Comment la cohabitation intergénérationnelle solidaire a surestimé l'appétit des seniors
430 000 lits pour 3 millions d'étudiants : pourquoi la cohabitation intergénérationnelle ne résout pas l'équation du logement
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Rentrée des classes oblige, j’élague le marronnier de la cohabitation intergénérationnelle solidaire, ce dispositif de colocation étudiant / senior souvent présenté - et à tort - comme LA solution au double problème de logement des étudiants et d’isolement des personnes âgées.
À travers mon analyse, je voudrais vous aider à répondre à LA question :
Comment concilier les besoins en logement des étudiants et des personnes âgées isolées ?
À quelques semaines de la rentrée 2025, le cauchemar se répète dans toutes les métropoles françaises.
Des centaines de milliers d'étudiants s'apprêtent à découvrir la réalité brutale du marché immobilier : pour 3 millions d'étudiants, seuls 430 000 lits sont disponibles dans les résidences dédiées, soit un taux de couverture dérisoire de 15 à 17%.
Le manque criant ?
Au moins 250 000 logements selon les dernières estimations (source : Cour des comptes).
Cette pénurie structurelle alimente une spirale infernale.
À Paris, le loyer moyen d'un studio dépasse les 800 euros, contraignant certains étudiants désespérés à accepter l'inacceptable : 800 euros pour une soupente de 9 mètres carrés sans sanitaires, au septième étage d'un immeuble vétuste.
Dans les grandes métropoles comme Lyon, Bordeaux ou Montpellier, les prix ont flambé de 20% en cinq ans, poussant les étudiants vers des périphéries toujours plus lointaines.
Face à cette crise, 60% des étudiants vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté et un quart envisage d'abandonner ses études faute de ressources suffisantes.
Pourtant, une solution semble exister théoriquement depuis des décennies : la cohabitation intergénérationnelle solidaire.
Un concept qui paraissait fait pour résoudre l'équation impossible du logement étudiant, mais qui repose sur une hypothèse de marché erronée.
La genèse d'une idée séduisante
L'histoire commence à Barcelone dans les années 2000. Pendant la canicule de 2003 qui fait des milliers de victimes en France, un reportage de France 3 met en lumière un dispositif catalan révolutionnaire : des étudiants logés chez des seniors, créant une solidarité intergénérationnelle salvatrice. L'image est puissante : pendant que la France pleure ses morts isolés, l'Espagne sauve ses anciens grâce à la présence de jeunes sous leur toit.
L'idée traverse les Pyrénées et prend racine dans l'Hexagone sous un nom complexe : la cohabitation intergénérationnelle solidaire (CIS). Le principe paraît simple : une personne âgée de plus de 60 ans héberge un jeune de moins de 30 ans contre une contribution financière modeste (moins de 500 euros par mois) et éventuellement quelques services domestiques.
Sur le papier, l'équation semble parfaite. D'un côté, des millions d'étudiants cherchent désespérément un toit. De l'autre, des millions de seniors vivent seuls dans des logements sous-occupés. La rencontre de ces deux solitudes devait naturellement créer un marché florissant.
Un cadre juridique sur mesure
Longtemps dans un vide juridique, la CIS obtient ses lettres de noblesse avec la loi ELAN du 23 novembre 2018. L'article 117 pose un cadre précis : contrat spécifique exclu du droit du bail classique, contrepartie financière "modeste" librement fixée, possibilité de "menus services" sans requalification en contrat de travail, préavis réduit à un mois.
Cette consécration législative fait naître tous les espoirs chez les entrepreneurs du secteur. Le législateur ne se mobilise pas pour des clopinettes, pensent-ils. Son intervention valide l'existence d'un marché juteux. Les investisseurs suivent, convaincus qu'un cadre juridique clair va libérer la demande latente.
Ils se trompent lourdement. La loi génère même des conflits inattendus : en 2021, le réseau associatif Cohabilis attaque en justice une société commerciale (Colette), estimant que l'article 117 ne s'applique qu'aux associations. Le tribunal rejette cette interprétation restrictive, mais le mal est fait : l'écosystème se divise sur une hypothétique captation de valeur inexistante.
Mon décryptage de ce feuilleton juridique ici :
Les modèles économiques à l'épreuve de la réalité
Les pionniers associatifs : survivre sans croître
Les associations dominent historiquement le secteur. Cohabilis fédère aujourd'hui une quarantaine d'associations locales, tandis qu'Ensemble 2 Générations déploie ses antennes sur le territoire. Ces structures ont construit patiemment des réseaux de confiance locaux, élément crucial dans un marché où la recommandation prime sur la visibilité.
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