Retraite de Federer Ă 40 ans đŸ un exemple pour les gĂ©nĂ©rations futures
Comment changer le paradigme en vigueur depuis 70 ans ?
Le champion de tennis Roger Federer a annoncĂ© cette semaine quâil prendra sa retraite Ă lâissue dâune ultime compĂ©tition disputĂ©e en 2022.
A 40 ans, le Suisse ne peut prĂ©tendre au versement dâune pension de retraite dans un pays oĂč lâĂąge lĂ©gal est fixĂ© Ă 65 ans.
Au sens littéral, il prend sa retraite. Mais il ne va pas réclamer une pension de retraite.
Jalousie ou envie
Cela peut susciter des rĂ©actions de jalousie vis Ă vis de ces riches qui peuvent partir Ă la retraite alors que le citoyen moyen est condamnĂ© Ă travailler jusquâĂ 65 ans (en Suisse).
Mais cela pourrait aussi inspirer de futurs retraitĂ©s (quel que soit leur Ăąge). Ils pourraient y voir une façon dâenvisager une vie active qui ne serait pas divisĂ©e en deux parties : le moment oĂč tu cotises pour la retraite et celui oĂč tu touches ta retraite.
On pourrait imaginer une autre façon de prĂ©senter la vie active, selon les engagements quâon prend et les activitĂ©s qui nous occupent, nonobstant la perception dâune prestation sociale qui interviendrait Ă lâĂąge lĂ©gal et ne changerait pas le cours de nos vies, comme câest aujourdâhui le cas.
La retraite est un couperet
Aujourdâhui, la retraite est un couperet.
AprÚs une vie de labeur, le brave travailleur et la brave travailleuse raccrochent les gants et prennent un repos bien mérité, financé par ceux qui continuent à trimer.
Il y a un avant et un aprĂšs.
Lâeffort / Le rĂ©confort
Saviez-vous que cette perception de la retraite âloisirsâ, profondĂ©ment ancrĂ©e dans lâinconscient collectif, est une construction sociale Ă©laborĂ©e dans les annĂ©es 1950 / 1960.
Le roman de la retraite
Je rĂ©alise cette chronologie Ă partir de lâexcellent ouvrage de Joseph F. Coughlin intitulĂ© The Longevity Economy : Unlocking the worldâs fastest-growing, most minsunderstood market.
Dans la partie que jâai utilisĂ©e, lâauteur prĂ©sente lâhistoire de la retraite, aux Etats-Unis. Une histoire qui explique la façon dont nous percevons la retraite aujourdâhuiâŠ. et qui est transposable Ă notre pays, Ă quelques dĂ©tails prĂšs.
Pourquoi la pension de retraite ?
Aux Etats-Unis, comme en France, des rĂ©gimes de retraite se sont dĂ©veloppĂ©s au dĂ©but du 20Ăš siĂšcle afin de compenser la fin dâactivitĂ© de travailleurs jugĂ©s trop vieux pour ĂȘtre efficients. Lâindustrie avait besoin de bras et les jeunes Ă©taient considĂ©rĂ©s comme plus aptes Ă rĂ©pondre aux besoins.
Pousser les vieux vers la sortie Ă©tait le meilleur moyen de lutter contre le chĂŽmage de masse, qui touchait surtout les jeunes. LâĂągisme fait rage : les vieux sont considĂ©rĂ©s comme concurrents des jeunes sur un marchĂ© du travail tendu.
Sauf quâun vieux qui ne travaille pas devient un vieux dĂ©pendant de ses enfants, dâoĂč lâidĂ©e de dĂ©velopper un systĂšme de protection sociale qui offre aux travailleurs retirĂ©s une pension financiĂšre leur permettant de subsister sans ĂȘtre un poids.
La retraite a donc dâabord Ă©tĂ© une rĂ©munĂ©ration pour aider les vieux ouvriers inactifs Ă vivre sans les fruits de leur travail : les vieux riches avaient de lâargent de cĂŽtĂ© et nâĂ©taient sans ressources quand ils arrĂȘtaient de travailler. Ils nâĂ©taient pas non plus poussĂ©s vers la sortie par leurs descendants avec autant de vigueur que dans les usines.
