L'échiquier politique français décrypté : Stratégies et enjeux
Comment intégrer les idées, idéologies, antagonismes et ambitions des élus dans votre propre stratégie.
Les JO vont-ils suspendre les luttes de pouvoir qui se jouent depuis des semaines dans notre beau pays, comme l’appelle de ses vœux notre hyperprésident ?
Il sait que ce n’est que partie remise. Mais il espère bénéficier d’un effet “JO”, si les Jeux sont un succès planétaire. Un regain de popularité qui lui permettra d’imposer la coalition qu’il souhaite à l’Assemblée Nationale. Coalition qui n’est pas le NFP !
Un NFP qui ne se laissera pas faire, attendu qu’il prétend être la formation majoritaire à l’Assemblée. Celle que “Les Français ont choisie”, preuve que c’est “son programme qui est plébiscité”, oubliant opportunément que sa représentativité est d’abord le fruit d’une entente électorale visant à la défaite du Rassemblement National.
Tout cela vous semble confus ?
Vous en avez marre d’en entendre parler ?
Ce n’est pas eux qui font avancer le schmilblick ?
Ils sont tous pareils ?
C’est possible.
Cependant, il est difficile de naviguer dans la Silver économie sans comprendre les tendances politiques, dans un pays aussi politisé que La France et une discipline aussi tributaire des pouvoirs publics.
Même si nos députés n’ont pas une influence directe sur votre activité, les partis dont ils portent les couleurs sont aussi présents au niveau local et les stratégies qui seront déployées d’ici à la présidentielle de 2027 y auront aussi une incidence.
C’est pourquoi je trouve utile de vous apporter un peu de clarté dans le brouillard en vous partageant ma lecture des forces en présence. C’est aussi un bon moyen de susciter les réactions, afin que nous puissions partager notre analyse de la situation pour en sortir collectivement renforcés.
NO Politics ?
Dans cette newsletter que je publie sans faillir chaque dimanche depuis mai 2018, j’ai toujours veillé à ne pas adopter un angle politiquement péremptoire, pour trois raisons.
Être entrepreneur, c’est s’adapter, accepter la différence et serrer la main à tous ses interlocuteurs.
Comme l’a démontré la cérémonie d’ouverture des JO, c’est le pluralisme de notre pays qui fait sa force. Je respecte les convictions et engagements de chacun, n’estimant pas que l’un a plus raison que l’autre.
L’adaptation de la société au vieillissement est transpartisane. Sa nécessité met tout le monde d’accord et nous devrions donc rechercher le consensus plutôt que de jouer sur les désaccords.
Ce dernier point est capital en ce moment.
Vous devinez pourquoi, n’est-ce pas ?
Le consensus
Dans cette nouvelle mandature, les sujets de consensus seront rares. Si nous trouvons un moyen de pousser les bonnes pièces sur l’échiquier politique, il serait envisageable de faire avancer le sujet tandis que d’autres (sécurité, immigration, retraite, agriculture, Europe) seront bloqués par les visions éclatées des partis.
Comment y parvenir ?
En adoptant un angle d’attaque différent de celui qui a été utilisé entre 2018 et 2022 dans le cadre de la poussive réflexion autour de la loi Grand Age.
Mais, allez-vous me dire, comment faire autrement que la flopée de rapports qui ont adopté tous les angles imaginables ?
Et bien, à mon avis, la réponse doit venir du terrain et non pas du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes ou d’une commission parlementaire. Ces instances obéissent à des procédures d’aide à la décision qui leur interdisent de penser le sujet autrement que dans une relation entre la dépense publique et les ressources mobilisables1.
En même temps, on ne peut pas se passer d’eux !
Certains pensent possible d’adapter la société au vieillissement par la seule force motrice des acteurs de terrain.
Je n’y crois pas un instant.
Ni en France, ni dans les autres pays qui s’intéressent de près ou de loin à la question.
Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un sujet qui puisse se passer du soutien politique national et local, ni d’une réglementation facilitatrice.
