Logement senior : Pourquoi nos plateformes de recherche s'obstinent-elles à nous parler d'EHPAD ?
Aux États-Unis, l'offre médicalisée est clairement séparée du résidentiel senior. En France, tous les sites web mélangent les genres. Une confusion qui freine le marché
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je m'intéresse à la façon dont les plateformes de recherche de logements seniors présentent l'offre d'hébergement en France.
Depuis plusieurs années, j'observe le marché de l'immobilier senior et une particularité française m'interroge : tandis que le marché américain sépare nettement l'offre médicalisée du résidentiel, nos plateformes regroupent systématiquement toutes les solutions d'hébergement autour de l'EHPAD.
Un constat qui soulève une question essentielle : comment cette présentation de l'offre influence-t-elle la perception et le développement des alternatives à l'EHPAD ?
Immobilier senior en France : quand l'EHPAD fait de l'ombre aux alternatives
En France, la recherche d'un logement adapté pour les seniors ressemble souvent à un parcours du combattant, où toutes les routes semblent mener à l'EHPAD.
Pourtant, le marché propose une diversité de solutions : résidences services, résidences autonomie, habitat partagé... Mais cette richesse peine à émerger dans l'esprit des Français.
En cause ?
Une présentation de l'offre qui, sur les plateformes de recherche, place systématiquement l'EHPAD au centre des solutions d'hébergement pour personnes âgées.
Un marché américain clairement segmenté
Outre-Atlantique, le marché de l'habitat senior présente un visage radicalement différent. Les "nursing homes" - équivalents de nos EHPAD - occupent une catégorie distincte, clairement séparée du logement pour retraités actifs.
Cette segmentation n'est pas anodine : elle reflète une approche qui distingue nettement le secteur médical ("care") du secteur résidentiel ("senior living").
Cette structuration du marché se manifeste particulièrement dans des États comme la Floride ou le Nevada, où fleurissent des agences immobilières spécialisées dans le logement senior hors secteur médical.
Des villages entiers, à l'image de "The Villages" en Floride, proposent aux retraités un mode de vie actif centré sur les loisirs, sans aucune confusion avec les établissements médicalisés.
Le paradoxe français de l'EHPAD omniprésent
En France, la situation est tout autre. Les principaux sites de recherche de logements seniors - qu'il s'agisse de Cap Retraite, Logement Senior, Papyhappy ou Poupette - présentent invariablement l'EHPAD comme première option, avant d'exposer les alternatives. Cette organisation de l'offre n'est pas sans conséquence : elle conduit naturellement à percevoir toutes les autres solutions comme des "alternatives à l'EHPAD".
Cette situation est d'autant plus paradoxale que l'EHPAD suscite un rejet massif depuis des décennies, tout en se spécialisant de plus en plus dans la grande dépendance et les stades avancés de troubles neurodégénératifs. Malgré cela, il continue d'occuper une place centrale dans la présentation de l'offre de logements seniors.
Des conséquences concrètes sur le marché
Cette omniprésence de l'EHPAD dans la présentation de l'offre a des répercussions mesurables sur le marché. Les taux d'occupation des résidences services seniors sont en berne, le marché de l'habitat partagé reste très en deçà des projections (estimées à 140 000 places pour 2030), et de nombreuses résidences autonomie se dégradent.
Plus révélateur encore, l'âge moyen d'emménagement dans ces structures (80-85 ans) correspond précisément au moment où la question de l'EHPAD commence à se poser. Cette corrélation n'est pas anodine : elle suggère que ces solutions sont envisagées non pas comme un choix positif de mode de vie, mais comme un dernier recours avant l'EHPAD.
La difficulté est manifeste pour les acteurs du marché : comment valoriser une offre de services et un cadre de vie attractif quand votre solution est systématiquement présentée en référence à l'EHPAD ?
Ce positionnement est d'autant plus problématique que les cibles sont complètement différentes. Cette confusion entraîne parfois des erreurs de casting aux conséquences délétères.
Les trois conséquences délétères des erreurs de casting
#1 Personne n’y comprend rien
L'amalgame dans la présentation de l'offre empêche d'atteindre efficacement les publics concernés, chacun ayant des besoins et des aspirations spécifiques qui mériteraient d'être adressés de manière distincte.
#2 Celui qui aurait dû aller en EHPAD et atterrit en RSS
Des personnes âgées dépendantes qui auraient dû aller en EHPAD sont accueillies par des dirigeants de résidences services.
Soit parce que la famille arrive à minimiser le problème,
Soit parce que la direction de l’établissement fait semblant de ne pas le voir,
Soit parce que toutes les parties prenantes sont dans le déni de réalité.
Ces personnes ne sont pas à leur place dans la RSS, elles se mettent en danger et dégradent la qualité de vie des autres habitants.
Vu de l’extérieur, la résidence perd en attractivité, car les visiteurs n’ont pas envie de cohabiter avec des voisins manifestement en mauvaise santé.
#3 Celui qui aurait pu ne pas aller en EHPAD et s’y retrouve
Des personnes bien portantes, fragiles mais pas dépendantes se retrouvent à l’EHPAD faute d’une meilleure solution identifiée par leur entourage familial ou administratif.
Ils dépensent plus que nécessaire pour un service surdimensionné et prennent aux soignants débordés un temps qu’ils ne peuvent pas consacrer aux personnes qui en ont le plus besoin.
Repenser la distribution du logement senior
La situation actuelle du marché français de l'immobilier senior appelle une évolution majeure. Il est crucial de sortir de cette confusion des genres qui dessert l'ensemble du secteur.
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