Comment j'explique la Silver économie à un extra-terrestre
Livre blanc de la Silver économie | Cartographies de l'écosystème | Faire grossir le gâteau | Analyse du rapport Lauvergeon (2013) | Ce que la Silver économie pourrait (re)devenir.
Sous le voile sibyllin d'une nuit étoilée, isolé dans la quiétude de ma terrasse, je m'abandonnais aux voluptés d'un vieux rhum, contemplatif, laissant mon esprit voguer au gré des abîmes insondables de l'existence.
C'est dans cette torpeur méditative que mon regard fut capturé, sans préavis, par une incandescence troublante zébrant le ciel nocturne. Une lumière menaçante, fendait l'espace à une vitesse vertigineuse, convergent vers mon havre de paix.
Guidée par une trajectoire impérieuse, cette apparition céleste amorça sa descente, se faufilant derrière le voile d'un bosquet lointain, à peine à une centaine de mètres de ma position.
Une curiosité irrésistible s'empara de moi, tandis que mon fidèle compagnon, perçant l'air de ses grognements sourds, se lançait dans une course effrénée vers l'inconnu.
Hésitant, mais poussé par une soif d'aventure insoupçonnée, je me lançai à sa suite, mes pas trahissant une incertitude face à l'inexploré. La végétation s'écarta bientôt sur une clairière balayée par les vents, révélant une vision des plus extraordinaires : un objet rectangulaire, d'une facture inconnue, s'était posé avec une précision chirurgicale sur ce qui était autrefois une pelouse impeccable.
Soudain, une ouverture se matérialisa, dévoilant une forme énigmatique, une silhouette vaguement humanoïde, drapée d'une étoffe occultant toute spécificité anatomique.
Avec une assurance déconcertante, cette entité s'avança hors de son engin volant, franchissant le seuil lumineux pour pénétrer dans notre monde. Dans un geste presque théâtral, elle leva ce qui semblait être un bras, brandissant un objet dont la nature me restait encore inconnue...
Cela ressemblait à un livre. Un ouvrage mince, dont la couverture blanche barrée d’un logo tricolore me rappelait vaguement quelque chose.
Je l’avais vue peu de temps auparavant. Je l’avais même partagée sur Linkedin.
C’était.
Non !
Si…
C’était…
Le livre blanc de la Silver économie édition 2023
Une étude de l’activité économique de la filière, que j’ai co-écrite avec France Silver Eco. Nous l’avons publiée jeudi 8 février 2024.
Comment diantre cet ouvrage avait-il parcouru la galaxie ? Comment était-il parvenu jusqu’à un extra-terrestre ? Comment l’avait-il motivé à franchir des années lumières pour me le coller sous le nez ?
Peut être trouverez-vous la réponse en lisant vous-même le Livre Blanc 2023 ?
Je ne vous relate pas cette aventure étrange pour faire mon auto-promotion.
Non.
La Silver économie expliquée aux Terriens
Je vous raconte cette histoire pour vous aider à comprendre ce qu’est la Silver économie. Pour vous aider à construire votre propre grille de lecture. Pour vous aider à identifier les parties prenantes qui sont utiles à votre projet.
Nous avons construit un livre blanc pour aider les acteurs de la Silver économie à se faire une idée de leur environnement.
Mais ce n’est qu’une partie du travail.
L’autre partie, si vous êtes l’un de ces acteurs, c’est de comprendre comment vous vous positionnez dans cet écosystème.
Qui sont vos alliés
Qui sont vos concurrents
Qui vous aidera
Et qui vous enfoncera la tête dans le sable.
Et c’est pareil avec Blub (faut bien que je lui donne un nom à cet extra-terrestre).
Que veut Blub ?
Cette lecture n’a pas apporté que des réponses à Blub. Elle a aussi suscité pas mal de question. Et une en particulier, qui a motivé sa venue.
Il veut savoir ce qu’est la Silver économie.
Il a compris à quoi servent les entreprises dont nous avons dressé la cartographie. Il cerne bien les business models. Il valide bien les besoins du marché et des citoyens. Mais il se dit que si les Français ont construit un système complet pour accompagner l’adaptation de leur société au vieillissement, c’est peut-être pas con de répliquer cette organisation sur sa planète s’il rencontre les mêmes problèmes que nous.