Pourquoi ?
Parce que l’Etat étant profondément présent dans notre société, il est plus facile de faire avec lui.
C’est pourquoi nous avons intérêt à l’inciter à faire comme nous voulons que cela soit fait et pas comme il pense que ce serait mieux.
Et donc, nous avons tout à gagner à embarquer les acteurs politiques dans notre combat.
Reste à trouver :
Des idées autour desquelles réunir un large consensus.
Des personnalités engagées pour soutenir ces idées.
Des leviers pour faire bouger les lignes.
Et c’est pourquoi vous devez analyser leurs stratégies politiques.
Vous ne pourrez leur vendre votre combat sans le raccrocher au leur.
Vous ne pouvez pas vendre quoi que ce soit à un prospect si vous ne comprenez pas son problème, ni la façon dont vous pouvez le résoudre.
Rechercher l’appui politique, c’est une transaction
Vous êtes en terrain connu, car vous allez devoir déployer les mêmes savoir-faire que pour une vente ou un partenariat.
Vous attendez quelque chose de votre interlocuteur.
Il attend quelque chose de vous.
Vous devez trouver un terrain d’entente, mutuellement profitable.
Certes, la stratégie d’un parti politique n’est qu’un élément qui permette l’analyse, mais c’est aussi l’aspect le plus facile à synthétiser. C’est dans ce but que je vous propose mon analyse de l’échiquier politique français tel qu’il m’apparaît à l’issue des élections et de l’actu des dernières semaines.
P1 (pour tous) : je cartographie les partis et coalitions à l’Assemblée Nationale
P2 (abonnés) : j’apporte trois éclairages transpartisans pour compléter l’analyse.
Partie 1 : Les partis politiques français brossés à grands traits
PS et LR : Les deux grands partis centraux historiques
Les socialistes sont aux affaires depuis plus de 40 ans tandis que LR et leurs prédécesseurs (UMP, RPR, RPF, etc.) occupent le terrain depuis 1958, si on les considère comme les héritiers du gaullisme.
Leurs Forces
Leur implantation historique et les relations profondes qu’ils ont pu nouer avec les territoires, les notabilités et la technostructure.
Une respectabilité importante : ce sont des gens stables, pas des révolutionnaires. Afficher l’étiquette PS et LR, cela rassure.
Leur talon d’Achille
Ces partis se sont construits autour de l’ambition politique d’un homme (François Mitterrand pour le PS, Jacques Chirac pour le RPR (ancêtre des Républicains). L’un comme l’autre ont créé un parti afin de soutenir leur effort pour devenir présidents de la République. Ils ont ainsi pu incarner un message, diriger une formation et étouffer les dissidences.
Sans eux, ces partis sont des navires sans capitaines. Et ils laissent un héritage pesant, qui oblige leurs héritiers. Ainsi de l’ascension de la roche de Solutré chez les socialistes ou de la détestation de l’extrême droite par les Républicains, imposée par Chirac à son camp, dont il n’a jamais démordu et qui provoque aujourd’hui la scission entre les ciottistes (ralliés au RN) et les fidèles.
« Face à l’intolérance et à la haine, il n’y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible. Il faut avoir le courage de ses convictions, la constance de ses engagements. Pas plus que je n’ai accepté dans le passé d’alliance avec le Front national et ceci quel qu’en soit le prix politique, pas plus que je ne l’ai accepté dans le passé, je n’accepterai demain de débat avec son représentant. » - Jacques Chirac (2002)
À l’Assemblée, à Bruxelles et localement
Aujourd’hui mis en minorité, LR comme PS ont du mal à faire entendre une voix spécifique, porter un programme ambitieux et différenciant. Les premiers essaient d’exister entre centre et extrême droite, mais on a du mal à comprendre ce qu’ils veulent dire.
Les seconds sont noyés dans un NFP où ils semblent servir la soupe à Jean-Luc Mélanchon même si leur position vis-à-vis du programme LFI est tout sauf homogène.
