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🤔 Les étapes pour créer une entreprise dans la silver économie
Découvrez les étapes clés pour créer une entreprise rentable et durable en silver économie
L'idée de Granny & Charly m'est venue lors d'un séjour chez ma grand-mère à la Toussaint 2019. S'essoufflant rapidement, « Granny » recherchait quelqu'un qui puisse l'accompagner pour faire son marché et porter ses courses. Nous lui avons trouvé un étudiant pour deux mois grâce à une annonce sur Facebook.
Amélie Frély
Fondatrice de Granny & Charly1
J’aime bien cet extrait parce qu’il représente le schéma habituel d’arrivée dans la Silver économie.
Comment on arrive dans la Silver économie
Un jeune entrepreneur découvre un problème chez sa grand-mère. Il y apporte une réponse. Il décide d’en faire un business pour aider toutes les grands-mères de France. Parfois ça marche, quand la solution est simple et l’entrepreneur bien inspiré. Souvent ça plante, quand la solution est complexe et l’entrepreneur pas bien inspiré.
Granny & Charly a trouvé un modèle économique, s’est adossé à des partenaires qui y ont cru (la MAIF) avant de lever des fonds pour accélérer fin 2022.
D’autres sont moins inspirés et cherchent à développer pour une population qui s’en fout une solution qui ne répond à aucun besoin réel. Et le plus affligeant, c’est quand ils persuadent des investisseurs privés ou publics de subventionner une idée sans avenir.
Là où le bat blesse
Succès ou échec, quelque chose me dérange dans cette façon d’approcher la Silver économie : qu’on l’attaque par la fragilité des vieux.
Un vieux a un problème lié à l’âge, je vais l’aider avec un service qui compense ce problème.
La limite à cette approche, c’est que les entrepreneurs se concentrent sur les problèmes supposés liés à l’âge.
Et donc ils développent des réponses qu’ils veulent adapter au problème, en l’associant à des personnes âgées.
Alors que ce problème, même si sa prévalence augmente avec l’âge, n’est pas un problème que pour les vieux.
Prenons l’exemple des accidents domestiques quand on est seul chez soi
Imaginons que vous changez une ampoule de votre plafonnier. Vous êtes debout sur votre escabeau, bras tendus, en extension maximale pour arriver à vos fins quand soudain, Kiki, votre Saint Bernard, traverse la pièce en galopant à la poursuite de Jojo, votre jeune chaton tout fou et tout mignon. Le mastodonte ébranle l’escabeau, vous faisant perdre l’équilibre. Comme vous n’avez rien à quoi vous rattraper, vous chutez brutalement, en vous explosant la hanche contre la table basse en marbre, très jolie, mais très dure.
Vous entendez distinctement un craquement aussi sinistre qu’évocateur.
Une douleur absolue vous traverse de part en part.
Et tandis que vous cherchez à sonder l’étendue des dégâts, une peur panique vous tétanise. Car vous êtes bien entendu seul.e à la maison, votre conjoint étant parti visiter ses parents pour les 4 prochains jours.
Comment allez-vous appeler les secours alors que votre téléphone est resté dans la cuisine ?
Ah, si vous disposiez d’un système de téléassistance, les choses seraient tellement plus simples.
OK, c’est un peu anecdotique, mais…
Des situations où vous rencontrez un problème qu’on attribue un peu trop systématiquement au grand âge, vous en rencontrez souvent :
Vous êtes isolé dans une zone rurale, sans voiture, ni vélo et sans ligne de bus à proximité : comment vous rendre à l’épicerie la plus proche, située à 15 km, pour acheter une bière et un paquet de 25 kg de croquettes pour votre Saint Bernard ?
Vous sortez d’un covid long, marcher plus de 25 mètres sans assistance vous est impossible : qui pourrait vous aider à sortir faire vos achats de Noël ?
Vous divorcez, vous ne supportez plus votre appart et votre Saint Bernard qui vous rappellent votre vie conjugale, mais vous n’avez aucune envie de vivre seul.e et vous avez passé l’âge de prendre une colocation avec des étudiants, où trouver un logement partagé avec des gens sympas aimant les - gros - chiens ?
Etc.
Mais où veut-il en venir ?
À force de vouloir traiter les problèmes des seniors, on oublie que les problèmes qu’on va traiter ne touchent pas que les seniors et donc :
Que le marché qu’on veut atteindre est bien plus large ;
Que sur ce marché, le segment senior n’est pas nécessairement le plus pertinent ;
Que les seniors eux-mêmes préféreraient qu’on leur parle de leur problème au lieu de leur parler de leur âge… Ou d’associer ce problème à leur âge ;
Qu’il serait donc plus pertinent d’aborder le sujet dans son ensemble, en envisageant notamment, mais pas seulement, la question des seniors.
Prenons un exemple : l’isolement des seniors en zone rurale
Seniors en zone rurale : état des lieux
40% des citoyens âgés de 70 ans et plus vivent en zone rurale et périurbaine. Cette population est composée d’ex-urbains qui se sont éloignés des métropoles à l’approche de la retraite et de locaux purs et durs qui ont toujours vécu là.
Pour la mobilité du quotidien, les alternatives à la voiture y sont peu nombreuses, voire inexistantes. Les petites gares ont fermé, les réseaux de bus sont anémiques et on manque de chauffeurs.
Or, même si la voiture est prédominante, elle n’est pas le véhicule de tout le monde.
Les citoyens qui ne conduisent pas sont dépendants de ceux qui conduisent.
