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La cohabitation intergénérationnelle a-t-elle un avenir ?
Analyse | Concept organisationnel | Business Model | Limites et freins | Recherche de business models alternatifs | 3 Question à J.Renaudet (Colette)
En cette période de rentrée des classes, de nombreux étudiants sont à la recherche d'un logement.
Le marché immobilier étant souvent saturé, ils peinent à trouver un endroit décent à un prix abordable.
Toutes les alternatives sont passées au crible. Et comme chaque année, les médias redécouvrent la cohabitation intergénérationnelle et en font des gorges chaudes.
Ce dispositif permet à des seniors disposant d'une chambre libre d'accueillir un étudiant chez eux, à moindre coût.
Est-ce une solution viable pour répondre aux besoins de tous les étudiants ?
Et quand bien même les jeunes valideraient l’option, les seniors sont-ils chauds bouillant pour ouvrir leur porte à des jeunes ?
Rien n’est moins sûr, Docteur Watson.
Et pourquoi donc ?
Et bien, parce que si la formule était aussi magique que cela, elle aurait déjà fonctionné, depuis le temps que le dispositif est installé en France.
Ça existe depuis 19 ans
En effet, cela fait déjà 19 ans que les premières associations (le Pari Solidaire et Ensemble 2 Générations) ont importé dans l’hexagone ce concept découvert en Espagne pendant la canicule de 2003. Si la pérennité des deux associations historiques atteste de leur pertinence, le nombre réel de binômes est tellement dérisoire qu’on ne peut pas parler d’alternative à quoi que ce soit.
Mais comme le sujet revient sur le tapis avec la régularité d’une horloge suisse, qu’il a fait l’objet d’une loi et que ses promoteurs le présentent comme le futur du bien vieillir à domicile, il me semble intéressant de remettre les pendules à l’heure.
Je vous invite à une réflexion en deux temps.
D’abord, nous allons essayer de comprendre pourquoi la cohabitation intergénérationnelle ne prend pas.
Ensuite, nous allons imaginer des systèmes dans lesquels la cohabitation intergénérationnelle pourrait fonctionner et rendre un service aux jeunes, aux seniors et à leurs parties prenantes.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je dois vous apporter une précision sur ce que j’entends par “fonctionner”.
Qu’est-ce que j’entends par fonctionner
"Fonctionner" signifie que le modèle économique est viable et rentable, permettant à l'entreprise d'être financièrement autonome et de se développer de manière durable.
Cela implique que les revenus de l’activité sont suffisants pour couvrir les coûts d'exploitation et permettent la croissance du projet, son développement.
En somme, une entreprise qui fonctionne est une entreprise capable de se développer sur le long terme grâce à une stratégie pertinente et une activité qui génère des revenus.
PS : c’est aussi valable pour une association, mais celle-ci dispose d’avantages qui lui permettent de ne pas être aussi tributaire du chiffre d’affaires qu’une entreprise : les bénévoles, les subventions. En outre, l’exonération de TVA permet à l’association de pratiquer des prix en deçà du marché.

Les fondements de la cohabitation intergénérationnelle solidaire
« La cohabitation intergénérationnelle solidaire permet à des personnes de soixante ans et plus de louer ou de sous-louer à des personnes de moins de trente ans une partie du logement dont elles sont propriétaires ou locataires dans le respect des conditions fixées par le contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire prévu à l'article L. 631-17 du code de la construction et de l'habitation, afin de renforcer le lien social et de faciliter l'accès à un logement pour les personnes de moins de trente ans. » - Loi ELAN Art. L. 118-1.
Les modalités légales de la cohabitation intergénérationnelle solidaire
La cohabitation intergénérationnelle solidaire n’est pas une prestation de service délivrée par un professionnel à un consommateur. C’est une convention de droit privé signée entre deux particuliers. Un bail qui ne dit pas son nom, assorti de modalités d’exécutions spécifiques.
Comment cela se passe, en droit ?