Et c’est parce qu’il est confronté au vieillissement de ses pairs qu’il aimerait savoir comment une filière Silver économie peut y répondre.
Le défi
C’est chaud pour moi de lui donner des explications utiles, car je n’ai pas le commencement d’idée sur l’organisation institutionnelle de sa civilisation.
Et je ne suis pas certain qu’organiser un voyage d’étude soit réaliste. Je ne vous détaille pas pourquoi, attendu vous ne vous êtes pas abonnés à la meilleure newsletter de la Silver économie pour lire de la S-F. Je pose juste ce point ici pour pouvoir me concentrer sur le fonds du sujet.
Le point important, c’est que je dois expliquer un concept franco-français à un étranger qui n’entrave rien à notre organisation institutionnelle. Et comme je n’ai pas la moindre idée de son modèle de société, je dois me replier sur mes connaissances propres en espérant qu’elles permettront à mon visiteur de se faire une idée.
Réduire la Silver économie à son volet business ?
Je pourrais certes balayer d’un revers de manche le volet pouvoirs publics et me concentrer uniquement sur le volet économique :
Les partenariats business,
La chasse en meute,
La recherche de connexions.
Mais ce serait une double erreur.
D’abord, parce que c’est l’équilibre entre les acteurs commerciaux, associatifs, issus de l’ESS ou non, les pouvoirs publics, les fédérations et syndicats sans oublier les think tanks et les ONG qui fait la beauté de notre filière.
Ensuite parce que la Silver économie, c’est plus que du business.
Pourquoi la Silver économie, c’est plus que du business ?
Pour deux raisons :
Les seniors et leur famille estiment que l’adaptation de la société au vieillissement est du ressort des pouvoirs publics. Et donc, ils ne veulent pas payer pour ce qui doit être pris en charge par la collectivité.
En tant que société, pays, civilisation, nous devons collectivement prendre conscience de notre vieillissement et de la nécessité d’adapter notre société et nos modes de vie à ce nouveau paradigme. Ce n’est pas juste du business.
Je ne peux donc pas faire croire à Blub que la Silver économie, c’est un club de chasseurs qui se réunissent pour attraper du gros gibier.
Je n’ai pas le droit de le fourvoyer à ce point, il risquerait de créer une filière orientée business, comme ils ont fait en Italie !
Blub m’explique qu’il a déjà étudié la cartographie des entreprises, que nous avons créée pour le livre blanc de la Silver économie et n’a pas besoin de plus d’explications que celles que nous en donnons dans le livre blanc.
Il a envie de savoir comment les acteurs pourraient s’organiser ensemble pour construire un dispositif cohérent, utile à la société et facilitateur pour tous.
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Dessine-moi la Silver économie
Je ne savais pas trop comment expliquer l’abstraction à Blub, mais, inspiré par Antoine de Saint-Exupery, je décidais de lui dessiner la Silver économie.
Mes récents déboires avec l’IA Midjourney vous ont montré comme les machines ont du mal à représenter l’abstraction, je savais donc ne pouvoir attendre aucune aide de ce côté.
Aussi décidais-je de construire un genre d’organigramme des forces en présence. Il montrerait quelles missions étaient dévolues à quels organismes et qui un acteur souhaitant s’impliquer dans la Silver économie devait solliciter selon son besoin.
Je savais que ce n’était pas simple, mais je ne pensais pas que ce serait compliqué à ce point. Voyez plutôt.
Le résultat laissa Blub aussi perplexe que vous. Pourtant, l’E.T ne se laissa pas démonter par l’apparente complexité du schéma. Il se pencha dessus, suivit les lignes du bout de l’un de ses 17 doigts (le majeur, je pense), marqua un temps d’arrêt, puis observa les cases du centre et celles de la périphérie. Puis il leva les yeux vers moi d’un air entendu.
Ce que Blub retient de ma cartographie
En étudiant mon schéma, il avait compris ce que je voulais mettre en exergue. Cet écosystème s’est construit par sédimentation. Les acteurs historiques ne répondant pas à toutes les attentes, d’autres se sont greffés au noyau.
