Comment ICOPE compte sauver 150 000 Français de la dépendance (spoiler : avec votre facteur)
De la géroscience à l'application mobile : quand la prévention du vieillissement devient enfin mainstream en France
Bienvenue sur Longévité, le média où je décrypte l’adaptation de la société au vieillissement.
En préparant ma prochaine table ronde consacrée à la mise en pratique du programme Icope, j’ai relu le premier article que j’ai publié sur Substack, en octobre 2020. J’y reprenais une étude écrite sur mon blog historique, Sweet-home.info, écrite la même année, et s’intéressant aux travaux des longévitistes, les scientifiques qui cherchent un remède médical à la vieillesse.
Ce qui est amusant avec ce thème c’est que si vous l’évoquiez en 2020, vous étiez taxé de transhumanisme alors qu’aujourd’hui il est validé par la respectable SFGG.
L’objet de mon article, c’est de faire un état des lieux : d’où partons-nous, où allons-nous, à quoi Icope va servir dans ce processus et surtout - mais là j’anticipe sur la table ronde puisque c’est la question que je vais poser à mes invités -
Comment transformer un aride programme de l’OMS en dispositif mainstream que les Français pourront utiliser au quotidien, comme Monsieur Jourdain fait de la prose.
De l'hérésie au mainstream : comment la géroscience a conquis l'Hexagone
Jusqu'à récemment, en France, la question du vieillissement n'était pas une question. Les tentatives pour allonger la vie étaient systématiquement taxées de "transhumanisme", une sorte de gadget utilisé par des milliardaires avachis cherchant à "jouer à Dieu". Si cette aspiration à l'éternité n'a pas disparu chez les tycoons des GAFAM, le sujet semble devenir mainstream à présent que des professeurs de médecine s'emparent des mêmes éléments de langage.
Il y a cinq ans, dans un article intitulé "Soigner le vieillissement", je défendais une thèse alors iconoclaste : considérer le vieillissement non pas comme un processus naturel inéluctable, mais comme une pathologie potentiellement traitable.
Cette position, inspirée des travaux de David Sinclair à Harvard et du projet TAME (Targeting Aging with Metformin), paraissait alors révolutionnaire dans le paysage médical français.
Aujourd'hui, force est de constater que ce qui relevait de l'hérésie scientifique entre désormais dans le champ du possible.
En septembre 2023, le professeur Yves Rolland, gériatre au CHU de Toulouse, publiait sur le site de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie (SFGG) un plaidoyer pour la géroscience, marquant une première reconnaissance institutionnelle de cette approche révolutionnaire.
De l'hérésie à la reconnaissance : quand la géroscience devient légitime
L'hypothèse fondamentale qui change tout
Cette évolution s'appuie sur ce que Felipe Sierra appelle "l'hypothèse de la géroscience". Ancien chef de la division de biologie du vieillissement aux National Institutes of Health américains, Sierra a ensuite dirigé la fondation Hevolution1 jusqu'en mars 2025 - cette fondation saoudienne qui consacre 1 milliard d'euros par an à la recherche d'un remède au vieillissement. Il est aujourd'hui consultant pour cette même fondation.
Le principe est radical : le vieillissement étant le principal facteur de risque de toutes les maladies chroniques affectant la population âgée, s'attaquer au vieillissement permettra d'obtenir des résultats bien meilleurs en matière de santé que de s'attaquer aux maladies individuelles une à une.
"Le vieillissement est de loin, et je veux dire de loin, le principal facteur de risque de toutes les maladies chroniques", résume Felipe Sierra. Cette vision déplace radicalement le curseur : plutôt que de traiter séparément diabète, maladies cardiovasculaires et neurodégénératives, pourquoi ne pas s'attaquer à leur dénominateur commun ?
L'analogie éclairante de David Sinclair
Cette approche trouve son meilleur écho dans l'analogie développée par David Sinclair dans son essai "Pourquoi nous vieillissons et pourquoi ce n'est pas une fatalité" (2021). Le généticien de Harvard y établit un parallèle saisissant avec la recherche sur le cancer : "Dans les années 1960, lorsque la recherche sur le cancer n'en était qu'à ses débuts, le but était d'empêcher les tumeurs de se répandre et d'améliorer la vie des patients. Presque personne ne s'intéressait aux causes du cancer."
Aujourd'hui, poursuit Sinclair, "les causes génétiques du cancer sont comprises et nous ne considérons plus qu'il est inévitable. Grâce à de nouvelles disciplines, comme l'immunothérapie, les décès globaux dus aux cancers ont diminué de 17% aux États-Unis entre 1991 et 2016."
"La recherche sur le vieillissement en est au même stade que la recherche sur le cancer dans les années 1960", établit-il. "Nous savons à quoi ressemblent le vieillissement et ses symptômes, mais chercher à en trouver les causes et essayer de l'éradiquer est perçu comme futile et regardé avec hostilité."
Cinq ans après avoir repris cette analogie dans le contexte français, elle trouve un écho inattendu dans les propos du Pr Rolland : "La géroscience est une approche différente de ce qui s'est fait jusqu'à présent. Elle repose sur l'idée que les mécanismes biologiques du vieillissement peuvent être modulés."
Les neuf causes du vieillissement
Ce changement de paradigme s'appuie sur des bases scientifiques solides. Les "neuf causes du vieillissement" - ou "hallmarks of aging" - identifiées dans l'étude publiée dans Cell en 2013 constituent le socle théorique de cette nouvelle approche :
Les lésions du génome et de l'ADN
Le rétrécissement des télomères
La dégradation de l'épigénétique
Le mauvais repliement des protéines
Le dysfonctionnement des mitochondries
La mauvaise détection des nutriments
La sénescence des cellules
L'épuisement des cellules souches
La signalisation intercellulaire et les inflammations
"Ces mécanismes sont de mieux en mieux connus", souligne le Pr Rolland. "La variabilité des dysfonctionnements d'un individu à l'autre se traduit par l'observation que nous ne vieillissons pas tous au même rythme."
Selon la théorie de Sinclair, "nous devenons vieux et sensibles aux maladies parce que nos cellules perdent de l'information au niveau épigénétique". L'objectif : "redonner aux cellules les informations qu'elles avaient lorsque la personne avait 20 ans".
Pour aller plus loin, (re)lisez mon - long - article qui décortique chacune des 9 causes du vieillissement : Les 9 causes du vieillissement enfin décryptées.
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