Une semaine, 34 rencontres : Mon marathon révélateur dans l'univers de la Silver économie
De la téléassistance aux potagers d'EHPAD, en passant par l'IA et les services à domicile : panorama des innovations qui façonnent l'adaptation de notre société au vieillissement démographique.
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, Je profite de notre rendez-vous dominical pour vous partager mes impressions sur l’écosystème Silver économie à l’aune des rencontres que j’ai faites cette semaine.
J’ai participé à trois événements qui m’ont permis de rencontrer une quarantaine d’entrepreneurs et de mieux cerner la façon dont ils peuvent adapter la société au vieillissement.
J’analyse ce que ces échanges m’ont appris et j’essaie de répondre à LA grande question : C’est quoi la Silver économie ?
Ce qui ne change pas
Rencontre après rencontre - comme c’était déjà le cas au festival Silver économie de Cannes - je réalise à quel point notre écosystème est spécial. Non pas pour ses modèles économiques, mais pour les points communs dans la motivation des acteurs qui s’y engagent.
Ils ne sont pas arrivés là par hasard.
Ils veulent adapter la société au vieillissement.
C’est leur idée directrice, la ligne de vie de leur projet.
C’est quoi la Silver économie ?
L’autre jour, un sceptique me demandait ce qu’a fait la Silver économie en dix ans. Selon moi, ce qu’elle a fait ne se chiffre pas en réussites économiques, ni en nombre de licornes, mais en la naissance d’espaces, d’endroits où des acteurs qui partagent quelque chose d’aussi fort que des convictions profondes peuvent se rencontrer, échanger et construire des projets ensemble.
Et justement cette semaine, j’ai pu participer à trois événements organisés par des structures qui rendent ces rassemblements possibles : Arkéa Assistance et Silver Valley.
Zoom sur Arkea Assistance
Le Crédit Mutuel Arkéa est un groupe bancaire coopératif français, principalement implanté en Bretagne et dans le Sud-Ouest. Fondé au début du 20e siècle, il résulte de l'alliance entre les fédérations du Crédit Mutuel de Bretagne et du Sud-Ouest.
Arkéa comprend aujourd'hui environ 40 filiales spécialisées, proposant des services de banque de détail, d'assurance et de gestion d'actifs. Parmi ces filiales, Arkéa Assistance, créée en 2012, se spécialise dans la téléassistance pour personnes âgées. Elle offre des solutions innovantes de maintien à domicile, couvrant 95 départements en France métropolitaine, avec plus de 30 000 abonnés.
Impliquée dans la Silver économie, l’enseigne organisait pour la deuxième année consécutive un cocktail d’échange pour les acteurs de la Silver économie avec qui elle est connectée.
Le cocktail annuel d’Arkéa Assistance
C’est ainsi que, lundi 14 octobre, une centaine de professionnels de la Silver économie se réunissaient au siège parisien d’Arkéa autour d’un généreux buffet.
Durant les 2 heures passées sur place, j’ai pu - magie des cocktails - discuter brièvement - ou non - avec 24 personnes. Toutes étaient intéressantes, mais il y a toujours une acmé dans ces rencontres. Une personne qui marque plus que les autres. Et ce jour-là, j’ai été particulièrement marqué par mon échange passionné avec Tanel Petelot, le co-fondateur et CEO de Emobot, une start-up healthtech qui a conçu un robot capable d’analyser les émotions des personnes souffrant de troubles psychiques et neurologiques afin d’anticiper les crises.
Tanel et Emobot
Tanel et Emobot sont apparus sur mon radar lorsque la société a été lancée, en 2022. C’était à l’origine un projet d’étude porté par un groupe de centraliens. Ils ont bénéficié d’un appui de Benjamin Zimmer, lui-même centralien, qui a accompagné leurs débuts dans la Silver économie. À cette époque, la jeune pousse a signé un partenariat avec le groupe Bridge qui lui a permis de déployer et faire évoluer son robot auprès de ses bénéficiaires cibles.
Aujourd’hui, Emobot s’est plutôt tourné vers la psychiatrie et ne cherche pas, pour le moment, à s’implanter dans de nouveaux EHPAD, malgré les enjeux critiques de l’assistance des résidents souffrant de troubles psy et neuro dans ces institutions.
Des enjeux dont Tanel est bien conscient - je dirai même qu’il maîtrise ces sujets comme peu de professionnels de la Silver économie - mais qui sont douchés par le climat actuel dans les EHPAD et la faible appétence de ces structures pour l’innovation technologique.