Cela concerne les personnes qui n’ont pas le permis (soit qu’ils sont trop, jeunes, soit qu’ils l’ont perdu, soit qu’ils ne l’ont jamais passé), celles qui ne peuvent physiquement pas conduire et celles qui n’ont pas de véhicule.
Et donc, si je crée un réseau de transports en commun, je vais offrir une solution à tous ces publics ainsi qu’à ceux qui prennent la voiture parce qu’ils n’ont pas le choix, mais préféreraient faire autrement.
Alors que si je crée une offre dédiée aux seniors, je n’adresse qu’une partie du problème. En outre, je risque d’exclure des seniors qui ne se considèrent pas comme tels ou des seniors qui préféreront laisser l’usage de ces dispositifs à ceux qui en ont “le plus besoin”.
Le problème, ce n’est pas l’isolement des seniors vivant en zone rurale, c’est l’absence d’alternative à la voiture pour se déplacer en zone rurale.
The big picture
Et si j’aborde le sujet sous cet angle, non seulement je résous un problème plus vaste, mais je vais aussi intéresser des élus qui se sentiraient concernés par une question de mobilité et moins concernés par une problématique purement senior.
Et je vais pouvoir percevoir des aides qui ne sont pas fléchées sur les vieux, mais sur la mobilité.
Je vais résoudre un problème de vieillissement, mais en l’intégrant dans une problématique plus vaste. La Silver économie sera une partie de la réponse à ce problème, mais ce ne sera pas son seul fait générateur.
Cette réflexion sur les transports en zone rurale m’a été inspirée par le dossier que j’ai réalisé cette semaine avec France Silver Eco à propos des solutions de mobilité dans la Silver économie.
Mobilité et Silver économie
Partant du constat que les projets de Silver économie consacrés à la mobilité sont peu nombreux, nous avons cherché à identifier les acteurs de la mobilité qui contribuent à l’adaptation de la société au vieillissement.
Nous avons interrogé la MACIF sur son implication dans un projet de développement de véhicules autonomes pour créer des lignes de transports en commun en zone rurale.
Nous pensions parler véhicules autonomes, technologie, R&D, Tesla et batteries au lithium.
Nous avons parlé usage, besoin, service global aux citoyens.
La solution technologique fait partie d’un tout plus vaste.
Ce que nous avons appris en échangeant avec Nicolas Marescaux, directeur adjoint Réponses Besoins Sociétaires et Innovation à la MACIF, c’est que ce n’est pas un projet technologique qui consiste à développer un véhicule autonome.
Un projet de mobilité et pas juste un véhicule autonome
C’est un projet qui veut offrir un service complet aux communes qui souhaitent doter leur territoire d’une ligne de transports en commun autonome.
On aborde un problème, on identifie une solution globale dont la techno est une partie, mais non l’ensemble.
Je suis le maire d’une commune rurale, je veux aider mes concitoyens à se déplacer, je veux donc créer une ligne de transports.
Le projet MACIF ne va pas répondre à ce problème en se contentant de vendre un véhicule idoine, charge pour le maire d’inventer le service complet qui va autour (créer une régie de transports en commun, c’est un travail de titans).
Non, il va intégrer ce véhicule dans un projet de service global et s’assurer que ce service résout le problème de tous les citoyens, quelle que soit leur situation (vieux, jeunes, familles, personnes handicapées, etc.)
À lire absolument
Si vous souhaitez découvrir notre entretien avec Nicolas Marescaux à propos du projet MACIF, je vous recommande la lecture de notre dossier sur les transports. Vous y découvrirez aussi les travaux de la direction Accessibilité de la SNCF (interview de la directrice Accessibilité, Laetitia Monrond), un focus sur Wimoov et sur le projet “Ma Course SNCF” testé dans la Sarthe ainsi que notre analyse du dossier que la Caisse des Dépôts a consacré à la mobilité résidentielle des seniors.
Conclusion
À travers ces différents exemples, j’ai cherché à vous montrer comment développer un projet qui répond à un besoin global et pas seulement à un besoin senior apportera une solution aux seniors plus sûrement qu’un projet qui leur serait dédié.
Mon propos vous semble-t-il clair ?
Sensé ?
Cohérent ?
Les Echos Business du 10 décembre 2022 : https://www.lesechos.fr/weekend/business-story/amelie-frely-accompagne-les-seniors-avec-ses-charly-1887222
🤔 Les étapes pour créer une entreprise dans la silver économie
Les communes en milieu rural disposent d’employés communaux souvent à temps partiel ceux-ci devant être employés par une seconde commune pour obtenir un temps plein. L’élargissement des missions de ces agents au service des aînés ou tout type de personnes ayant un besoin pourrait être une solution.
Bon dimanche
Belle synchronicité pour moi cet article ! Il y a pas mal de chose qui résonne en moi.
Au quotidien, sur le terrain je perçois clairement des besoins auxquels je réponds mais en dépit de cette précieuse expérience, j'ai le sentiment d'évoluer sur un marché où une partie des acteurs essaient d'imposer via les réseaux sociaux ou sur le terrain politique une vision qui va parfois à l'encontre de ce que j'observe, à grand coups de raccoucis.
A force de vouloir à tous prix répondre aux besoins issus de certaines "fragilités" comme tu dis, je me suis retrouvée à être dans la compensation plus que dans l'anticipation, dans le "all inclusive" et l'assistanat plus que dans la responsabilisation. Résultat : j'ai parfois obtenu l'effet inverse de celui recherché. Clairement ça ne va pas du tout dans le sens du respect de l'autonomie, de la prise d'initiative de l'aidé et de l'aidant. Bref....tout le contraire de mes valeurs ! Mea culpa