Une retraite à la carte : laisser les gens décider de leur âge de départ
Découvrez les avantages d'un système de retraite flexible qui permettrait aux gens de choisir leur âge de départ
Pendant cette première semaine d’entre deux tours, le débat politique est cristallisé autour de la question des retraites, de l’âge auquel on la prend et de la différence entre les programmes des deux candidats finalistes.
L’un défend une retraite à 65 ans qui permettrait d’équilibrer - ou de sauver - le système par répartition compte tenu de la transition démographique.
L’autre propose un retraite à 62 ans, mais reconnait que l’âge de départ sera subordonné à l’âge d’entrée dans la vie active et qu’il faudra en tout état de cause cotiser pendant 42 trimestres.... donc l’âge pourrait s’étaler jusqu’à 67 ans.
Ce qui me fascine avec ce débat, c’est qu’il omet toujours deux situations :
Celle des citoyens qui ne veulent pas prendre leur retraite
Celle des citoyens qui ne peuvent pas prendre leur retraite
Les premiers estiment qu’ils ont encore des choses à faire dans leur activité professionnelle.
Les seconds n’ont pas une carrière suffisante pour espérer prendre une retraite à taux plein ou bien ils calculent que leur pension dérisoire ne suffira pas pour couvrir leurs dépenses et leurs dettes.
L’exemple édifiant de Michel Bouquet 💐
Le comédien Michel Bouquet, disparu cette semaine (le 13 avril) à l’âge de 96 ans n’avait pas pris sa retraite. Il n’a jamais cessé de travailler, mais en plus de cela il n’avait pas demandé à toucher sa retraite. Concrètement, il était toujours actif, plus de 30 ans après l’âge légal auquel il aurait du prétendre à sa retraite attendu qu’il a commencé sa carrière en 1944, à l’âge de 21 ans. Il cotisait pour les autres, mais ne bénéficiait pas du système.
Sans pousser l’extrémisme jusqu’à ne JAMAIS partir à la retraite, nombre de citoyens décident volontairement de travailler plus longtemps parce qu’ils n’ont pas envie de s’arrêter et qu’ils ont la santé qui leur permet d’assumer ce choix.
Indépendamment des besoins financiers, il n'est pas surprenant que de plus en plus de personnes ne soient absolument pas intéressées à ne rien faire pendant cette période. Les retraites sont maintenant beaucoup plus longues et beaucoup de gens manqueront la stimulation et la socialisation du travail.
La preuve par le chiffre 💯
Selon un sondage Gallup réalisé aux Etats Unis en 2021, vingt-cinq pour cent des adultes interrogés s'attendent à prendre leur retraite à 65 ans, tandis que 39 % pensent qu'ils prendront leur retraite plus tard.
Dans ce pays où la retraite de base est dérisoire, une part significative des citoyens font ce choix pour des raisons économiques : ils n’ont pas assez mis de côté pour vivre sereinement dans un pays où la retraite de base, très faible, doit être complétée par des plans de placement volontaires.
Mais d’autres futurs retraités américains voient venir ce couperet avec appréhension car ils n’ont pas envie de sortir de la vie dite active.
La preuve par le verbe 🔠
Dans son ouvrage L’économie de la longévité : déverrouiller le marché le plus incompris et à la croissance la plus rapide du monde, le directeur du Lab longévité du MIT Joseph Coughlin explique dans le détail comment l’Amérique a construit un mythe autour de l’Age d’Or de la retraite afin de persuader les seniors que cette étape de leur existence serait nécessairement meilleure que les précédentes.
Ce mythe de la retraite dorée a fait oublier l’origine économique de la retraite (instaurée en 1935 aux USA) : obliger les vieux à laisser de la place aux jeunes sur le marché du travail endiguant ainsi la crise économique issue de la crise financière de 1929.
Coughlin écrit :
Pendant la majeure partie du 20e siècle, l'idée que « les personnes âgées » sont intrinsèquement malsaines et uniformément incapables de production économique a fait beaucoup plus de bien que de mal.
En effet, du point de vue des personnes âgées, cela a conduit à certains des programmes gouvernementaux les plus appréciés de l'histoire des États-Unis, notamment la sécurité sociale, l'assurance-maladie et la loi sur les personnes âgées, qui a créé le premier ensemble complet de services fédéraux et de protections juridiques pour les personnes âgées.
Un grand nombre de personnes âgées ont évité ce qui aurait été des privations extrêmes et inadmissibles si ces programmes n'avaient jamais existé.
Mais maintenant, ce récit est devenu un handicap. Cela nous a menés aussi loin que possible, mais cela freine maintenant l'innovation.
Comme l'essence au plomb, l'invention qui nous a si bien servi autrefois doit être remplacée. Notre récit de l'âge a toujours été arbitraire : une construction sociale qui est à la fois une gueule de bois historique et un stratagème de marketing. Mais maintenant plus que jamais, cela limite notre façon de penser aux solutions pour les populations plus âgées. Si nous voulons mieux vivre dans le monde ancien de demain, cette contrainte mentale doit – et va – céder.
Joseph Coughlin L’économie de la longévité : déverrouiller le marché le plus incompris et à la croissance la plus rapide du monde
L’effet couperet 🪚
Pour ajouter à la description de Coughlin, ajoutons comme le fait remarquer le sociologue Nicolas Menet dans son essai Construire la société de la longévité que la retraite et son âge gravé dans le marbre jouent un rôle de césure entre l’âge de l’activité contributive et celui de la consommation dépendante. Avant on sert à quelque chose, après on devient un poids. La vieillesse et la retraite se superposent. Vu de l’extérieur, quand on est retraité, c’est qu’on est vieux.
En construisant la catégorie des retraités, une nouvelle classe sociale est née, complétant le parcours de vie dorénavant institutionnalisé par les instances organisatrices.
Nicolas Menet Construire la société de la longévité
Selon l’auteur, cette normalisation de l’âge conduit la personne à se conformer à ce qui est attendu et s’autonormaliser pour entrer dans le moule.
Nicolas va plus loin que notre propos puisqu’il conclue que ce montage normativo-social conduit à ne considérer le senior que selon deux scénarios : le retraité dépendant-centre de coût et le senior consommateur-centre de profit (et cible privilégiée 🎯 de la Silver économie).
Une chose converge entre la pensée de Nicolas Menet et de Walter Coughlin : les deux auteurs pensent que la retraite condamne les citoyens à un changement de statut délétère et injuste.
Ces stéréotypes liés aux âgés sont devenus des injonctions et a émergé une identité normative que la société a assigné à toute personne prenant de l’âge.
Nicolas Menet Construire la société de la longévité
Et donc, concrètement on fait quoi
J’ai une petite idée, mais j’ai dans l’idée qu’elle ne fera pas l’unanimité :
On fait comme au Brésil 🇧🇷 et on supprime l’âge légal : chacun fait comme il veut.
Qu’en pensez-vous ?
Bonne analyse qui balaye l'ensemble de la problématique et des enjeux sociétaux liés à la retraite. Dommage que le débat politique ne traite pas de la question de cette façon, infantilisant toujours plus le citoyen.
Et Oui ... si on réfléchissait. Mais dans une société "française" un peu trop TPMG ( Tous Pour Ma Gueule / dépendantes de Conventions Collectives d'après guerre / celle de 39_45 )qui n'anticipe pas, ne veut pas s'adapter aux transitions imposées , ni aux réalités économiques ou démographiques ... pourra t'elle "négocier" la bonne solution ! C'est toujours au pied du mur que la sanction tombe .... Alexandre, et merci de nous "éveiller"