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Maintien à domicile : Les Etats-Unis sont-ils meilleurs que nous ?
Veille média US | Jet Health | Atouts du local | HAD | Take Care
J’entame aujourd’hui une série de 2 dossiers où je vais comparer les modèles américains et français de service à domicile. C’est en lisant un article de Bloomberg consacré à la start-up Papa que j’ai écrit l’analyse que vous lirez la semaine prochaine.
Je m’y interroge sur les limites d’un modèle uberisé où une entreprise pilote une activité étendue sur tout le territoire depuis un siège social unique, en ayant recours à des auto-entrepreneur peu formés et mal encadrés pour assurer la mission.
Mais cette semaine, je mets les pieds dans le plat en m’interrogeant sur le mindset des acteurs du médico-social.
Un sujet épineux
Le sujet est épineux, car mon objectif n’est pas de comparer les mérites relatifs des différents acteurs, ni de me les mettre à dos… D’autant plus que certains sont aussi mes clients !
Non, rassurez-vous, mesdames et messieurs, je ne vais pas vous faire un bis repetita des Fossoyeurs !
Inspiration matinale
Ce matin, en faisant ma veille, j’ai lu un article captivant qui détaille les objectifs de croissance d’une société de services à la personne texane.
Ce qui m’a marqué, ce n’est pas le service, relativement semblable à celui que nous connaissons en France, mais la stratégie commerciale agressive et la façon dont le journaliste la présente.
Il emploie une grille de lecture familière aux lecteurs de la presse business, mais beaucoup moins aux abonnés des ASH, du Média Social ou du Mensuel des Maisons de Retraite.
La grille de lecture de la presse médico-sociale
En effet, ces médias - excellents par ailleurs - emploient une grille de lecture politico-administrative. Ils se concentrent sur les relations entre pouvoirs publics et acteurs médico-sociaux, l’évolution de la réglementation, les problèmes de leurs bénéficiaires avec une approche très psycho-sociale des besoins et des réponses qui y sont apportées.
Outre Atlantique - en tout cas dans l’article que je vous présente et le média qui l’a publié - on aborde la question sous un angle bien plus business.
Et c’est ce qui m’a marqué, car je ne suis pas habitué à lire des articles de cette trempe sur un secteur que je connais assez bien par ailleurs.
Lire l’article : Aligning Incentives: Jet Health’s New CEO Building Strategy Around Managed Care, At-Risk Provider Groups (en anglais)
De quoi ça parle
En synthèse, l’article part d’une interview du nouveau CEO de Jet Health, Larry Nabb.
Larry Nabb veut conduire Jet Health vers une nouvelle ère. Il a déjà commencé après avoir été nommé PDG à la fin du mois de mai.
Jet Health est une entreprise de soins post-aigus basée à Fort Worth, au Texas, qui propose des services de soins à domicile, de soins palliatifs et de soins personnels au Texas, au Nouveau-Mexique, au Colorado et en Idaho. La société est soutenue par les sociétés de capital-investissement SV Health Investors et Health Enterprise Partners.
"Jet Health 3.0", comme Nabb aime appeler cette dernière phase de développement de l'entreprise, est axé sur la croissance organique.
Alors que Jet Health a autrefois consolidé sa position en étant optimiste sur les fusions et acquisitions (F&A), il est maintenant axé sur la formation de partenariats avec les organisations d'avantages Medicare (MA) et les groupes de fournisseurs qui portent des risques. Nabb considère ce dernier comme une occasion de croissance négligée dans l'espace des soins post-aigus.
Home Health Care News a récemment rencontré Nabb pour en savoir plus. Au cours de la conversation, il a évoqué ses objectifs globaux pour Jet Health et a partagé pourquoi son expérience en tant qu'ancien cadre dans le domaine des soins gérés serait un atout pour l'entreprise à l'avenir.
Pourquoi c’est intéressant
C’est une entreprise qui s’est construite sur de la croissance externe (fusions et acquisitions). Une fois son noyau constitué, elle a standardisé ses processus et uniformisé son organisation afin de délivrer un service homogène à tous ses clients.
