CrĂ©ez l'habitat inclusif que les gens veulent đ
Et pas celui qui entrera dans les bonnes cases pour toucher une subvention.
Bonjour, câest Alexandre de Sweet Home. LongĂ©vitĂ© est notre newsletter hebdomadaire consacrĂ©e Ă lâactualitĂ© de la Silver Ăconomie. Aujourdâhui, je vous montre comment crĂ©er des habitats inclusifs qui rĂ©pondent vraiment aux attentes des citoyens.
Que nous réserve la longévité ?
Nous savons depuis la nuit des temps nous occuper des tout-petits.
Mais les tout-vieux, qui sont-ils vraiment ?
Cette question est inédite.
Lâaugmentation de lâespĂ©rance de vie confronte pour la premiĂšre fois notre civilisation Ă sa propre vieillesse.
Disons dâemblĂ©e notre certitude : nous postulons que le vieillard est un homme comme les autres. Ses attentes restent largement en phase avec celle de lâhomme - statistiquement plus souvent de la femme - jeune quâil ou elle fut.
Les hĂ©bergements collectifs pour personnes ĂągĂ©es ont nĂ©anmoins trop frĂ©quemment ignorĂ© une rĂ©alitĂ© pourtant Ă©vidente : chaque citoyen est unique. Le vieillissement ne sâexprime jamais de la mĂȘme façon chez deux individus diffĂ©rents. Lâenvironnement, lâĂ©ducation, la personnalitĂ© et bien dâautres facteurs dĂ©terminent la façon dont notre corps et notre esprit rĂ©agiront au vieillissement de nos cellules.
Si personne nâa prĂ©venu les octogĂ©naires actuels quâils vivraient aussi vieux, il en va tout autrement de leurs descendants. Ces âboomersâ qui ont vu leurs parents atteindre le grand Ăąge savent Ă quoi sâattendre. Ils ont vĂ©cu dans la sociĂ©tĂ© de consommation quâils ont contribuĂ© Ă bĂątir et ne sont pas disposĂ©s Ă courber lâĂ©chine avec la mĂȘme docilitĂ© que les vieux dâhier.
Ces «nouveaux vieux» apprĂ©hendent mieux les consĂ©quences du vieillissement. Ils sont capables de dĂ©cider en connaissance de cause. Ils savent quâune autre approche est possible : une prise en compte plutĂŽt quâune prise en charge. Nos concitoyens ĂągĂ©s de plus de 75 ans pourraient bien refuser de se voir imposer un mode de vie et un espace limitĂ© avec leur vieillesse pour seule justification.
Cet texte est lâintroduction au livre blanc de lâhabitat inclusif - Pourquoi et comment le dĂ©velopper ici et maintenant, rĂ©alisĂ© pour Ages&Vie par Sweet Home en octobre 2020.
Je lâai relu ce matin avant de lâenvoyer Ă un prospect qui demandait un exemple de notre travail. Il colle bien Ă notre propos de ce jour, jâavais donc envie de le partager avec vous.
Reprenons lĂ oĂč nous nous Ă©tions arrĂȘtĂ©s dimanche dernier.
Il y a 8 jours, jâai analysĂ© la genĂšse de lâhabitat inclusif et les formes quâil a adoptĂ©es Ă lâorigine, aujourdâhui jâaimerais vous montrer comment il pourrait Ă©voluer compte tenu des aspirations ne nos concitoyens ĂągĂ©s... et des usages de consommation en gĂ©nĂ©ral.
Commençons par une petite cartographie de lâexistant
En 2022, lâhabitat inclusif intĂ©resse trois familles de porteurs de projets :
Des organismes qui sâadressent Ă un public autonome et prĂ©voient que les habitants sâautogĂšrent.
Ils proposent un bouquet de services obligatoires, facturés avec le loyer : ménage, abonnement internet, énergies, chauffage, etc. Salles de bains et chambre sont individuelles, mais tout le reste est partagé.
La convivialitĂ© nâest pas optionnelle : câest un systĂšme collectif.
Ce modĂšle se rapproche de la Maison des Babayagas, cĂ©lĂšbre habitat participatif pour femmes ĂągĂ©es et seules, créé Ă Montreuil par ThĂ©rĂšse Clerc. Il sâadresse Ă des personnes qui souhaitent vivre une aventure collective et conviviale.
Des organismes qui sâadressent Ă un public autonome ou faiblement dĂ©pendant (GIR 4-5 et 6), avec un service plus appuyĂ©, de type hĂŽtelier.
