Faillite du groupe AVEC : un séisme pour le secteur médico-social français
Dix ans d'alertes ignorées, 200 millions de dettes, 10 000 salariés menacés : autopsie d'un naufrage annoncé
Bienvenue sur Longévité, la newsletter qui décrypte la Silver économie. Aujourd’hui, je me penche sur la faillite fracassante d’AVEC SA, ses causes et ses conséquences.
Le 8 octobre 2025, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire d’AVEC SA, ancienne holding d’un empire qui se présentait comme mutualiste, composé à 80% d’entités à but non lucratif. Un groupe qui affichait une raison d’être noble : “Aider le plus grand nombre à vivre en bonne santé, le plus longtemps possible.”
Derrière cette vitrine vertueuse se cachait un système de cavalerie financière où les fonds publics destinés aux soins des plus fragiles se sont évaporés dans un édifice de sociétés écrans. Le naufrage laisse 10 000 salariés dans l’incertitude et des centaines de milliers de patients, résidents d’EHPAD, bénéficiaires d’aide à domicile et familles face à un vide sidérant.
À travers cette analyse, je cherche une réponse à LA question :
Comment un acteur qui se présentait comme le sauveur d’établissements en difficulté a-t-il pu accumuler 200 millions de dettes en ponctionnant les structures qu’il prétendait redresser ?
Cet essai s’appuie en grande partie sur le travail d’investigation mené par
, Média indépendant qui a décortiqué méthodiquement les mécanismes du “système Bensaïd” depuis 2023.Un empire tentaculaire bâti sur les ruines
Des origines modestes à l’ambition démesurée
L’histoire commence en 1998 avec Directgestion, une petite boîte de gestion locative en ligne, tout sauf spectaculaire. Au début des années 2000, l’entreprise se diversifie dans l’hôtellerie et le tourisme, rachetant des établissements en difficulté. En 2005, changement de cap : Directgestion devient Doctegestio et investit le secteur sanitaire et médico-social.
En janvier 2021, nouvelle mue : Doctegestio se rebaptise Groupe AVEC.
L’ambition affichée ?
Devenir un acteur global de la “santé-dépendance-tourisme” avec de multiples filiales : Doctocare, Popinns (hôtellerie), Amapa (aide à domicile). Un conglomérat tentaculaire qui se pare des atours du secteur mutualiste.
Une stratégie de croissance par la reprise
Ce qui distingue AVEC de ses concurrents - Clariane, Emeis, DomusVi - c’est sa méthode. Là où les leaders privilégient les actifs sains et rentables, Bernard Bensaïd a construit son empire sur les cadavres. Sa spécialité ? Reprendre des établissements en liquidation judiciaire ou en grande difficulté, moyennant la reprise de leur passif.
Positionnement habile. AVEC se présente comme l’acteur-vigie du secteur, celui qui garantit le maintien de l’activité et de l’emploi dans les territoires fragiles. Quand un tribunal de commerce lance un appel à repreneurs pour un EHPAD au bord du gouffre, une clinique en cessation de paiements ou une association d’aide à domicile exsangue, Bensaïd se positionne. Il promet la continuité du service public, le maintien des effectifs, la relance de l’activité.
Cette stratégie a permis une croissance fulgurante. L’Amapa, association d’aide à domicile en Moselle reprise en difficulté, est devenue la plus importante filiale du groupe. Le Groupe Hospitalier Mutualiste de Grenoble a été intégré - avant d’être retiré suite à une gestion contestée. De nombreuses cliniques en Île-de-France et Normandie, des associations ADMR en Corrèze, ainsi que divers centres de santé en province : AVEC étend son réseau partout où les établissements sont fragilisés.
Les dimensions réelles d’un colosse aux pieds d’argile
À son apogée, le groupe compte :
Environ 285 établissements pour personnes âgées (entre 7 000 et 9 000 lits) - le plaçant dans le top 10 national avec environ 3 à 4% du parc privé français.
Plusieurs dizaines d’établissements d’hospitalisation à domicile (HAD), secteur stratégique du virage ambulatoire.
Plus de 5 000 salariés dans les services d’aide à domicile.
L’ambition affichée : construire des pôles régionaux transversaux - hôpital, EHPAD, services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), HAD - selon une logique de filière intégrée. Vision séduisante sur le papier : consolider l’offre de soins et d’accompagnement sur des territoires sous-dotés, mutualiser les ressources, créer des synergies.
