PrimeAdapt' : Colloque Assemblée Nationale du 9.11.23 : Analyse, synthèse et interrogations
Mon résumé de première main (j'y étais) et mon analyse critique, sans langue de bois.
Proposée par Luc Broussy dans son rapport sur l’habitat publié en juin 2021 dans le cadre des travaux préparatoires à la - défunte - Loi Grand Age, Ma PrimeAdapt’ est un dispositif d’incitation financière à l’adaptation de l’habitat. MPA doit faire chuter - sic - le nombre de chutes mortelles estimé à 10 000 par ans.
C’est ce chiffre hallucinant (3 fois plus mortel que les accidents de la route) qui a incité notre Président de la République à réclamer la mise en oeuvre de cette aide.
MPA entre en vigueur le 1er janvier 2024.
Mais cela fait plus d’un an que les professionnels de l’habitat préparent leur stratégie, sous l’égide du Ministère du Logement. Lequel en a délégué la coordination à France Silver Eco.
Pour clôturer la phase préparatoire et en présenter la synthèse, France Silver Eco a organisé un colloque à l’Assemblée Nationale.
Destiné à montrer le soutien politique à MPA, le colloque donnait la parole à 2 ministres, plusieurs députés, des présidents de fédérations, des élus locaux et des analystes.
Présent sur place, je vous ai préparé une synthèse de première main. Je l’ai enrichie de mes remarques, analyses et interrogations.
Sigles utilisés dans le texte :
MPA pour : Ma PrimeAdapt’
MPR pour : Ma PrimeRenov’
Mot d’accueil par Astrid Panosyan-Bouvet (Députée Paris)
La députée de Paris, Astrid Panosyan-Bouvet, introduit le colloque en présentant le mode opératoire de MPA comme “la façon dont nous voulons faire de la politique”.
Mettant en évidence l'importance de prendre en compte le choc climatique et le vieillissement de la population, la Députée de Paris insiste sur le tournant de la prévention (dans la prise en charge du grand âge) ainsi que l’énorme enjeu de la communication autour de MPA.
Un point important de cette allocution : le spectre de la Prim’Renov dont 1 milliard d'euros de crédit ne sont pas consommés. La députée se questionne sur les raisons et partage des enseignements tirés deux mois avant le lancement de Prim’Adapt.
Ces notes introductives de la députée de Paris mettent en lumière les enjeux clés du colloque, notamment la prévention, l'adaptation au vieillissement et la communication efficace pour des programmes tels que la Prim’Adapt.
Nota Bene sur l’enjeu de la communication
L’enjeu de communication sera évoqué par tous les autres intervenants. Il porte sur l’impact de MPA et sa portée.
Est-ce juste “une aide de plus” pour que les personnes âgées à faibles revenus adaptent leur domicile ?
Ou bien est-ce un projet plus ambitieux qui doit permettre l’adaptation de la société au vieillissement en répondant aux citoyens qui désirent vieillir chez eux et nulle part ailleurs ?
Je pense que les pouvoirs publics préfèrent la deuxième option, mais ils rêvent aussi d’un monde où celle-ci se mettrait en place d’elle-même, sans devoir financer une coûteuse - et longue - campagne de communication.
Second mot d’accueil par Annie Vidal (Députée Seine-Maritime)
Annie Vidal, députée de Seine-Maritime, poursuit en soulignant l'importance du vieillissement à domicile en tant qu'enjeu global qui touche différents aspects tels que le logement, le territoire, l'emploi et l'économie. Elle met en avant la nécessité de réinventer les politiques publiques en adoptant une approche holistique et panoramique.
Elle souligne que le vieillissement à domicile ne se limite pas au domaine médico-social, mais qu'il englobe également la prévention. Elle insiste sur l'importance d'un environnement urbain adapté pour faciliter le maintien à domicile des personnes âgées.
Un chez-soi qui pourra aussi être préventif.
Malgré un fort engouement, Annie Vidal constate que les résultats ne sont pas encore à la hauteur des attentes. Elle évoque donc une approche plus globale pour maximiser l'efficacité des adaptations du logement. Elle met en avant la nécessité d'un dossier unique, d'un circuit et d'un site internet dédié pour faciliter les démarches.
