🤔 Qui en veut aux Ehpad privés commerciaux ?

Depuis l'affaire Orpéa, ils s'en prennent plein la poire 🍐

Merci Orpéa !

Depuis l’affaire Orpéa dénoncée par le reportage du journaliste Victor Castanet intitulé Les Fossoyeurs, l’écosystème médico-social privé commercial se fait encore plus vertement critiquer qu’avant la sortie du brûlot du plus célèbre journaliste indépendant du moment.

Nos détracteurs s’en donnent à cœur joie pour réclamer une renationalisation, pensant que le service public est seul à même de bien traiter les vieux.

Mauvaise foi ?

Amnésie sélective ?

Démagogie ?

Ces donneurs de leçons oublient opportunément que le privé commercial a été appelé à la rescousse d’un système à bout de souffle il y a une poignée de décennies.

Retirement house with old people walking on the yard (génération via IA, sympa non ?)

C’est bien simple, tant que le sujet a été du ressort des pouvoirs publics, c’est-à-dire entre la création de l’institution par Louis XIV et la libéralisation du secteur trois cent cinquante ans plus tard, la variable d’ajustement a toujours été le coût de la prestation. Les arbitrages entre domicile et établissement étant seulement dictés selon une logique budgétaire qui dictait également la manière dont les résidents étaient - mal - pris en charge.

À cet âge pas si lointain où l’Ehpad s’appelait encore l’hospice et où déjà les citoyens âgés n’y allaient qu’à reculons, le délai moyen d’admission tournait autour de 5 ans et la saturation des établissements entraînait une dégradation monstrueuse des conditions d’accueil.

On peut critiquer le coût de l’Ehpad privé commercial, oui. Mais il faut être d’une mauvaise foi crasse pour considérer que le service public fait obligatoirement mieux le job que le privé.

C’est vrai, l’affaire Orpéa a révélé des anomalies criantes dans la gestion de cet organisme. Mais tous les établissements privés commerciaux de France ne doivent pas être dénigrés à cause d’un vilain petit canard.

Il faut savoir proportion garder.

Et cette nuance, nous devons l’appliquer à l’écosystème qui gravite autour de l’Ehpad et de l’aide à domicile. Écosystème qui s’est structuré depuis une cinquantaine d’années, créant les fondations de ce que nous appelons aujourd’hui la Silver économie.

Or, depuis la sortie très médiatisée du brûlot de Castanet, cet écosystème se fait écharper avec la même constance que l’Ehpad, par les mêmes donneurs de leçons et avec la même intention.

Un Canard en colère 🦆

Cette semaine, c’est au tour des comparateurs et annuaires de la Silver économie de se faire étriller par le Canard Enchainé (édition du 12.4.23).

Intitulé “une profession très lucrative, courtier en petits vieux”, l’article du Canard prend moult raccourcis pour décrire l’activité de ces sites internet censés faciliter la recherche d’établissements à des personnes qui doivent placer un parent en Ehpad, le plus souvent dans l’urgence.

Un canard très en colère (encore un dessin généré par IA. Il manque un bras et le bec est vraiment très étrange).

Business model : la vente de lead

Un lead = un client potentiel

Se présentant comme des annuaires ou des comparateurs, ces services collectent les informations sur les demandeurs et les transmettent à des établissements, se faisant rémunérer à la commission, soit sur l’acquisition, soit sur la conversion.

Les comparateurs - annuaires ont trois enjeux :

• Inspirer confiance en donnant un maximum d’information,

• Créer du contenu de qualité afin de se positionner sur tous les mots-clés pour apparaître en tête des résultats Google,

• Inciter les visiteurs à lâcher un max d’info et surtout une adresse e-mail et un numéro de téléphone.

Deux informations que les sites transmettent à leurs clients, lesquels vont vous contacter afin de vous proposer une visite de leur établissement.

Pourquoi ces sites existent-ils ?