L’occupant âgé (60 ans et plus) d’un logement qui dispose d’une chambre libre désire y accueillir un jeune colocataire. Il rencontre la personne ad hoc, avec qui il s’entend. Ce dernier est âgé de moins de 30 ans. Il n’est pas obligatoirement étudiant. Il recherche un logement bon marché. Il est prêt à cohabiter avec une personne âgée, son hôte à qui il pourrait rendre de menus services.
Les parties formalisent leur consentement mutuel en cosignant un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire.
La loi ne les oblige pas à se faire accompagner par un professionnel. Deux personnes peuvent librement y consentir, à condition de se croiser.
C’est là qu’interviennent les intermédiaires qui font commerce de la cohabitation intergénérationnelle. Même s’ils peuvent remplir d’autres missions, leur contribution principale consiste à faciliter la rencontre entre les parties.
Le rôle de l’intermédiaire
L’intermédiaire va constituer un réseau et bien souvent une plateforme web afin de faciliter la rencontre entre les parties, sécuriser les transactions et prendre en charge le volet administratif (suivi des règlements, état des lieux, gestion de la fin de contrat, gestion des conflits).
S’il veut persuader ses clients de le rémunérer, il a tout intérêt à proposer un bouquet de services qui justifie la facturation d’honoraires ou d’un abonnement.
Il va donc jouer les rôles assignés à l’agent immobilier et au gérant dans les prestations de gestion locative.
L’agent immobilier qui facilite la rencontre entre les parties se fait payer en pourcentage de la transaction prélevée pour moitié auprès de chaque partie (en général, 1 à 2 mois de loyer).
Le gérant qui assure le suivi administratif et financier se fait payer en honoraires auprès du bailleur.
L’écueil à ces business models
Les business models d’agent immobilier et de gérant ne peuvent fonctionner que pour de gros volumes d’affaire ou pour la location de biens prestigieux, avec des loyers élevés.
Or, la cohabitation intergénérationnelle et solidaire ne réunit aucune de ces deux conditions.
Voyez plutôt
Contrepartie financière de la cohabitation intergénérationnelle
Le contrat de cohabitation intergénérationnelle oblige le senior à mettre une chambre à disposition en contrepartie d’une contribution financière modeste versée par son jeune cohabitant. Le contrat peut aussi prévoir quelques prestations en nature dont l’importance et la fréquence viendront minorer la contribution financière.
Le législateur n’a pas plafonné la contrepartie financière modeste.
Mais il a tout fait pour qu’elle reste modeste
Elle doit être calculée au prorata de la surface louée et en tenant compte des prestations en nature réalisées par le jeune cohabitant.
Dans le parc privé (ou diffus), la loi n’impose aucune règle de calcul. En revanche, si l’occupant principal est locataire d’un logement social, la contribution financière doit être calculée au prorata de la surface occupée par le jeune (art L442-8-1 code de la construction et de l’habitation).
Par exemple, si le loyer s’élève à 800 euros pour une surface de 100 mètres carrés. Le jeune qui occupe une chambre de 10 mètres carrés doit payer une contribution financière modeste de 80 euros au maximum.
En outre, pour être exonérée d’impôt, la contribution doit rester en deçà de seuils définis par l’administration fiscale. Pour 2020, le loyer hors charges annuelles par mètre carré de surface habitable ne devait pas dépasser : 190 € annuels par mètre carré en Île-de-France et 140 € dans les autres régions.
Pour une chambre de 15 m2, compter un “loyer” max de 2890 € annuels en région parisienne et 2100 € partout ailleurs.
Et donc, prélever un pourcentage ou réclamer un mois de loyer comme paiement d’une prestation revient à récolter des queues de cerise.
