La prévention doit être monétisable pour être viable
La prévention doit rapporter quelque chose à ses promoteurs pour qu'ils aient envie d'en être. CQFD
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je décortique les attentes des boites qui pourraient faire de la prévention. Nous explorerons des idées et des tendances et j’essaie de répondre à LA grande question : Comment faire de la prévention et en récolter les fruits directement ?
J’ai repris une étude publiée en janvier 2023 sur les tendances de la Silver économie. Je l’ai écrite en croisant les avis de VC, d’experts en tech et gérontologie, d’entrepreneurs, d’accélérateurs et d’assureurs.
Le tableau est toujours vivifiant, car il n’a pas bougé un an et demi plus tard. Nous partons d’un même constat, visons un même résultat et stagnons au même écueil.
Je vous invite à une rétrospective avant de vous proposer, dans mon prochain épisode, un système pour faire émerger des solutions.
Santé et prévention
Aujourd'hui, la grande majorité des adultes à travers le monde peuvent s'attendre à vivre des décennies après l'âge de la retraite. Le nombre d'adultes âgés fera plus que doubler pour atteindre environ 1,6 milliard d'ici le milieu du siècle, marquant l'un des changements démographiques les plus profonds de l'histoire de l'humanité.
Cependant, alors que la société mondiale devrait se réjouir d'avoir, en moyenne, 20 ans d'espérance de vie supplémentaires depuis 1960, elle n'a pas réussi à prolonger la durée d'une vie en bonne santé. Une personne vivra en moyenne dix ans de plus dans un état de santé moyen ou mauvais, ce qui aura un impact sur sa capacité à vivre pleinement sa vie et entraînera une augmentation des soins et de la dépendance.
La société devrait se concentrer sur la capacité, et non sur l'âge, en reconnaissant le potentiel de nombreuses contributions en tant que bénévoles, conseillers, dirigeants communautaires, travailleurs, membres de conseils d'administration, membres actifs de la famille et innovateurs. McKinsey Health Institute (MHI)
Le chiffre qui tue
De 2020 à 2022, l’espérance de vie aux Etats-Unis a chuté de 2 points, passant de 79 à 77 ans. Alors que jusqu’à aujourd’hui elle progressait, stagnait ou diminuait de quelques mois, elle est désormais pénalisée par la mauvaise santé des Américains vieillissants, allant jusqu’à raccourcir leur longévité alors que cet indicateur progresse partout ailleurs.
L’analyse réalisée par Abby Levy s’appuie sur deux rapports. L’un publié par le cabinet McKinsey et l’autre par l’Académie américaine de médecine3.
Ces deux publications - partant du constat que je viens de développer - proposent une liste incantatoire d’actions correctives qui pourrait être résumée en une seule préconisation, sorte de clé de voûte de tout l’édifice : la nécessité de passer d’une médecine curative à une médecine préventive.
Possible à condition de régler LE problème du préventif
Ses bénéfices ne sont pas aussi faciles à détecter que ceux du curatif.
Ce que vous évitez grâce à la prévention, vous ne saurez jamais si vous l'auriez attrapé sans rien faire.
Le résultat de votre action de prévention n’est pas mesurable, et donc vous ne pouvez pas évaluer l’impact de votre action à coup sûr.
Donc, à moins d'intégrer les approches préventives dans nos modes de vie et d'en faire des routines, comme la ceinture de sécurité dans les voitures, les professionnels préfèrent le curatif, car le résultat de leur action est plus facile à mesurer. Et comme leur budget dépend de leurs résultats, vous comprenez l’équation…
Idem dans les assurances : on assure un risque et on indemnise sa survenance. Même si les comportements préventifs peuvent donner lieu à des bonus, l'assurance ne finance pas la prévention.
Changement de paradigme dans les assurances
Ou plutôt, elle ne finançait pas. Les contrats santé américains intègrent de plus en plus des prestations de prévention de la perte d’autonomie. Une étude saisissante a dressé le bilan de l’évolution de ces prestations préventives dans les polices d’assurance santé et le résultat m’a laissé comme deux ronds de flan.
Le nombre de polices d’assurance complémentaires préventives de la perte d’autonomie a été multiplié par 3 entre 2020 et 2022.
Fais comme Papa
C’est sur ce modèle de prestations que la licorne Papa s’est développée. Ils vendent aux complémentaires santé une prestation d’aide à domicile couverte par la complémentaire et donc gratuite ou presque pour le bénéficiaire.
La start-up justifie sa prestation en démontrant son impact sur l’espérance de vie en bonne santé et le caractère préventif de son service. Elle peut démontrer cet impact grâce à des analyses réalisées au domicile des bénéficiaires et devrait disposer de toujours plus de chiffres pour l’attester.
Et comment le fera-t-elle ?