Donnons-leur envie
Mais cette pension ne compensait pas la frustration, lâhumiliation dâĂȘtre poussĂ© Ă la porte de son travail en raison de son Ăąge.
Il fallait inventer un roman qui donne ENVIE dâĂȘtre Ă la retraiteâŠ.
Une raison dâĂȘtre, un but, pour que cette pĂ©riode de la vie soit dĂ©sirĂ©e, attendue et mĂȘme fantasmĂ©e.
Que la retraite ne soit plus la fin, mais le début.
Il fallait inventer un roman de la retraite.
Ce conte pour faire passer la pilule, ça ne vous rappelle rien ?
Vraiment rien ?
Indice : La promesse dâun avenir meilleur qui viendrait rĂ©compenser une vie de labeur et de souffranceâŠ.
non vraiment pas ?
Bon, allez, ne sortez pas tout de suite les fourches, il reste un peu de chemin Ă parcourirâŠ
En quĂȘte dâun nouveau roman
Puisque la retraite semblait n'avoir aucun but naturel, peut-ĂȘtre fallait-il en inventer un. "Peut-ĂȘtre", a dĂ©clarĂ© l'historienne de la technologie Lynn White Jr., alors qu'elle prĂ©sidait une table ronde de 1951 sur la retraite organisĂ©e par la Corning Corporation, "nous devons glamouriser les loisirs comme nous ne l'avons pas fait."
Et c'est exactement ce que le secteur privĂ© a fait. Les compagnies d'assurance-vie, parmi les premiĂšres Ă vendre des produits financiers pour la retraite, ont brossĂ© un tableau idyllique de ce que pourrait ĂȘtre la vie Ă la retraite.
Comme le disait une publicitĂ© dans un journal de 1950, « Aujourd'hui, l'enfant moyen Ă la naissance peut s'attendre Ă vivre dix-huit ans de plus que son grand-pĂšre. Ces annĂ©es seront-elles parmi les meilleures de votre vie⊠ou allez-vous manquer votre chance de rĂ©aliser votre rĂȘve ? »
Au sens figurĂ© et au sens littĂ©ral, les employeurs (en particulier les compagnies d'assurance elles-mĂȘmes) et les particuliers achetaient ce que vendaient les assureurs. Pourtant, la terminologie d'une nouvelle vision positive de la retraite manquait d'un je ne sais quoi d'indescriptible.
Des communicants ont donc cherché à retourner le paradigme en présentant la retraite comme des années d'épanouissement. Trois mots qui dépeindraient la fin de la vie non pas comme le lent rassemblement d'un crépuscule violet mais plutÎt comme l'explosion d'un coucher de soleil glorieux, chaud et brillant et flamboyant de rayons crépusculaires. Le Golden Age.
Le Golden Age
Avec l'invention des années dorées, une retraite heureuse est devenue quelque chose que les consommateurs paieraient et, grùce aux fonds fournis par la sécurité sociale et l'assurance-maladie, les électeurs exigeraient.
En quelques décennies, il deviendrait difficile de penser à poursuivre sa carriÚre principale avec autre chose que la poursuite de loisirs. Avec du recul, quel a été le coup de génie qui a visité les premiers artisans du mythe moderne de la retraite, comme les vendeurs des premiers plans de retraite ?
Ils ont rĂ©alisĂ© que bien que l'Ăąge frappe tout le monde Ă des moments diffĂ©rents et de diffĂ©rentes maniĂšres, la vieillesse telle que dĂ©finie par le gouvernement, l'industrie et la culture Ă©tait devenue monolithique et s'est produite au mĂȘme Ăąge, plus ou moins, pour tout le monde.
Faire quelque chose de sa vie
Les personnes en bonne santé de plus de 65 ans avec de l'argent dans leurs poches n'avaient pas besoin de se reposer à l'époque (et elles ne le font pas maintenant, pour la plupart), mais elles auraient besoin de faire quelque chose, et elles paieraient pour ce privilÚge.
