Sam Altman investit dans l'immortalité - Parce que vivre plus longtemps n'est jamais assez
Altman a misé 180 millions $ dans Retro Biosciences, une start-up qui cherche des remèdes au vieillissement. J'étudie le projet en détail
Sam Altman, PDG d'OpenAI, a lancé Retro Biosciences, une start-up visant à ajouter 10 années de vie saines et agréables à la fin de nos vies. Retro Biosciences se concentre sur trois techniques anti-âge : l'autophagie, la reprogrammation cellulaire et la thérapie au plasma. Altman est fortement impliqué dans cette mission et travaille en étroite collaboration avec Retro Biosciences pour réaliser cet objectif ambitieux.
Qui est Sam Altman ?
Sam Altman est déjà un titan technologique. Altman est âgé de 38 ans. Il code depuis trois décennies. Avec l'avènement de ChatGPT et (plus récemment) Sora, il a amassé presque autant de battage médiatique et d'influence que Elon Musk et Mark Zuckerberg.
En tant que PDG de OpenAI, Altman est considéré comme le visage de l'intelligence artificielle, reprogrammant la manière dont nous vivrons et travaillerons dans les années à venir. Sa poussée incessante vers l'avenir de la technologie - y compris les premiers investissements dans Reddit, Stripe, Airbnb et Instacart - lui a rapporté des milliards.
Retro
Mais le tycoon a une autre maîtresse que la tech.
Au cours des trois dernières années, Altman a discrètement dépensé beaucoup de temps et d'argent pour un projet transhumaniste1 : essayer de reprogrammer le corps humain.
En 2021, pendant une relative "accalmie" entre le moment où il est devenu PDG d'OpenAI et la présentation de ChatGPT au monde, Altman a lancé un projet parallèle de 180 millions de dollars. Appelé Retro Biosciences, l'objectif de la start-up est aussi simple qu’ambitieux : ajouter 10 années de vie saines et agréables à l’humanité.
Qui est aux commandes de Retro ?
Pour y parvenir, Altman s'est associé à Joe Betts-LaCroix, un scientifique formé à Harvard, MIT et Caltech. Biophysicien et génie de l'informatique, Betts-LaCroix a déjà développé l'ordinateur personnel le plus petit du monde. Bien qu'il ne soit pas formé en géroscience2, Betts-LaCroix est depuis longtemps un promoteur d'une science plus dure et d'une "biologie profonde" pour la longévité à travers sa fondation à but non lucratif Health Extension Foundation (dont la dernière action remonte à 2018 !).
Pour l'observateur occasionnel, le biohacking pourrait sembler être le projet farfelu d'Altman, une distraction de son quotidien imprégné de l'univers de la technologie. Mais Retro Biosciences s'intègre en réalité assez bien dans la vision futuriste d'Altman.
La vision d’Altman et de ses pairs
Craignant l’avènement du Jugement Dernier ou l’effondrement de la civilisation, Altman prétend avoir une cachette d'armes, d'or et de terrains, juste au cas où.
À l’instar d’autres milliardaires américains, Altman semble obsédé par sa propre longévité et les menaces qui pourraient peser sur sa vie. Il baigne en outre dans un écosystème qui partage ces obsessions, ce qui contribue, assez logiquement, à l’inciter lui-même à s’en préoccuper. Et comme il a plus d’argent qu’il pourrait en dépenser en dix vies, à miser sur la science pour corriger les défauts de la nature.
Le syndrome messianique
Fort de ses milliards et de ses réussites entrepreneuriales, Altman est convaincu qu'il peut résoudre tous ces problèmes existentiels et mettre notre monde à l'abri du futur. Une certitude messianique qu’il partage avec les autres tycoon de la Silicon Valley. N’avons-nous pas déjà entendu de tels discours dans la bouche de
Mark Zuckerberg, dont la fondation Chan Zuckerberg Initiative ambitionne de guérir toutes les maladies,
Elon Musk et ses rêves de colonisation spatiale,
Bill Gates, dont la fondation agit pour l’éradication des maladies,
Jeff Bezos et son implication dans Altos Labs, une société très secrète qui poursuit les mêmes ambitions de recherche d’un traitement à la vieillesse que Calico, structure créée par Alphabet, la maison mère de Google.
Etc.
Betts-LaCroix voit plus Retro comme une vocation morale qu'un modèle d'affaires astucieux pour augmenter la fortune d'un milliardaire.
"C'est un bien public évident de créer plus de santé" - Joe Betts-LaCroix
Bénéfice pour l’Humanité ?
Quelles qu’en soient la raison et les motivations profondes, l’engagement financier de ces milliardaires peut faire avancer la recherche scientifique dans le domaine de la santé, là où les Etats peinent à mobiliser les fonds nécessaires. Certes, l’enjeu de long terme porte sur l’exploitation des résultats de ces recherches, mais c’est un autre sujet (pas moins important, mais que je ne traite pas aujourd’hui).
Les objectifs de Retro
Altman ne se projette pas dans une direction improbable. En s’appuyant sur les travaux réalisés depuis plusieurs décennies autour des causes du vieillissement, il s’intéresse à trois disciplines prometteuses en particulier, celles dont les résultats pourraient aboutir le plus rapidement.
Penchons-nous sur ce point
L’autophagie
C’est le processus de destruction des cellules mortes par notre organisme. S’il se grippe - avec l’âge ou la maladie - les cellules mortes (dites sénescentes) “polluent” l’organisme et empêchent les nouvelles cellules de fonctionner de façon optimale. Ce désordre interne provoque des douleurs, des irritations et des dysfonctionnements organiques.
