Silver économie : j'assume mon transhumanisme (et vous devriez faire pareil)
Entre technophobie et attractivité, la filière doit choisir : séduire les innovateurs ou rester un secteur médico-social subventionné.
Bienvenue sur Longévité, la newsletter où je décrypte la Silver économie en vous partageant ma vision qui, comme vous allez le découvrir si vous ne le saviez pas déjà, n’est pas universelle - loin s’en faut.
Le 11 septembre 2025, j'ai participé à la première table ronde d'une matinée consacrée aux perspectives d'innovation technologique et d'intelligence artificielle dans la Silver économie, organisée par la Filière Silver économie chez Futur 4 Care.
Cette table ronde d'ouverture, animée par Mathieu Alapetite, directeur général de France Silver Eco, réunissait également Romain Ganneau, directeur général du cluster Silver Valley, et Mélissa Petit, sociologue spécialisée dans l'étude des personnes âgées.
L'objectif était ambitieux : donner le ton aux échanges, définir où nous en sommes, où nous allons, comment nous préparer à ce qui vient.
Si j’écris cet essai, c’est parce que le message diffusé par les intervenants n’a pas été - selon moi - aussi enthousiaste que je m’y attendais.
Nous devions valoriser l’IA et les techs, montrer comment elles tirent l’offre vers le haut et pourquoi il faut soutenir les entrepreneurs qui s’y engagent.
Nous devions montrer que le sujet est porteur de promesses, qu’il contribue à l’attractivité du secteur.
Hélas, c’est le contraire que j’ai entendu. On qualifie l’IA de buzzword, on minimise son impact, on met en doute sa pertinence, voire on la considère comme une menace.
En bref, on la joue réac et techno-sceptique.
J’ai réagi pendant la table ronde, mais je manquais de temps pour dérouler l’argumentaire complet, je m’y emploie donc ci-dessous.
L'enjeu vital d'une filière en construction
La filière Silver économie n'est pas un think tank de bien-pensants ni un miroir complaisant de la société. C'est un écosystème d'innovation qui se donne une mission précise : favoriser l'adaptation de notre société au vieillissement en développant des solutions concrètes et viables.
Pour y parvenir, cette filière doit attirer les investisseurs, sensibiliser les pouvoirs publics, intéresser les grandes entreprises et mobiliser les institutions.
Car le modèle actuel - celui qui repose sur les subventions, les aides sociales et la recherche de partenaires institutionnels - ne suffira pas pour faire face aux défis qui nous attendent.
C'est en cela que je crois, et c'est pour cela que je suis engagé dans cette filière : parce que nous devons absolument changer d'échelle.
C’est pourquoi, nous devons développer un écosystème attractif, capable de séduire les talents qui vont créer des projets innovants, rejoindre des startups en accélération, et convaincre les soutiens financiers et organisationnels.
Sur ce terrain de l'attractivité, certains sujets sont plus vendeurs que d’autres et, s’ils font sens pour la Silver économie, nous devons promouvoir les thèmes et les techno qui ont le vent en poupe.
L’innovation dans ces domaines attire les capitaux, fascine les entrepreneurs, intéresse les grandes entreprises. Nous devons donc les valoriser, pas les brider au nom de principes fumeux.
C’est le cas de l’Intelligence Artificielle (IA) et c’est pourquoi nous devons en faire un levier. En montrant que nous y croyons.
Et pourtant…
Le schisme révélateur
D'un côté, ceux qui embrassent l'innovation technologique comme un levier d'attractivité et de transformation.
De l'autre, ceux qui relativisent l'enjeu technologique au profit d'une lecture sociale de l'innovation, centrée sur les relations humaines et les changements de mode de vie.
Cette division n'est pas qu'intellectuelle : elle est stratégique.
Car dans la bataille de l'attractivité, nous ne pouvons pas nous permettre de donner l'impression que notre secteur rechigne devant l'innovation technologique.
Deux visions irréconciliables
Sur l'innovation technologique appliquée au vieillissement, deux courants de pensée s'affrontent.
La vision sociale considère que l'humain prime sur tout. L'outil doit rester un outil, contraint et restreint à des utilisations très spécifiques. Cette approche défensive prône un encadrement strict de la technologie, quitte à en brider le potentiel d'attractivité.
La vision transhumaniste - n'ayons pas peur des mots - accepte, voire promeut, une symbiose plus forte entre l'humain et la machine. L'objectif : améliorer et augmenter l'humain pour lui donner plus de chances d'accéder à cette longévité heureuse qui fait tant rêver.
Vous pourriez me taxer d’extrémisme, prétendre que la vérité est dans le milieu. Que nous avons besoin d’un peu des deux, mais je vous rappelle les prémices de mon raisonnement : je pense filière, je pense innovation, je pense attractivité pour des investisseurs, des entrepreneurs, des grandes entreprises.
Et ces parties prenantes, elles sont plus enclines à rechercher une innovation technologique qu’un service 100% humain, lequel sera plutôt une innovation organisationnelle au sein d’un existant.
C’est pourquoi, je pense que, considérant l’écosystème Silver économie, le temps des nuances est révolu : il faut choisir son camp. Et mon choix est fait depuis longtemps.
Mon engagement assumé : l'innovation comme moteur d'attractivité
Je m'oriente franchement vers le transhumanisme. J'embrasse ces thèses parce qu'elles offrent une perspective d'avenir attractive, capable de séduire les talents et les capitaux dont notre secteur a besoin.