Les espaces privés sont plus grands et le niveau de service plus varié. Ces modÚles peuvent se rapprocher de la résidence services seniors, mais à taille humaine.
En inclusif, ces organismes pourraient bĂ©nĂ©ficier de lâAide Ă la Vie PartagĂ©e afin de financer en partie lâanimation. Mais ils pourraient tout aussi bien intĂ©grer ce coĂ»t au loyer, comme le font les rĂ©sidences services seniors.
Certes, ils devraient aussi rechercher une clientĂšle financiĂšrement plus autonome, mais ils pourraient ainsi conserver leur propre autonomie vis Ă vis de lâEtat. En effet, percevoir lâAVP ne vient pas sans un minimum de sacrifices, pour coller au modĂšle dĂ©fini par la jurisprudence administrative.
Des organismes qui sâadressent Ă un public dĂ©pendant (GIR 1 Ă 3) avec un service mĂ©dico-social
Câest une structure oĂč on veille sur les habitants en leur assurant une vigilance mĂ©dico-sociale H24. Ce que lâEhpad âdevrait ĂȘtreâ ou âaurait dĂ» devenirâ !
En inclusif, ces logements pourraient bĂ©nĂ©ficier de lâAide Ă la Vie PartagĂ©e et demander la crĂ©ation dâun SAAD dĂ©diĂ©, avec mutualisation de lâAPA ou de la PCH. Cette derniĂšre ressource est de plus en plus difficile Ă obtenir et donc, construire son business model sur cette occurence me parait trĂšs hasardeux en ce moment. Cette option sâadresse donc plutĂŽt Ă des organismes dĂ©jĂ dotĂ©s dâun SAAD ou Ă des business model qui parviennendraient Ă sâĂ©quilibrer avec le recours Ă un SAAD extĂ©rieur ou pourraient sâadosser Ă un Ehpad pratiquant de lâEhpad hors les murs.
Quel est, selon vous, le point commun Ă tous ces projets ?
La pierre dâachoppement
Câest pas dâĂȘtre inclusif, câest pas dâĂȘtre des alternatives Ă lâEhpad, câest pas non plus dâĂȘtre destinĂ©s aux vieux (mĂȘme si un peu quand mĂȘme, mais câest pas lĂ oĂč je veux en venir).
Non, leur point commun câest que ce sont tous des projets immobiliers. Toutes ces rĂ©alisations reposent sur la construction dâun logement collectif.
Câest une constante chez les entrepreneurs en habitat inclusif.
Ils pensent que la crĂ©ation dâun logement collectif est LA rĂ©ponse aux maux des seniors.
Ils sâendettent pour construire ou retaper une belle maison, y installer des chambres et salles de bains, de grandes piĂšces Ă vivre, les dĂ©corer, les meubler et crĂ©er un joli site internet.
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Alors que les citoyens ne demandent quâune chose : rester chez eux.
Vous admettrez que câest contre-intuitif dâaccĂ©der Ă ce besoin en leur disant : âok, tu vas rester chez toi, mais en venant habiter chez moi. Ce chez moi, ça va devenir ton chez toi.â
Pas gagné.
Imaginons que le besoin soit ailleurs đ
Ok vous allez me rĂ©torquer que ces vieux nâont pas le choix. Quâils ne peuvent pas rester chez eux. Quâils doivent emmĂ©nager dans un lieu plus convivial, mieux organisĂ©, Ă taille plus humaine, bref⊠quâils seront mieux dans votre habitat inclusif que chez eux.
Mais pourquoi les vieux voudraient-ils vivre en collectivitĂ© Ă 75 ans sâils ne lâont pas fait avant, autrement que contraints et forcĂ©s (on garde Ă lâesprit que cette gĂ©nĂ©ration a fait le service militaire).
Pourquoi, avant dâimaginer que la rĂ©ponse Ă leurs maux se matĂ©rialise dans un bĂątiment Ă occuper en collectivitĂ©, ne pas chercher Ă crĂ©er un service qui apporte une rĂ©ponse inclusive Ă leur besoin, mais sans les contraindre Ă dĂ©mĂ©nager ?
Cela vous semble contre-intuitif parce que lâhabitat collectif est la rĂ©ponse systĂ©matique quâon apporte Ă ces situations depuis des dĂ©cennies. Du coup, on a du mal Ă en imaginer une autre⊠alors que peu de citoyens font de la colocation par plaisir.
Regardez autour de vous.
Est-ce que les comportements des gens vous donnent lâimpression quâils ont ENVIE de vivre en collectivitĂ© ?
Oubliez ce que vous croyez savoir.
Mettez-vous Ă la place des gens dont vous voulez le bien.