À présent, elle cherche des axes de développements et veut privilégier les partenariats avec les professionnels de santé, notamment les hôpitaux, pour intégrer son service dans un parcours de soins.
Son objectif est de développer des canaux d’acquisition organique de long terme, en passant par des réseaux de prescripteurs.
La société cherche aussi à développer des prestations qui puissent être prises en charge par le programme de santé Medicare.
Ce dispositif de prise en charge des frais de santé pour les retraités s’est ouvert depuis 2021 à la prise en charge de prestations en nature. Depuis, le nombre de prestations non médicales au sens propre prises en charge par Medicare via les différents assureurs explose littéralement.
Le nombre de polices d’assurance complémentaires préventives de la perte d’autonomie a été multiplié par 3 entre 2020 et 2022.
Pour résumer, Jet Health ne reste pas les deux pieds dans le même sabot.
Ce dont on ne parle pas
Mais un autre point intéressant, surtout quand on est familier du médico-social français, c’est que la question du financement public n’est pas centrale dans l’article. Pas plus que le problème de recrutement.
En bref, c’est un article très différent de ceux que nous pouvons lire en France sur le sujet. Et ça fait du bien.
Cela fait tellement de bien qu’on se demande pourquoi la presse spécialisée en France ne parle pas de cette façon.
Nous aussi, nous avons des entreprises innovantes.
Nous aussi, nous avons des dirigeants de société audacieux.
Nous aussi, nous avons des idées, des partenariats, des approches qui ne se concentrent pas uniquement sur la recherche de subventions.
Alors pour quelle raison est-ce que ces approches sont absentes des médias hexagonaux sur ces thématiques ?
Pourquoi ce secteur sent-il la naphtaline ?
Pourquoi est-ce que - vu de l’extérieur - le médico-social est aussi peu attractif, ce qui explique en partie qu’il ait autant de mal à recruter des intervenants ?
Alors que la moindre start-up qui lève 300 000 euros dans la Silver économie sans avoir un business model structuré ou un impact social avéré va susciter des gorges chaudes ?
On ne va pas réveillonner sur un obscur SAAD texan, mais je voudrais approfondir 2 points intéressants dans l’argumentaire du CEO.
#1 Think global, act local
Le premier, c’est quand il affirme que le développement d’un service à la personne doit nécessairement être local.
C’est à mon avis un point central pour les SAAD, mais aussi pour tous les services médico-sociaux ainsi que pour tous les acteurs de la Silver économie. Au fil de mes rencontres, de mes réflexions et de mes missions auprès des clients de Sweet Home, j’ai acquis la conviction que l’enjeu clé de notre secteur, c’est d’agir localement avec les acteurs de terrain, en développant des solutions locales qui répondent aux enjeux locaux.
Et donc, être un acteur de terrain ou bien un acteur national avec des antennes de terrain pour accompagner les parties prenantes locales, les écouter et les aider en créant une prestation sur mesure.
Dans l’habitat alternatif, les acteurs qui ont adopté cette stratégie sont ceux qui marquent des points.
Ce que je présente dans le dossier plébiscité par la profession que j’ai consacré aux béguinages et dont je vous recommande chaudement la lecture.
🧐 Etude de marché : Habitat participatif et béguinages
Le béguinage vs les RSS
Et c’est là la différence majeure avec les promoteurs qui développent de la résidence services seniors à tour de bras en misant sur la spéculation financière de court terme plutôt que sur la contribution du lieu au territoire d’implantation.
Je reviendrai sur cette question dans le dossier consacré aux résidences services seniors que je publierai le 12 juillet prochain, en partenariat avec Xerfi.
Les atouts des acteurs implantés localement
Et donc, un SAAD local, implanté sur son territoire tout comme un Ehpad pourraient jouer le rôle de plateforme, de conciergerie ou de service relais pour répondre à des besoins plus larges que ceux qu’ils gèrent aujourd’hui.
Pensons au-delà des murs et des règles.
