Comment la Loi pourrait encadrer la prévention santé pour la rendre efficace
Analyse du rapport "Prévention" publié par l'Institut Montaigne (sept. 23) | Zoom sur le rôle nécessaire de la protection sociale
- Il faut être plus préventifs afin de diminuer les dépenses de santé et de réduire le mauvais vieillissement !
- Nan, mais c’est pas possible en France, les gens ne veulent pas faire d’efforts puisque la santé est gratuite.
Vous avez sans doutes entendu ce dialogue, c’est un marronnier. Dès qu’on évoque la prévention, un râleur nous explique que c’est impossible à cause des gens qui ne font pas d’efforts puisque s’ils tombent malades, ça ne leur coûte rien de se faire soigner.
Lassé par la rengaine, j’ai voulu creuser le sujet, afin de comprendre quelles sont les causes de notre attitude si peu préventive. Et, partant de là, identifier les solutions pour changer de braquet.
Parce que, pour le bien commun et le bien être individuel, il me semble pertinent d’aider nos concitoyens à adopter des attitudes préventives. Et je ne suis pas le seul à le souhaiter. C’est aussi une préoccupation majeure pour la France et pour l’Union Européenne.
Qui dit préoccupation, dit opportunité… et donc il me semble intéressant de vous éclairer sur le sujet afin que vous puissiez les saisir, ces opportunités.
N’est-ce pas ?
Nous allons donc parcourir ensemble le sujet en nous appuyant sur un travail remarquable réalisé par Laure Millet, une experte en santé qui a réalisé une belle analyse des politiques publiques françaises relatives à la prévention. Son étude a été publiée en septembre 2023 par l’Institut Montaigne.
Je vous en propose une analyse.
Mais avant cela, j’aimerais tordre le coup à cette idée reçue à propos de la malédiction de la santé gratuite. Ce péché originel imputé à la protection sociale, responsable du peu de cas que les Français font de la prévention.
La faute à la protection sociale
Attribuer l’attitude désinvolte des Français à notre système de protection sociale, c’est oublier que l’on parle d’un privilège que nous partageons avec une toute petite minorité de Terriens.
La protection sociale, c’est un bouclier qui nous protège des petits et gros pépins de la vie en prenant en charge, plus ou moins complètement, le coût de la santé, de la retraite et des accidents du travail.
La France n’est pas le seul pays qui dispose d’une telle assurance, mais la notre est particulièrement étendue. Elle couvre - presque - tous les citoyens et - presque - tous les risques.
Estimons-nous heureux, car 75% de l’humanité n’est pas couverte par un tel système. Et même au sein de l’Union Européenne, nous faisons partie des pays les plus généreusement couverts.
Voyez plutôt ces données Eurostat de 2021 :
La bonne excuse
Peut-être pouvons-nous imputer une partie du problème à la protection sociale, mais n’oublions pas qu’elle constitue aussi une grande partie de la solution.
Et que son mode de collecte, qui repose sur les prélèvements sociaux (et non l’impôt, comme aux USA) constitue lui aussi un système de solidarité, un socle, une valeur qui lie les citoyens.
On ne peut pas être le pays de la Fraternité et en même temps dénigrer un système fraternel !
La protection sociale, valeur socle
Je suis dépité par le procès d’intention qui est parfois fait à ce système, pour de mauvaises raisons, parmi lesquelles la méconnaissance et l’ignorance sont souvent en tête de peloton.
Méconnaissance des rouages de ce système, il est vrai complexe.
Ignorance de ce que cela signifie de vivre dans un pays qui ne propose pas de protection sociale. Ou qui ne la propose qu’à certaines catégories de citoyens. Ou qui ne prend en charge que la portion congrue des dépenses.
En synthèse, pour clore cette réflexion, si notre attitude non préventive était imputable à la protection sociale, je doute que la solution soit de renoncer à cette dernière pour contraindre les Français à anticiper les problèmes.
Alors arrêtons de confondre les problèmes et penchons-nous sur des faits, des données, du savoir.
Mais avant cela, rappelons ce qu’on entend par prévention
Définir la prévention
La prévention regroupe les actions menées par les pouvoirs publics, les professionnels de santé et les individus pour éviter le développement de symptômes, traumatismes et maladies, afin de maintenir ou améliorer la santé.
Elle peut être :
Primaire : agit en amont de la maladie, avec la vaccination et les différentes actions sur les facteurs de risque,
Secondaire : agit à un stade précoce de l’évolution de la maladie à travers les dépistages,
Tertiaire : agit sur les complications et les risques de récidive.