Cela peut être rentable à certaines conditions :
Une prestation relativement automatisée avec un niveau d’intervention humain résiduel
Un volume d’affaire conséquent
Des coûts d’exploitation réduits
Un bon réseau de prescripteurs pour capter les affaires avant la concurrence
Une réputation en or massif et un marketing à l’avenant pour être identifié comme le Stephane Plaza de la cohabitation intergénérationnelle
Contrairement à la location classique qui peut nourrir son agent immobilier avec une telle stratégie, le volume d’affaire en cohabitation intergénérationnelle est incroyablement bas.
Voyez plutôt
Les chiffres de la cohabitation intergénérationnelle solidaire
Depuis 2004, la cohabitation intergénérationnelle séduit sur le papier, mais les associations ne parviennent pas à créer un nombre significatif de binômes.
J’ai cherché à reconstituer le volume d’affaire annuel à partir des données publiées par les différents acteurs :
L’association Ensemble2générations revendique 5000 binômes créés en 15 ans, soit 333 par an.
Cohabilis déclare que ses 40 structures ont aidé 30 000 personnes depuis 2004. Cela correspond à 15 000 binômes. Le chiffre datant de 2021, on part donc sur 15 000 sur 17 ans, soit 882 par an.
Dernière née du marché, la start-up Colette annonce un résultat de 750 binômes pour l’année en cours et 1900 binômes en 3 ans.
Emboîtant le pas à Colette, ou les précédant de quelques mois, d’autres structures commerciales ont saisi l’opportunité offerte par la loi ELAN pour se lancer. Elles ne communiquent pas leurs chiffres. Offrons-leur le bénéfice du doute en estimant à 250, le nombre de transactions annuellement réalisées.
Donc, si je fais l’addition de tous ces résultats, j’obtiens un volume moyen de transactions annuelles tournant autour de 333 + 882 + 750 + 250 = 2 215 contrats.
En synthèse : ça ne pèse pas lourd
Que vous vous rémunériez au prorata de la participation financière modeste en faisant payer à vos clients l’équivalent d’un ou deux mois ou en honoraires fixes, vous n’allez pas décrocher la timbale.
Pas besoin d’être un dieu de la finance pour deviner que ces volumes d’affaire sont terriblement insuffisants pour assurer la pérennité des structures d’accompagnement.
On fait le calcul ?
Pour l’exercice, je vais fixer le montant du loyer à 300 € par mois (moyenne indicative figurant sur le site Colibree Intergeneration pour les contrats hors Ile-de-France). Évidemment, c’est une moyenne qui ne tient pas compte de la croissance annuelle, vous ne m’en tiendrez - je l’espère - pas rigueur.
E2G : 333 * 300 € = 99 900 €. Pas mal. Mais le calcul n’est pas complet. On doit répartir ce CA sur les 33 agences locales du réseau. Même si, dans la réalité, la répartition n’est pas homogène, mais cela donne déjà une petite idée. Donc 333 * 200 € / 33 agences = 3 027 € / agence / an.
Cohabilis déclare 40 antennes locales. Donc : 882 * 300 € /40 asso = 6 615 € / asso / an. Là encore, le chiffre est biaisé car toutes les asso n’ont pas le même volume d’affaire, mais ça donne une idée.
Colette : 750 * 450 € = 337 500 € (la clientèle de la start-up est 100% parisienne, je prends donc le loyer parisien indiqué par leur concurrent, Colibree)
Résultat des courses, exception faite de Colette qui dégage un CA honorable, les organismes de cohabitation intergénérationnelle ne peuvent décemment exister en se rémunérant comme des agents immobiliers.
Ils doivent donc aller chercher de l’argent ailleurs.
Les start-up s’en sortent en levant des fonds, les assos en mendiant des subventions, mais vivre sur de l’argent magique n’apporte pas la preuve de la pérennité d’un marché.
Et donc, ces chiffres désolants, même s’ils sont fictifs et devraient être rapprochés du véritable CA des organismes, vous montrent quand même que les bonnes idées ne font pas nécessairement les bonnes boîtes.
Mais ces résultats doivent aussi vous interpeller quant au volume d’affaire.