• Parce qu’une demande existe ;

• Parce que des gens qui cherchent une place ne savent pas où la chercher ;

• Parce que les groupes d’Ehpad ne savent pas vendre et qu’ils ne sont pas doués en marketing ;

• Parce que les critères de choix d’un Ehpad ne sont pas qualitatifs, mais géographiques ;

• Parce que la recherche se fait dans l’urgence ;

• Parce que les Ehpad ont besoin de remplir, ils ne peuvent pas se permettre d’avoir de la vacance. Le coût d’un lit vide est trop important et donc les structures doivent faire le plein ;

• Parce que la majorité des familles ne veulent pas payer un courtier qui ferait cette recherche à leur place.

Et donc, je m’étonne qu’un journaliste ayant un peu bossé le sujet tombe à bras raccourcis sur un système présent depuis des lustres dans la Silver économie, certes, mais aussi dans l’économie de marché en général.

Un vieux de la vieille

Annuaires et comparateurs existent dans tous les domaines concurrentiels où

• L’offre est abondante ;

• Les consommateurs ne veulent pas payer pour trouver le bon service ;

• Les marques préfèrent déléguer leur prospection auxdits annuaires, car cela leur revient moins cher d’acheter des leads bien qualifiés que de gérer la prospection.

Justement, je vais passer un peu de temps sur le prix de revient de cette prestation pour les Ehpad, car c’est l’une des pierres angulaires de l’article.

Ou plus précisément, l’une des attaques.

Le Canard dénonce le prix de vente d’un lead, autour de 3000 euros en décrivant avec moult contribution de témoins anonymes l’impact d’une telle économie sur le fonctionnement des établissements.

Évitons le pathos et abordons le sujet de façon rationnelle.

3000 euros, c’est une somme, mais il convient de la relativiser.

Ou plutôt de la mettre en perspective.

Pourquoi les Ehpad sont-ils prêts à payer 3000 euros pour l’achat d’un lead ?

Parce que cela leur rapportera plus que ce que cela leur a coûté.

La valeur vie d’un résident d’Ehpad doit être supérieure au coût d’acquisition afin que l’investissement consenti par l’Ehpad dans l’achat d’un lead soit rentabilisé.

Si vous n’avez rien compris à cette citation, permettez-moi de vous expliquer en quoi consistent la valeur vie et le coût d’acquisition client.

Comprendre le concept de valeur vie client

La valeur vie client est souvent désignée par son nom anglais : lifetime value. C’est un concept clé en marketing.

Il représente le montant total que chaque client rapportera à l'entreprise au cours de sa vie de client.

En d'autres termes, c'est une projection des bénéfices que l'entreprise peut attendre de la relation commerciale avec un client.

Pour calculer cette valeur, on prend en compte les revenus générés par le client à travers ses achats, ses abonnements, etc. ainsi que les coûts liés au maintien de la relation client, tels que le service après-vente, le marketing, etc.

La valeur vie client permet aux entreprises de comprendre combien elles peuvent investir pour acquérir de nouveaux clients tout en restant rentables sur le long terme.

En effet, si une entreprise dépense plus pour acquérir un client qu'elle ne peut espérer en gagner avec lui, alors elle perd de l'argent. En revanche, si elle peut espérer gagner plus d'argent avec un client qu'elle en dépense pour l'acquérir, alors elle fait un bénéfice.

Ainsi, la valeur vie client est un indicateur clé pour les entreprises qui cherchent à maximiser leur rentabilité. Il leur permet de comprendre combien elles peuvent dépenser pour acquérir de nouveaux clients tout en restant rentables. De plus, en comprenant la valeur vie de leurs clients, les entreprises peuvent mieux cibler leur marketing et améliorer leur service après-vente.

Comprendre le concept de coût d'acquisition client

Le coût d'acquisition client représente le montant dépensé par une entreprise pour attirer et convertir un prospect en client. Cela inclut tous les coûts liés à la publicité, au marketing et aux promotions qui ont conduit à la conversion du prospect en client. Le coût d'acquisition client est un indicateur important pour les entreprises car il leur permet de comprendre combien elles doivent dépenser pour obtenir un nouveau client.