Malgré ce flou côté Assemblée Nationale, PS et LR demeurent les principales forces politiques à Bruxelles, dans les collectivités locales et dans les administrations centrales. Ils ne gouvernent pas, mais ils font tourner la boutique.
La France Insoumise
C’est un mouvement (et non un parti politique) lancé par l’ex-socialiste Jean-Luc Mélenchon en 2016. Il est porté par l’ambition de renverser la table. Constatant que les partis historiques ont plus à perdre qu’à gagner, il prône - à l’origine - une réforme constitutionnelle qui conduirait à l’avènement de la VIè République.
Pour y parvenir, deux possibilités.
Mélenchon Président !
La possibilité avouable et publique, c’est que Mélenchon soit élu Président de la République. Et toute la stratégie de LFI porte cet objectif.
Cependant, l’Histoire de France nous apprend que les changements constitutionnels ne sont pas le fruit d’une négociation parlementaire en temps calme, mais d’une chute de régime liée à un épisode de révolution, ou de guerre civile.
Révolution !
L’autre but poursuivi par LFI, c’est d’attiser la colère et de créer les conditions d’un conflit civil. C’est cette stratégie qui explique
Le recrutement de députés agressifs, violents et atypiques dont les excès sont encouragés.
Le soutien de LFI aux déclarations, même les plus choquantes, de leurs représentants à l’Assemblée Nationale et au Parlement européen.
LFI n’est pas un parti de gouvernement
L’objectif des Insoumis “historiques” n’est pas de s’impliquer à toutes les strates de l’Etat comme l’ont fait les socialistes ou les gaullistes. Il est d’accéder le plus rapidement possible au pouvoir suprême.
Cependant, ce but n’est que celui de Mélanchon soutenu par son fan-club. D’autres Insoumis, ou ex-Insoumis, s’ils se sont engagés sur un désir de briser le consensus et de “gauchir” la politique du pays, sont en désaccord sur la méthode et aspirent plutôt à s’impliquer dans les institutions actuelles.
Il y a donc deux familles d’Insoumis :
Les ultras qui veulent faire la révolution par les urnes ou par la rue.
Les modérés qui cherchent à gouverner sans attendre Le Grand Soir.
Le Rassemblement National
Parti politique aux origines sulfureuses créé en 1972 par Jean-Marie Le Pen, le Front National est la version “national populiste” des Insoumis : un mouvement dont l’objectif n’est pas de gouverner, mais de dénoncer.
Rebaptisé Rassemblement National en 2018, le parti essaye de rentrer dans le rang et veut faire oublier son passé et son passif. Il cherche à démontrer que son temps de gouverner est venu. Qu’il veut le faire. Qu’il peut le faire.
Battu par le Front Républicain aux dernières législatives, le RN se positionne dans l’opposition. Cette stratégie lui donne les coudées franches pour dénoncer les tactiques et les abus dont ses adversaires se rendront nécessairement coupables.
Elle permet aussi aux députés marinistes de se consacrer pleinement à la seule tâche qui leur semble importante : renforcer leur emprise locale afin de prendre un maximum de municipalités en 2026.
C’est cette stratégie de terrain que Marine Le Pen emploie depuis des années pour accroître son influence, canton après canton.
La macronie
Bien qu’ayant reconnu la défaite de sa formation politique lors de son allocution télévisée du 23 juillet, Emmanuel Macron n’a pas l’intention de laisser ses opposants gouverner.
Il cherche à construire son “Arc Républicain”, avec tous les partis qui ne sont pas aux extrêmes. La situation semblait bloquée avant les JO, mais le PR compte, je l’ai dit, sur un succès planétaire pour redorer sa médaille.
L’effet rebond ?
Macron espère sans doute bénéficier du même effet rebond que Jacques Chirac après la victoire de la France à la coupe du monde de foot de 1998. Grâce à une habile opération de récupération, Chirac avait bénéficié d’un sursaut de sa cote de popularité de 18 points.