Ce qui m’intéresse chez Arkea Assistance
Arkéa étant l’hôte de la soirée, j’ai eu l’opportunité d’échanger avec trois de ses représentants : Odile de Pascau (directrice marketing), Olivier Bessière (directeur commercial) et Yvon Le Bihan (actuel directeur général, mais qui quitte Arkéa en fin d’année, cédant sa place à Antoine Lefebvre). Le président du groupe, Julien Carmona a quant à lui fait une brève allocution insistant sur l’enjeu de l’adaptation de la société au vieillissement.
Un vieillissement qui touche de plein fouet la région d’origine du groupe - la Bretagne - qui voit croître chaque année sa population avec des seniors “migrant” en Bretagne pour leurs vieux jours.
Ce qui m’intéresse chez Arkéa Assistance, c’est leur capacité à proposer un service de care - management / conciergerie / assistance global en mêlant de la téléassistance, du conseil et divers produits annexes qui leur permettent de répondre à trois enjeux majeurs : la santé, la sécurité et le lien social.
En outre, étant la filiale d’un groupe bancaire coopératif, ils bénéficient de la confiance de leurs clients, mais doivent cependant expliquer pourquoi une banque fait de la Silver économie.
En synthèse, Arkéa est un groupe intéressant pour son service, mais aussi parce que c’est une structure “mainstream” pionnière dans la Silver économie. Deux bonnes raisons de suivre leur activité !
Zoom sur Silver Valley
On ne présente plus Silver Valley. Ce cluster créé à l’aube de la Silver économie par Benjamin Zimmer est actuellement dirigé par Romain Ganneau.
À la tête d’une petite équipe de 6 personnes et bénéficiant du soutien de son conseil d’administration, Romain ambitionne de faire de cette structure un véritable cluster, c’est-à-dire un regroupement d'entreprises, de centres de recherche et d'établissements de formation autour d'une thématique ou d'un secteur d'activité spécifique.
Parce que, jusqu’à présent - et quoi qu’en pensent les gens qui ne sont pas d’accord avec moi - Silver Valley était d’abord identifié pour son travail avec les start-up de la Silver économie. Un travail nécessaire, car l’innovation viendra en grande partie de ces jeunes pousses. Mais insuffisant, car les start-up ont besoin de s’adosser à des structures plus installées - comme Arkéa - afin de diffuser leurs innovations au grand public.
En effet, les systèmes de scale qui fonctionnent sur d’autres marchés sont peu efficients dans la Silver économie, compte tenu de la grande complexité du B2C ainsi que de la très forte intrication entre le public et le privé. C’est pourquoi il est - plus qu’ailleurs - utile de rechercher l’appui de partenaires et de réseaux d’affaires pour changer d’échelle.
Et c’est un rôle que Silver Valley peut jouer à condition d’offrir un service intéressant toutes ses parties prenantes.
La Silver Week
À l'occasion de la Silver Week organisée cette semaine, Silver Valley a facilité les échanges entre ses adhérents. Dans ce cadre, j'ai animé, à la demande de l'équipe Silver Valley, des rendez-vous individuels de 20 minutes avec des entrepreneurs. Ces sessions avaient pour objectif d'aider chaque participant à résoudre son principal défi stratégique du moment, en lui apportant des conseils ciblés et des pistes de réflexion concrètes.
Les dix
J’ai ainsi rencontré dix entreprises innovantes. Dix entreprises dont l’activité balaie un large champ dans notre domaine favori. Voyez plutôt :
Eulabie (François Besnier) a développé un dispositif d’amplification audio destiné aux seniors souffrant d’une légère presbyacousie, gênante, mais insuffisante pour se faire prescrire des appareils médicaux.
Temeio (Marylise Jacquottin) veut aider les entreprises à organiser l’accompagnement préventif de leurs salariés aidants afin d’aider les uns et les autres à mieux s’organiser et permettre aux aidants d’aider leur proche sans dégrader leur vie professionnelle sur l’autel de l’aidance.
Les carottes sauvages (Philippe Rudman) construit et anime des potagers collectifs dans les EHPAD et pour les collectivités locales. Lancée en 2019, “les carottes” compte 35 projets actifs en 2024 et cherche à passer à l’échelle sans dégrader la qualité de son offre.