Et si le mot transhumanisme doit être clarifié par son contenu, je pense IA, IoT, web3, robotique, implants cérébraux et géroscience. Si je suis ces thèmes depuis 2018, c'est parce que c'est le sens même de mon engagement dans cette filière : construire un secteur attractif et innovant.
La posture inverse me paraît suicidaire pour la Silver économie. Elle ne peut exister qu’en se distinguant du médico-social, des services publics, du travail - formidable - réalisé par les associations sur le terrain.
La Silver économie devrait se définir par l’innovation et commencer par définir ce qu’elle entend par innovation et c’est ce que j’essaie de faire ici.
Mais plutôt que de définir la Silver économie dans l’absolu, je vous invite à prendre de la hauteur, à faire l’impasse sur les approches rétrogrades.
À imaginer l’avenir au lieu de ne penser qu’au présent.
Ou plutôt, à ne pas penser que l’avenir sera une version future de votre présent et que tous les citoyens devraient adopter le mode de vie que vous fantasmez pour eux.
Pourquoi les résistances nous desservent
Cette vision réactionnaire repose sur un prisme déformant : considérer qu'il y a un "bien" et un "pas bien" dans les relations sociales, juger que les personnes qui développent des relations numériques sont victimes d'un système.
Cette posture ignore la réalité du marché et nuit à notre attractivité. Selon l'étude BORN AI 2025 menée par l'agence Heaven, 23% des 18-25 ans déclarent avoir cherché des conseils relationnels ou personnels auprès de ces IA.
Ces jeunes - les futurs talents de notre secteur - utilisent ces outils pour l'entraînement social, le soutien émotionnel, l'expression de sujets tabous. Ils y trouvent une disponibilité 24h/24, l'absence de jugement, la possibilité d'expérimenter de nouvelles conversations.
Dénigrer ces usages, c'est faire l’impasse sur une opportunité de marché : apporter une réponse plus adaptée aux publics seniors qui pourraient avoir ce besoin d’utiliser une IA comme confident / coach.
La réalité d'un marché déjà transformé
Nous ne vivons plus dans un monde où les relations sociales n'existent qu'entre êtres humains. Nous évoluons dans un environnement où l'humain et le technologique sont interconnectés, où des millions de citoyens entretiennent des relations avec des IA pour des raisons que nous devons comprendre, pas juger.
Les chiffres révèlent l'ampleur de cette transformation : 378 millions d'utilisateurs réguliers de compagnons IA dans le monde en 2025, avec 220 millions de téléchargements d'applications dédiées. Les États-Unis comptent 133 millions d'utilisateurs de compagnons IA. L'Inde, le Brésil et la Chine affichent une adoption massive, avec entre un tiers et la moitié des sondés qui utilisent quotidiennement des applications IA.
Cette adoption s'explique par des besoins concrets que notre secteur doit savoir adresser : 54% des utilisateurs recherchent des recommandations personnalisées, 47% utilisent l'IA pour des recherches relationnelles.
L'innovation technologique comme effet de levier
C'est exactement ce type d'innovation que notre filière doit promouvoir pour rester attractive. Prenez l'IA : cette technologie existait bien avant 2022, mais elle restait confinée aux laboratoires et aux cercles d'initiés. Tout a changé en novembre 2022 quand OpenAI a commercialisé ChatGPT et rendu l'IA accessible au grand public.
Cette commercialisation a créé un effet de rampe de lancement spectaculaire : elle a déclenché une course à l'innovation entre tous les acteurs du secteur, accéléré le développement des LLM commerciaux concurrents, et surtout focalisé massivement l'investissement sur l'IA. Des milliards de dollars ont afflué vers ce secteur en quelques mois.
Cette première marche franchie par OpenAI a permis à des milliers d'entrepreneurs de faire le pas suivant. Des innovations qui semblaient impossibles ou trop risquées sont soudain devenues réalisables et finançables.
C'est ce mécanisme d'entraînement que notre filière Silver économie doit savoir reproduire et amplifier.
L'impératif de soutien à l'innovation
Nos entrepreneurs ont besoin que les acteurs de la filière les soutiennent. Ils ne veulent pas que leur travail soit dénigré par des technophobes lors de nos événements. Dans nos salons, tables rondes et conférences, nous devons adopter une posture radicalement soutenante vis-à-vis de l'innovation technologique.
Sinon, les innovateurs déserteront nos événements.
Ils préféreront exposer dans des manifestations à l'étranger où l'innovation est valorisée et où les visiteurs viennent pour investir et soutenir ce marché. Les stands de nos salons seront occupés par des acteurs institutionnels et des prestataires de services, mais nous aurons perdu ce qui fait l'attractivité d'un secteur : ses pionniers et ses visionnaires.
À quel avenir travaillons-nous ?
À quel monde voulons-nous contribuer ?
Un monde où nous accompagnons les transformations en cours pour les orienter positivement ?
Ou un monde où nous restons spectateurs craintifs d'une révolution qui se fera sans nous ?
Mon engagement dans cette filière repose sur une conviction : nous devons être acteurs du changement, pas ses observateurs passifs.
C'est le sens de mon travail, la raison de ma présence dans cet écosystème.
Quelle est la vôtre ?