Il est identifié dans les 9 causes du vieillissement et les biologistes de la longévité y cherchent un remède depuis des années. La recherche a constaté que deux médicaments, la rapamycine et la metformine3 ont un effet positif sur l’autophagie, ce qui aide les biologistes à imaginer une molécule spécifique, mais personne n’a encore découvert comment la synthétiser.
La reprogrammation cellulaire
L'une des idées les plus à la mode circulant aujourd'hui dans la science de la longévité. L'idée est de faire agir les vieilles cellules comme de jeunes cellules en les "reprogrammant" à un état un peu plus jeune en utilisant les quatre facteurs Yamanaka, du nom du chercheur japonais en cellules souches Shinya Yamanaka qui a reçu le prix Nobel en 2012 pour avoir découvert que cela pouvait être fait.
Mais expérimentalement, il a été difficile d'accomplir ce type de remodelage d'une manière qui n'entraîne pas potentiellement le cancer ou d'autres problèmes de santé.
Ici, Betts-LaCroix imagine commencer très lentement - en extrayant des cellules des oreilles ou des articulations des genoux en les reprogrammant partiellement pour les rajeunir un peu, puis en les réinsérant dans les personnes une fois qu'elles ont été jugées sûres pour le traitement.
Si ces expériences parvenaient à corriger des problèmes comme la presbyacousie4 ou la mobilité articulaire, par exemple, Retro pourrait ensuite essayer quelque chose de plus avancé.
La thérapie au plasma
Le concept qui sonne le plus Dracula-esque de tous. Betts-LaCroix pointe vers des recherches de "régénération prometteuse" qui ont été réalisées sur des souris en diluant leur plasma sanguin avec du sérum physiologique. (Cela semble fonctionner mieux que de simplement donner du jeune sang à de vieilles souris.)
Chez les souris âgées qui ont subi une dilution de plasma, une vaste gamme de problèmes liés à l'âge s'amenuise. La procédure réduit l'inflammation, améliore la santé musculaire et hépatique, et stimule la formation de cellules cérébrales. Des recherches naissantes chez l'homme, y compris certaines en cours chez Retro, suggèrent que la technique pourrait également fonctionner pour nous, les non-rongeurs.
Du côté des sceptiques
Tous les experts ne sont pas d'accord. Certains se demandent si le fait de rajouter dix ans de vie supplémentaires aux corps des plus riches et des plus privilégiés parmi nous devrait vraiment passer avant la recherche de moyens qui pourraient tous nous faire vivre un peu plus longtemps, en réduisant les disparités de santé et en mettant en œuvre davantage de changements systémiques qui amélioreraient la santé sociale, mentale et émotionnelle de nous tous.
La critique récurrente à l’encontre de ces recherches consiste à vouloir privilégier les recherches sur les maladies elles-mêmes et d’abord chercher à améliorer l’espérance de vie en bonne santé plutôt que de rallonger la vie elle-même sans résoudre le problème des maladies auto-immunes.
En outre, en l’état actuel de la recherche, et selon Aubrey de Grey lui-même5, prendre des suppléments de longévité (des cocktails de pilules qui contribuent au rajeunissement cellulaire) n’a pas plus d’impact sur notre santé et notre longévité que d’adopter un mode de vie sain. Mode de vie qui est lui-même préconisé par les médecins depuis longtemps. Pour rester jeune sans se ruiner, il suffit donc d’avoir une vie active, une alimentation saine, des relations sociales, etc.
Reste à découvrir un traitement qui ajoute encore plus de longévité en bonne santé à une personne qui aurait déjà un mode de vie sain. Et c’est dans cette voie que la science cherche aujourd’hui à s’engouffrer.
Perspectives
"Si les gérontologues réussissent à faire vivre les gens cinq ou dix ans de plus en prenant une pilule, les effets sur le monde des affaires, sur l'industrie de l'assurance, sur l'industrie de la santé, sur la sécurité sociale seront un tsunami", a déclaré le biogérontologue Daniel Promislow, qui dirige le Dog Aging Project.
L'approche d'Altman, qui a si bien fonctionné pour découvrir plusieurs start-up à succès de la Silicon Valley, lui permettra-t-elle de remporter la grande course à un produit qui booste la longévité ?
Il est possible que Retro y arrive en premier et débloque une énorme manne de centaines de milliards de dollars. Mais personne ne sait vraiment qui mène la course pour l'instant. Il est encore bien trop tôt pour désigner les gagnants et les perdants de cette industrie.
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Pour tout savoir sur les projets des transhumanistes en lien avec la santé, lisez ce tour d’horizon que j’ai publié l’année dernière dans Longévité.
La geroscience est une discipline scientifique qui part du postulat que la vieillesse étant la cause des maladies et fragilités, il vaut mieux chercher un remède à la vieillesse qu’à ses effets. Zoom complet ici dans cet article.
Pour aller plus loin, lisez mon article consacré au Tame, le projet de recherche clinique qui devrait prouver (ou pas) l’impact de la metformine pour lutter contre l’autophagie.
Dégénerescence auditive liée au vieillissement des cellules cillées. Explication détaillée dans cet article Longévité.
Explications détaillées de l’idée de Aubrey de Grey dans cet article Longévité.
Merci pour cette newsletter, super intéressante !