Comment se fait-il qu’une idée aussi géniale, que tout le monde trouve charmante, que les médias adorent, à laquelle le législateur a consacré une loi assortie d’un décret de l’exécutif… Ait un si faible succès ?
Pourquoi les chiffres sont-ils aussi faibles ?
Je vois plusieurs possibilités.
La première : le service n’intéresse pas les gens
Si l’offre était aussi géniale que cela, elle aurait plus d’emprise sur le marché. Si après 20 ans, un peu moins de 30 000 personnes âgées ont adopté le dispositif, cela montre son extrême faiblesse.
J’ai posé la question à Ensemble2Générations et au Pari Solidaire, les deux assos m’ont expliqué qu’elles n’ont pas les moyens de promouvoir le service, compte tenu de ce que sa gestion leur rapporte.
J’ai aussi posé la question à deux start-up (Colette et Colibri). Elles pointent un problème de communication et de pédagogie. Il faut du temps pour persuader les prospects que la solution est géniale.
Les associations n’avaient pas les moyens de le faire, mais grâce à leurs levées de fonds, les start-up peuvent dépenser de l’argent dans le marketing et la publicité pour convertir plus d’indécis.
L’offre n’est pas un produit mais un service qui engage dans le temps, qui demande une compréhension et une validation des parties. Si depuis 20 ans, cela n’a pas décollé c’est que le timing n’était pas le bon et que la communication n’était pas forcément présente. (Mélanie Slufcik - Colibree)
La cohabitation intergénérationnelle est un marché à éducation. Rome ne s'est pas construite en un jour ! On parle de modifier massivement des usages, il est normal que cela prenne du temps. (Justine Renaudet - Colette)
Je ne suis pas d’accord
D’abord, parce que la publicité peut entretenir la croissance, mais pas la créer.
D’autre part, parce que de nombreux services citoyens ou peer-to-peer se sont développés grâce au bouche à oreille et sans qu’un euro soit investi en publicité.
En voici quelques-uns :
Wikipedia : Bien que Wikipedia soit maintenant largement reconnu, il a commencé comme un projet bénévole et a grandi principalement grâce au bouche-à-oreille. Sa nature collaborative et ouverte a encouragé de nombreux contributeurs à participer et à partager le site avec d'autres.
Linux : Le système d'exploitation open source Linux a été développé par Linus Torvalds et a gagné en popularité grâce à la communauté des développeurs et des utilisateurs qui en ont parlé et l'ont partagé.
Freecycle : C'est un réseau de personnes qui donnent et reçoivent des choses gratuitement dans leur propre ville. Il a été créé pour encourager le recyclage et réduire les déchets. Sa popularité s'est développée principalement par le bouche-à-oreille.
Une Lettre Un sourire : Cette association lancée pendant le covid pour créer un lien social entre des jeunes confinés et des résidents d’Ehpad a généré 900 000 échanges épistolaires en se développant grâce au bouche à oreille.
Donc, non.
Ce n’est pas la faute au marketing, mais à l’intérêt réel de la solution.
Si ça ne marche pas après 20 ans, c’est soit qu’une écrasante majorité de gens n’en veut pas, soit que l’offre n’est pas assez nichée et ne résout pas un vrai problème auprès de la bonne clientèle.
C’est un défaut courant en Silver économie de ne pas segmenter son offre et de vouloir toucher indistinctement tous les seniors au seul motif qu’ils sont vieux, mais il serait temps d’admettre que c’est une grave erreur stratégique !
L’activité existe encore parce qu’est majoritairement portée par des associations qui n’ont pas les contraintes financières d’une entreprise et peuvent se permettre d’exister en réalisant un CA annuel à peine suffisant pour un permanent employé à mi-temps.
La deuxième raison : les marges sont tellement faibles qu’aucun entrepreneur n’a réussi à faire décoller un projet rentable
L’organisme qui veut développer un service de mise en relation ou d’intermédiation est dans une situation commerciale complexe. Il n’a pas autant la maîtrise du processus qu’un prestataire de services ou un producteur de biens.