Evoquant le bilan de la PrimeRenov’ publié en septembre 2023 par la Cour des comptes , la députée de Seine-Maritime, déplore que les financements sont souvent alloués de manière fragmentée, limitant ainsi leur impact. Annie Vidal invite donc à adopter une approche d'accompagnement global qui englobe non seulement l'adaptation du logement, mais aussi le bien-être, l'accompagnement dans l'environnement et l'évolution du parcours de vie.
Elle soulève la nécessité d'évaluer le volet "hors les murs" de MPA, en se concentrant sur les services, les transports et les infrastructures communautaires.
Elle questionne l'intérêt d'adapter le logement si l'environnement n'est pas adapté, par exemple en termes d'infrastructures appropriées.
Son intervention met en évidence la complexité et l'importance de l'enjeu du vieillissement à domicile, nécessitant une approche globale et une collaboration entre différents acteurs pour créer un environnement favorable au maintien à domicile des personnes âgées.
Introduction par Patrick Vergriete - Ministre du logement
Patrick Vergriete explique comment MPA peut contribuer à résoudre les enjeux actuels liés à la crise covid, à la transition écologique et à l'emploi-logement. Il souligne que la ville d'hier n'est pas la ville de demain parce que le du vieillissement va transformer notre façon de penser la ville.
Je compte sur vous : ne comptez pas sur le ministère seul pour y arriver !
Il constate un contraste entre le désir de vieillir chez soi et le manque de logements adaptés, et souligne que cette situation nécessite une adaptation de la politique du logement, qui est peut-être, selon lui, la transformation la plus négligée.
Patrick Vergriete évoque quelques points de vigilance :
La diversité des situations et des territoires,
La diversité d’appréciation du besoin selon l’âge des citoyens,
Le retard de l'adaptation au vieillissement dans le parc HLM (malgré une avance dans la transition énergétique)
Il met en évidence les enjeux de communication, de sensibilisation et de développement d'outils d'auto-diagnostic. Il souligne que bien que 90% des seniors souhaitent rester à domicile, il ne sera pas possible pour tous, ce qui nécessite de développer des alternatives.
Il insiste sur l’absence de critères liés à la perte d’autonomie pour l’octroi de MPA, mais aussi sur la nécessité d’anticipation. Une anticipation qui nécessite de rajeunir l’âge moyen d’adaptation de son logement, actuellement évalué à 84 ans.
Le dispositif MPA est ouvert aux propriétaires et aux locataires, avec une aide pouvant atteindre 70% du montant pour les ménages très modestes, dans la limite de 22 000€.
Patrick Vergriete indique que tous les travaux sont finançables et qu'il n'y a pas de limitation à un geste ou une posture spécifique. Il compare MPA à MPR et explique qu'elles sont toutes deux au même niveau, offrant une rénovation globale avec des accompagnateurs.
Le ministre insiste lourdement sur l'importance de l'accompagnement obligatoire, qui garantit la neutralité et évite les abus, abus qui ont pu être constatés dans d’autres dispositifs en raison de l’écart de connaissance entre les citoyens et les professionnels. Il met en avant le besoin d'attractivité du métier et de montée en compétence des professionnels, ainsi que l'enjeu de massification de la filière.
L’écosystème Silver économie a été sollicité pour la conception, mais on aura besoin de vous pour la mise en place.
Une logique de tiers de confiance
Il mentionne le rôle des ergothérapeutes en tant que promoteurs de la prévention plutôt que de la réparation.
Il souligne que MPA n'est pas seulement un dispositif administratif, mais un outil culturel d'adaptation au logement. Il met en avant le maintien du crédit d'impôt pendant deux ans, le temps que MPA se mette en place.
Enfin, il énumère les chiffres clés de la stratégie MPA :
680 000 logements adaptés d'ici 2034,
dont 250 000 d'ici 2027,
Engagement financier de 1,5 milliard d'euros.
