Salon des Seniors 2025 : J'y suis allé, j'ai observé, j'ai compris pourquoi vous devriez y être
Pouvoir d'achat, rejet de l'EHPAD et adaptation de l'habitat : plongée dans les vraies préoccupations des 60-70 ans et les opportunités manquées
Bienvenue dans Longévité où j’analyse les acteurs qui inventent la société de la longévité.
Cette semaine, j'ai arpenté les allées du Salon des Seniors à Paris, carnet de notes en main et regard affûté. Ce rendez-vous annuel, qui fêtait ses 25 ans, méritait bien que j'y consacre deux jours pour comprendre qui sont ces fameux seniors qui s'y pressent, ce qu'ils y cherchent et, surtout, ce que vous, acteurs de la Silver économie, pourriez y gagner.
Contrairement aux idées reçues, ce n'est pas le royaume des déambulateurs et des pilules miracles (quoique ces dernières y soient bien représentées).
Ce que j'y ai observé est révélateur des vraies préoccupations des 60-70 ans de 2025 : comprendre leur future pension, explorer des alternatives à l'EHPAD et adapter leur habitat pour vieillir chez eux.
Alors que beaucoup d'entre vous m'interrogent sur la pertinence d'exposer dans ce type d'événement, persuadés que le salut de votre business model réside exclusivement dans le B2B2C, permettez-moi de vous livrer ce rapport d'étonnement qui pourrait bien remettre en question vos certitudes et de répondre à LA question.
Comment savoir si je dois prendre un stand au salon des seniors 2026 ?
Si l'on se fie aux deux personnages incarnant l'événement sur son affiche, le senior est plutôt un quinqua hétéro, en couple avec une personne du même âge que lui, pas trop guindé, plein d'allant qui croque la vie à pleines dents et envisage l'avenir avec entrain. Mais qui sont réellement ces visiteurs qui déambulent dans les allées ?
Mon observation méticuleuse, conjuguée aux échanges avec les exposants, me permet d'affirmer que nous avons affaire majoritairement à des personnes âgées de 60 à 70 ans. Un public à la charnière, donc, entre activité professionnelle et retraite, qui s'interroge sur son avenir immédiat.
Le salon a été créé il y a 25 ans par le mensuel Notre Temps (Bayard), mais l'intérêt était en berne depuis des années avant sa reprise dynamique, en 2021, par l'organisateur d'événementiel Quinze Mai. Ce dernier a su réinventer avec brio ce rendez-vous annuel et en faire un événement intéressant, amusant et diversifié qui révèle les véritables préoccupations des seniors en 2025.
Cette année, le site web du salon annonçait 180 exposants et une centaine de conférences, sans compter les micro-événements organisés sur les stands. Une programmation riche qui attire, mais qui reste étonnamment délaissée par de nombreux acteurs de la Silver économie que je suis via ma Silvermap1.
Cartographie des exposants : qui est présent et qui manque à l'appel
Les organisateurs ont tenté de découper les exposants par thématique, identifiés par des couleurs et un emplacement spécifique. Pour ma part, j'ai déterminé 7 catégories distinctes :
Les services financiers : omniprésents avec les caisses de retraite (Assurance Vieillesse, Ircantec, Agirc Arrco, Cipav), les mutuelles, les viagéristes, et quelques acteurs comme Merci Prosper et Skarlett (les seuls acteurs financiers de ma Silvermap2 à avoir pris un stand).
Les habitats alternatifs : représentés par quelques résidences services seniors, résidences autonomie, et des acteurs comme Domani et La Maison de Blandine, présents furtivement sur le stand de leur partenaire financier (la Banque des Territoires).
Les services de santé préventive et d'aides techniques : dominés par les audioprothésistes (avec un impressionnant stand Audika), quelques médecines douces et même un acupuncteur chinois.
L'adaptation de l'habitat : avec un grand showroom rassemblé autour du Silvertruck Soliha - Saint-Gobain, animé par Jean-Philippe Arnoux, les traditionnels installateurs de douches, ainsi que des solutions innovantes comme Kibolt pour la gestion des accès au domicile.
Les loisirs : représentés par le stand magistral de Notre Temps à l'entrée du salon, divers voyagistes et quelques pays qui invitent les retraités à s'expatrier (comme le pittoresque "Retraité aux Philippines").
Les associations caritatives : venues recruter bénévoles et donateurs.
Une catégorie fourre-tout : avec des exposants type "Foire de Paris" comme le marchand de tapis persan, l'inventeur de poudre à raviver l'argenterie, ou le vendeur de pilules miraculeuses pour dormir.
Ce qui frappe, c'est la sous-représentation des services dédiés à la prise en charge ou à la prévention de la dépendance, contrastant avec la surreprésentation des services financiers - révélateur d'une préoccupation majeure des seniors : leur pouvoir d'achat.
Mais ce qui m'interpelle davantage, c'est l'absence de nombreux acteurs de la Silver économie figurant sur ma cartographie.
Comme si ces entrepreneurs avaient déjà renoncé au B2C, persuadés que leur salut se trouve exclusivement dans les partenariats B2B2C. Un choix stratégique que je trouve pour le moins prématuré.
Les caisses de retraite : le grand attrait
Si vous aviez des doutes sur ce qui préoccupe les seniors de 2025, un tour près des stands des caisses de retraite vous aurait convaincu.