Mais surtout, elle est constitue d’actions conjuguées et volontaristes des citoyens et de leur système de santé.
La promotion de la santé va bien au-delà des soins et le défaut ou l’absence de prévention n’est pas seulement un échec du système de soins mais un défi plus global pour les pouvoirs publics de parvenir à créer une société plus saine (Institut Montaigne, 2023)
Elle est où, la donnée ?
En l’espèce, pas facile de trouver de la donnée à se mettre sous la dent. J’entends par là, de la donnée que je puisse vous décrypter et qui soit utile à votre propre réflexion stratégique.
Eurostat propose des données sur la mortalité évitable par prévention et curation, mais ces chiffres sont assez ardus à interpréter et faute d’une notice claire, j’ai rapidement jeté l’éponge.
Santé Publique France évoque un baromètre réalisé avec SOS Médecins en 2021, mais dont les résultats seront connus courant 2024.
L’OMS n’est pas plus généreuse en données et même s’il serait toujours possible de réaliser quelques extrapolations à partir de l’excellent Global Burden of Disease, nous n’aurions pas de l’information de première main.
Et donc, faute de data, je me suis replié sur une étude réalisée par l’Institut Montaigne1 et publiée en septembre dernier.
Le rapport s’intitule : La prévention en santé, nouveaux impératifs. Vous pouvez lire la version complète ici.
Que nous dit ce dossier ?
PS : tous les chiffres que je mentionne viennent du rapport où ils sont systématiquement sourcés.
L’idée force
En synthèse
Le rapport met en lumière la nécessité d'une refonte globale des stratégies de santé préventive en France, en mettant l'accent sur une meilleure coordination entre les acteurs, l'intégration des technologies numériques, une gouvernance et un financement plus clairs et prospectifs, et une attention particulière aux inégalités sociales et de santé.
Une telle approche intégrée et stratégique est essentielle pour répondre de manière efficace aux enjeux actuels et futurs de la santé publique en France.
Note sur la forme : Je teste une nouvelle mise en forme : Je fais une synthèse de chaque partie au début de ladite partie. Et ensuite la version détaillée si vous voulez approfondir.
L’intention
Le dossier s’ouvre sur une citation de Renaud Artaud, premier ministre de la Santé post deuxième Guerre Mondiale. Il déclare :
le but essentiel de mon ministère est de restaurer la santé de la nation française (…). Cette œuvre immédiate et salutaire doit s’insérer dans le cadre d’un plan. (…). Il s’agit de développer la prévention, car mieux vaut prévenir que guérir, et dépister la maladie doit être notre première préoccupation.
ça date de 1946, preuve que les bonnes idées ont une certaine longévité, à défaut de se concrétiser par des actes.
Ce n’est pas tout à fait exact, des actions ont été entreprises dans différents domaines (la prévention routière, la lutte contre le tabagisme), mais il reste encore du chemin à parcourir.
L’état des lieux
Ainsi, chaque année :
140 000 individus sont affectés par un type de cancer qui aurait pu être évité,
On estime que plus de 40 % des cas de cancer sont causés par des modes de vie et des facteurs environnementaux,
De nombreux décès sont attribuables à des comportements à risque pour la santé : 75 000 décès par an sont dus au tabagisme et 41 000 décès sont liés à la consommation d'alcool.
47% des Français ont un poids trop élevé par rapport aux recommandations médicales et 17% seraient obèses.
Moins de 60% des Français auraient une activité physique soutenue
Enfin, la France montre un taux de dépistage, notamment dans le cancer, particulièrement bas : seulement 22 % des femmes éligibles ont effectué un
dépistage du cancer du col de l’utérus contre une moyenne de 50 % dans
l’Union européenne.
Et donc, malgré un développement des politiques de prévention, mises en garde, actions de communication préventive et opérations de tous poils en faveur d’une vie “saine”, de nombreuses pathologies poursuivent leur progression.
Entre 2015 et 2021, la Caisse nationale de l’Assurance maladie a recensé 568 400 patients supplémentaires atteints de diabète, 419 600 de maladies psychiatriques et 648 900 de maladies cardio-neurovasculaires, symbole de notre difficulté à les prévenir efficacement malgré la croissance démographique
A présente que nous avons posé les prémisses, passons à l’analyse détaillée du rapport.
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