Pour une entreprise, le coût d'acquisition client doit être comparé avec la valeur vie client pour s'assurer que l'acquisition de nouveaux clients est rentable sur le long terme. En d'autres termes, une entreprise doit s'assurer qu'elle dépense moins pour acquérir un client que ce que ce client rapportera sur le long terme. Si le coût d'acquisition client est trop élevé par rapport à la valeur vie client, alors l'entreprise perd de l'argent et doit revoir sa stratégie de marketing.

Comprendre le coût d'acquisition client est donc crucial pour les entreprises qui cherchent à maximiser leur rentabilité. Cela leur permet de mieux cibler leur marketing et d'investir dans les canaux qui ont le meilleur retour sur investissement.

En fin de compte, le coût d'acquisition client et la valeur vie client sont deux concepts clés en marketing qui aident les entreprises à comprendre combien elles peuvent dépenser pour acquérir de nouveaux clients tout en restant rentables sur le long terme.

Revenons à notre Ehpad qui dépense 3000 euros pour acheter un lead

Et prenons un exemple pour vous mettre dans la peau du client.

Refusant d’adapter son logement malgré ses fragilités, votre grand-mère s’est encore vautrée en voulant sortir de son lit breton sans assistance. Elle a passé la nuit au sol, la journée aux urgences et dix jours en soins intensifs. Le médecin est formel, elle doit impérativement aller à l’Ehpad.

Vous souhaitez trouver un établissement accueillant et pas trop loin de chez vous et donc vous faites quoi ?

Une recherche Google.

Vous tapez donc Ehpad + votre patelin et le moteur californien vous envoie sur un comparateur (car ils sont mieux référencés que les établissements).

Vous lâchez un e-mail, votre numéro de mobile, quelques infos sur votre situation et votre budget. Le comparateur donne vos coordonnées aux Ehpad de votre voisinage qui correspondent à vos critères de recherche et la messe est dite.

Enfin, il faudra encore visiter les établissements et choisir celui où placer mamie, mais vous avez gagné un temps colossal… Et l’Ehpad aussi.

Car il n’aura pas à faire un gros effort pour vous recruter en tant que client, compte tenu de votre situation.

Donc, son coût d’acquisition client sera limité à ce qu’il paiera au site qui a fait la mise en relation, à peu de chose près.

C’est doublement avantageux pour l’Ehpad :

• D’une part il ne paie que pour une vente qui se conclue

• D’autre part, il n’a pas à entretenir des équipes internes

Arrêter de tirer sur l’ambulance

Très premier degré cette IA, en fait….

S’il est légitime et justifié de dénoncer :

• Les malversations de dirigeants toxiques chez Avec ;

• Les systèmes inhumains chez Orpéa ;

• Les petits arrangements entre groupes privés et pouvoirs publics un peu partout.

Il ne me semble pas très sain d’attaquer des dispositifs qui tirent leur légitimité d’un besoin marché non satisfait.

Les comparateurs existent parce qu’ils apportent une réponse à un problème pour la résolution duquel des gens sont prêts à payer.

Si vous trouvez ce système cynique, arrêtez de l’utiliser.

Mais ne déplorez pas son existence si vous refusez en même temps de rémunérer un courtier qui fera la recherche pour vous et vous seul.

Et je parle bien d’un courtier que vous allez rémunérer et non d’un dispositif subventionné par les pouvoirs publics ou les caisses de retraite, donc payé par un tiers.

Car il est là, le mal français. Il réside dans le cerveau tordu de tous ces moralisateurs qui réclament du service public en omettant de préciser que si l’utilisateur n’est pas le payeur, il faut bien que quelqu’un rémunère le fournisseur.

Et donc, concernant cette récente attaque, je me pose la même question qu’à propos des Fossoyeurs : à qui profite le scandale.

Je n’ai pas - encore - la réponse pour l’article du Canard, mais en ce qui concerne Les Fossoyeurs, je vous donne rendez-vous mercredi 19 avril à 8 heures pétantes pour un dossier Premium explosif où je vous expliquerai à qui profite ce livre, à qui il aurait pu profiter et à qui il aurait dû profiter (les 3 n’étant pas les mêmes).