Imaginons ce que ces institutions locales pourraient apporter comme service au territoire, dans un contexte de vieillissement.
#2 Chaîne de valeurs et parcours de soin
Le deuxième point d’intérêt dans l’article sur Jet Health, c’est cette stratégie que poursuit la marque en cherchant à s’inclure dans un parcours de soins. Le but étant d’offrir une réponse complémentaire à l’hôpital.
Si vous souhaitez approfondir, je vous recommande un deuxième article que j’ai lu ce matin et qui présente cette fois-ci, toujours aux Etats-Unis et avec la même approche business, un service d’hospitalisation à domicile qui ambitionne de se développer en partenariat avec les hôpitaux.
Oui, mais la HAD, on connait ça en France !
L’hospitalisation à domicile est connue en France, mais peine à atteindre un résultat significatif, comme ces quelques chiffres officiels vont vous le montrer. Ils portent sur l’année 2019.
Cette année là, on enregistre :
128 000 patients en HAD
285 établissements proposant de l’HAD
C’est bien, non ?
Et bien… pas quand on fait le rapprochement avec l’hospitalisation à l’hôpital où, pour l’année 2019 on comptabilise :
11,7 millions de séjours et 123 millions de journées d’hospitalisation
3008 structures
Sources : HAD et établissement
Et donc, on ne peut que se demander pourquoi une offre aussi intéressante que l’hospitalisation à domicile obtient des résultats aussi faibles ? La réponse n’est pas unique, mais selon les analyses il semble que le problème soit :
La complexité de mise en place pour coordonner les acteurs (soignants, para-médical, administratif, famille)
La volonté politique au niveau territorial
Le manque de personnel dans ces secteurs
Et justement sur ce point, j’aimerais vous présenter un jeune entrepreneur bourré de talent qui souhaite lancer un service pour aider les infirmières à passer en libéral.
Aidons les infirmières !
La semaine dernière, j’ai fait la connaissance d’Ahmad Chamseddine, un entrepreneur qui souhaite développer un service de facilitation pour aider les infirmières souhaitant passer de l’hôpital à la ville. Ce qui m’a bluffé dans son analyse, c’est qu’il a vraiment mis les mains dans le moteur, en étudiant dans le détail le problème vu par les infirmières, ce qui est assez rare pour être souligné.
Voici ce qu’il m’a expliqué.
Le marché des soins à domicile est en pleine expansion, mais il se heurte à de nombreux obstacles. Et vu la croissance de la demande et la diminution de l’offre, il est urgent de trouver des solutions pour rééquilibrer le marché.
Des infirmières quittent l’hôpital tous les jours, mais peu passent en libéral, alors que beaucoup sont venues à ce métier par passion, par vocation.
De nombreux obstacles administratifs se dressent sur la route des infirmières qui souhaitent travailler à domicile. Elles ne sont pas formées pour cela, et une infirmière qui pratique 100% à domicile a l'obligation d'avoir un cabinet physique, ce qui peut entraîner des déserts médicaux infirmiers sur les territoires où les loyers sont élevés. De plus, l’infirmière devra entreprendre des démarches auprès de la CPAM, de l'Ordre ou de l'URSSAF et il n’existe aucune centralisation, aucun accompagnement et très peu de conseils.
Enfin, le métier d'infirmier à domicile est très chronophage car les démarches administratives demandent 30 minutes par jour + 1/2 journée par mois. C’est le prix à payer pour recevoir l’intégralité d’une rémunération versée par l’Assurance Maladie.
Pour résoudre ces problèmes, une solution pourrait être de créer des cabinets full stack qui fournissent tous les services de back office, digital et humain. Cette solution permettrait de simplifier la vie des infirmières libérales en leur offrant des outils adaptés à leur métier unique.
C’est le projet porté par Ahmad. Et je l’ai trouvé tellement intelligent que j’ai eu envie de vous le présenter. L’actualité de cette semaine m’a donné une bonne raison de le faire et je suis heureux d’avoir pu vous partage un problème, son analyse et une solution pour y répondre en partie.