Fermez les yeux et imaginez Ă quoi pourrait ressembler un habitat inclusif qui ne serait pas un lieu, mais un service.
Faites du service avant de faire du produit
Cette approche existe dĂ©jĂ dans les Ehpad, ça sâappelle lâEhpad hors les murs.
Mais lĂ , je ne vous parle pas de venir en aide Ă des personnes dĂ©pendantes, je vous parle dâun service pour des personnes qui ne le sont pas encore.
Je vous parle de prĂ©server nos centre-ville, nos villages, nous faubourgs en offrant Ă la population ĂągĂ©e les moyens de rester chez elle, dans son immeuble, son quartier, ses rues. De continuer Ă aller au marchĂ©. De continuer Ă faire vivre le commerce local (lĂ oĂč il existe encore).
Je vous propose une solution qui ne passe ni par lâartificialisation des sols pour construire de nouvelles maisons, ni par le dĂ©mĂ©nagement des gens qui veulent rester chez eux (je me rĂ©pĂšte un peu, non ?) et qui ne consiste pas Ă rassembler en un mĂȘme lieu des personnes dont le seul point commun est lâĂąge, la maladie et bien souvent les deux.
Je vous parle de créer un service et pas un produit.
Aux USA, câest une lame de fonds qui boulverse le monde de lâhabitat senior et que les professionnels ont baptisĂ© le Senior Living as a service (SLaaS)
Grosso modo, il y a deux types de clients : ceux qui recherchent une rĂ©sidence senior et ceux qui s'engagent Ă rester chez eux le plus longtemps possible. Nous fournissons des services pour les deux, en rencontrant nos clients lĂ oĂč ils se trouvent et en leur permettant de dĂ©finir le rythme de leur engagement avec nous... Une taille unique ne convient certainement pas Ă tous, et c'est plus vrai aujourd'hui que jamais. Les personnes ĂągĂ©es recherchent des programmes et des services adaptĂ©s Ă leurs besoins individuels, et c'est ce sur quoi nous nous concentrons chez Five Star.
Kattie Potter CEO de Five Stars Senior Living USA
Je vous laisse réfléchir là -dessus.
La semaine prochaine, je vous prĂ©senterai une maniĂšre dâaborder le sujet de lâhabitat inclusif âas a serviceâ avec un projet associatif qui permet aux vieux de Boston de vivre chez eux, en inclusion : le Beacon Hill Village.
Et dans 15 jours, nous nous intéresserons aux citoyens qui VEULENT vivre dans un collectif, par choix.
Jâai hĂąte de vous prĂ©senter ces deux facettes de notre rĂ©flexion sur lâhabitat inclusif.
Mais en attendant, je vous souhaite de passer une bonne Saint Valentin đ
Je repense Ă lâintervention de Jacques Attali pour clĂŽturer le sĂ©minaire dâĂ©tĂ© Villes Territoires et Vieillissement Ă Reims 2021. Il imaginait des immeubles regroupant des personnes de tout Ăąge et situation familiale qui bĂ©nĂ©ficieraient de services adaptĂ©s Ă leurs besoins grĂące Ă une personne qui aurait un rĂŽle de conciergerie, avec en plus un lieu de vie commun ; comme solution au vivre ensemble mais chez soi, avec une mixitĂ© de gĂ©nĂ©rations et une personne dĂ©diĂ©e capable de rĂ©pondre aux diffĂ©rents besoins de services des rĂ©sidents.
Dites, vous nâavez pas le sentiment de recrĂ©er la roue âŠ?
Bien sĂ»r, il est aussi aberrant de proposer un habitat diffĂ©rent Ă des personnes qui veulent vivre chez eux que de parler dâĂ©tablissement dâhĂ©bergement sans hĂ©bergement (les Ehpad HLM) !
Ne serait il pas plus efficient de muscler et repenser les services dâaccompagnement Ă domicile en supprimant le silo SAAD/SSIAD, en affirmant les multiples fonctions de ces services et notamment les 3 niveaux de prĂ©vention, la gestion des aides techniques, lâanimation, le soutien aux aidants, le soutien Ă la vie socialeâŠ.?
Certes cela imposera de refondre la gouvernance du secteur, dâouvrir et Ă©largir le cahier des charges (missions, organisation, pluridisciplinaritĂ© des Ă©quipes, finance et tarificationâŠ), dâabandonner la tarification horaire, lâinutilitĂ© des Ă©quipes mĂ©dico-sociales et de diffĂ©rencier clairement les services dâaccompagnement humain des services de confort Ă la personne.