Vous avez donc deux systèmes interdépendants : le centre et sa périphérie.
Le centre
Au centre, vous trouvez les missions et besoins (la ligne verticale de cases encadreés en vert acide). Directement autour des missions, on trouve les acteurs historiques qui étaient là en 2013, à la création de la Silver économie. Ils se connaissent tous et même si leurs relations sont à géométrie variable, chacun a conscience de l’existence des autres.
La périphérie
Cette nébuleuse très intimidante n’attire pas tous les acteurs à elle. Au fil du temps, de nouveaux écosystèmes se construisent en périphérie.
Le sous-écosystème de l’habitat inclusif
Le plus visible est celui de l’habitat inclusif, dont le comportement est caractéristique. Il rejette le concept de Silver économie et son sous-entendu capitalistique, mais en même temps il a besoin d’un soutien logistique, juridique et financier. Il va donc recréer un micro-écosystème distinct.
Les autres sous-écosystèmes
J’ai mis en exergue l’habitat inclusif car il est très structuré autour d’organismes aux rôles variés. Mais d’autres petits écosystèmes se construisent autour d’une instance, d’un rôle ou d’une activité.
J’en ai représenté certains sur la cartographie, voici une explication complémentaire sur leur spécificité :
Des écosystèmes territoriaux (gérontopoles, clusters locaux, CCI, agences de développement économique) vont se spécialiser dans un territoire géographique. Ils seront les interlocuteurs de choix pour les projets qui dépendent de leur sphère d’influence territoriale.
Des écosystèmes supranationaux (Birdhouse, Eurasanté, Interreg) vont accompagner des projets internationaux et promouvoir le cadre Européen. Ils seront les interlocuteurs de projets qui pensent Europe au lieu de région.
Des écosystèmes portés par des visions, croyances ou convictions, comme Le Fonds du Bien Commun, l’économie sociale et solidaire ou encore makesense, seront intéressants pour les projets qui se reconnaissent dans des valeurs clivantes.
Des écosystèmes spécialisés (tech, santé, IA, immobilier, ESS, finances, assurances) qui développent des connexions avec la Silver économie pour une partie de leurs projets seront intéressants pour les organismes qui sont dans les deux cases. Si vous avez une agetech, c’est pertinent d’appartenir à un écosystème tech et aussi à l’écosystème Silver économie.
Des écosystèmes représentant les usagers qui peuvent être des interlocuteurs (ou des cobayes) pour la Silver économie : les associations et syndicats de retraités, ainsi que des organismes comme le CNAV, les CDCA et la Corerpa.
Des écosystèmes qui sont confrontés au vieillissement de leurs clients et usagers, mais ne s’associent pas à la Silver économie par méconnaissance ou rejet.
La stratégie gagnante
Si vous cherchez à développer un projet dans la Silver économie, vous avez intérêt à rechercher les meilleurs alliés. Si la nébuleuse du milieu attire les regards, elle peut ne pas être le lieu où vous trouverez les meilleurs alliés.
Développez des affinités avec tous les écosystèmes pertinents.
Picorez, créez du réseau et devenez un connecteur. Puis, coupez les ponts avec les boulets pour conserver les relations utiles.
Ce que Blub pensait de notre (in)organisation
C’est alors que mon ami venu de loin fit une remarque frappée au coin du bon sens, preuve de son intelligence hors du commun et de sa fine connaissance de l’actualité française.
Il s’étonna qu’un si petit écosystème, mû par un désir de changement qui était loin de faire l’unanimité, ou même d’intéresser le gouvernement, confère la valse des Secrétaires d’Etat à l’autonomie ou l’incapacité de voter une loi promise depuis des lustres, soit aussi balkanisé.
Il me dit :
La Silver économie, c’est un gâteau dont chaque organisme veut une part. Depuis dix ans, vous vous obstinez à découper le gâteau en parts toujours plus petites et vous vous battez pour des miettes. Essayez plutôt de faire grossir le gâteau.
Il était venu chercher des explications et il finissait par me délivrer une vérité première.
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