En 2024, il est prévu d'adapter 45 000 logements avec une enveloppe de 260 millions d'euros de l'ANAH (dont l’affectation n’est pas exclusive à MPA… ce sujet n’est pas clair, semble-t-il, pour le ministre lui-même).
En conclusion, selon Patrick Vergriete, notre modèle urbain actuel est incompatible avec le vieillissement et que la transition énergétique doit également être repensée. Il encourage à réfléchir à la ville et au territoire que nous voulons demain et à repenser l'urbanisation.
Nota bene sur le sens de l’intervention de Patrick Vergriete
Cette intervention est politiquement significative, car elle fixe le périmètre de MPA. La Filière Silver économie a toujours été rattachée au ministère de la Santé, ce qui renforce l’image “médico-sociale” qui lui colle aux basques.
Qu’un ministère aussi important que le logement endosse la responsabilité d’un dispositif d’adaptation au vieillissement renforce la portée de ce dispositif.
Cette intervention renforce aussi l’importance politique de la Filière Silver économie, organisatrice du colloque et maitre d’ouvrage du projet.
Jérome Fourquet - Ifop pour FSE
Jérome Fourquet présente les résultats d'une étude de l'Ifop sur la perception de l'adaptation du logement dans une logique de transition. Il souligne que les publics concernés considèrent ce sujet comme un tabou et réagissent plutôt qu'ils n'anticipent.
La synthèse de l’enquête Ifop
90% des seniors souhaitent vivre le plus longtemps possible dans le logement qu’ils occupent aujourd’hui.
19% ont envisagé ou planifié un déménagement dans un logement plus adapté pour rester autonomes dans leur vie quotidienne.
Les qualités attendues pour un logement adapté sont le confort, l'isolation, la sécurité, l'accessibilité et la communication avec l'extérieur.
86% des personnes estiment que le logement qu’elles occupent est bien adapté au choix d’y vivre le plus longtemps possible.
39% disent avoir déjà effectué des travaux d’aménagement permettant d’y vivre le plus longtemps possible.
Typologie des travaux réalisés par ces 39% :
Plutôt un sujet pour les 70+, les plus jeunes ne sont pas dans cet état d’esprit.
Salle de bains (73%)
Volets roulants (41%)
Adaptation des WC
Facilitation de la circulation
Automatisation de l’éclairage (11%)
Besoins identifiés par les 12% qui considèrent que le logement n’est pas adapté :
Information sur les aides et conditions
Quelles aides financières ?
Quel accompagnement ?
Comment réaliser un diagnostic du logement ?
L’enquête souligne l’enjeu de la formation du tiers de confiance pour accompagner ces publics
Vers qui se tourneraient les personnes désirant aménager leur logement pour le faire ?
Les pros du bâtiment (39% et pour 25% en premier)
L’entourage (37% et pour 24% en premier)
Le médecin traitant
Le Conseil Départemental (21%)
L’Etat
Les Caisses de retraite
Les Banque,
La Mairie à seulement 11%
L’enquête montre que le Conseil Départemental est mieux perçu que les autres collectivités publiques car il est déjà impliqué dans la politique en faveur de la vieillesse et de l’autonomie.
Nota bene : le bon prescripteur n’est pas toujours le docteur
Cette dernière donnée montre que dans le domaine de l’adaptation du logement, le prescripteur idéal n’est pas le médecin traitant ou la mutuelle.
Si c’est différent en l’espèce, cela peut aussi l’être pour d’autres domaines, ce qui doit vous inciter à mener une recherche de terrain avant de choisir le bon prescripteur pour vos projets !
Intervention de Inaki Echaniz (Député Pyrénées-Atlantiques)
Le député fait un retour d’expérience très intéressant en expliquant comment les communes rurales du Pays-Basques se battent pour créer de l’habitat adapté en centre bourg et réhabilitent les logements anciens en périphérie, soit pour accueillir de nouveaux habitants, soit pour créer des espaces sociaux ou éducatifs.
Il souligne l’importance de la simplification des procédures. Elle passe notamment par la fusion des primes et aides dans un seul dispositif, mais aussi par un guichet unique.