Explication
Si vous vendez un produit ou si vous êtes prestataire de services, vous répondez à la demande avec votre offre. Vous avez la maîtrise d’une partie du processus (la production) et vous devez trouver les clients qui vont acheter votre prestation parce qu’elle résout leur problème. C’est compliqué, mais au moins avez-vous la maîtrise totale de la création de valeur.
Si vous êtes intermédiaire pour la connexion des parties d’un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire, vous ne pouvez délivrer seul la prestation qui résout le problème de vos deux clients. Puisque votre service EST la mise en relation, vous devez attirer à vous les parties dont vous allez concilier les attentes.
Et ce n’est pas tout. Vous devez aussi persuader chacune des parties d’accepter d’offrir le service qui va combler la demande de l’autre partie.
En outre, comme vous intervenez dans une relation de droit privé, votre rôle doit être vraiment intéressant pour justifier le prix que vous allez faire payer aux parties.
Et bien sûr, le volume d’affaire doit être suffisant pour dégager un résultat pertinent.
Donc, le jeu n’en vaut la chandelle que si vous disposez d’une masse critique de clients très supérieure aux chiffres annoncés par les associations et Colette.
Ce qui me porte à penser qu’à moins d’être une association qui fait travailler des bénévoles et se rémunère en subventions, ce n’est pas viable de développer un service de cohabitation intergénérationnelle en adoptant un business model d’agent immobilier ou de gérant de parc locatif.

Quel business model sain pour la cohabitation intergénérationnelle solidaire ?
Si vous décidez de développer ce dispositif, vous avez intérêt à ne pas vous lancer tête baissée dans un système d’intermédiation assez risqué.
Pour ce dispositif, le business model viable, c’est :
Celui où vous n’êtes pas dépendant des deux parties.
Celui où vous ne devez pas persuader une personne âgée d’ouvrir sa porte à un jeune.
Celui où vous ne vous payez pas les queues de cerise imposées par le législateur pour rester dans le cadre de la cohabitation intergénérationnelle solidaire.
Celui où vous pouvez développer une relation commerciale profitable et durable avec vos clients.
En synthèse, cela peut être trois choses.
#1 un modèle où vous pouvez rassembler des jeunes et des personnes âgées dans un habitat collectif sans qu’elles aient besoin de partager le même logement.
Un établissement d’habitation collectif pour seniors qui réserverait certains lots à des jeunes, qui occupent l’espace gratuitement ou en versant une contrepartie financière modeste et s’engagent à participer un peu à la vie du lieu.
Prendre quelques repas avec les résidents, travailler dans le salon collectif, etc.
Quelques EHPAD ont déjà tenté l’expérience, en France et aux Pays-Bas.
Le groupe Domitys a développé ce dispositif depuis 2017 et le propose dans une trentaine de résidences dans le cadre du projet Génération Part’Age.
Zoom sur le programme de Domitys
Le programme "Générations Part'âges" permet aux étudiants de résider gratuitement dans un appartement entièrement équipé de 35m² en échange de 15 heures de service par semaine.
Ces heures peuvent être utilisées pour passer du temps avec les résidents, accompagner des sorties, partager des repas ou organiser des activités.
Les étudiants occupent le poste d'assistant d'animation, contribuant ainsi au bien-être des personnes âgées tout en bénéficiant d'un logement confortable et d'accès à des espaces communs tels que la salle de sport, la piscine et le salon multimédia.
Ce programme offre un échange mutuellement bénéfique, offrant aux étudiants une oreille attentive et aux résidents une chance de côtoyer une génération riche en expérience.
Depuis sa création, 47 étudiants, aux profils variés (en formation dans le médical, social, économique, informatique ou encore commercial) ont participé à l'expérience.
Outre l’avantage en termes d’animation et d’ouverture sur l’extérieur, ce dispositif est aussi un bon moyen d’utiliser des logements vacants.