Au total, ce sont près de 10 000 emplois qui dépendent du groupe, répartis dans une centaine d’entités couvrant le médico-social, l’hôtellerie et l’immobilier via les filiales Popinns et DG Urban.
La confusion des genres
Le problème ? Ce “groupe” n’en est pas un au sens juridique. 80% de son activité médico-sociale relève d’entités à but non lucratif - associations, mutuelles - qui ne peuvent avoir de liens capitalistiques avec une société anonyme comme AVEC SA.
Prenons le cas du Groupe Hospitalier Mutualiste de Grenoble (GMH). C’est une union mutualiste, un Établissement de Santé Privé d’Intérêt Collectif. Il ne peut appartenir à personne. Il est à but non lucratif, investi d’une mission de service public. Comment Bernard Bensaïd, PDG d’AVEC SA et président du GHM, peut-il alors prétendre que sa société commerciale a “pris le contrôle” de cette union mutualiste ?
C’est toute l’ambiguïté du montage. Une confusion volontaire entre mandat social et contrôle capitalistique. Une fiction juridique qui permettait de présenter comme un “groupe” ce qui n’était qu’un enchevêtrement d’entités aux statuts incompatibles.
Le mécanisme de la ponction
Doctocare, la coquille vide
Au cœur du système se trouve une entité fantôme : la mutuelle Doctocare. Pas d’activité, pas de salariés, 95 euros de fonds propres. Une coquille vide dont Bernard Bensaïd était également président.
Entre 2020 et 2023, Bensaïd a orchestré le transfert de plus de 8 millions d’euros depuis la trésorerie du GHM vers Doctocare, qui a ensuite transféré ces fonds à AVEC SA. L’objectif avoué ? Financer les salaires d’autres structures du “groupe” confrontées à des problèmes de trésorerie.
Ces transferts prenaient la forme de “prêts” à taux zéro. Des prêts illégaux au regard de l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier, qui interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel. Le GHM, établissement à mission de service public, n’avait aucune obligation ni lien contractuel justifiant cette “solidarité” financière.
Les frais de siège fantômes
Second mécanisme : les conventions de prestations de services. Bensaïd, en sa double qualité de PDG d’AVEC SA et de président du GHM, a signé des contrats imposant au GHM des “frais de siège” et autres prestations de services.
La facture ? 4,2 millions d’euros entre octobre 2020 et fin 2022, représentant 1% du chiffre d’affaires du GHM. Les syndicats ont contesté ces montants, affirmant qu’aucune facture ne justifiait ces sommes. Un “grossier montage visant à enrichir la société AVEC”, selon leurs termes.
Le camouflet révélé
Des jeux d’écriture vertigineux
Le système Bensaïd reposait sur une utilisation abusive des mécanismes financiers inter-sociétés. En août 2022, AVEC SA a racheté des actions de DG Santé détenues par DG Hotels pour 18,2 millions d’euros. Une valorisation vingt fois supérieure aux fonds propres de DG Santé.
L’opération n’a jamais été réglée en liquidités. À la place, une créance de 18,2 millions d’euros sur AVEC SA au bénéfice de DG Hotels. Un actif créé de toutes pièces pour gonfler artificiellement le bilan et reconstituer les capitaux propres.
Cette manœuvre caractérise la banqueroute : augmentation frauduleuse du passif du débiteur. Le passif d’AVEC SA s’en trouvait alourdi, tandis que DG Hotels affichait un actif fictif.
Une dette de 200 millions
En janvier 2023, un document interne confidentiel révèle l’ampleur du désastre. Le passif consolidé atteignait 177,7 millions d’euros sur neuf entités représentant 80% de l’activité. Le total des dettes du “groupe” approche les 200 millions.
Les créanciers ? Des banques, l’URSSAF, le fisc, Malakoff-Humanis (27 millions € de cotisations). Sans compter les propriétaires de résidences de tourisme (plus de 20 millions d’euros d’impayés) et les fournisseurs laissés en souffrance.
Le groupe a “cramé” 75,7 millions de trésorerie en un an, malgré l’obtention de 46 millions de Prêts Garantis par l’État. Des PGE obtenus par des sociétés déficitaires, soulevant la question de leur légalité au regard des réglementations européennes.
L’aveuglement des autorités
Les alertes ignorées
Dès janvier 2021, les signaux d’alarme se multiplient. Les syndicats FO et CGT, le conseil économique et social du GHM, la Métropole de Grenoble, des partis politiques : tous alertent le ministère de la Santé.