Table ronde des fédérations d’artisans
Les professionnels sont tous très échaudés - à raison - par un propos - gratuit - de Patrick Vergriete déplorant le manque d’organisation de ces filières, responsable, selon lui, des difficultés de déploiement de MPR.
Le professionnel ne fait pas le marché
Cependant, les représentants des fédérations professionnels du bâtiment ont souligné l'importance de tirer des leçons des difficultés rencontrées lors du programme MPR.
Ils expliquent que leurs adhérents ne peuvent pas dicter le marché et ont souligné l'importance de faire confiance aux consommateurs et aux professionnels pour relever le défi de l'adaptation des logements.
Les entreprises du bâtiment sont prêtes à répondre massivement à ce nouveau dispositif.
Cependant, il existe un risque de fraude ou de création d’entreprises marron qui vont profiter de la prime au détriment d’un service de qualité. C’est pourquoi il est essentiel de contrôler la délivrance de la prime tout en simplifiant les démarches administratives.
Formation
Les entreprises du bâtiment ont manifesté leur volonté de répondre massivement à ce nouveau dispositif, mais en insistant sur la nécessité de former les artisans et d'attirer des jeunes vers les métiers de l'installation.
Il ne suffit pas de voter les budgets pour que le marché s’organise
Les professionnels ont également demandé plus de simplification, de lisibilité et de visibilité de l'offre, ainsi qu'un guichet unique départemental.
Enfin, ils souhaitent qu’on ne mette pas en opposition des aménagements tels que la salle de bains à la motorisation des volets roulants (en référence aux résultats Ifop). Profitons de l’ouverture totale de MPA en termes d’aménagement pour reconnaître que toute rénovation contribue également au maintien à domicile.
N’opposons pas la salle de bains à la motorisation des volets roulants
Les enjeux des professionnels
Simplification
Dossier Unique
Attestation de fin de chantier
xxx
Confiance
Harmonisation MPA MPR
Simplification
Et les 3 enjeux proposés - sur cette table ronde qu’il animait - par le directeur général de France Silver Eco, Mathieu Alapetite, qui me semblent tout aussi intéressants à prendre en compte dans un souci écologique, économique et “Silver économique” :
Adaptation universelle
Destigmatisation : ne pas tout de suite aller sur des dispositifs pour handicapés
Recyclage : que devient le matériel s’il est désinstallé après le départ du senior
Intervention de Loic Cantin - Président de la FNAIM
Loïc Cantin est le président de la fédération nationale des agents immobiliers. Un organisme qui rassemble 10% de la profession (10 000 adhérents).
Loïc Cantin rappelle les fondements légaux de l'adaptation du domicile, en se basant sur les notes suivantes :
Selon les dispositions de 2014, le code de construction de l'habitation exige que 20% des logements soient rendus accessibles. Cette obligation s'applique tant au neuf qu'à l'existant. Les dimensions des portes, la giration, la communication extérieure et les volets roulants font partie des critères pris en compte.
Le traitement de l’accessibilité fait partie des fondamentaux du droit de l’immobilier.
Cependant, le parc français présente des logements qui ne sont pas du tout adaptés au maintien à domicile. Les problèmes d'accessibilité, tels que les deux marches de seuil peuvent entraîner une dépréciation de la valeur immobilière.
D'autre part, la valorisation du patrimoine tient désormais compte de l'amélioration de l'habitat grâce aux incitations, en particulier en ce qui concerne la décarbonation nécessaire pour prendre en compte la valeur verte.
Selon M. Cantin, le traitement de l'accessibilité fait partie des fondamentaux du droit de l'immobilier.
Nota bene : l’argument du droit
Cette intervention est capitale car elle construit un argumentaire en se basant sur le terrain du droit. Un terrain qui sera très utile pour soutenir MPA et la politique d’adaptation et rénovation, notamment auprès des promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux et investisseurs dans le domaine immobilier.
Table ronde de la mise en oeuvre opérationnelle
Un table ronde moins homogène que la précédente, car les intervenants n’ont pas des intérêts convergents. Il s’agit d’acteurs clés du dispositif : ceux qui informeront les citoyens et ceux qui instruiront les dossiers. Beaucoup de questions en suspens le sont restées, car les deux principales parties prenantes du volet instruction n’ont pas été très convaincantes sur leur capacité à gérer la charge.
