🤔 Je réponds aux commentaires des abonnés à propos de l'emploi des étudiants dans la Silver économie
Les services à la personne ont-ils besoin des étudiants pour palier leurs carences ?
Barack Obama a été élu en promettant la réforme du système de santé que tous ses prédecesseurs avaient échoué à imposer depuis 100 ans.
Avant cette réforme - connue sous le nom d’Obamacare - la couverture santé obligatoire ne profitait qu’aux plus démunis, aux anciens combattants et aux retraités. Les autres citoyens devaient impérativement souscrire à une assurance privée pour bénéficier d’une couverture digne de ce nom. Dans le cas contraire, l’accès à la santé se faisait à un prix dissuasif.
Résultat : 45 000 américains meurent chaque année faute d’une mutuelle pour financer leurs dépenses de santé.
Dans l’un des pays les plus riches et les plus évolués du monde…
Toutes les 12 minutes, 1 citoyen meurt devant la porte de l’hôpital.
C’est aberrant !
Obama élu et jouissant d’une majorité à la Chambre des Représentants et au Sénat, on aurait pu penser que la messe était dite, que la réforme passerait comme une lettre à la Poste, compte tenu de l’enjeu de société et de l’importance que cette réforme occupait dans le programme du nouveau Président.
Et pourtant, il a fallu 2 ans pour faire passer cette loi. Deux ans de travail acharné et...
De nombreux compromis, y compris pour persuader des démocrates.
De renoncements pour ne pas braquer toute l’opinion publique.
Des millieurs de réunions publiques pour expliquer cette réforme avec pédagogie à des citoyens qui craignaient une nationalisation de la santé, dans un pays beaucoup plus attaché à la propriété privée que le nôtre.
Les votes ont été serrés et la loi fut contestée dans plusieurs Etats qui ont fait trainer son application.
De nombreux élus qui l’avaient votée ont été battus aux élections suivante, faisant basculer la majorité au Parlement et empêchant Obama de faire passer une autre réforme majeure durant les 6 années suivantes.
Et pourtant, de l’aveu de Barack Obama, le jour du vote de cette loi fut l’un des plus beaux de sa vie. Le Président a tout misé sur une loi qu’il pensait juste, indispensable et dont la validation méritait tous les sacrifices.
Moralité 🤔
Les avis peuvent diverger, y compris sur un sujet qui semble évident.
Il est quand même possible de faire passer une réforme qui divise la population sans violer ni contourner les règles démocratiques et les contre-pouvoirs, quoi qu’il en coûte.
Si Obama Président a peiné à persuader les élus démocrates de voter pour une loi si juste, je n’espérais pas vous persuader a propos de l’emploi étudiant dans les services à la personne en une seule newsletter.
En écrivant un premier édito consacré à ce sujet, je n’avais pas l’intention de vous persuader que notre point de vue était le seul, mais de vous faire réagir, recueillir vos impressions et ouvrir une discussion.
Et je vous remercie d’avoir joué le jeu puisque j’ai reçu une vingtaine de réponses soit par email, soit en commentaires.
Prenons à présent le temps de faire la synthèse et l’analyse de vos retours.
➡️ Vous dites : Les étudiants ont besoin d’un job alimentaire 🥫
Certaines de vos réactions semblent valider l’idée que les étudiants aient besoin de jobs alimentaires pour poursuivre leurs études, se loger et s’alimenter correctement.
Et cela pose deux questions :
Pourquoi certains étudiants doivent-ils avoir un job alimentaire à côté de leurs études et pas d’autres ?
Je ne répondrai pas à cette question qui sort du cadre de Longévité, mais vous conviendrez que cette injustice se doit d’être soulignée.
Pourquoi des jobs alimentaires plutôt que des vrais métiers, rendus possible par le développement de l’apprentissage et des contrats d’alternance ?
Peut-être qu’il n’y a pas assez d’entreprise pour accueillir tous les alternants de France, mais si des services étudiants cherchent à suppléer les carences d’intervenants dans les métiers du care, pourquoi choisir un mode de rémunération batard comme le gré à gré plutôt que d’aider des étudiants dans les métiers du care à se former sur le terrain via des dispositifs d’alternance.
Comme le dit Frank Nataf à propos des gardes de nuit : est-ce normal qu’un intervenant étudiant soit payé 4 heures pour une garde de 12 heures tandis qu’un salarié de SAAD réalisant la même garde sera payé sur 12 heures.
Certes, c’est plus compliqué à mettre en oeuvre qu’une plateforme d’intermédiation, mais cela peut avoir un effet de long terme sur l’emploi et l’attractivité des métiers de l’aide à la personne.