Olivier Véran, alors ministre, est destinataire de ces signalements détaillés. Six alertes de FO entre janvier 2021 et juin 2022. Aucune réponse. Aucune réaction.
L’argument avancé pour justifier cette inaction ? Le ministre n’aurait pas de prérogative à s’immiscer dans la gouvernance du GHM. Un raisonnement fallacieux : l’enjeu était l’utilisation des deniers publics, pas la gouvernance interne d’une mutuelle.
Le rôle défaillant des tutelles
Le GHM, en tant qu’ESPIC, est placé sous la surveillance financière de l’Agence Régionale de Santé (ARS) et du ministère. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui relève du ministre, est chargée de contrôler les organismes bénéficiant de fonds publics.
Pourquoi l’IGAS n’a-t-elle pas été saisie dès 2021, quand il apparaissait que Bensaïd mettait en place un système de captation illicite de fonds publics ? L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, destinataire de signalements dès juin 2022, est restée tout aussi passive.
Cette inaction collective - Bercy, organismes de collecte sociale, ministère de la Santé, ARS - reste inexplicable. Comment un entrepreneur a-t-il pu développer un empire sur la dette pendant plus de dix ans sans que l’État ne constate le problème et n’y mette fin ?
L’exception grenobloise
Une seule collectivité a réagi : Grenoble Alpes Métropole. Son président, Christophe Ferrari, a lancé des procédures judiciaires lourdes dès la prise de contrôle du GHM par Bensaïd. La Métropole, avec la Ville de Grenoble et les syndicats, a obtenu en mai 2023 la mise sous administration provisoire de l’UMG-GHM.
C’est également le Parquet de Grenoble qui a accéléré la procédure pénale en janvier 2023, apprenant que Bensaïd projetait de ponctionner 2,7 millions supplémentaires le jour même de son interpellation.
L’effondrement en cascade
La faillite programmée
La fin était prévisible. Les activités d’exploitation - hôtellerie, tourisme, résidences - opéraient au bord de la cessation de paiements depuis des années. Les liquidités provenaient souvent du non-paiement des obligations : loyers impayés de plus de 20 millions, fournisseurs en souffrance.
De nombreuses filiales affichaient des fonds propres négatifs. DG Holidays : moins 16 millions en 2021. Les sociétés étaient autorisées à poursuivre leur activité dans l’attente d’une reconstitution des capitaux propres qui ne viendrait jamais.
La chronologie du naufrage
Fin 2023, l’édifice s’est fissuré. Le 30 novembre, DG Santé est placée en redressement judiciaire. En décembre, les cliniques de Saint-Lô et Coutances suivent. En 2024, l’effet domino s’accélère : DG Optique le 7 février, AVEC SA le 7 mars, les associations APATS le même jour, DG Health le 23 mai, DG Holidays et DG Urbans le 6 juin, l’Amapa le 25 juin.
Le 8 octobre 2025, la liquidation judiciaire d’AVEC SA marque la fin définitive du système Bensaïd. Le tribunal de commerce de Bobigny constate l’incapacité de la société à financer sa période d’observation.
Les poursuites pénales
Les chefs d’accusation
Bernard Bensaïd a été mis en examen en janvier 2023 pour prise illégale d’intérêts par personne chargée d’une mission de service public et détournement de fonds publics. La société AVEC SA l’a été pour recel de ces délits.
Le procureur de la République de Grenoble a demandé son renvoi devant le tribunal correctionnel. L’audience est prévue pour septembre 2026.
Avec la liquidation d’AVEC SA, de nouvelles poursuites pour banqueroute sont hautement probables. Six procédures pénales sont déjà en cours. Le tribunal de Bobigny a condamné Bensaïd à six ans d’interdiction de gérer.
La défense de l’indéfendable
Les avocats de Bensaïd affirment que les accusations ne sont pas fondées en droit et s’inscrivent dans un “combat procédurier d’opposition au groupe AVEC”. Ils soutiennent que les conventions de service étaient régulières, que la reprise du GHM était “pleine, régulière et transparente”.
Le groupe insiste : aucun enrichissement personnel n’est reproché à Bernard Bensaïd. Mais la question se pose autrement : c’est la société AVEC - dont Bensaïd et son épouse Frédérique sont les bénéficiaires - qui s’est enrichie aux dépens du GHM et des fonds publics.