Olivier Richefoux - Président du CD de la Mayenne et référent Silver économie à l’ADF
Olivier Richefoux explique que les départements jouent un rôle clé dans l'adaptation du logement.
Il mentionne les 20 départements qui ont pris le niveau 3 de décentralisation, ce qui leur permet de traiter directement les demandes.
Evoquant une autre aide publique à l’adaptation de l’habitat, il cite l'exemple de la Mayenne qui , en augmentant de 50% le montant de l’aide a pu couvrir 90% de sa population. Dans ce même département, une Maison de l'Habitat intégrant Soliha a été créée afin de centraliser les démarches dans ce fameux “guichet unique” si souvent évoqué et si rarement déployé.
Il souligne que les départements sont les acteurs du Maintien à Domicile (MAD) et mentionne l'inauguration du service départemental de l'autonomie dans 10 départements.
Nous n’envisageons pas de dispositif sans la visite de l’ergothérapeute
Soutien inconditionnel du diagnostic d’ergothérapeute avant toute adaptation du domicile, Il s’inquiète sur la capacité de la profession à assurer toutes les missions compte tenu de leur faible nombre sur les territoires.
En effet, selon mes recherches, 15 000 ergothérapeutes exercent aujourd’hui en France. Plus des 2/3 sont salariés hospitaliers, donc pas disponibles pour réaliser des diagnostic à domicile.
Monsieur Richefoux envisage des options de digitalisation du service dans le cadre d’un projet mené en ce moment par Vyv.
Nota bene : ça existe existe déjà
Un tel service à distance est proposé par Merci Julie. Une autre enseigne, Domus Prévention a développé un dispositif de diagnostic digital qui permet à un tiers de confiance non ergothérapeute de réaliser une visite à domicile pour un premier diagnostic.
Soliha et l’ANAH
On sera prêts (Anah)
L’Anah paie, Soliha est l’un des tiers de confiance qui feront l’interface entre les personnes âgées et les professionnels (AMO).
Ces deux acteurs qui vont l’un et l’autre assurer la gestion administrative des dossiers, en s’appuyant sur leur réseau local avaient une énorme opportunité de rassurer les parties prenantes sur leur capacité à gérer correctement et dans des délais raisonnables.
Nous n’avons rien entendu de tel.
L’un comme l’autre voudraient être crus sur parole, en mode “regardez mon bilan”. Sauf que leur bilan étant tout sauf satisfaisant, le doute est sacrément permis. Ni l’ANAH, ni Soliha n’ont proposé de réels engagements. Ils n’ont pas voulu (ou pu) entrer dans le détail des mesures adoptées pour s’adapter à cette nouvelle charge.
On gère des adaptations du logement depuis des décennies (Soliha)
En comparaison des fédérations du bâtiment qui ont apporté des preuves de leur préparation, non seulement ces deux acteurs stratégiques ne font rien pour rassurer, mais ils auraient même tendance à tout faire pour inquiéter.
Nota bene sur l’intervention ANAH
Plutôt qu’un discours vague et lénifiant, voici trois sujets sur lesquels l’Anah était attendue et qui auraient permis à l’Agence une contribution plus constructive.
Les professionnels aurait bien aimé entendre parler des autres AMO désignés pour assister les demandes : Citémétrie, Urbanis, Bel'Avie, Adrim, Logiadapt, Repère Toit by Merci Julie et d’autres acteurs locaux ont été purement et simplement passés sous silence. On se demande bien pourquoi.
La procédure de désignation des AMO (digne de la défunte carte scolaire) et le casse tête - à la charge des artisans - pour trouver l’AMO désigné pour chaque dossier auraient pu être évoqués. C’est aussi un point qui inquiète les professionnels et qui peut expliquer le non recours aux aides.