En outre, le PR avait profité de cet événement pour glorifier les valeurs fondatrices de notre nation :
Un sentiment de fierté nationale : Chirac a su capitaliser sur l'euphorie collective en rendant hommage à l'équipe "tricolore et multicolore", soulignant l'unité et la diversité de la France.
Un message d'intégration : Le président a utilisé cette victoire pour promouvoir un message de cohésion sociale et d'intégration, en mettant en avant la composition multiculturelle de l'équipe française.
Une position contre le racisme : Chirac a profité de cette occasion pour mettre en garde contre les politiques discriminatoires et pour critiquer implicitement l'extrême droite.
Un regain de confiance économique : Bien que l'impact économique direct ait été limité, la victoire a contribué à un sentiment général d'optimisme et de confiance dans le pays.
Les retours dithyrambiques sur la cérémonie d’ouverture laissent présager un effet similaire, surtout si l’équipe de com du Président fait le nécessaire pour.
On parie que c’est dans les tuyaux ?
Les écologistes
Dans un monde où l’écologie est une grande cause nationale pour une majorité d’Etats, c’est devenu un sujet pour la plupart des formations politiques. Les partis écologistes doivent donc “laver plus blanc” et se radicaliser pour justifier leur existence.
À gauche toutes !!
Et cette radicalisation se fait vers la gauche extrême de l’échiquier, au risque de se confondre avec le parti qui occupe déjà cette case, LFI. Selon moi, leur programme n’est pas assez caractéristique pour être remarquable. Il l’est d’autant moins qu’il va bien au-delà de la simple “écologie” politique, validant toutes les radicalités dès lors qu’elles contribuent à défendre “La Planète”.
Il y a cependant un monde entre les excès médiatiques des représentants nationaux (Sandrine Rousseau, Marine Tondelier) et l’action de terrain qui, tout en étant radicale et de gauche, met vraiment en action des démarches écologistes.
Cependant, d’autres villes, qui ne sont pas tenues par des écolos, mettant aussi de tels programmes en œuvre, il est vraiment difficile de mesurer l’impact réel de l’écologie politique.
Mais surtout, il est très complexe de comprendre son rôle à l’Assemblée Nationale, compte tenu de ses accointances fortes avec LFI et du ralliement récent des ex-LFI François Ruffin, Clémentine Autain, Alexis Corbière au groupe parlementaire écolo.
En 2024, de quoi “les écologistes” est-il le nom ?
Les communistes
Les 10 députés communistes jouent un rôle inversement proportionnel à leur faible représentativité. À l’Assemblée Nationale et dans la communication, les Communistes occupent une place stratégique, médiatrice. Ils incarnent une version sage et “institutionnelle” de la gauche extrême et ils sont moins soupçonnés de vouloir rejoindre la macronie que les socialistes.
Cette représentation nationale reflète souvent des ancrages locaux profonds.
Et donc, même s’ils ne sont pas très nombreux, même s’il est difficile de comprendre leur programme, les communistes peuvent être des relais locaux intéressants.
Transition
Je viens de vous donner ma grille de lecture macro. Pour bien l’utiliser, vous devez nuancer les évaluations globales.
D’une part, l’affiner selon vos objectifs avec la prise en compte des forces locales (CD, Municipalités), des institutions étatiques intéressantes pour votre projet (CNSA, ARS) et des autres corporations qui pourraient être utiles (syndicats, fédérations, corporations, associations, etc.).
D’autre part, en identifiant précisément les élus les plus pertinents pour vous, votre projet, votre besoin.
Enfin, en essayant de comprendre plus finement ces personnes. Sont-elles vraiment dans la ligne du parti ou bien ont-elles une vision plus particulière de la politique ?
C’est pourquoi, au-delà d’une analyse globale de chaque parti, vous devez utiliser un filtre pour trouver les personnes ad hoc.
Voici trois axes d’analyse complémentaires qui vous aideront à affiner votre cartographie et identifier les bons relais d’influence.
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