Au-delà du béton : les ingrédients clés de l'habitat inclusif 🤔
Les analyses de Longévité #4 | Régime légal | Projet de vie social | Spécifique ou standard | Eviter la requalification en Ehpad ou RSS | 4 études de cas
La première fois que j’ai lu le terme habitat inclusif, c’est dans un rapport parlementaire réalisé à l’été 2017 par Monique Iborra en réponse à la crise des Ehpad qui avait secoué le pays pendant le printemps et l’été de la même année avec comme point d’orgue la grève dans l’Ehpad de Foucherans1.
Le rapport Iborra met le doigt sur les problèmes endémiques de l’Ehpad et propose plusieurs solutions dont l’habitat inclusif et l’Ehpad à domicile2.
Intéressé par ce sujet, je me suis documenté sur ses origines, ses limites et ses perspectives tout en me demandant pourquoi un concept aussi intéressant est si peu développé en France ?
Sans chercher activement à me spécialiser, j’ai développé une expertise qui s’est exprimée dans une production importante de contenu entre 2018 et 2023 :
Sur Sweet Home et Longévité, j’ai écrit une trentaine d’articles balayant tous les aspects : création, financement, limites, délimitation, réponses aux besoins, analyse de la loi, analyse de rapports, etc.
Avec Caroline Deligny, cofondatrice de La Maison des Cultures, j’ai animé une réunion d’information publique destinée aux citoyens et élus locaux de Mitry-Mory (77). Le but : les aider à concevoir ce que la création d’un habitat inclusif représentait pour leur commune.
J’ai interviewé des experts et des fondateurs, comme Maylis Cantzler3, Stéphane Sauvé4, Caroline Deligny5, Jean-François Trochon ou encore la sociologue Anne Labit.
Pour Ages &Vie, Sweet Home a réalisé un livre blanc6, une newsletter mensuelle destinée aux prescripteurs et créé le collectif d’entrepreneurs 150 000 en 2030.
Pour le réseau Auxi’life, Sweet Home a réalisé un film documentaire consacré à l’impact de l’habitat inclusif pour ses bénéficiaires et ses intervenants.
J’ai donc une bonne maîtrise du sujet et pourtant j’entreprends la rédaction de ce dossier avec une certaine angoisse.
Celle de ne pas apporter les réponses que vous attendez.
Car cette pratique m’a appris combien le sujet est vaste et les points d’entrée nombreux.
Aussi ai-je pris une décision.
Je ne vais pas vous faire un guide pratique, mais vous donner des outils et des idées afin de développer des projets qui répondent aux besoins de vos parties prenantes.
Mon exposé aura la rigueur habituelle des contenus Sweet Home, mais il ne va pas dresser un historique des différents textes et des actions des pouvoirs publics dont vous pourrez trouver des synthèses ailleurs… Et qui seront périmés à la sortie du rapport suivant.
Je voudrais qu’à la fin de cette lecture, vous puissiez dire que vous avez compris ce que l’habitat inclusif pourrait être et comment vous pourriez vous y impliquer, compte tenu de vos aspirations, vos convictions, votre éthique et votre vision.
Qu’allez-vous trouver dans ce dossier
Vous comprendrez que le format séduit car il puise ses racines dans l’histoire de l’humanité.
Vous apprendrez comment utiliser la loi Elan à bon escient…
Mais aussi comment éviter le piège de la requalification : sur ce sujet, j’ai demandé son avis éclairé à Maitre Alison Dahan, avocate.
À partir de 4 études de cas, vous découvrirez comment identifier des besoins non satisfaits avec un œil neuf et y apporter des réponses qui sont de l’habitat inclusif… Au sens large.
La préhistoire de l’habitat inclusif 🦣
L’habitat inclusif est le dernier rejeton d’une grande famille. La famille de l’habitat partagé. De la vie en collectivité, avec des humains que vous n’avez pas choisis, mais qui vivent sous le même toit parce qu’ils ont quelque chose en commun.
Cela commence il y a des millénaires quand nos ancêtres décidèrent que la vie au grand air était décidément bien périlleuse et se choisirent la caverne du coin pour se prémunir du froid et des tigres à dents de sabre.
Cela se poursuit avec l’agriculture et la sédentarisation qui en a découlé. Les tribus de fiers guerriers ont arrêté de chasser le mammouth pour faire pousser des céréales. Ils ont construit des hameaux au pied des champs et se sont rassemblés entre cultivateurs.
L’histoire a suivi son cours et ce n’est que bien récemment que nous avons quitté nos tribus pour vivre en familles nucléaires. Dans des logements exigus. Qui ne sont pas conçus pour accueillir trois générations !
Cette désolidarisation entamée avec la révolution industrielle et qui s’accélère dans les années 1950 s’est accompagnée d’une augmentation de l’espérance de vie… Et des divorces. Cette conjonction d’évolutions sociétales entraîne le développement de situations d’isolement subies par des personnes qui se retrouvent seules, sans conjoint ni familles, dans un logement qui n’est ni fait pour vivre à plusieurs générations, ni fait pour vivre seul.
Au commencement il y avait le cohabitat 🏘️
Et donc, vers la fin des années 1970, des citoyens isolés ont décidé de se rassembler dans des logements regroupés, afin de veiller les uns sur les autres, s’entraider et se tenir compagnie.
De fil en aiguille, les projets se sont développés et une nouvelle offre est apparue, pour aider les personnes dépendantes ou handicapées à cohabiter avec une aide à domicile, partagée, qui devait remédier à leurs insuffisances.
Ce proto habitat inclusif du milieu des années 1990 était fragile car pensé en dehors de toute réglementation, mais le législateur a résolu ce problème en définissant un régime pour ces habitats qualifiés d’inclusifs car ils contribuent à inclure dans la cité ceux qui en étaient exclus.
L’habitat inclusif, c’est un foyer dans lequel des citoyens isolés reconstituent une tribu entre eux.
Première partie : l’état des lieux
Dans cette partie, je vous présente les forces en présence : à quoi ressemble l’habitat inclusif aujourd’hui, comment est-il encadré, comment faire pour en créer un.
Les tables de la Loi Elan ⚡
La loi Elan promulguée en 2018 est allée encore plus loin en offrant aux habitats inclusifs un dispositif d’aide financière pour l’animation du collectif.
Dans un premier temps attribué via un mécanisme d’appels à projet géré par les départements, l’Aide à la Vie Partagée (ou AVP) est désormais attribuée de façon discrétionnaire par les départements.
Cependant ces aides étaient prélevées dans une enveloppe exceptionnelle que la CNSA avait réservée pour expérimenter le projet et valider sa pertinence sociale. Cinq ans après l’entrée en vigueur du régime, on peut dire que l’expérimentation est un demi-succès.
Certes les projets fleurissent : la CNSA en recense 1800 : 900 maisons existantes et 900 projets en cours7. Certes 18 000 citoyens bénéficient de l’AVP…
Mais le géant a les pieds d’argile.
Comment faire de l’argent avec l’habitat inclusif ?
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