Virage
Ce qui va changer et ce qui ne va pas changer. Comment en tirer parti pour adapter la société au vieillissement.
Quel que soit le résultat du second tour des législatives, il ne débouchera sur rien. Dans tous les cas de figure, le Parlement sera si bouleversé et instable que nous ne devons rien en attendre, sinon de préserver, autant que faire se peut, le fonctionnement du pays.
Et c’est une bonne nouvelle pour les acteurs du changement. Car cela vous affranchit de cette pesante veille, de cette désespérante attente du texte, de la décision du Prince, de l’action ministérielle qui se fait désirer.
Le changement c’est - pas pour - maintenant
Enfin ! Vous pourrez développer vos activités en toute liberté, sans espérer quoi que ce soit de la part de ministres interchangeables, dont la stabilité sera en permanence menacée par les motions de censure que ne manqueront pas de multiplier les élus de l’opposition.
Enfin ! Vous ne vous soucierez plus de percevoir telle aide, telle subvention ou d’influencer tel parti pour qu’il appuie une loi ou un décret en faveur de votre corporation. Car ils n’auront pas la tête à autre chose que sauver la leur.
Enfin ! Vous pourrez arrêter d’espérer la promulgation de cette Loi Grand Age qui n’arrivera pas de sitôt et sans laquelle vous allez devoir vous adapter à une situation, dégradée certes, mais durablement non réformable.
Enfin ! Vous pourrez rechercher de vrais partenaires, dans les assurances par exemple, afin de développer des produits et services qui ne peuvent pas dépendre de l’Etat pour se développer.
Enfin ! Vous pourrez construire des offres en vous souciant de la seule personne qui mérite votre attention : votre client. Et son problème que vous devez résoudre pour qu’il accepte de payer ce que vous lui vendez.
Ce n’est pas la première fois
Cette situation d’instabilité politique n’est ni unique, ni inédite. De tels épisodes de marasme se sont déjà produits, à de nombreuses reprises, dans l’Histoire de France. Et plus largement, dans l’Histoire de l’Humanité…
Ce ne sont pas les moments que l’Education Nationale enseigne à nos enfants, ni ceux qui font l’objet de brillantes sagas.
Depuis la nuit des temps, des régimes courageux, constructifs et visionnaires ont existé un bref instant. Et des régimes paresseux, faiblards et mous du genou ont existé le reste du temps.
C’est pour cela que vous gardez un souvenir ému en pensant à la poignée de personnalités politiques qui a tant fait pour nos ancêtres. Parce que ces femmes et ces hommes émergent d’un océan de personnalités ternes.
Et donc, si vous considérez que nous sommes dans un Age Sombre, au lieu de vous morfondre, de vous inquiéter, de regretter “le bon vieux temps”, essayez d’espérer, de préparer l’émergence d’une nouvelle personnalité talentueuse qui saura redonner sa fierté à notre pays et le tirer vers le haut.
En attendant l’avènement de cet Etre hors du commun, c’est à nous de faire le job pour compenser la faiblesse des pouvoirs publics, en ce qui concerne la cause pour laquelle nous nous levons chaque matin.
Ceci étant dit, n’allez pas croire que je vous écris ces mots sans une boule au ventre…
J’ai longuement hésité sur la tonalité de cet édito. J’avais besoin de vous en parler, mais je ne savais pas comment aborder le sujet tout en conservant la neutralité politique que j’ai choisi d’adopter dans ma pratique et mon travail depuis plusieurs décennies.
Parce que, même si je ne partage pas mes convictions politiques dans ces lignes dominicales, moi aussi, j’ai été choqué par la médiocrité des échanges de la semaine dernière.
Je suis atterré que le débat ait aussi peu porté sur les idées. Je ne vous parlerai pas des programmes qui, nous le savons, ne servent à rien puisqu’aucun des partis ne disposera de la majorité nécessaire à l’application des mesures phare qui ont fait les gros titres.
Et je ne vous parlerai pas plus de l’absence hallucinante de la question du vieillissement de la population dans ces programmes.
L’adaptation de la société au vieillissement est un non-sujet pour l’ensemble des partis en lice. C’est à se demander quelle mouche avait piqué Macron quand il a annoncé la loi Grand Age en juin 2018 (il y a 6 ans, déjà) alors qu’à aucun moment la gravité du sujet ne semble l’avoir effleuré avant ou après. Pas plus que ses adversaires, me direz-vous.
Tous ces éléments mis bout à bout me confortent dans l’idée que ce sujet ne devrait pas être plus dépendant des pouvoirs publics qu’il l’est déjà.
Il l’est déjà beaucoup… Trop.
Peut-on dissocier Silver économie et pouvoirs publics ?
Je n’ai pas la réponse à cette question.
