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De quoi les acteurs de la Silver économie ont-ils besoin pour grandir ?
Découvrez les 3 défis majeurs que doivent relever les acteurs de la Silver économie pour grandir
Mon antépénultième dossier consacré à l’étude Xerfi sur les métiers du grand âge a remporté un vif succès que j’ai envie de partager avec vous, car vous en êtes les artisans.
Ouverte par 42% des 1987 abonnés, la newsletter a été lue 2196 fois. Elle a donc été lue par plus de personnes que d’abonnés alors que tous les abonnés ne l’ont pas ouverte.
C’est formidable… Parce que cela veut dire que vous avez été nombreux à la partager à votre réseau.
Je vous en remercie du fonds du ❤️
Outre les partages “pair à pair”, la newsletter a fait l’objet de 10 partages sur les réseaux sociaux.
11 personnes se sont abonnées à Longévité grâce à cette newsletter.
2 abonnés réguliers ont souscrit un abonnement Premium.
Le post LinkedIn où j’ai repris les grands enseignements de la newsletter a suscité un nombre important de réactions aussi (en nombre de vues Linkedin depuis le début de l’année, il obtient la médaille de bronze, un beau score !).
Et donc, j’en déduis que le sujet vous a plu.
Je vous propose de tirer un peu le fil de l’analyse pour voir où cela nous mène.
Les pièces sont toutes sur l’échiquier ♟️
Selon cette étude Xerfi, vous ne devez pas vous attendre à des bouleversements majeurs sur l’échiquier de la Silver économie. Les acteurs qui feront demain sont déjà en place.
ChatGPT ne va pas révolutionner notre secteur.
Enfin, si.
Aparté sur ChatGPT et les start-up 🚀
L’IA en général et le moteur GPT en particulier vont révolutionner notre secteur, je pense. Mais cela ne fera pas émerger de nouveaux acteurs avec une offre qui n’existe pas du tout aujourd’hui.
Les IA vont aider les acteurs en place à être plus efficients.
D’ailleurs, vous le voyez bien en observant les start-up de la Silver économie, ou les start-up en général.
Les jeunes pousses pleines de sève et d’ambition ne réinventent pas la roue
Elles améliorent un produit ou un service qui existe déjà, pour en faire une version plus efficiente, plus dans l’air du temps. Et même si elles se mangent un mur sur le parcours, elles peuvent se targuer d’avoir contribué à faire avancer le schmilblick.
SpaceX n’a pas inventé le voyage dans l’espace, mais fabrique des fusées plus rentables. Ce qui contribue à diviser le coût d’un lancement par 100.
Uber n’a pas inventé le transport de passagers, mais montré les carences de l’offre des taxis. Ce qui contribue à obliger la profession à se moderniser et se réinventer… Ou à disparaître.
AirBnB n’a pas imposé un nouveau mode de séjour, ils se sont contentés de développer une plateforme plus efficiente que les concurrents.
Les vraies innovations de rupture, comme le smartphone, la fermeture éclair ou le Black Metal sont en fin de compte assez rares et ce n’est pas de ce côté-ci que nous devons tourner notre regard si nous voulons rêver l’adaptation de la société au vieillissement.

Et pourquoi, Maître Capello ?
Et bien, à mon avis, pour 3 raisons.
Primo : Nous ne sommes pas confrontés à un problème simple, mais à un “putain de problème”.
Pardonnez ma grossièreté, mais c’est la meilleure traduction que j’ai trouvée au terme “wicked problem” dont je m’apprête à vous parler.
J’ai déniché ces informations sur la page (en anglais) que Wikipédia consacre au sujet1.
Une idée ou un problème qui ne peut pas être résolu, pour lequel il n'y a pas de solution unique.
La page Wikipédia est un peu perchée et je vais vous en simplifier la lecture en vous donnant les 5 règles qui qualifient ce type de problème :
Il n'y a pas de formulation définitive d'un putain de problème.
Les solutions ne sont pas vraies ou fausses, mais meilleures ou pires.
Chaque putain de problème peut être considéré comme un symptôme d'un autre problème.
Le problème n'est pas compris avant la formulation d'une solution.
Les putains de problèmes n'ont pas de règle d'arrêt.
Les cas classiques de ce type de problèmes sont à rechercher dans les crises environnementales, sociales ou politiques.
Exemples d’actualité :
Le réchauffement climatique
La réforme des retraites
Les déserts médicaux
L’attractivité dans les services à la personne2
Messie : passe ton chemin ❌
Ce qui est intéressant avec ce type de problème, c’est qu’il n’est pas résolu par l’arrivée d’une start-up messianique qui va tout régler d’un coup de baguette magique, même si elle a levé 100 millions ou fait le buzz chez Qui Veut Etre Mon Associé.
