Entrepreneur pressé, produit foiré : commencez par le service pour éviter la crise
Du jeu vidéo Cyberpunk 2077 aux Maisons de la Diversité : comment l'approche service révolutionne aussi bien le gaming que l'habitat partagé
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je m'intéresse à la méthodologie de création d'un habitat partagé, en répondant à une question qui m'a été posée suite à mon dernier article sur les '25 questions essentielles'.
Une lectrice m'interrogeait sur les moyens de subsistance pendant la phase de développement de son projet. Cette question révèle une problématique plus large : comment lancer un projet d'habitat partagé sans mettre tous ses œufs dans le même panier ?
En analysant les succès et les échecs dans ce domaine, mais aussi en m'inspirant d'autres secteurs comme le jeu vidéo, j'ai identifié une approche qui permet de tester son concept tout en générant des revenus : commencer par le service avant de développer le produit. Une stratégie que je vais illustrer à travers deux exemples concrets : Les Voisins à Paimpol et la Maison de la Diversité.
"De quoi je vais vivre pendant tout le montage et l'ingénierie de mon projet d’habitat partagé ?"
La question de Lise sur LinkedIn fait écho à une préoccupation que j'entends souvent de la part des porteurs de projet.
Elle soulève un faux dilemme auquel beaucoup se trouvent confrontés : faut-il choisir entre se lancer tête baissée dans son projet en vivant d'amour et d'eau fraîche, ou attendre d'avoir les reins suffisamment solides pour développer son produit, au risque de ne jamais se lancer ?
La réponse est non. Ce dilemme est un piège qui nous enferme dans une vision binaire du développement entrepreneurial. Il existe une troisième voie, plus pragmatique et moins risquée : commencer par développer un service qui préfigure votre produit. Cette approche permet non seulement de générer des revenus pendant la phase de développement, mais surtout de valider ses hypothèses et d'affiner son offre au contact du marché.
C’est l’histoire de Thomas
Thomas est entrepreneur. Après quinze ans passés dans l'immobilier, il a identifié un besoin croissant : celui des seniors souhaitant vieillir autrement, dans des lieux de vie partagés et conviviaux.
Son projet ?
Créer une résidence innovante combinant espaces privatifs et communs. Convaincu par son idée, il se lance dans la conception de son projet : études de marché, plans d'architecte, recherche de financements... Six mois et plusieurs dizaines de milliers d'euros plus tard, sa résidence sort de terre.
Mais la commercialisation s'avère plus difficile que prévu. Les retours des premiers visiteurs révèlent un décalage entre sa vision et leurs attentes réelles. Thomas fait face à un dilemme : persister avec un produit qui ne trouve pas son marché ou repenser entièrement son approche ?
Cette histoire, bien que fictive, illustre un parcours classique dans l'entrepreneuriat : partir d'une intuition pour développer directement un produit. Une approche risquée, comme l'a démontré de manière spectaculaire l'industrie du jeu vidéo.
Cyberpunk 2077 : les dangers de l'approche "produit d'abord"
L'industrie du jeu vidéo, qui pèse aujourd'hui plus lourd que le cinéma et la musique réunis, offre un exemple édifiant des risques liés au développement d'un produit en vase clos.
En particulier avec Cyberpunk 2077, l'un des jeux les plus attendus de la décennie, dont le budget de développement a dépassé les 320 millions d'euros.
CD Projekt, studio polonais ayant connu un succès phénoménal avec sa série The Witcher, s'est lancé dans ce projet titanesque en adoptant une approche traditionnelle : développer le produit en secret pendant des années, créer une attente monumentale via le marketing, puis le lancer en grande pompe.
Une stratégie marketing inspirée du "champ de distorsion de la réalité" de Steve Jobs1, visant à créer un engouement exceptionnel autour du produit.
Le résultat ?
À sa sortie en décembre 2020, le jeu s'est révélé truffé de problèmes techniques. La déception des joueurs fut à la hauteur des promesses : immense. Un échec qui aurait pu être évité avec une approche plus progressive et itérative, à l'image d'autres studios qui ont choisi une voie différente : celle de l'accès anticipé.
Accès anticipé ?
Cette stratégie, née il y a une dizaine d'années et popularisée par la plateforme Steam (l'équivalent d'Amazon pour les jeux vidéo), consiste à commercialiser une version préliminaire du jeu pour la faire évoluer en fonction des retours des utilisateurs.
Une sorte de "bêta-test" à grande échelle, mais payant, qui permet de financer le développement tout en affinant le produit. Elle a fait ses preuves avec des titres comme Hadès, Factorio, Timberborn ou Subnautica. Elle repose sur plusieurs piliers :
Une communication transparente Les studios maintiennent un dialogue constant avec leur communauté. Factorio publie ses "Friday Facts" détaillant les avancées du développement, tandis que les créateurs d'Hadès organisent des streams en direct pour présenter les nouveautés et répondre aux questions des joueurs. Cette transparence tranche avec l'approche traditionnelle du secret absolu jusqu'au lancement.
Des améliorations guidées par les utilisateurs L'accès anticipé permet d'affiner le produit en conditions réelles. Subnautica a ainsi considérablement amélioré son gameplay et son interface grâce aux retours des joueurs. Factorio doit sa légendaire stabilité technique à des années de tests intensifs par sa communauté.
Un financement progressif Les ventes en accès anticipé fournissent aux studios les ressources nécessaires pour poursuivre le développement, sans avoir à attendre la sortie officielle. Factorio s'est ainsi entièrement autofinancé, permettant une évolution sereine du jeu.
Le studio CD Projekt aurait pu éviter ce désastre en adoptant une approche plus prudente, en testant d'abord son concept auprès d'une communauté restreinte mais engagée. C'est exactement ce qu'ont fait des jeux comme Factorio ou Hadès, restés plusieurs années en accès anticipé avant de sortir dans leur version définitive.
Cette méthode leur a permis de créer une base de fans fidèles qui, au-delà des simples retours sur le jeu, s'impliquent activement dans son développement. Certaines communautés vont jusqu'à créer du contenu additionnel (mods pour Factorio) ou des créations dérivées (chansons et vidéos pour Timberborn), transformant les premiers utilisateurs en véritables ambassadeurs du jeu.
Du jeu vidéo à l'habitat partagé : la puissance de l'approche service
Revenons à notre exemple initial dans l'habitat partagé. Comment Thomas aurait-il pu procéder différemment ?
En s'inspirant des leçons du jeu vidéo, il aurait pu commencer par créer un service avant de développer son produit immobilier. Cette approche, moins risquée et plus agile, permet de valider ses hypothèses sur le terrain.
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