Cependant, je pense qu’il serait intéressant que vous vous demandiez quel bien les pouvoirs publics apportent à votre activité. Qu’il s’agisse de réglementation ou de financement, j’ai l’impression que de nombreux domaines de notre marché sont emprisonnés dans ce piège qui les empêche d’oser des stratégies nouvelles.
L’exemple de l’habitat inclusif
Le premier exemple qui me vient à l’esprit est l’habitat inclusif, piégé par l’instauration d’une aide à la vie partagée censée financer l’animation.
Cette aide est attribuée discrétionnairement par le Conseil Départemental. L’obtention de l’AVP oblige les porteurs de projet à se contorsionner pour respecter des règles définies par la loi ELAN et interprétées plus ou moins librement par les CD.
L’AVP est en outre expérimentale et plusieurs départements laissent entendre qu’ils l’abandonneront d’ici 2 ou 3 ans, incitant les projets qui fondent leur business model sur l’AVP à :
Augmenter leurs prix
Trouver des aides ailleurs
Revendre à Korian
Déposer le bilan
Sachant que, bien souvent, la seule alternative envisagée est la recherche d’autres financements publics ou caritatifs.
De nombreux porteurs de projet choisissent donc de tourner le dos à ce système impossible, en créant des structures qui ne sont pas de l’habitat inclusif, ne comptent pas sur les aides publiques, fixent des tarifs qui permettent de financer le fonctionnement de la maison, s’adressent à des clients qui ont les moyens de payer un tel dispositif.
Et j’espère qu’ils seront de plus en plus nombreux à s’affranchir d’un tel système qui devrait, de toute façon, s’éteindre de lui-même si l’AVP est abandonnée.
Le crédit d’impôt sur l’aide à domicile
Ex-aequo avec l’habitat inclusif, le crédit d’impôt de 50% sur la vingtaine de services considérés comme de l’aide à domicile créent une distorsion dans le marché de trois façons.
D’abord, en incitant des services à se contorsionner pour entrer dans le dispositif alors que leur contribution au “maintien à domicile” est assez nébuleuse.
Ensuite, en créant une concurrence qui repose moins sur la qualité du service que sur son prix, le crédit d’impôt étant systématiquement mis en avant dans les argumentaires de vente.
Enfin, en faisant de cette subvention déguisée (qui paie pour le crédit d’impôt : les contribuables) la colonne vertébrale d’un système incitatif discutable, car sa véritable raison d’être n’est pas la qualité du service, mais la lutte contre le travail au noir.
Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit
La lutte contre le travail dissimulé est importante, mais tous les services qui bénéficient du crédit d’impôt ne sont pas concernés. Seuls les services à la personne sont concernés par le travail dissimulé.
Et même dans cette situation bien particulière, on peut se demander si la prévention de ce fléau par l’ensemble des contribuables est la solution la plus juste.
Je ne suis pas seul à m’interroger. La Cour des comptes a publié, en mars dernier, un rapport qui fait un constat similaire et réclame une remise à plat et une rationalisation des aides financières sur l’ensemble du dispositif.
Vous pouvez en lire la synthèse (18 pages, la synthèse) ici :
Épilogue
Puisqu’on parle de virage, je profite de cet épilogue pour vous faire part d’une décision que j’ai prise suite à des échanges avec plusieurs abonnés à Longévité et mon analyse des résultats récents de votre newsletter préférée.
Au départ, Longévité était une lettre dominicale.
En créant l’abonnement Premium, j’ai annoncé l’ajout d’une newsletter supplémentaire un mercredi sur deux.
En lançant les podcasts, j’ai annoncé un podcast un mercredi sur deux.
Quand je ne faisais pas de podcast, j’écrivais une newsletter.
Et comme j’ai abandonné les podcasts assez vite, je proposais 2 newsletters par semaine.
Mais le rythme est assez difficile à tenir, tant pour le créateur (moi) que pour le lecteur (vous).
J’ai donc décidé de revenir à la formule historique. Une newsletter hebdomadaire, le dimanche.
À partir de dimanche prochain (le 14.7), chaque newsletter sera découpée en deux parties.
La première est publique.
La deuxième réservée aux abonnés.
Je ne m’interdis pas de publier des textes, vidéos ou podcast hors série que j’adresserai uniquement aux abonnés, le mercredi.
D’autre part, j’ai lancé une seconde newsletter que je publie un jeudi sur deux, sur Linkedin. Elle s’intitule Silver Economy Trends. J’y analyserai le marché en m’appuyant sur ma veille et ma cartographie de la Silver économie.
Très bien écrit Alexandre. Je pense que les aides devraient être attribuées aux PA et non aux structures. Et casser cette industrie du vieux qui convient a personne