Paradoxe de la longévité : Plus on vit vieux, moins on est libre de choisir comment
Notre espérance de vie s'allonge mais notre autonomie décisionnelle se réduit. Une contradiction qui appelle une refonte complète de notre approche du vieillissement.
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je m'intéresse à notre rapport à la longévité, et plus particulièrement au paradoxe français qui consiste à institutionnaliser ce qui devrait relever de choix personnels.
Un constat troublant : alors que l'allongement de l'espérance de vie constitue l'une des plus grandes révolutions de notre histoire, nous persistons à l'aborder sous l'angle de la prise en charge collective plutôt que de l'autonomie individuelle.
Mon article du jour explore ce paradoxe et propose une nouvelle approche, plus libérale, de la longévité.
Comment passer d'une logique de dépendance institutionnelle à une véritable autonomie dans la construction de nos parcours de vie allongés ?
Nous vivons une transition extraordinaire pour laquelle peu d'entre nous sont préparés. L'allongement spectaculaire de l'espérance de vie, qui pourrait être un formidable cadeau, risque de se transformer en fardeau si nous ne repensons pas fondamentalement notre approche de la longévité, particulièrement en France où elle reste largement institutionnalisée.
Perspectives de la longévité
Un enfant né aujourd'hui en Occident a plus de 50% de chances de vivre au-delà de 105 ans, contre moins de 1% il y a un siècle. Cette progression, loin d'être anecdotique, s'inscrit dans une tendance de fond : depuis 200 ans, l'espérance de vie augmente régulièrement de plus de deux ans par décennie.
Les chiffres donnent le vertige :
à 20 ans, la probabilité de devenir centenaire est désormais d'une sur deux ;
à 40 ans, celle d'atteindre 95 ans ;
à 60 ans, de dépasser 90 ans.
Cette révolution démographique, comparable dans son ampleur à la mondialisation ou aux bouleversements technologiques, va transformer profondément nos modes de vie dans les années à venir.
Pourtant, ce sujet crucial reste étrangement absent du débat public.
Quand il est abordé, c'est souvent sous un angle négatif, associé à la fragilité, aux maladies dégénératives et aux coûts médicaux croissants.
Une vision particulièrement prégnante en France, où l'accompagnement du grand âge reste largement bureaucratisé.
Une tutelle héritée de l'Histoire
L'emprise institutionnelle sur la vieillesse n'est pas nouvelle. Elle remonte à Louis XIV et à la création des hospices, initialement conçus pour "reléguer les vieillards indigents" et permettre à leurs familles de se consacrer à la production de richesses.
Si les établissements ont évolué et se sont humanisés au fil des siècles, le principe d'une prise en charge institutionnelle reste profondément ancré dans notre modèle social.
Cette approche centralisée se manifeste aujourd'hui à tous les niveaux : des EHPAD à la protection sociale en passant par les différents rapports qui veulent, depuis les années 1960 “penser” le parcours de vie des vieux.
L’État, ses agences et les institutions de protection sociale s'arrogent un rôle prescripteur, définissant ce que devrait être une "bonne longévité".
Mais en même temps, leur grille de lecture est tellement étroite qu’ils ne voient pas où le changement va vraiment se produire. Ils ont intégré “l’adaptation de la société au vieillissement” à leur liste d’éléments de langage, mais ils présentent le concept comme une prophétie auto-réalisatrice. Comme si la société allait s’adapter toute seule, grâce à la main invisible du marché…
J’ai quelques doutes sur la perception que ces pouvoirs publics ont du sujet, notamment sur la remise en question du parcours de vie “traditionnel” et sur la préservation de l’autonomie.
L'autonomie, grand défi de la longévité
Etre autonome, c’est avoir le contrôle sur sa vie, c’est être la personne qui prend les décisions. L’autonomie, que j’appelle aussi souveraineté individuelle, est pour moi la clé, le principe majeur de l’existence humaine. On l’acquiert en quittant le nid familial et on la conserve en principe jusqu’à sa mort.
L’autonomie, c’est ce que réclament les citoyens quand ils disent vouloir vieillir chez eux. Ils ne sont pas seulement attachés à leurs meubles et à leur quartier. Ils sont surtout attachés à leur libre arbitre, leur liberté de choisir ce qu’ils font, à quelle heure et avec qui.
