Un nouveau gérontopôle à Tours : la Silver économie renforce son maillage territorial
Présidé par Bertrand Fougère, le gérontopôle Centre-Val de Loire vient compléter l'écosystème national dédié au vieillissement.
Bienvenue dans Longévité, la newsletter où, 2 fois par semaine, je décortique l’actualité brûlante de la Silver économie avec une analyse qui vous éclaire sur ce qui se joue en façade et en coulisses dans notre écosystème.
Aujourd’hui, je vous présente une figure montante, Bertrand Fougère. J’ai fait sa connaissance il y a 18 mois quand l’éphémère ministre de l’autonomie Aurore Bergé l’avait désigné pour piloter une mission d’audit de la Silver économie… Qui n’a pas été entérinée par le successeur de Mme Bergé.
Cette déconvenue n’a pas découragé le professeur Fougère qui est devenu en moins d’un an une personnalité très visible dans mon radar. Et réciproquement puisque Bertrand m’a invité à l’inauguration du gérontopôle Centre-Val de Loire qui avait lieu le jeudi 27 mars, à Tours.
J'ai assisté au discours élogieux de la ministre actuelle, aux cinq tables rondes réunissant les parties prenantes du gérontopôle, ainsi qu'à la présentation de la nouvelle équipe par Bertrand Fougère. Après avoir - trop - rapidement bu un verre au cocktail qui réunissait un panel intéressant de figures locales et nationales, je me suis hâté vers la gare de Tours pour prendre le dernier train en direction de Paris, d'où je vous rédige ce compte-rendu.
À travers cet article, je vous propose de découvrir qui est ce jeune président prometteur, ce qu'est exactement un gérontopôle, et pourquoi Tours est le lieu idéal pour cette nouvelle implantation.
Bertrand Fougère : le visage du renouveau de la gériatrie française
Bertrand Fougère incarne une nouvelle génération de gériatres. Chef du pôle interhospitalier Vieillissement au Centre Hospitalier Régional Universitaire (CHRU) de Tours et enseignant à la Faculté de médecine, il est également à la tête de l'Équipe Régionale Vieillissement et Maintien de l'Autonomie (ERVMA).
Son influence s'étend bien au-delà du cadre hospitalier tourangeau. Co-pilote du "grand défi numérique et bien vieillir" et de l'intégration d'ICOPE en France, il participe aux comités scientifiques de plusieurs start-up de la Silver économie. Il organise et anime depuis six ans les JVMA (Journées Vieillissement et Maintien de l'Autonomie), un symposium scientifique dédié aux professionnels de santé en gériatrie.
Ce qui distingue Fougère, c'est qu'il ne fait pas partie de la "vieille garde" qui a “créé la Silver économie en 2013 dans le bureau de la ministre”, ni des "barbes blanches" traditionnelles de la gériatrie – une discipline où, il faut bien le reconnaître, l'âge moyen des experts est particulièrement élevé.
Cette jeunesse relative est une aubaine pour une spécialité qui a longtemps souffert d'un déficit d'attractivité et qui bénéficie, à travers lui, d'une mise en lumière moderne et dynamique.
Par son travail, son engagement et son charisme, Bertrand Fougère apporte un souffle nouveau à une profession confrontée à une crise des vocations.
Son influence pourrait contribuer à redorer l'image d'une spécialité trop souvent perçue comme palliative, associée à la décrépitude et à la fin de vie – une perception qui décourage les jeunes médecins de s'y engager.
Qu'est-ce qu'un gérontopôle ?
Un gérontopôle est une structure de recherche et d'innovation dédiée à l'étude du vieillissement et aux problématiques liées aux personnes âgées. Ces centres regroupent chercheurs, professionnels de santé, experts en sciences sociales, entreprises et acteurs publics pour développer des solutions innovantes visant à améliorer la qualité de vie des personnes âgées.
Fonctionnant comme des clusters collaboratifs, ces structures coordonnent des actions de recherche, d'évaluation des politiques publiques, d'innovation technologique et de formation.
Leurs axes de travail se concentrent sur l'amélioration des soins gériatriques, l'adaptation des environnements urbains, les nouvelles technologies pour le maintien à domicile, et la prévention des maladies liées au vieillissement.
Le premier gérontopôle a été créé à Toulouse en 2007, sous l'impulsion du ministre de la Santé de l'époque, Philippe Bas. Initialement établie à titre expérimental pour deux ans, sa mission était de développer la recherche clinique, notamment sur la maladie d'Alzheimer. Depuis, le concept s'est progressivement étendu à d'autres régions françaises.
Une reconnaissance dans le Contrat de filière Silver économie 2024-2027
Les gérontopoles bénéficient désormais d'une reconnaissance officielle dans le Contrat de filière Silver économie 2024-2027, qui leur attribue un rôle central dans la structuration territoriale du secteur. Ce contrat prévoit plusieurs objectifs spécifiques concernant ces structures :
L'objectif 1.2 vise à structurer la filière à l'échelle territoriale, en désignant les gérontopoles comme des acteurs clés aux côtés des Conseils Régionaux et des Clusters pour animer les écosystèmes régionaux du bien vieillir.
Plus significatif encore, l'objectif 1.3 propose une évaluation des gérontopoles trois ans après la rédaction de leur cahier des charges en mars 2021. Cette démarche vise à garantir une offre harmonisée sur l'ensemble du territoire tout en permettant aux gérontopoles de porter des politiques publiques accessibles à tous. L'évaluation prendra en compte le socle commun d'action défini en 2021 (formation, recherche, développement économique et communication) tout en respectant les spécificités de chaque structure.