Grâce au développement de la deuxième branche du volet “vieillir en bonne santé” : les objets connectés de santé (Iot)
Le boom des Iot de santé, c’est pour bientôt
Les objets connectés de santé installés au domicile d’un malade ou d’une personne sous contrôle doivent faire gagner du temps au médecin et au patient tout en offrant une analyse plus précise de la situation de santé.
Le patient dispose d’équipements de mesure de ses constantes à domicile. Il peut effectuer ces mesures plus souvent et adresser à son médecin traitant tous les éléments nécessaires au suivi médical.
Comment ça marche ?
Ces objets connectés servent de passerelle entre le patient et son médecin, par l’intermédiaire de programmes informatiques qui analysent et transmettent les données de façon sécurisée. Ainsi, le patient fait ses mesures seul ou assisté d’une infirmière et le médecin reçoit tous les résultats en temps réel dans une application qui en fait une synthèse adaptée à ses objectifs.
Ces dispositifs qui existent depuis quelques années ont vu leur croissance exploser pendant le COVID et devraient continuer sur cette lancée dans les prochaines années. Un rapport prévoit un triplement de la taille du marché mondial d’ici à 2028.
Nous assistons à une nouvelle vague de solutions de surveillance axées sur le diagnostic et la prévention, telles que les tests sanguins à domicile, le suivi hormonal et les tests de diagnostic du déclin cognitif. (rapport Fortune Business Insights)
La bonne et la mauvaise actimétrie
Dans un genre parallèle, nous assistons à une explosion du nombre d’offre d’actimétrie. Il s’agit des objets connectés qui suivent l’activité d’une personne âgée à son domicile. Nous avions sourcé Une dizaine de start-up françaises et européennes dans notre cartographie 2022, mais j’en découvre de nouvelles tous les jours. Elles sont toutes confrontées au même problème : l’absence de marché et de prescripteurs.
À la différence des Iot de santé, les dispositifs d’actimétrie n’ont pas fait la preuve de leur utilité aux yeux des consommateurs ou de professionnels qui pourraient en être les ambassadeurs.
Les clés de ce marché sont l’identification et l’enrôlement de prescripteurs.
L’accompagnement de la ménopause
La dernière tendance du marché concerne les femmes, puisqu’il s’agit du développement d’accompagnements à la ménopause. Cette transition hormonale fait l’objet de nombreuses études récentes. Ces travaux dressent une cartographie de la ménopause dans le monde et font ressortir les écarts entre les populations féminines selon la zone géographique.
Elles permettent d’identifier les besoins spécifiques et les réponses attendues par le marché. Compte tenu du vieillissement de la population et du tabou autour de cette étape de la vie, le besoin en assistance est très fort.
Le marché mondial de la ménopause devrait croître à un taux de croissance annuel composé de 5,29 % de 2022 à 2030 pour atteindre 24,4 milliards $ d'ici 2030.
Les programmes qui se développent en réponse au besoin des femmes consistent la plupart du temps dans un mix entre accompagnement, coaching, conseil et compléments alimentaires.
Le segment des compléments alimentaires a dominé le marché de la ménopause et a représenté une part des revenus de plus de 95 % en 2021. (Grandview Search)
Les leaders du marché sont donc des structures qui fabriquent ces compléments, lesquels - rappelons-le - ne sont pas soumis à la réglementation du médicament.
Ils n’ont pas besoin d’un agrément pour être distribués,
Les taxes sont moindres,
Ils peuvent être vendus hors des officines.
J’y consacrerai un dossier en 2023, car le sujet mérite plus de temps. Idem pour les compléments alimentaires, autre marché de niche à très fort potentiel, sanitaire comme financier.
Conclusion : monétisable !
En synthèse, la prévention est monétisable.
Des projets préventifs peuvent être lancés et s’autofinancer, même si la mesure du résultat est plus difficile que sur le curatif.
À un stade précoce de développement, la recherche de prescripteurs peut être un avantage concurrentiel décisif pour une start-up ou un nouveau programme qui ne serait pas lancé par une major.
Une autre piste à étudier est la recherche de synergies entre des traitements (suppléments alimentaires, coaching) et des objets connectés de santé qui en mesurent l’impact. Exemple inspirant : Nourish, une foodtech qui propose un programme diététique dédié aux Américains souffrant d’une maladie chronique + des recettes + des produits + la prise en charge par les mutuelles.
C’est en effet une bonne façon de démontrer l’impact de l’action préventive auprès du consommateur qui investit dans sa santé et souhaite s’assurer que son effort est payé en retour.
Ce besoin de preuve est clairement identifié par une étude sur les compléments alimentaires de longévité publiée en 2021.
Bonjour Alexandre, encore une très intéressante. Je profite de l'occasion pour rappeler que le lien social et une activité physique régulière sont des moyens de prévention importants.
L'intégration de programmes liés à ces deux volets dans des forfaits de prise en charge de complémentaires santé serait une démarche où tout le monde gagne.😉