Pour rester autonome, le citoyen doit disposer de tous les leviers. Il ne doit pas se retrouver dirigé.
Or, cette autonomie se retrouve mise à mal par le parcours de vie actuel. En cause, la santé déclinante, la méfiance de l’entourage qui veut prendre le contrôle sur les décisions d’une personne âgée “pour son bien”, l’institutionnalisation forcée quand on n’est pas “en bonne santé” ainsi que les pensions de retraite et les capacités financières de certaines personnes âgées…
C’est pourquoi, la question de l’autonomie qui est déjà capitale pour moi va devenir de plus en plus critique avec l’allongement de la vie et le vieillissement de la population. Garantir cette autonomie à nos concitoyens devrait être un engagement politique pour les candidats de la prochaine présidentielle. Cela devrait être une liberté fondamentale.
Et c’est loin d’être le cas.
Il y a donc un gros boulot à fournir de ce côté là.
Dans un contexte où les trajectoires de vie s'allongent et se diversifient, la capacité à maintenir sa souveraineté indivudelle devient cruciale.
Repenser le parcours de vie
Le modèle traditionnel du XXe siècle - études, carrière, retraite - n'est plus adapté à des vies qui s'allongent.
Comment maintenir un système de retraite conçu pour des existences de 60 ans quand la norme devient le siècle ?
Cette inadéquation croissante appelle une refonte profonde de notre organisation sociale.
L'enjeu n'est pas seulement financier. Il s'agit de repenser l'ensemble du parcours de vie pour l'adapter à cette nouvelle temporalité. Cela suppose notamment de sortir d'une vision standardisée pour permettre des trajectoires plus individualisées, plus flexibles, mieux adaptées aux aspirations et aux capacités de chacun.
Les nouvelles technologies et l'évolution des modes de travail ouvrent des perspectives inédites. Le développement du télétravail, la formation continue, les secondes carrières : autant d'opportunités de réinventer son parcours professionnel tout au long de la vie.
Un défi collectif, des réponses individuelles
Cette transformation ne pourra se faire sans une évolution profonde de notre rapport à la puissance publique. Lisez les médias, suivez les échanges (mous du genou) sur Linkedin, voyez ce que demandent les électeurs : En France, le citoyen a pris l'habitude de tout attendre de l'État.
Un réflexe qui devient problématique vu
L’instabilité gouvernementale,
La méconnaissance de ce sujet par des pouvoirs publics qui ne s’en occupent pas beaucoup, et toujours sous les angles dépendance, aidants et médico-social,
Les défis de la longévité qui appellent des réponses plus personnalisées et plus adaptables.
La complexité des parcours de vie modernes exige une plus grande souplesse institutionnelle.
Les régimes de retraite, les systèmes de santé, les structures d'accompagnement doivent évoluer pour s'adapter à cette diversité croissante des situations individuelles.
Vers une longévité choisie plutôt que subie
Il est temps de sortir du paradigme de la longévité institutionnalisée.
Notre système actuel a créé une dépendance malsaine envers l'État, transformant les citoyens en spectateurs de leur propre vieillissement.
De la retraite aux EHPAD, du "maintien à domicile" aux programmes de prévention comme Icope, l'État prétend orchestrer chaque aspect de notre vieillissement (et plus largement, de notre vie de citoyen).
Les quatre piliers d'une longévité réinventée
Et pourtant, selon moi, la solution ne viendra pas de nouveaux dispositifs publics ou de réglementations supplémentaires, mais de la liberté donnée (ou rendue) à chacun de construire son propre parcours.
Cette approche plus libérale de la vieillesse repose sur quatre piliers fondamentaux :
L'autonomie financière : construire plutôt qu'attendre
L'indépendance financière ne peut plus être une simple promesse institutionnelle, mais doit devenir une capacité construite activement tout au long de la vie.
Cela implique de diversifier ses sources de revenus, de constituer un patrimoine adaptable, et surtout de sortir du mythe de la pension garantie.
L'épargne, l'investissement, la gestion patrimoniale deviennent des compétences essentielles pour naviguer dans une vie plus longue.
