Innovation : Comment éviter le syndrome du missionnaire jésuite ?
Concurrence | Innovation | Syndrome du missionnaire Jésuite | Case study : Mamy Sittor | Académie des 9 | Framework pour - bien - qualifier votre projet
Qu’est-ce qu’une innovation ?
C’est un produit ou service qui apporte une réponse nouvelle et plus performante à un problème.
L’innovation ne crée pas le marché. Bien souvent, elle apporte une nouveauté sur un marché existant. Cela vaut pour l’innovation continue, qui consiste dans l’évolution “naturelle” des produits et services qui s’adaptent à la demande.
Mais aussi pour l’innovation de rupture qui remet en question les règles du jeu d'un marché existant.
Dans la plupart des cas - si ce n’est tous - l’innovation vient bouleverser les règles du marché sur lequel elle se positionne. Elle doit donc se tailler une place parmi les différents concurrents qui se disputent la demande.
Qu’est-ce qu’un concurrent ?
C’est le produit ou service :
Que vos clients utilisaient avant vous.
Que vos clients préfèrent au vôtre pour résoudre le problème que vous prétendez résoudre
Que vos clients continueront à utiliser si vous ne faites pas la démonstration de votre supériorité
Que vos clients continueront à utiliser si vous vous obstinez à penser qu’ils n’existent pas (les concurrents, pas les clients).
Vous pensez que vous n’avez aucun concurrent ?
C’est très rare. A moins d’occuper une situation de monopole sur un marché, vous avez des concurrents.
Si vous pensez que vous n’avez pas de concurrent, peut-être est-ce parce que vous ne regardez pas dans la bonne direction :
Ils ne sont pas là où vous le croyez
Ils ne sont pas qui vous croyez
Vous n’avez pas bien identifié votre marché
Si vous pensez que vous n’avez aucun concurrent, vous ne regardez pas dans la bonne direction…
Soit vous le faites de bonne foi, car vous n’avez pas bien qualifié votre marché. Vous êtes parti dans une direction en suivant votre instinct, enrichi de quelques données statistiques et quelques interviews de terrain (mais pas assez, ou pas assez bien conduites pour comprendre contre qui vous vous battez).
Soit vous le faites de mauvaise foi, car vous vous doutez qu’il existe des concurrents dans votre marché, mais vous voulez à tout prix vous persuader (et persuader vos investisseurs) que vous êtes unique, car c’est plus séduisant.
Ou bien, vous imaginez que les concurrents sont tellement minables, que ce ne sont pas de vrais concurrents. Leur offre est ridicule : la preuve étant qu’elle ne résout pas le problème auquel vous vous attaquez.
Si vous vous trouvez dans l’un de ces cas de figure, vous êtes atteint par le syndrome du missionnaire jésuite.
Le syndrome du missionnaire jésuite
À la Renaissance, les royaumes européens ont entamé des campagnes de conquête commerciale à travers le monde. Le but était d’étendre leur influence en trouvant de nouveaux débouchés économiques, mais aussi des sources de richesses à importer sur le Vieux Continent.
Des explorateurs et des marchands, agréés par leur royaume d’origine, sillonnaient le monde connu. Ils implantaient des comptoirs, faisaient du commerce et cherchaient à imposer l’autorité de leur souverain sur les territoires lointains.
Ils disposaient pour cela d’une arme secrète : la religion catholique.
Des missionnaires accompagnaient les marchands afin de convertir les “sauvages” à la “Vraie Foi”. Leur conviction étant qu’il n’en existait pas d’autre, ils étaient persuadés de leur succès, car ils avaient raison. C’est le pape qui le leur avait dit. Et donc, dans une certaine mesure, Dieu lui-même. Enfin, c’est ce que pensaient ces braves soldats de la Foi. Et c’est harnaché de ces certitudes qu’ils traversaient le monde afin de convertir les païens et étendre l’influence de l’Eglise Catholique et Romaine.
La réalité les rattrapait dès qu’ils sortaient leur bréviaire
Hélas pour eux, nos braves missionnaires se heurtaient bien souvent une résistance spirituelle et politique.
Les souverains des contrées lointaines ne voulaient pas que des religieux européens convertissent leurs sujets à la foi catholique, car cette conversion entraînerait une baisse de leur propre influence sur leur royaume. C’est pourquoi ils s’opposaient assez fermement à la mission évangélique des missionnaires Jésuites.
En outre, les religions indigènes s’étaient construites autour de l’identité culturelle des civilisations ciblées. Ce qui leur donnait une cohérence plus importante qu’une religion catholique “romaine” théorisée par et pour les Européens.
Et donc, les missionnaires ont dû se battre (et souvent perdre) contre les croyances locales plus ancrées que prévu, le clergé local qui n’avait pas envie de se faire balkaniser et surtout contre le pouvoir politique qui refusait leur mission de peur de perdre son influence sur le peuple.
Et c’est quoi le rapport avec vous ?
Si, à l’instar du missionnaire jésuite, vous pensez poser le pied sur une terre vierge où des millions de seniors souffrent d’un problème que vous êtes le seul à résoudre, vous êtes dans le déni de la réalité. Vous souffrez du syndrome du missionnaire jésuite1.
Un syndrome qui peut fracasser votre projet contre deux écueils.
Primo, partir sur un marché où il n’y a personne, ce qui revient à prêcher dans le désert… Pour filer la métaphore du missionnaire.
Secundo, refuser de voir vos vrais concurrents et donc ignorer les actions qu’ils pourraient mener pour vous barrer la route, si d’aventure vous deveniez une vraie menace.