Enfin, les professionnels et parties prenantes auraient aimé que le fameux site internet (géré par l’ANAH) soit déjà en place, même dans une version beta, afin que chacun puisse se rendre compte des fonctionnalités de ce portail, de sa simplicité et de l’usage que toutes les parties prenantes pourront en faire dans la promotion du dispositif.
Mickael Briquet - Ergothérapeute
On est le seul professionnel de santé présent dans cette assemblée
Dans le cadre de la discussion sur le rôle des ergothérapeutes dans le dispositif MPA, il reste encore des interrogations sur leur mission spécifique. Sur quelles missions seront-ils sollicités ?
Mickael Briquet rappelle le rôle des intervenants à domicile. Il se demande si les ergothérapeutes joueront un rôle d'accompagnement pour ces professionnels pour qui le lieu de vie des personnes âgées est également leur lieu de travail.
Ces questions soulignent l'importance de clarifier les rôles et les responsabilités des différents acteurs impliqués dans MPA, afin d'assurer une mise en œuvre efficace du programme.
Nota bene : Le lieu de travail des intervenants à domicile
Mickael Briquet met le doigt sur une considération capitale : le domicile, c’est aussi le lieu de travail des professionnels du domicile. Or, l’une des missions de l’ergo, c’est la prévention des risques professionnels et l’adaptation du lieu de travail pour éviter accidents et maladies professionnelles.
Et ça tombe bien, car l’aide à domicile est plus accidentogène que le BTP. C’est dire si le besoin est important.
Généraliser le recours aux ergothérapeutes pour l’adaptation du domicile semble faire consensus parmi les politiques et certains prescripteurs, mais cette intégration ne se fera pas tant que les consommateurs - dans leur écrasante majorité - ne sauront pas à quoi sert un bilan d’ergothérapeute.
Ni le passage en force par la loi, ni la communication préventive ne suffiront à imposer une pratique tant qu’elle n’est pas comprise.
En revanche, les ergothérapeutes sont connus et reconnus dans la prévention des risques professionnels. Cela pourrait donc être pertinent de généraliser leur diagnostic et leur accompagnement dans la prévention des risques professionnels des filières médico-sociales intervenant à domicile.
Je pose ça là, j’y reviendrai dans un prochain dossier dédié aux ergothérapeutes.
Conclusion par Agnes Firmin Le Bodo
La ministre conclue le colloque en reprenant quelques un des éléments clés abordés durant la matinée. Ce que j’en retiens :
L’adaptation de la société au vieillissement ne peut se faire qu’en interministériel (je dirai même qu’elle devrait se faire en partant du terrain)
La ministre évoque un véritable service public de l’autonomie qui va se développer sur les territoires à partir du CD
Il n’y a que 15 000 ergothérapeutes en France : donc même s’ils sont essentiels, on fait comment ?
MPA rassemble 12 aides et les fusionne.
Objectif : un parcours unifié sur un seul et même portail.
Bien vieillir c’est être capable de s’aligner sur la réalité de la personne et s’adapter au fur et à mesure du vieillissement de la personne.
Mon analyse à tête reposée
En complément des “Nota Bene” qui émaillent mon résumé, quelques points me semblent importants à étudier, expliciter, trancher…
Des chiffres à interroger.
Le chiffre de 6% de logements adaptés, utilisé par tous les intervenants, date d’une enquête de l’ANAH réalisée en 2013 : quand est-ce qu’on le met à jour ?
Le chiffre de 10 000 accidents mortels “à cause des chutes” mérite aussi d’être questionné et décortiqué. Dans une majorité de situation, ce n’est pas la chute qui est mortelle, mais la station prolongée au sol qui suit la chute. La personne ne parvient pas à se relever seule et reste immobilisée en attendant d’être secourue.
La question peut être d’éviter les chutes, mais aucun aménagement ne les évitant toutes, il peut être plus pertinent de commencer par installer des dispositifs qui permettent à la personne d’être secourue si elle tombe.