#2 Un service intégré dans un bouquet ou une offre communautaire
En proposant ce service dans un bouquet global, le coût serait partagé avec d'autres services, ce qui permettrait de mieux rentabiliser l'activité de mise en relation entre les parties d'un contrat de cohabitation intergénérationnelle solidaire.
De plus, cela pourrait encourager les seniors à adopter ce type de service, car il ne serait pas perçu comme une charge financière supplémentaire importante.
C’est ce que tente de réaliser l’entreprise Colette. Initialement intermédiaire de cohabitation intergénérationnelle, elle diversifie désormais son service en club du troisième âge pour boomers parisiens, la cohabitation intergénérationnelle étant un service parmi d’autres.
Pour en savoir plus sur cette idée, j’ai posé 3 questions à la co-fondatrice de la start-up, Justine Renaudet.
3 Questions à Justine Renaudet (Colette)
#1 Quel est le bilan de Colette depuis son lancement jusqu’à aujourd’hui
Nous avons lancé Colette début 2020 avec pour ambition de développer la cohabitation intergénérationnelle à grande échelle. Notre stratégie a été de nous concentrer sur une zone - Paris et l'Île de France - afin de ne pas disperser notre énergie et ainsi concentrer nos efforts pour révéler le potentiel du marché. Comme on dit dans le jargon startup, l'idée était de percer le marché parisien qui réunissait tous les ingrédients nécessaires au développement de la cohabitation intergénérationnelle : forte tension sur le logement étudiant, une population estudiantine importante, une forte présence de seniors et des prix de location exorbitants.
Trois ans plus tard, nous avons accompagné plus de 1900 binômes de cohabitants sur trois zones (Paris / Ile de France, Lyon et Bordeaux). À ce jour, nous sommes la structure commerciale qui a créé le plus de binômes, en un temps record et surtout en multipliant nos chiffres d'année en année.
Pour autant, la cohabitation intergénérationnelle est un marché difficile à développer aujourd'hui car il nécessite une éducation du public. Cette problématique concerne tous les acteurs du secteur, pas uniquement Colette. Il est nécessaire d'expliquer le concept, de faire de la pédagogie et de rassurer les seniors pour lever les barrières à l'usage. Du côté des jeunes, la demande est là, exponentielle. Ce n'est pas un sujet. La problématique reste encore et toujours l'offre.
#1 bis - A quoi ressemble le client idéal de Colette ?
Ces trois années passées à développer la cohabitation entre générations nous ont permis de déterminer notre cœur de cible : un homme ou une femme (majoritairement une femme tout de même) vivant seul à la maison, étant divorcée, veuve ou célibataire, tout juste retraitée et ayant en moyenne entre 65 et 70 ans. Cette personne doit être autonome et indépendante, et sa motivation première doit être de générer des revenus complémentaires pour pouvoir rester vivre dans son logement et ne pas le quitter car elle y est fortement attachée.
#2 Vous avez petit à petit étoffé votre offre autour d’un bouquet de services communautaires, peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Le développement de la cohabitation intergénérationnelle nous a permis de créer, sans même y penser, une communauté de seniors. Ces derniers ont manifesté l'envie et le besoin de se connaître entre eux, d'échanger. C'est ainsi qu'est né le Club Colette. À leur demande, nous l'avons élargi à tous les seniors car nous avons vu qu'il y avait un fort intérêt pour eux de faire des rencontres et d'occuper leur temps libre en boostant leur vie sociale. Nous avons constaté un vrai effet de viralité : des membres en invitaient de nouveaux, le bouche à oreille fonctionnait très bien, nous permettant d'avoir une excellente traction. Et la cerise sur le gâteau, des hôtes Colette rencontraient des non-hôtes pendant des activités du Club, leur parlaient de la cohabitation et convainquaient des seniors de louer leur chambre à un jeune. Le Club est donc devenu une source d'acquisition phénoménale pour la cohabitation entre générations et nous avons vu le "flywheel effect" que cela créait entre nos deux services.