Les enjeux d’un effondrement systémique
Dix mille emplois menacés
L’impact humain est considérable. 10 000 salariés voient leur avenir compromis : aides à domicile, infirmières, médecins, personnel administratif, agents hôteliers. Des centaines de licenciements économiques sont d’ores et déjà programmées.
Certains représentants syndicaux, épuisés par l’instabilité et les procédures à répétition, se sont même déclarés favorables à une liquidation sans poursuite d’activité. Un aveu d’impuissance qui en dit long sur le climat social délétère qui régnait dans le groupe.
L’Amapa, fleuron de l’aide à domicile en Moselle, est en redressement judiciaire et cherche désespérément un repreneur local. Les autres associations liées au groupe connaissent le même sort.
La rupture territoriale de service
AVEC est présent dans des dizaines de territoires fragiles, souvent peu dotés en services de santé et d’accompagnement. Son effondrement crée des déserts de soin qui mettent en péril des milliers de personnes âgées ou dépendantes.
Qui reprendra ces établissements dispersés dans toute la France ? Les grands groupes commerciaux ne s’intéressent pas aux structures déficitaires ou situées dans des zones peu attractives. C’était le créneau d’AVEC.
Le risque est réel d’une interruption de services essentiels dans certaines régions. Les pouvoirs publics et les ARS doivent organiser en urgence la continuité de l’accompagnement pour des centaines de milliers de bénéficiaires.
Une onde de choc pour tout le secteur
La faillite d’AVEC dépasse le cas d’un “système pourri” qu’il aurait fallu mettre à terre. C’est tout un écosystème qui se trouve fragilisé.
Le groupe avait multiplié les reprises d’établissements en difficulté avec une logique de mutualisation des ressources et d’intégration verticale. Ce modèle économique, qui semblait vertueux, révèle aujourd’hui ses limites structurelles. Peut-on encore sauver des structures exsangues par le rachat et la mutualisation ? Je pose la question.
Les acteurs associatifs qui se réjouissent ouvertement de la liquidation du “système Bensaïd” oublient un peu vite que Bernard a bâti son empire sur les défaillances de leur modèle. Si AVEC tombe, qu’en sera-t-il des autres opérateurs confrontés aux mêmes difficultés structurelles - financement insuffisant, pénurie de personnel, charges croissantes ?
Cette faillite risque aussi de créer un effet domino psychologique. Les banques se montreront plus réticentes à financer des reprises dans le médico-social. Les tribunaux de commerce auront moins de candidats repreneurs quand une structure tombera. L’État devra plus intervenir, mais le peut-il ?
Le coût pour le contribuable
Le GHM bénéficiait d’un financement public important via la tarification à l’activité et les dotations pour missions d’intérêt général. Ces fonds ont été détournés vers des sociétés commerciales déficitaires.
Avec 200 millions d’euros de dettes consolidées et l’effondrement généralisé du groupe, c’est l’État qui devra intervenir d’une manière ou d’une autre. Les créanciers publics - URSSAF, impôts, collectivités territoriales - ne reverront jamais leurs créances. Le contribuable français paiera la note.
Le groupe a largement bénéficié des Prêts Garantis par l’État. Comment ces PGE ont-ils pu être octroyés à des sociétés structurellement déficitaires ? Cette question n’a toujours pas reçu de réponse satisfaisante.
Coup de pied dans la fourmilière
La présomption de vertu
L’affaire AVEC souligne la confiance aveugle parfois accordée aux structures à but non lucratif. Le statut d’association “loi de 1901”, conçu il y a plus d’un siècle pour de petites structures locales animées par des bénévoles, est-il adapté quand ces associations brassent des centaines de millions d’euros, emploient des milliers de salariés et se positionnent sur le même marché que des acteurs commerciaux ?
Car les différences réglementaires sont réelles. Une société commerciale doit constituer un capital minimum, tenir une comptabilité stricte, publier ses comptes, nommer un commissaire aux comptes au-delà de certains seuils. Une association, même importante, fonctionne selon des statuts libres sans obligation de capital social. La comptabilité reste adaptée à la taille, et les contrôles portent davantage sur le respect de la mission sociale que sur la rigueur de gestion financière.
Cette souplesse a du sens pour l’engagement citoyen. Elle devient problématique quand elle crée un déficit de surveillance sur des structures qui manient des budgets équivalents à ceux d’entreprises moyennes.
Le paradoxe de la préférence
Dans les appels à projet, les appels d’offres ou simplement dans le regard d’un élu local qui évalue une proposition de service aux citoyens âgés ou fragiles, le statut non lucratif constitue souvent un avantage décisif.