En outre, aucun des participants n’a expliqué que les chutes ne sont pas liées qu’à l’environnement. Adapter le logement permet d’éviter certaines chutes, mais d’autres facteurs doivent être pris en considération. Les chutes sont aussi provoquées par :
Les psychotropes et les cocktails de médicaments (iatrogénie)
La dénutrition
L’alcool
La dépression
Des chaussures non adaptées
Des lunettes non adaptées
La sédentarité, le manque d’activité physique
L’inattention
Je vous ai fait une petite cartographie pour vous aider à visualiser l’ensemble des risques.
Certes, c’est important d’adapter le domicile, mais cela doit entrer dans une stratégie globale d’accompagnement. Afin d’éviter que la personne chute devant son monte escalier…
Le prix des travaux
J’ai été interpellé par cette nécessité, quasi systématique si l’on en croit les fédérations du bâtiment, à recourir à des aides financières pour les travaux. Tous les professionnels réclament plus d’aides, de crédits d’impôts, de prises en charge du coût.
Cela suscite un bouquet de questions :
Faut-il encourager des marchés où les prix élevés sont compensés par des aides d’Etat ?
Si tous les travaux font l’objet d’un financement, faut-il continuer à débloquer des fonds publics ou bien repenser la stratégie ?
Pourquoi ces travaux coûtent-ils si cher (8000 € le monte escalier) et demandent donc l’octroi d’aides pour faire diminuer le coût d’installation ?
Est-ce que le problème se situe dans l’offre ou dans la demande ?
Tous ces professionnels réclament la mise en place d’aides universelles pour financer leurs prestations, mais si personne ne paie le vrai prix, que signifie le vrai prix ?
L’AMO indispensable ?
Tous les intervenants (à l’exception des fédérations du bâtiment) insistent sur la nécessité absolue d’interposer un tiers de confiance (AMO) entre le consommateur et le professionnel.
Mais cet AMO, qui sera-t-il ?
Sera-t-il assez formé ?
Seront-ils assez nombreux ?
Seront-ils vraiment utiles ?
Si je me pose cette question, c’est pour deux raisons.
D’une part, je trouve que cela montre une faille dans la protection du consommateur.
Si le législateur impose la présence d’un tiers de confiance alors que le droit de la consommation protège déjà la partie la plus faible dans toutes les transactions, cela fait planer un doute sur la bonne foi du professionnel, non ?
A moins que le législateur considère que le consommateur en question soit plus vulnérable qu’un consommateur “normal”, mais où est-ce dit ?
D’autre part, pourquoi est-ce systématique ?
Pourquoi complexifier le processus, rallonger inutilement le chantier et créer une raison dissuasive de plus ?
Pourquoi ajouter une dépense supplémentaire, mais évitable, en imposant une prestation qui va coûter entre 350 et 800 € pour chaque logement adapté ?
Pourquoi enfin, un énième coup de poignard dans le flanc des méchants artisans commerçants, pas assez fiables ou pédagogues pour piloter un chantier sans assistance ?
L’AMO : nécessaire, mais pas indispensable
Je comprends parfaitement le rôle de l’AMO car j’ai moi-même assuré la fonction dans les projets informatiques pendant plusieurs années. Mais justement, c’est au cas par cas. On ne prend pas un AMO sur tous les projets. Cela dépend du niveau de spécificité du projet, mais aussi du niveau de maîtrise du client.
Et donc, si le projet est standardisé ou si le client n’estime pas que ce soit nécessaire, pourquoi diantre imposer un AMO ?
Je pose la question.
L’ergothérapeute obligatoire
Les interrogations relatives à l’AMO, je me les pose aussi sur l’ergothérapeute. Je comprends l’intérêt de leur mission, mais pas sa systématisation. En outre, la façon dont le dispositif est conçu interroge. Et suscite quelques questions supplémentaires à la volée :
A quel moment l’ergo intervient-il ?
Quid des AMO qui font aussi de l’ergothérapie : Vont-ils systématiquement envoyer des ergo sur les projets ?
N’y a-t-il pas un conflit d’intérêt à avoir des AMO qui font aussi de l’ergo ?
Quid des clients qui veulent juste une nouvelle douche et n’ont pas besoin d’un bilan de 4 pages sur le changement des modes de vie ?