Aller plus loin : la page wikipédia consacrée aux missionnaires jésuites en Chine.
Illustrons le syndrome du missionnaire jésuite avec une étude de cas imaginaire.
Etude de cas : Mamy Sittor
Inspiration : Baby Sittor
Baby Sittor aide les parents à trouver un baby sitter pour garder leur progéniture en les connectant à des étudiants. La plateforme repose sur un système de recommandation qui sécurise les parties prenantes quant à la fiabilité des intervenants. Que l’on soit parent ou baby sitter, on n’y entre pas comme dans un moulin, il faut être recommandé par des pairs, déjà utilisateurs.
En revanche, c’est le seul contrôle à l’entrée.
Les baby sitters n’ont pas à faire état de diplômes qui attestent de leurs compétences. Ils ne doivent pas produire un certificat d’assurance ou un quelconque document qui valide que la prestation va se dérouler sans risque. Ils ne sont même pas tenus de décliner l’identité qu’ils prétendent avoir ou prouver l’expérience dont ils se targuent dans leur présentation. Et comme la prestation est ponctuelle, elle ne fait l’objet d’aucun contrat qui prémunirait les parties contre un éventuel problème survenant pendant la garde.
Bien qu’il soit en totale contravention avec l’URSSAF, la plupart des prestations étant réglées en liquide (et donc, au noir), le service ne constitue pas une menace suffisante pour que les fédérations de services à la personne s’y attaquent.
Mais il en irait tout autrement si un service de type Baby Sittor se lance sur le marché des personnes âgées dépendantes ou des enfants handicapés.
Une idée de génie ?
Imaginons qu’un entrepreneur détecte un problème cornélien pour les aidants : la garde temporaire de courte durée. Les aidants ne savent pas à qui s’adresser pour faire garder leur proche aidé, de façon ponctuelle ou fortuite, comme le font les parents qui confient leur progéniture à un étudiant via Baby Sittor.
Cet entrepreneur analyse le marché et valide l’existence d’un problème insoluble auquel il pourrait répondre en créant une réplique de Baby Sittor pour les personnes âgées : Mamy Sittor. Le marché est gigantesque puisque le nombre d’aidants est évalué à 11 millions (oui, cet entrepreneur n’a pas lu mon analyse critique sur ce chiffre fantaisiste). En outre, les acteurs des services à la personne ne s’y intéressent pas. Rien ne semble indiquer qu’un quelconque concurrent menace la croissance - nécessairement exponentielle - de son futur projet. Pardon. De sa future licorne.
Vous en doutez ? Pourquoi ?
Voilà un service qui répond à un besoin réel : la garde temporaire de publics dépendants ou fragiles.
Un service qui semble ne pas exister aujourd’hui.
Semble ?
Oui, parce que si notre ami faisait mieux son analyse, il verrait que ce service n’est pas une innovation de rupture. D’abord, il faut bien que les aidants confrontés à une urgence trouvent une solution : quelle solution ?
Pour le savoir, le meilleur moyen est de poser la question à suffisamment d’aidants afin d'identifier toutes les occurrences. Le voisin, le conjoint, l’aide à domicile, la garde de jour, etc.
Mais surtout, notre ami n’a pas identifié son principal concurrent qui représente aussi sa principale menace : les services d’aide à domicile et leurs puissantes fédérations qui veillent au grain pour éviter qu’un petit malin développe un service qui les concurrence déloyalement en contournant la réglementation contraignante qui protège les personnes vulnérables en imposant des critères stricts pour accéder à ce marché.
Menaces
Si notre ami se lance bille en tête dans son opération, il n’aura pas le temps de savourer sa victoire car les fédérations de services à la personne vont lui tomber dessus, comme la vérole sur le bas clergé.
Il devra alors :
Adopter une réglementation qui remet fortement en question son business model, car il ne pourra plus assurer son service avec des étudiants payés au black.
Réformer son parcours client : car la réglementation imposera qu’un contrat formel soit passé entre le client et l’intervenant
Ou bien mettre la clé sous la porte.
Un traumatisme qu’il aurait pu éviter en identifiant mieux son marché et ses concurrents dès le départ.
Un remède pour soigner le mal à la racine
Vous l’aurez compris, que vous créiez une boîte ou développiez un nouveau service, vous devez impérativement bien cerner un marché avant d’y lancer votre projet (si vous ne partagez pas cette opinion, retournez au début de cet article et lisez-le à nouveau).
Pour vous faciliter la tâche, je vous partage un framework qui vous aidera à positionner votre projet. Ce framework s’appelle : L’Académie des 9.
J’ai choisi ce nom en mémoire d’un jeu télévisé que vos cibles, les boomers, ont bien connu.
Lors de L'Académie des neuf, neuf personnalités sont invitées et réparties dans les neuf cases du décor, sur trois étages. Deux candidats s'affrontent selon le principe du jeu de morpion : le premier candidat choisit une case avec un invité à l'intérieur, celui-ci doit répondre à une question posée par l'animateur. En cas de bonne réponse, la case de l'invité est marquée d'une croix ou d'un rond et l'autre candidat doit à son tour choisir une autre case jusqu'à ce que l'un des candidats réussisse à faire une ligne de ronds ou de croix.
Plus d’infos à propos de ce jeu iconique sur sa page Wikipédia.
Dans la partie premium de ce dossier, vous allez découvrir le framework, apprendre à l’utiliser. Et surtout, vous pourrez télécharger librement le framework de l’Académie des 9 (en PDF), afin de l’utiliser pour vos projets.
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