Non, la résolution - partielle, vous l’aurez compris - de ce type de problème passe par un travail conjoint entre des parties prenantes disparates, comme nous en côtoyons dans la Silver économie :
Des décideurs politiques qui vont faire changer les lois
Des concurrents qui vont se challenger pour faire évoluer le marché
Des organismes fédérateurs, qui vont chercher à organiser le chaos et faire avancer le schmilblick.
Dans une très bonne newsletter Substack (en anglais) l’entrepreneur australien Stephen Johnson analyse le sujet du putain de problème3 et imagine un dispositif d’investissement qui serait à sa mesure. Un dispositif qui s’appelle l’investissement systémique. Et dont je m’apprête à vous parler dans mon second point de divergence entre la Silver éco et le reste du monde.

Deuxio : nous avons besoin d’investissements systémiques 💰
A quoi ressemble le paysage de l’investissement privé aujourd’hui ?
Les investisseurs en capital-risque recherchent des rendements financiers significatifs (pour équilibrer les autres échecs du portefeuille),
Les investisseurs à impact peuvent avoir des objectifs explicites en matière de mesures non financières, mais qui sont généralement mesurables.
Les investisseurs systémiques ciblent explicitement des rendements non financiers, mais se préoccupent moins de leur mesurabilité.
L'investissement systémique engage le secteur financier à financer des projets d'impact collaboratifs axés sur les résultats, dans le but de produire des impacts économiques, technologiques et sociétaux positifs profonds et durables.
Ainsi, en détail :
Le secteur financier englobe l'ensemble de l’investissement des investisseurs individuels et des spéculateurs en cryptomonnaies, aux philanthropes, aux investisseurs financiers à valeur nette élevée, aux organismes sans but lucratif, aux fondations, aux investisseurs d'impact, aux investisseurs en capital-risque et aux fonds de pension.
Le financement de projets d'impact collaboratifs axés sur les résultats peut être de petite envergure - tels qu'un projet de recherche universitaire - ou une importante allocation de capital pour une start-up en phase finale dans le cadre d'une collaboration plus mature.
Ces collaborations sont axées sur les résultats. Elles sont conçues pour valider une hypothèse et capturer des données tout au long du processus. Mais ce résultat peut être tout ce qui est nécessaire pour lever les barrières. Des percées technologiques et des start-up, bien sûr, mais aussi de nouvelles mesures politiques, des coalitions pour construire l'interopérabilité et les normes ou le changement de comportement.
Ce capital est investi avec l'intention explicite de produire un changement systémique positif, comme objectif principal pour mettre en œuvre des changements dans l'économie réelle, et non comme effet réel d'un succès financier.
L'investissement systémique doit servir à changer le système.
Système délimité en fonction de la capacité d’action des parties prenantes. Par exemple, “une meilleure nutrition pour les personnes atteintes de démence” pourrait être un système. Il pourrait inclure la "prise en charge des patients atteints de démence" ou plus largement encore, le "maintien des personnes à domicile plus longtemps".
Parties prenantes
Le monde financier se concentre sur le "marché" et considère les externalités comme quelque chose que vous payez des impôts pour les faire disparaître.
Les investisseurs d'impact examinent également ceux qui sont impactés par les externalités et cherchent à accentuer le positif et à réduire le négatif.
L'investissement systémique reconnaît explicitement la présence de plusieurs parties prenantes impliquées dans le changement de systèmes.
Capital et actif
Les entreprises de capital-risque et les entreprises d'impact opèrent généralement à un seul stade (surtout dans l'espace du vieillissement), bien que certaines grandes entreprises investissent de la phase de démarrage à la phase finale. Ils s'adressent aux entreprises - une à la fois.
Les investisseurs systémiques s'adressent aux idées et ont pour objectif de les faire croître en des efforts de changement de systèmes collaboratifs.
Une différence cruciale des investisseurs systémiques est qu'ils soutiennent un ensemble - un portefeuille stratégique - de produits et de services qui, ensemble, répondent à la mission identifiée. Les entreprises individuelles devraient réussir et pourraient également être introduites en bourse via ce processus.
Pour aller plus loin sur les impacts financiers de cette approche, je vous recommande la newsletter susmentionnée dont vous trouvez l’adresse dans l’annexe en bas de page.
Et donc ?
Aujourd’hui, de tels financements ne sont pas activés dans la Silver économie.
Ce qui nous ramène à notre premier point et à la nécessité de travailler en réseaux, histoire de contrebalancer l’absence de financements systémiques.
Car tout souhaitable que soit un meilleur investissement VC dans la Silver économie, il ne suffira pas à faire changer la société.