➡️ Vous dites : Les étudiants rendent un service qui complète celui des SAAD
Vous êtes plusieurs à souligner que les services étudiants se développent parce qu’il y a un marché où les SAAD sont absents.
C’est là que je dois nuancer le propos de Frank Nataf. Car notre dialogue de la semaine dernière fait l’amalgamme entre les jobs qui concurrencent les services à la personne et ceux qui les complètent.
La plupart des services étudiants apportent un complément aux services à la personne. Ils proposent de menu services ou une présence qui ne sont pas du ressort d’un SAAD pour deux raisons :
Le bénéficiaire n’est pas dépendant et donc, il n’a pas besoin d’une auxiliaire de vie pour le suppléer dans les actes de la vie courante. Dans ce cas, il n’a pas de raison de faire appel à un SAAD pour des menus services complémentaires, comme brancher la nouvelle box, changer une ampoule ou disputer une partie endiablée de Monopoly.
Le bénéficiaire dispose d’une auxiliaire de vie, mais celle-ci ne peut pas aller au-delà de son plan d’aide et donc, pour le reste, un service complémentaire peut être sollicité.
La limite à ne pas franchir 🚫
Cependant, certains services vont plus loin en proposant des prestations concurrentes des SAAD, comme la garde de nuit.
Et c’est là que le bat blesse. Car si la prestation de service à la personne en gré à gré est légale (régime du particlulier-employeur), le recours à des intervenants non formé est critiquable. En outre, la fonction d’intermédiaire entre particulier et intervenants est réglementée (régime mandataire).
Donc, les plateformes d’intermédiation qui ne respectent pas le régime légal mandataire risquent une requalification qui entrainerait une fermeture et donc une cessation de la prestation à laquelle ils ont habitué leurs clients...
➡️ Vous dites : Cela existe parce que les employés y trouvent leur compte 👍
De nombreux lecteurs justifient l’existence de ces services en se basant sur l’acceptation de leur existence par les employés eux-mêmes.
Le récent jugement Deliveroo détaillé la semaine dernière devrait remettre l’église au centre du village. Tout comme les difficultés rencontrées par les salariés Amazon pour créer une section syndicale ou, pour remonter le cours de l’histoire, toutes les situations où des salariés ont subi des conditions de travail anormales ou dangereuse, faute de pouvoir contraindre l’employeur.
Le fait que les employés ne se plaignent pas ne signifie pas que leur situation soit juste.
Le droit du travail protège les travailleurs, leur santé et leur autonomie. Chercher à le contourner ne peut que nuire aux travailleurs et à leur famille. Ceux qui sont directement concernant en acceptant des jobs en marge du droit, on dans des conditions border line. Ceux qui en pâtissent indirectement en travaillant pour des entreprises concurrencées par celles qui ne respectent pas la loi.
La loi, c’est compliqué, c’est contraignant, mais c’est sur ce contrat social que fonctionne la société.
➡️ Vous dites : Le prix bas offre l’accès de la prestation à des gens qui ne pourraient pas se la payer 💸
Plusieurs lecteurs défendent l’idée que le prix bas permet à des personnes qui ne pourraient pas accéder à un service plein pot de se payer un service bradé. Je ne vais pas résoudre ce problème ici, car c’est LE problème majeur de notre société de consommation.
Nous ne payons le juste prix de rien.
Raison pour laquelle :
Les agriculteurs gagnent une misère (source),
Les gens continuent à voyager en avion malgré un impact carbone désastreux (source),
Dans un même wagon de TGV, l’écart entre le billiet le plus cher et le moins cher peut aller jusqu’à 100 € (source),
Le métro est gratuit pour les retraités à Paris (source)
Les urgences hospitalières sont saturées (source)
Il y a un risque à croire qu’on peut bénéficier du même service en ayant recours à un salarié diplômé et un étudiant qui ne l’est pas.
C’est vrai pour le baby sitting comme pour les gardes de nuit. Et le problème se matérialise en cas de pépin, quand l’intervenant est confronté à une situation anormale et imprévisible et qu’il doit savoir comment agir afin d’éviter une aggravation, voire un décès.
On pourrait rétorquer (comme le font certains lecteurs) que les intervenants professionnels ne sont pas toujours diplômés non plus, mais faut-il justifier l’illégalité par la faute professionnelle ?
Je m’interroge.
C’est la faute à la valeur perçue 💰💰💰
Le prix payé n’est pas le juste prix, la faute à un système subventionné de tous les côtés. Mais le problème vient aussi de la valeur accordée au service par ses bénéficiaires : les services à la personne souffrent de la faible valeur perçue de leurs activités.