Pas seulement pour des loisirs, mais pour une idée cohérente de la façon de vivre qui avait du sens au niveau des tripes.
Ces communicants ont adopté une nouvelle conception positive de la retraite, l'ont saluée et nous l'ont revendue.
Et nous l'achetons depuis.
Alors que les loisirs devenaient une partie inextricable de la vie plus tard, le vaste récit culturel du vieillissement a pris sa forme actuelle.
Un nouveau paradigme
On voit bien les limites de ce paradigme Ă un Ăąge oĂč les pensions se rĂ©duisent comme peau de chagrin, oĂč 45% des actifs amĂ©ricains disent dĂ©sirer rester actifs aprĂšs la retraite et oĂč nos jeunes sont persuadĂ©s quâils cotisent Ă la retraite âpour rienâ.
Mais surtout, Ă un Ăąge oĂč lâespĂ©rance de vie Ă 65 ans est de 23 ansâŠ.
Si personne nâa prĂ©dit aux vieux dâaujourdâhui quâils vivraient aussi vieux, les vieux de demain sont bien conscients que leur retraite sera trĂšs longue. Et dans le monde de restrictions et de contraintes liĂ© Ă lâĂ©nergie rare et aux changements climatiques, le roman dâhier semble surannĂ©.
Une retraite active, fut-elle celle dâun sportif de haut niveau qui la prend Ă 40 ans, pourrait inspirer les futurs retraitĂ©s en quĂȘte de modĂšles.
ça vous parait sensé ou complÚtement à cÎté de la plaque ?
Dites-moi ce que vous en pensez en commentaire !
Merci Alexandre pour cette rĂ©flexion sur le sens de la "retraite". Certes certains mĂ©tiers sont plus "usants"que d autres et les politiques publiques doivent en tenir compte, mais l'ĂȘtre humain trouve sa raison d ĂȘtre et surtout sa dignitĂ© dans l'accomplissement d'un "travail" (ou plusieurs) qui correspond Ă sa nature, Ă ses talents, Ă ses capacitĂ©s.
En effet TOUT ce qui est vivant "travaille": du niveau minĂ©ral (on dit que les pierres d'une maison travaillent, les minĂ©raux travaillent, les falaises travaillent....) aux animaux (connaissez vous une abeille, un oiseau ou une gazelle " Ă la retraite"?) en passant par les vĂ©gĂ©taux (dont la fin d'activitĂ© signifie la fin des echsnges et donc la mort) ... TOUT travaille, mĂȘme les planĂštes, les galaxies. L'expansion du monde ne s'arrete pas pour se mettre "Ă la retraite" ... Ce qui est Ă l'origine de la vie ne s'arrĂȘte jamais de travailler....
Il s agit donc de reconsidĂ©rer l' ACTIVITE qui peut correspondre Ă la raison d'ĂȘtre de tout un chacun jusqu'Ă Ă son dernier souffle , car chacun a sa place et son rĂŽle Ă jouer dans je perspective SYSTEMIQUE ... c est un enjeu de taille, qui commence dĂšs le 1er jour et qui implique de reconsidĂ©rer l' "Ă©ducation" .... qui doit devenir une Ă©ducation "Ă vivre, Ă tous les Ăąges" .... sous peine de tomber dans les piĂšges et les illusions des "loisirs" lorsque ils deviennent synonymes de " divertissement", "distractions" ... consumĂ©risme.... qui contribuent Ă Ă©puiser notre planĂšte, laquelle aurait grand besoin de la mise en activitĂ© creative de toutes les intelligences .
La "retraite" pourrait devenir le "recyclement", la "reorientation" ... soyons donc créatifs, c est là notre dimension divine!
Pardon si mon propos vous a offense,
Bien Ă vous,
Brianne Delcourt
Nous vivons une époque formidable : beaucoup de domaines sont à réinventer! J apprécie oujours la dimension humaine de vos réflexions!