Car - et c’est mon troisième point - on ne change pas les paradigmes avec de l’innovation, mais avec des histoires.
Tertio : on a besoin d’un nouveau narratif 📜
Les Français qui s’opposent à la réforme des retraites manifestent depuis des mois. Ils défendent le droit de profiter de leur retraite, car la retraite est perçue - à tort ou raison - comme un moment où l’on va profiter de la vie.
Ce narratif existe depuis le milieu des années 1960. Depuis le moment où des forces convergentes ont transformé la retraite en âge d’or.
Notre vision actuelle de la retraite est si profondément ancrée qu'elle est considérée comme une étape de la vie au même titre que le milieu de la vie et l'enfance.
Pendant ce temps, 67% des travailleurs ont déclaré en 2015 qu'ils prévoyaient de « travailler pour un salaire à la retraite », une contradiction apparente qui montre à quel point nous sommes confus sur ce qu'est vraiment la retraite. Une partie du problème est que la retraite n'est pas en réalité une chose, mais deux.
Premièrement, c'est la cessation (ou la réduction) du travail, généralement vers l'âge de 65 ans. Et deuxièmement, c'est ce que vous faites ensuite - l'attente étant la poursuite d'activités de loisirs. Dans notre idée actuelle de la retraite, la normalisation de la première a conduit à celle de la seconde. - Joseph. F. Coughlin
Dans son ouvrage consacré à l’économie de la longévité, Joseph F.Coughlin retrace l’histoire du Golden Age4, équivalent à ce que nous avons appelé le troisième âge en France.
Je vous reprends le passage de son livre car il est édifiant.
L’auteur a commencé par raconter comment les régimes de retraite se sont développés pour apporter un secours financier aux travailleurs mis sur la touche à cause de leur âge, mais qui avaient perdu une raison d’être, un sentiment d’utilité.
Extrait de Joseph F. Coughlin consacré au Golden Age
(..) À la frontière de la vie de retraite, il y avait maintenant des habitants mais pas d'institutions ou d'instructions sur comment vivre, aucun rôle de production économique pour différencier un retraité de l'autre, et rien pour leur dire quoi faire de leur temps.
Mais si la vie de retraite semblait n'avoir aucun but naturel, peut-être pourrait-on en inventer un. "Peut-être", a déclaré l'historien de la technologie Lynn White Jr., en tant que président d'un groupe de discussion sur la retraite organisé par la Corning Corporation en 1951, "devons-nous rendre le loisir plus glamour que nous ne l'avons jamais fait."
Et c'est exactement ce que le secteur privé a fait. Les compagnies d'assurances, parmi les premières à vendre des produits financiers de retraite, ont peint un tableau idyllique de ce que pourrait être la vie de retraité.
Comme l'indiquait une publicité de journal de 1950 : "Aujourd'hui, l'enfant moyen à la naissance peut s'attendre à vivre dix-huit ans de plus que son grand-père. Ces années seront-elles parmi les meilleures de votre vie... ou manquerez-vous votre chance de réaliser votre rêve ?" Figurativement et littéralement, les employeurs (en particulier les compagnies d'assurances elles-mêmes) et les individus ont acheté ce que les assureurs vendaient. Mais encore, la terminologie d'une nouvelle vision positive de la retraite manquait d'un certain quelque chose d'indescriptible.
Graebner écrit : "Les éditeurs de Retirement Planning News ont choisi le premier numéro, publié en 1956, pour exprimer leur mécontentement à l'égard du mot retraite, car il était « susceptible de signifier la retraite de la vie, un retrait du monde actif ».
Pourquoi ne pas l'appeler « les années d'accomplissement » ?"
Pourquoi pas en effet ?
Parce que vivre « les années d'accomplissement » sonne aussi sexy que regarder du lait cailler.
Mais le sentiment était proche - très proche - d'une vision avec un potentiel infiniment plus grand : trois mots qui peindraient la fin de la vie non pas comme la lente réunion d'un crépuscule pourpre mais plutôt comme l'explosion d'un coucher de soleil glorieux, chaud et brillant, rayonnant de rayons crépusculaires.
Le Golde Age.
Une vision qui pouvait être obtenue avec un bungalow et un terrain à Sun City, en Arizona, la première grande communauté de retraite au monde, moyennant un petit acompte à un certain Delbert Webb, son constructeur. La destination de type complexe hôtelier, qui a commencé à vendre des maisons le 1er janvier 1960, représentait une nouvelle façon de penser à la retraite : non pas comme quelque chose de mal que votre patron vous a fait subir, ou un limbo sans but avant la mort, mais plutôt comme une récompense bien méritée pour une longue et dure carrière. Le cadre était extrêmement séduisant. Supposément, lors de ce premier jour d'activité, Webb s'attendait à ce que 10 000 acheteurs potentiels visitent la communauté. Cent mille personnes se sont présentées, causant un embouteillage qui s'étendait loin dans le désert.