Cette préférence repose sur un présupposé : l’absence de recherche de profit garantirait une meilleure allocation des ressources au service de l’intérêt général. Le cas AVEC montre que ce présupposé ne tient pas. Une association peut servir de véhicule à des détournements massifs de fonds publics. Une mutuelle peut être réduite à une coquille vide servant d’écran à des transferts illégaux.
Le paradoxe est là : on favorise des structures qui offrent objectivement moins d’obligations comptables, moins de transparence, moins de surveillance - mais une présomption de vertu qui dispense d’une vigilance accrue.
Conclusion : reconstruire la confiance
L’effondrement du groupe AVEC marque un tournant pour le secteur médico-social français. Au-delà du cas particulier de Bernard Bensaïd - dont les pratiques semblent relever de la fraude et devraient faire l’objet d’une sanction pénale - c’est tout un système qui se trouve interrogé.
La faillite met en lumière les fragilités d’un modèle où la vertu affichée tient souvent lieu de garantie, où les contrôles sont moins rigoureux que dans le secteur marchand, où la confiance accordée au “non-lucratif” dispense parfois d’une vigilance élémentaire. Elle révèle aussi les insuffisances de labels comme celui d’entreprise à mission, censé garantir l’exemplarité mais qui n’ont rien empêché.
Cette affaire doit servir d’électrochoc.
Non pas pour stigmatiser le monde associatif, mais pour adapter notre cadre réglementaire aux réalités du XXIe siècle. Quand des structures brassent des centaines de millions d’euros de fonds publics et emploient des milliers de salariés, elles ne peuvent plus fonctionner avec les outils pensés pour de petites associations locales.
La reconstruction passera par plusieurs chantiers : renforcer les obligations comptables et de transparence des grandes structures associatives, professionnaliser leur gouvernance, intensifier les contrôles des tutelles, mieux encadrer les reprises judiciaires, repenser les critères de sélection qui favorisent automatiquement le “non-lucratif”.
Mais elle suppose aussi un changement de culture.
Accepter que le statut juridique ne préjuge pas de la qualité de gestion. Reconnaître qu’une entreprise commerciale bien gérée peut servir l’intérêt général plus efficacement qu’une association mal pilotée. Comprendre que la rentabilité et l’utilité sociale ne sont pas antinomiques, que le lucratif et le vertueux ne s’excluent pas mutuellement.
Au fond, l’affaire AVEC nous rappelle une vérité simple : ce qui compte n’est pas le statut affiché mais la réalité des pratiques. Les beaux principes inscrits dans les statuts ne valent que s’ils se traduisent dans les actes. Les labels de vertu ne remplacent pas les mécanismes de contrôle. Et la confiance ne doit jamais dispenser de la vigilance.
Dix mille emplois, des centaines de milliers de personnes fragilisées, deux cents millions de dettes : le prix de l’aveuglement collectif est déjà trop élevé. Saurons-nous en tirer les leçons pour éviter qu’un nouveau Bensaïd ne prospère demain sur les mêmes failles du système ?
Merci Alexandre pour cette enquête très approfondie. J'avais cherché à m'informer sur le sujet mais je n'ai rien trouvé d'aussi bien documenté. La suite promet probablement de nouvelles découvertes. Quand je pense que les médias en font des notes avec le procès Jxxx, ce serait tout de même bien que des affaires pareilles trouvent un peu plus d'échos.
Merci Alexandre. Grâce au fiasco collectif de ce "groupe", je vois une vraie opportunité de développer des EHPAD A DOMICILE dans des zones délaissées, à l'image de ce qui va se faire à Dordives dans le Loiret.
A condition d'avoir recours à des startups qui pourront ainsi valider leurs innovations en s'appuyant sur un vivier de 10.000 salariés abandonnés, utilisateurs et/ou prescripteurs pour accompagner nos "vieux" (Pujalon, B. 2013, "vieux, c'est un mot qui a du sens").
Ces startups savent lever des fonds privés et faire des plans d'aide personnalisés pour que le reste à charge soit le plus faible possible pour les bénéficiaires, grâce à l'APA et au crédit d'impôt.
Il est grand temps de dépoussiérer ce secteur médico-social, grâce à notre jeunesse innovante qui cherche de plus en plus à donner du sens à son travail, en s'appuyant notamment sur des "vieux quinquas", en reconversion, qui ont justement l'âge des aidants.