Dans le même temps, cette communauté a commencé à se tourner vers nous pour des besoins variés. Nous nous sommes rendu compte que nous avions réussi à créer une marque forte, Colette, adorée des seniors, en laquelle ils s'identifiaient car fraîche et non stigmatisante, et en laquelle ils avaient confiance pour leur apporter des solutions à leurs préoccupations du quotidien et projets divers. En tant qu'entrepreneurs, nous avons rapidement vu le potentiel de créer la première communauté de seniors en France et d'aller plus loin dans notre mission d'aider les seniors à bien vieillir à la maison, en créant une super-app proposant un panel de services à fort impact positif sur le quotidien des seniors.
Dans notre vision, la cohabitation entre générations et le Club sont donc deux premiers piliers d'une stratégie multi-services. À ce jour, c'est la communauté qui nous permet d'accélérer et de nous donner du temps, ce dont nous avons besoin avec la cohabitation entre générations.
#3 Quelles sont vos perspectives pour les prochaines années
Nous sommes en phase de déploiement de nos deux services, Cohabitation et Club, à l'échelle nationale. Pour le Club, nous avons créé la première application communautaire pour les seniors. Nous comptons déjà plus de 15 000 seniors inscrits et des milliers d'utilisateurs actifs chaque mois. Nous poursuivons notre vision de créer la super-application pour les seniors et de faciliter leur quotidien. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos membres, car ils sont les plus à même de nous dire quel service développer demain. Nous menons actuellement des tests dans cette optique, mais nous ne pouvons pas en dire plus pour le moment !
#3 Une résidence de coliving conçue exprès pour accueillir des personnes de tous âges dans un environnement pensé pour les relations sociales.
C’est un mode de vie en ville qui a le vent en poupe, tant chez les jeunes habitants que chez les promoteurs immobiliers ou leurs investisseurs.
Quelques chiffres :
Selon une étude menée par JLL en 2020, le marché du coliving en Europe devrait atteindre une valeur de 21 milliards d'euros d'ici 2024.
En France, le nombre de logements en colocation a augmenté de 44 % entre 2017 et 2020, selon une étude de LocService.fr.
Une enquête réalisée par le cabinet de conseil en immobilier Cushman & Wakefield a révélé que 61 % des investisseurs immobiliers européens interrogés envisageaient d'investir dans le coliving en 2021.
En 2020, la start-up française Colonies a levé 11 millions d'euros pour financer l'expansion de ses résidences de coliving en France et en Europe.
Une étude de CBRE a révélé que le coliving était de plus en plus populaire auprès des jeunes professionnels et des étudiants, qui recherchent des logements abordables et flexibles dans les grandes villes.
Plus d’informations sur ce mode de coliving, sa croissance et ses perspectives dans l’analyse que j’en ai faite en mars dernier.
Épilogue
Et voila, c’est tout pour aujourd’hui.
La rédaction de ce dossier de la rentrée m’a demandé un peu plus de 15 heures.
J’ai longuement hésité à le passer en Premium, c’est-à-dire en réserver la lecture intégrale aux abonnés ayant souscrit une formule payante.
Et puis, je me suis dit trois choses.
Un, j’avais envie de vous le partager à tous pour que vous réalisiez ce que j’offre aux abonnés premium.
Deux, depuis la semaine dernière, une centaine de nouveaux abonnés se sont inscrits et je dois vous apporter de la valeur pour vous persuader de l’intérêt de ma newsletter, et donc, vous faire profiter d’une analyse profonde et gratuite.
Trois, les dossiers du dimanche sont gratuits depuis le début de Longévité et il me semble plus clair de faire des contenus payants le mercredi et gratuits le dimanche.
Ceci dit, vous avez entre les mains un dossier qui a la qualité que j’accorde à mes travaux premium, mais qui est exceptionnellement offert à tous les abonnés.
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Dont le dossier de mercredi 6 septembre, consacré à l’impact de l’opinion publique et de la société civile dans la stratégie des Ehpad.