Avec l'invention du Golden Age, une retraite heureuse est devenue quelque chose que les consommateurs paieraient et, avec les fonds fournis par la sécurité sociale et Medicare, les électeurs exigeraient. En quelques décennies, il serait devenu difficile d'envisager de suivre une carrière secondaire autre que la poursuite des loisirs.
En prenant du recul, quelle a été l'ingéniosité qui a visité Del Webb et les autres premiers architectes du mythe moderne de la retraite, tels que les vendeurs des premiers régimes de retraite ?
Ils ont compris que bien que l'âge frappe tout le monde à des moments différents et de différentes manières, la vieillesse telle que définie par le gouvernement, l'industrie et la culture était devenue monolithique et survenait à peu près au même âge, pour tout le monde.
Les personnes en bonne santé de plus de 65 ans avec de l'argent dans leurs poches n'avaient pas besoin de se reposer alors (et ils n'ont pas besoin maintenant, pour la plupart), mais ils devaient faire quelque chose, et ils paieraient pour ce privilège - pas seulement pour les loisirs, mais pour une idée cohérente de comment vivre qui avait du sens au niveau des tripes.
Webb et les autres ont pris une nouvelle vision positive de la retraite, y ont mis un bolduc et nous l'ont revendue.
Et nous l'avons achetée depuis.
Quels enseignements faut-il retirer de cette histoire d’âge d’Or ?
Vous pourriez être tenté par un parallèle avec le monde merveilleux vendu par la Silver économie. Sauf que la Silver économie ne fait pas ses choux gras sur la vente de loisirs aux seniors, mais sur les services aux personnes dépendantes.
Vous pouvez trouver cette histoire de marketing affreusement cynique, et c’est vrai. Mais on n’est pas ensemble pour enfiler des perles, n’est-ce pas ?
Non, au-delà de l’aspect mercantile de l’âge d’or, ce que je trouve intéressant avec cette histoire, c’est de constater que le narratif de la retraite heureuse s’est imposé en moins de 2 générations.
Et donc, il n’est pas impossible de développer un narratif positif autour de la longévité, de la société qui va s’adapter au vieillissement, afin d’inciter les citoyens de tous les âges à aborder le sujet du bon côté et pas - comme c’est le cas aujourd’hui - d’une façon aussi sinistre où vieillissement rime avec isolement.
Voila pourquoi la Silver économie est un monde à part, assez différent des autres filières industrielles et acteurs économiques. Mais je vois une quatrième différence dans cet écosystème, c’est la force qui nous anime, vous et moi.
Et c’est là-dessus que je vais conclure mon exposé.
Ces choses qui nous rassemblent
Depuis mon premier jour dans la Silver économie, à chaque nouvelle rencontre, je dois répondre à une question rituelle :
Pourquoi es-tu dans la Silver économie ?
Je suis sûr qu’on vous la pose aussi très souvent.
J’ai parfois un peu pesté à l’idée de justifier mon engagement, mais cette semaine j’ai compris que si nos pairs ont tant besoin de comprendre, c’est parce que nous sommes embarqués dans cette aventure pour des raisons profondes et qui convergent.
Nous avons envie de faire bouger les lignes.
Nous voyons que la situation n’est pas idéale et qu’on peut la faire évoluer en bien.
Nous croyons avoir des solutions pour contribuer à ce changement.
Et c’est pour ces raisons que je me bats chaque jour pour faire avancer ces idées et que je vous écris six fois par mois une newsletter qui doit vous aider à le faire aussi.
La société s’adaptera au vieillissement car elle n’a pas le choix.
Mais grâce à notre action conjointe, cette adaptation sera intéressante et positive.
Nous verrons un jour émerger le monde dont nous rêvons.
Et sur ces bonnes paroles, je vous donne rendez-vous dimanche prochain pour un numéro consacré à la place des femmes dans la Silver économie.
La page Wikipedia consacrée au Wicked Problem : https://en.wikipedia.org/wiki/Wicked_problem
L’attractivité dans les services à la personne est le sujet de la dernière newsletter réalisée par Sweet Home et France Silver Eco. Nous l’avons réalisée en interviewant les responsables des 6 principales fédérations professionnelles du domicile. Je vous recommande sa lecture édifiante.
La newsletter de Stephen Johnson sur l’investissement systémique :
The Longevity Economy, par Joseph F.Coughlin
De quoi les acteurs de la Silver économie ont-ils besoin pour grandir ?
What a wicked start for a Sunday❤️i m reading your post somewhere in Paris-Marais and it will inspire the rest of my stay👌