L'intégrité physique : prévenir plutôt que guérir
La santé n'est plus une affaire purement médicale, mais un capital à préserver et développer.
Cela passe par une approche préventive personnalisée, intégrant l'activité physique, la nutrition, la gestion du stress et le suivi régulier de ses indicateurs de santé.
Les nouvelles technologies permettent désormais un monitoring précis de sa santé, redonnant à chacun le pouvoir d'agir avant l'apparition des problèmes.
La liberté de décision : choisir plutôt que subir
L'autonomie décisionnelle devient cruciale dans un parcours de vie allongé. Il s'agit de pouvoir choisir son mode de vie, son habitat, ses activités sans se voir imposer des solutions standardisées par les institutions.
Cette liberté suppose d'anticiper ses choix, de maintenir sa capacité décisionnelle et de résister aux pressions normatives qui poussent vers des solutions "toutes faites".
Les liens sociaux : cultiver plutôt qu'isoler
La dimension sociale, souvent négligée par l'approche bureaucratique, est pourtant fondamentale.
Elle implique de maintenir et développer activement son réseau relationnel, de participer à des activités collectives choisies, et de créer des liens intergénérationnels authentiques.
Ces connexions sociales constituent un filet de sécurité plus souple et plus humain que les dispositifs institutionnels.
Une révolution culturelle nécessaire
Cette transformation de notre rapport à la longévité nécessite une véritable révolution culturelle.
Il s'agit de passer d'une logique de prise en charge à une logique d'empowerment, où chaque individu devient acteur de son parcours de vie.
Cela suppose de développer de nouvelles compétences, de nouveaux réflexes, une nouvelle façon de se projeter dans l'avenir.
Les institutions ne disparaîtront pas, mais leur rôle doit évoluer : d'organisatrices de la longévité, elles doivent devenir facilitatrices, créant les conditions permettant à chacun de construire son propre chemin.
Car si la longévité est un défi collectif, les réponses, elles, seront nécessairement individuelles, aussi diverses que les vies qu'elles accompagnent.
La naissance d'un projet : Longévité Liberté
Cette réflexion sur notre rapport à la longévité m'a progressivement conduit vers un constat : nous avons besoin d'un nouveau cadre de pensée, d'une approche radicalement différente qui place l'individu au centre des décisions qui concernent sa propre longévité.
C'est de cette conviction qu'est né le projet "Longévité Liberté", une initiative qui vise à repenser fondamentalement notre approche de la longévité, en sortant du carcan institutionnel pour explorer les voies d'une plus grande autonomie individuelle.
Mais plus qu'un simple projet, "Longévité Liberté" se veut une invitation à la réflexion collective sur notre rapport au vieillissement et à l'autonomie.
Une approche que je développerai en détail dans mon prochain article, dimanche 5 janvier 2025, où je présenterai les contours de cette initiative et ses premières pistes d'action.
Car si la longévité est bien le défi majeur de notre siècle, il est temps que sa gestion échappe au monopole des institutions pour revenir entre les mains de ceux qu'elle concerne au premier chef : les individus eux-mêmes.
Offre spéciale Nouvelle Année
Du 1er au 31 janvier 2025, profitez d'une réduction exceptionnelle sur l'abonnement premium : 90 € au lieu de 120 € pour une année complète d'accès illimité.
En passant au premium, vous bénéficiez de :
L'accès à l'intégralité de mes analyses depuis 2021
La lecture complète des articles à venir en 2025
Un accès prioritaire à mes événements et webinaires
Les archives commentées de mes meilleures analyses de la Silver économie
Ne manquez pas cette opportunité de rejoindre une communauté de professionnels et de décideurs qui réinventent le futur de la longévité.
Cette offre se termine le 31 janvier 2025. Le tarif préférentiel est garanti pour toute la durée de votre abonnement.
Très en phase avec cette analyse, j’ai hâte d’en lire plus sur Longévité Liberté.
Longévité Liberté, hâte d'en savoir plus.
Totalement d'accord avec tes propos.
Malheureusement culturellement les personnes se reposent beaucoup sur les aides sociales (retraite, sécurité sociale) pour assurer la suite de la vie en cas de difficulté. Tu as raison ça doit changer mais comment ?