doit faire. Il lui donnera les outils pour suivre ses progrès et l’encouragera avec un suivi personnalisé et des récompenses.
Au début de l’été, j’ai interviewé le professeur Olivier Guérin à propos de sa participation au rapport sur la prévention de la perte d’autonomie qu’il réalise avec la filière Silver économie pour répondre à une commande de Agnès Firmin Le Bodo.
L’interview nous a amenés sur le sujet de la prévention ciblée et voici ce que le Professeur en dit.
Moi : La prévention primaire est-elle par nature généraliste, ou pensez-vous qu'il est possible de proposer des programmes spécifiques en fonction de la situation de chacun ?
Pr Olivier Guérin : “C'est précisément l'objectif scientifique de nos travaux. Je suis convaincu qu'il est essentiel de personnaliser au maximum les sujets de prévention et les interventions préventives.
D'une part, il est impossible de tout aborder de manière générale.
D'autre part, cela permet de mettre en avant deux principes directeurs de notre programme de recherche : l'empowerment (autonomisation) autrement dit, la motivation individuelle, et l’accessibilité.
La réussite de la prévention primaire dépend de l’implication et du consentement de l'individu. Sinon, son efficacité est compromise. Le changement de comportement est souvent difficile à accomplir. Les messages de santé publique ont du mal à passer auprès des populations latines. Ils ont un impact plus limité que sur les Nordiques ou anglo-saxonnes.
En effet, les Latins ont tendance à ne pas modifier leur comportement car ils ne voient pas d'avantage immédiat à le faire s'ils ne sont pas déjà malades. Leur préoccupation principale est d'éviter de tomber malades, plutôt que d'améliorer leur santé qui est déjà satisfaisante. Ainsi, la motivation individuelle joue un rôle clé dans l'engagement en matière de prévention.
L'accessibilité est l'autre élément clé. Les programmes de prévention primaire fonctionnent mieux pour ceux qui en ont réellement besoin.
Par exemple, un cadre supérieur aisé sera plus enclin à prêter attention à son comportement qu'une personne précaire, socialement isolée et ayant des ressources financières limitées. Les personnes vulnérables qui ont un accès difficile aux soins de santé, ne bénéficient pas d'une prévention fiable, car elles ne sont ni ciblées ni sollicitées de manière adéquate.
La question de l'accessibilité géographique, sociale et numérique se pose donc dans le domaine de la prévention, et les outils numériques peuvent être d'une grande aide pour déployer des méthodes de caractérisation et d'intervention ciblées, permettant une approche individuelle.
En effet, la pénurie de ressources humaines rend difficile la mise en place d'activités de prévention en plus des soins. Il est donc crucial de caractériser cette problématique, en particulier pour les personnes les plus vulnérables, telles que celles en situation de précarité sociale ou d'isolement lié à l'âge.”
Vous pouvez consulter l’interview complète dans ce dossier consacré à la prévention chez les citoyens âgés de 55 à 75 ans que les médecins qualifient de pré-fragiles :
7 thèses d’innovation
Si vous vous dites “c’est bien gentil tout ça, mais en quoi ça nous concerne, nous les entrepreneurs de la Silver économie ?”, soyez rassuré, on va taper dans le dur. Dans cette seconde partie, je vais vous proposer des thèses sur lesquelles vous pourriez construire de beaux business de prévention.
Méthodologie
La Silver économie n’est pas régulée par la seule main invisible du marché.
Des forces diverses s’y croisent.
Pouvoirs publics, société civile, seniors, familles, aidants, prescripteurs, etc.
C’est aussi un marché influencé par les philosophies, religions, croyances et traditions, préjugés, idées préconçues et visions surannées.
Et donc, il ne suffit pas d’imaginer des produits et services qui plairont aux clients pour réaliser une liste pertinente, mais de prendre en considération les différentes composantes susmentionnées.
Ce que je me suis employé à faire pour établir cette liste.
La liste
Merci à Raphaël, Rémi, Grégoire et Eva qui ont apporté leur contribution à cette liste lors d’un échange à bâtons rompus sur le chat de Longévité.
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