Le contrat reconnaît également l'importance de l'Union des Gérontopôles de France (UGF), créée pour coordonner ces initiatives à l'échelle nationale, renforcer les coopérations entre acteurs publics et privés, et accélérer le développement d'innovations dans le domaine du vieillissement.
Enfin, l'expertise des gérontopoles sera mise à profit dans la création d'un "centre de preuves" visant à qualifier les solutions technologiques du secteur, aux côtés d'autres acteurs comme les clusters et les living labs.
Plus d’infos sur le contrat de filière dans cet article publié dans
, la newsletter mensuelle que je co-édite avec la Filière Silver économie.Pourquoi Tours ?
La raison officielle de l'implantation d'un gérontopôle à Tours est évidente : il n'en existait pas encore en région Centre-Val de Loire, et l'Union des Gérontopoles ambitionne d'en ouvrir un par région. Cette nouvelle structure vient donc compléter la cartographie nationale.
Mais une analyse plus fine suggère d'autres motivations, liées à la personnalité de son président. Présider un gérontopôle offre à Bertrand Fougère une autonomie et un contrôle supérieurs sur sa position, son influence et son ancrage dans l'écosystème. Ses autres fonctions, bien que prestigieuses, le font dépendre de la direction du CHU et des autorités locales finançant l'ERVMA et le cantonnent dans un rôle médical, qui est l’une de ses casquettes, mais pas la seule !
Cette dynamique n'est pas propre à Tours : plusieurs gérontopôles sont présidés par des professeurs de gériatrie faisant autorité sur leur territoire, pour lesquels la présidence d'une telle structure représente un puissant outil de communication, bien plus efficace que la direction d'un service hospitalier. Et qui permet de valoriser des compétences d’organisateur, de chef d’entreprise, de leader d’opinion.
En bref, d’adopter une posture plus visible et d’accroître son influence.
L'expérience montre qu'un gérontopôle efficace doit être porté par une personne qui a besoin de faire rayonner la structure pour son propre rayonnement. Cette symbiose entre ambitions personnelles et institutionnelles peut créer un cercle vertueux bénéfique à tout l'écosystème.
Enjeux et perspectives : harmoniser les spécificités pour plus d'impact
Si tous les gérontopôles partagent la même appellation, ils ne fonctionnent pas tous de manière identique. Leurs modèles économiques, leur gouvernance et leurs spécialités varient considérablement. Certains se tournent davantage vers le développement économique et les marchés européens, d'autres sont plus orientés vers la recherche médicale, d'autres encore privilégient une approche par les sciences sociales.
Cette diversité, loin d'être un handicap, est perçue comme un atout par l'Union des gérontopôles. Malgré leur ancrage territorial fort, ces structures peuvent avoir une influence qui dépasse leurs limites géographiques, comme en témoigne leur capacité à attirer des adhérents hors de leur région. Leurs spécificités sont vues comme des complémentarités, l'union étant en mesure d'apporter des réponses à tous types de questions qui se posent dans l'écosystème.
Néanmoins, cette vision optimiste se heurte à la réalité : les gérontopôles restent des structures fondamentalement locales. Ils ont tendance à privilégier les actions et acteurs de leur territoire, où se trouve la majorité de leurs adhérents.
De plus, l'émergence récente de la plupart des gérontopôles (moins de 5 ans) ne permet pas encore de mesurer leur impact réel, tant au niveau local que dans le cadre de leur coordination nationale.
L'un des défis majeurs pour ces structures sera d'apporter de la clarté plutôt que de la complexité dans un paysage institutionnel déjà foisonnant. En s'ajoutant aux nombreuses initiatives existantes, les gérontopoles doivent éviter de devenir des "opacificateurs" et aspirer au contraire à être des "clarificateurs" du secteur.
Conclusion : un nouvel outil au service de l'adaptation au vieillissement
Entre les mains d'un président audacieux comme Bertrand Fougère et d'une équipe alignée sur ses valeurs, le nouveau gérontopôle Centre-Val de Loire pourrait devenir un formidable outil au service de l'adaptation de la société au vieillissement.
Si sa création vient à court terme complexifier la lecture de l'écosystème, on peut espérer que, sur un temps plus long, elle aura un impact positif sur les enjeux liés au vieillissement dans la région et au-delà.
Cette nouvelle structure représente aussi une opportunité de renouveau pour la gériatrie française, discipline essentielle face au vieillissement de la population mais qui peine à attirer suffisamment de jeunes médecins.
Dans ce contexte, la figure moderne et dynamique de Bertrand Fougère pourrait contribuer à changer l'image d'une spécialité trop souvent associée aux soins palliatifs plutôt qu'à la prévention et au bien vieillir.
Car au final, l'enjeu est bien là : transformer notre regard sur le vieillissement pour en faire non plus un problème à gérer, mais une transition à accompagner dans toutes ses dimensions – médicales, sociales, technologiques et humaines.
Heureux que ce gérontopôle soit installé à Tours puisque je compte prendre ma retraite sous peu dans cette magnifique ville du val de Loire. Néanmoins, j'aimerai connaître le financement de ce magnifique outil tant du côté privé que public et quels en sont les partenaires privés.