Comme les aides à domicile suppléent à des actions du quotidien que les aidés ont réalisé sans y penser pendant des décennies, ceux-ci n’accordent pas une valeur importante à l’aide qui vient les faire pour eux. La technicité de ce métier passe inaperçue et la seule variable d’ajustement est le prix.
Dans ces conditions, difficile d’augmenter ce prix, sauf à développer de nouveaux services qui auraient une valeur perçue supérieure et pourraient être vendus plus cher.
Par exemple,
Le care management dont j’ai déjà décrit le fonctionnement et analysé le marché
Les centres de ressources qui pourront être gérés par les SAAD à partir de 2023.
L’habitat partagé accompagné dont je parle souvent et sur lequel j’aimerais m’appesantir pour clôturer cet édito ⤵️
Solution vertueuse pour éviter le problème du prix haut ⬆️
L’habitat partagé et accompagné evite que le prix du service pèse trop sur le portefeuille de la famille, puisque c’est là, me semble-t-il que le problème se situe pour les critiques les plus virulents de notre pénultième édito.
Il est vrai que le maintien à domicile d’une personne fortement dépendante (GIR 1-2) requiert une présence H24 et donc un budget conséquent. Pour les seules gardes de nuit, il vous faudra débourser 7500 € par mois.
Pour les personnes souffrant d’un handicap, la PCH couvre cette dépense à 100%, mais l’APA n’est pas aussi généreuse et les reste à charge sont intolérables pour la plupart des citoyens.
On peut donc comprendre qu’ils aient recours à un plan B deux fois moins cher que le plan A pour alléger l’addition, même si c’est au détriment de la qualité.
En attendant une fusion de la PCH et de l’APA, l’une des alternatives les plus malines, c’est la mutualisation du service, via l’entrée en habitat partagé et accompagné. Du maintien à domicile, dans un domicile adapté où la personne âgée bénéficie d’un service de veille et de garde H24, mais en ne payant qu’un x ième de la prestation servie à l’ensemble des colocataires.
L’autre possibilité consisterait à recourir à la solidarité nationale via une grande loi dépendance (quel que soit son nom) qui créérait un vrai régime solidaire de la dépendance, car c’est de l’avis de nombreux experts le seul moyen d’assurer une couverture universelle pour ce fléau (source)
La semaine prochaine
Je vous propose de poursuivre la réflexion sur le sujet en donnant la parole aux entreprises qui emploient des étudiants sur le marché des seniors. Et je fais donc un appel à la cantonnade : si vous gérez ou travaillez dans une telle structure, contactez-moi afin de vous faire entendre.
D’ici là, je vous souhaite une bonne semaine.
Merci pour vos articles et les hypothèses de réflexion et de débat.
Entre rien et loi autonomie et assurance dépendance:
un a t il un autre chemin?
Taxer les successions, sujet dont il a été beaucoup question durant la présidentielle, (moyenne de 100000€/ par succession en France) et avec cette taxe créer un fonds (géré caisse des dépôts?) qui prendrait en charge la dépendance pour les personnes à domicile ou en institution entre leur retraite et 2500€ (seuil à définir).
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/les-recettes-des-droits-de-succession-ont-bondi-de-60-depuis-2012-141808#:~:text=Forte%20hausse%20en%20sept%20ans&text=Le%20niveau%20%C3%A9tait%20en%20effet,est%20encore%20amplifi%C3%A9%20depuis%202018.
Ceci répondrait à une majorité des recours à l'aide sociale et libèrerait les départements de cette charge, laisserait les plus riches acheter les services qu'ils souhaitent, permettrait aux plus modestes d'avoir des réponses aux nécessités de leur état. Il y a environ 800 000 personnes dépendantes en France bon mal an:
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277754?sommaire=4318291
avec une aide moyenne de 1000€ par mois (ce qui ne serait pas le cas, car toutes les personnes ne sont pas GIR1ou2) cela ferait moins de 10 milliards€.
En EHPAD, 120 000 personnes à l'aide sociale sur 770 000 places (soit 15%):
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-06/Fiche%2017%20-%20Les%20%C3%A9tablissements%20d%E2%80%99h%C3%A9bergement%20pour%20personnes%20%C3%A2g%C3%A9es.pdf
Evidemment cela demande une étude pour équilibrer cette hypothèse. et ensuite "Pouvais-je faire mieux que Barack Obama"?
J apprécie beaucoup vos articles.Une erreur dans celui-ci, a Paris, le métro n’est pas gratuit pour les retraités , seuls ceux ayant des revenus inférieurs à un plafond que je suis trop paresseuse pour aller vérifier, en bénéficient.
J adhère, sinon, totalement, à votre argumentation. C.M.