Le ROI
Si je tire le fil de l’AMO et du traitement de la chute, j’arrive à la question du retour sur investissement (ROI).
Ce dispositif ne sera utile qu’à condition de séduire les personnes âgées de 70 à 75 ans. Afin qu’elles profitent durablement d’un habitat adapté, dans une logique préventive.
Or aujourd’hui, c’est en moyenne à 84 ans qu’on réalise ces travaux.
Faisons un petit calcul, histoire de mettre les points sur les I.
Aujourd’hui, l’espérance de vie à 65 ans est de 23 ans pour les femmes et 19 pour les hommes. Ce qui signifie qu’une personne âgée de 65 ans en 2022 peut espérer vivre jusqu’à 88 ans, si c’est une femme et 84, si c’est un homme.
Prenons l’hypothèse haute de 88 ans et supposons que grâce à l’aménagement, ces personnes n’iront pas à l’Ehpad… et resteront donc chez elle toute leur vie.
Si je finance des travaux d’aménagements pour des personnes âgées de 84 ans, elles vont en profiter 4 ans (88 - 84).
Payer 22 000 € en argent public pour adapter un logement dont la personne va profiter pendant 4 ans, c’est financer un dispositif équivalent à 458 € / mois (22 000 / 4x12).
A ce tarif, et même à la moitié de ce tarif, et même au quart de ce tarif, il y a sûrement des choses plus efficientes à faire pour préserver l’autonomie qu’une adaptation dont l’efficacité (sur les chutes) sera au mieux partielle.
Cela aurait au moins mérité qu’on s’interroge : qui l’a fait ?
Rajeunir les bénéficiaire
Bien sûr, tout le monde voudrait que le consommateur de ces aides rajeunisse, mais comment y contribuer ?
Les élus et ministres appellent de leur voeux un rajeunissement de la demande, mais ça ne se fera pas d’un claquement de doigts. C’est un changement de paradigme qui va s’opérer sur une ou deux générations. Et qui doit être soutenu par une stratégie de transition, sur le temps long.
Et une telle stratégie, ça se finance.
Une stratégie qu’on doit poser et financer
Et ce financement, il n’a pas été clairement évoqué. Pas plus que la stratégie, d’ailleurs.
Les ministres nous délèguent la communication et la stratégie, mais nous laissent trouver l’argent ?
Conclure
J’aime ces événements qui suscitent plus de questions qu’ils apportent de réponse. Cela ouvre beaucoup de pistes de réflexion.
J’aimerais croire que c’est normal à ce stade du projet, mais on parle d’un dispositif lancé par le Président de la République et piloté par plusieurs ministres. Et donc, tant de questions non abordées, cela révèle un manque de profondeur analytique de la part des donneurs d’ordre.
Une bonne stratégie est une stratégie dont on peut ajuster les tactiques au fil de l’eau, mais en l’espèce, où est la stratégie ?
Bonjour Alexandre,
Merci beaucoup pour cette analyse qui est comme d’habitude, très intéressante et richement étayée.
Merci pour cette approche quasiment « tridimensionnelle »…
1/ Sur place : on a l’impression d’avoir passé la journée à l’Assemblée avec tout le monde, à écouter les discours et assister aux tables rondes.
2/ Un pas de recul : grâce à ta synthèse et à la mise en perspective que tu construis au fil du compte rendu, on peut prendre un peu plus de recul sur cette évolution majeure dans le cadre de l’accompagnement du vieillissement en France.
3/ Un pas de côté : les questions que tu poses à la fin de l’article, qui me semblent tout à fait légitime, sont autant de défis à régler très vite pour que MPA ait un vrai impact sur la vie des seniors d’aujourd’hui et de demain. La communication auprès des proches sera également maîtresse dans sa capacité à être comprise et actionnée.
Même si je sais le sujet bcp plus marginal aujourd’hui et long terme, et qu’il est, par nature, distinct de MPA (donc n’avait pas à être traité ni évoqué à l’Assemblée ou dans le CR), comment est prise en compte l’autonomie, sans parler de normes handicap, dans le cadre des logements neufs à construire ? Sera une façon de « brider » MPA à terme …