Prose (Charles-André Touré) est une enceinte connectée qui ne sert qu’à une seule chose : lire des livres audio. L'entreprise, forte d'une expérience dans la diffusion de contenu audio, cible un marché peu exploité. Leur stratégie inclut une campagne Ulule, des ventes en ligne et des négociations avec des enseignes. Ils visent également les EHPAD, RSS et services d'aide à la personne, explorant divers canaux de distribution pour leur produit simplifié et adapté aux besoins des seniors.
Zoé Care (Thomas Saphir), une start-up française dans le domaine de la Silver économie, développe une solution innovante de détection de chutes pour les seniors. L'entreprise utilise l'intelligence artificielle pour analyser les ondes wifi et reconnaître les mouvements. Actuellement en phase d'expérimentation, la start-up collabore avec 6 établissements.
Ergoflix (Manuella Basso), une entreprise allemande fondée en 2017 implantée sur le marché français en 2022. Spécialisée dans la conception de fauteuils pliants, la société étend son offre du secteur du handicap vers les personnes à mobilité réduite valides. En France, Ergoflix fait face à des défis spécifiques, notamment la frilosité des seniors à s’équiper d’aides techniques de confort, tandis que nos voisins d’outre Rhin y recourrent sans complexe et des délais de prise en charge plus longs (1 an vs 3 semaines) et la complexité du marché Silver économie.
Sonaide (Nicolas Turpault), une solution de détection sonore de situations de détresse, telles que les cris, gémissements et chutes. L'entreprise vise l'intégration de sa technologie dans les outils de téléassistance existants, ciblant les téléassisteurs comme clients potentiels.
Auxiacare (Jean Nillameyom), un service mandataire lancé début 2024 qui opère dans les départements 92, 77 et 91. L'entreprise se démarque par une stratégie de revalorisation salariale des auxiliaires de vie sociale, proposant un tarif compétitif de 28€ TTC, inférieur aux 33€ de ses concurrents premium.
Topizy (Taika Tusanem), entreprise de dépannage d'urgence à domicile. Son offre, basée sur un modèle d'abonnement sans franchise ni reste à charge, couvre l'électricité, le chauffage, la vitrerie, la serrurerie et la plomberie. Visant à protéger les seniors contre les arnaques, Topizy se positionne comme une mutuelle du dépannage. Actuellement, l'entreprise collabore avec des conciergeries et des propriétaires d'immeubles. L'entreprise cherche à étendre son activité dans le secteur de la Silver économie, explorant les meilleures approches pour ce marché spécifique.
Jubiliz (Aymeric de Trogoff), est un organisme de formation certifié Qualiopi. L'entreprise se concentre sur l'épanouissement des jeunes et futurs retraités, s'appuyant sur l'expertise d'une psychologue spécialisée.
Bilan
Vous rendez-vous compte de l’incroyable variété des acteurs que j’ai rencontrés cette semaine. Et cela, sans vous parler de la dizaine de rendez-vous commerciaux et de gestion de projet que j’ai assuré par ailleurs dans le cadre de mon activité de conseil !
Dans quel autre écosystème auriez-vous l’opportunité de côtoyer une aussi grande diversité d’acteurs, de projets et d’idées ?
Certes, cet éclatement de l’offre entre plusieurs verticales rend parfois l’analyse de marché complexe, mais elle montre aussi l’incroyable variété des situations qui doivent être abordées dans une stratégie nationale d’adaptation de la société au vieillissement.
C’est pourquoi je n’ai jamais vraiment cru dans la capacité du législateur à pondre une grande loi programmatique qui puisse aborder tous les enjeux, tous les sujets et refondre ce qui doit être refondu. Mais aussi parce que, bien que certains secteurs aient besoin du législateur pour être réformés, la plupart peuvent allègrement s’en passer. Et surtout parce que, selon moi, le législateur doit entériner des transitions amorcées par la société civile et non lui dicter son comportement.
Mais vous, vous qui êtes justement la cheville ouvrière de cette transition en marche, ce que j’ai voulu vous montrer aujourd’hui, c’est :
Le champ des possibles dans lequel vous pouvez vous exprimer.
La variété des partenaires que vous pouvez mobiliser
La diversité des problèmes restant à traiter
La diversité des profils d’entrepreneurs qui se lancent dans l’aventure
Le professionnalisme et la détermination de ces entrepreneurs.
En bref, je vous ai donné quelques raisons d’aimer encore plus ce que vous faites. Car moi, cette dernière semaine m’a donné 34 raisons d’aimer encore plus ce que je fais, pourquoi je le fais et pourquoi je vais continuer à le faire.
Passez une bonne semaine !