Merci pour votre attention
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Maintien à domicile : Les Etats-Unis sont-ils meilleurs que nous ?
J'ai du retard dans les newsletters de Longévité, j'aime les lire le week-end à tête reposée mais j'ai pas eu cette opportunité ce mois de juin, alors j'ai l'intention de rattraper mon retard aujourd'hui.
J'ai commencé par celle-ci et 😱 quelle pépite ! ♥️ 2 découvertes de boîtes que je trouve géniale, la découverte d'Ahmad😍qui porte un projet sur lequel j'ai réfléchi longuement mais qui pour différentes raisons n'a pas abouti.
Pour ce qui est de l'aide à domicile, j'ai un projet dans les tuyaux, et l'idée de bosser en direct avec les hôpitaux est une idée de génie que je vais creuser !😁🙏
Je vais réussir à faire mon Buurtzorg Frenchy ! 😁
Étant bénéficiaire depuis 5 ans des services d'aide à domicile, j'aurai beaucoup à dire sur le sujet concernant ce qui ne va pas mais c'est un peu fouillis dans ma tête, je ne sais pas trop par quoi commencer.
Je me contenterai donc de vous remercier pour cette newsletter que j'ai adoré, et je file lire le reste ! 🙏
Bon dimanche ☺️
Super cette dernière newsletter.
J'ai eu le plaisir de la lire en parti avec l'œil de Charly, et l'autre avec ma casquette de kiné libéral.
C'est un super projet TakeCare. L'avenir du libéral pour les auxiliaires médicaux (inf., kinés, podologues, orthophonistes, ....) c'est effectivement de se regrouper pour mutualiser les frais fixes, et développer une boite qui fourni ce service clef en main c'est assez malin.
J'ai pas très bien compris le modèle économique du volet entreprises et établissements de santé.
(Petite parenthèse, les services d'HAD sont de véritables catastrophes d'organisation, qui ne servent à rien d'autre que détourner le travail du généraliste qui est tout à fait en mesure d'orchestrer les soins à domicile, si tant est qu'il puisse s'appuyer sur des professionnels libéraux solides. Perso, je refuse systématiquement toute collaboration avec l'HAD.)
Je vois pas bien comment augmenter le nombres de libéraux sans déshabiller l'hôpital, sachant que l'hôpital n'est pas lui même en excès de personnel. On sait que la formation d'un auxiliaire médical prend de 4 à 5 ans. On manque cruellement de personnel, et on en manque autant dans le privé que dans le public.
Donc, ou on trouve les 1274 infirmiers à installer dans les 17 centres prévus en 2027 ?
Je crois pas vraiment à la pompe aspirante que ces structures génèreraient, surtout si ces centres sont installés dans des zones sous-dotées qui le sont rarement par hasard. (pourquoi pas dans celles qui le sont pour des raisons de prix de l'immobilier prohibitifs)
Est-ce que rajouter un service d'aide à l'immigration (administratif, logement, ...) ne serait pas une solution pour aider à repeupler les zones sous-dotées.
J'ai aussi une remarque sur l'organisation de ces structures hébergeantes, comment offrir (projections 2027) une capacité de travail sur place, si on a 17 centres, cela fait 75 infirmiers par centre. La promesse d'une salle de soin me parait peu réaliste (bon, ok, très très peu de soins libéraux sont réalisés en cabinet).
Et pourquoi se concentrer sur les infirmiers plutôt que de développer des maisons de santé pluridisciplinaires avec une offre de soins globale mieux à même de gérer les retours d'hospi ou les prises en charge de fins de vie à domicile.
Faudra aussi faire attention à ne pas générer trop de turnover dans les prises en charge, les patients n'aiment pas changer de soignant trop souvent. Même si la qualité technique des soins est préservée, on y perd un peu la dimension humaine.
Mais je suis confiant sur l'avenir de TakeCare, je leur souhaite bonne route, et le jour ou ils descendent dans le sud-est, je serai ravi de donner un coup de main si je peux.