L'affluence y était spectaculaire, notamment à l'Assurance Retraite et à la Caisse des Dépôts, littéralement pris d'assaut par une horde de futurs retraités désireux de connaître le montant de leur pension et/ou le nombre de trimestres qu'il leur reste à travailler pour un taux plein.

Le contraste était saisissant entre ces stands parfaitement organisés et celui de l'Agirc-Arrco. La fédération qui coordonne l'activité des caisses de retraite complémentaire présentait un stand ni aménagé, ni équipé, ni organisé pour recevoir un public important. Plus problématique encore, ses gestionnaires n'étaient pas en mesure d'informer précisément les visiteurs sur leurs droits.

Cette contre-performance m'interroge sur le positionnement même de l'Agirc-Arrco. Qu'une fédération professionnelle censée informer, coordonner et protéger ses adhérents s'autoproclame l'interlocuteur des clients de ses clients est une stratégie qui me laisse perplexe - et cette prestation en salon ne risque pas de me faire changer d'avis.
Mais le véritable enseignement pour vous, acteurs de la Silver économie, est ailleurs : si une caisse de retraite est présente à un salon B2C pour seniors, vous pouvez être certain que les visiteurs seront des futurs retraités préoccupés par leur pouvoir d'achat.
Or, le montant des pensions étant souvent décevant par rapport aux montants cotisés, ces seniors qui repartent avec leur évaluation en main sont potentiellement réceptifs à toute proposition visant à optimiser leurs finances.
C'est précisément ce que m'ont confirmé Merci Prosper et Skarlett, stratégiquement positionnés à proximité des stands de l'Assurance Retraite.
Si vous développez des produits financiers pour seniors ou jeunes retraités, votre absence de ce salon constitue une opportunité manquée.
Le logement alternatif : le grand absent
Autre constat frappant : la faible représentation des acteurs de l'habitat alternatif. Bien que la fréquentation actuelle des Résidences Services Seniors (RSS) et Résidences Autonomie (RA) soit majoritairement constituée de personnes âgées de 83 ans et plus, la présence de ces enseignes au salon attirait un public plus jeune venu se renseigner pour ses parents ou, parfois, pour lui-même.
S'il est bien un endroit où les acteurs de l'habitat alternatif devraient être présents, c'est celui-ci. Même si les visiteurs sont un peu jeunes pour devenir des clients immédiats, ils peuvent avoir un parent concerné ou s'inspirer eux-mêmes de ces offres comme alternatives à l'EHPAD qu'ils n'avaient pas envisagées.
On ne peut pas espérer rajeunir le marché, améliorer le taux d'occupation des résidences en difficulté ou faire mieux connaître les habitats alternatifs en s'appuyant uniquement sur le bouche-à-oreille.
La présence simultanée de plusieurs acteurs crée une émulation collective et accroît la visibilité pour les visiteurs. Elle permet la comparaison et offre une vision plus complète de l'offre que lorsqu'un seul exposant est présent.
Je trouve donc particulièrement dommageable qu'aucun acteur de l'habitat alternatif, hormis Ensemble 2 Générations pour la cohabitation intergénérationnelle, n'ait pris un véritable stand (et pas seulement un mange-debout temporaire devant le stand de la Banque des Territoires).
L'adaptation de l'habitat : la solution anti-EHPAD
L'adaptation de l'habitat reste un grand classique du salon, et le showroom circulaire organisé par Jean-Philippe Arnoux autour de son camion de démonstration parrainé par l’Agence Autonomy3 continue d'attirer les foules.

Lors de nos échanges, Jean-Philippe m'a confié que cette année, un nombre significatif de visiteurs manifestait un désir d'adapter leur domicile dans l'objectif clairement assumé de retarder ou d'éviter complètement une entrée en EHPAD.
Si nous savons depuis longtemps que 90% de nos concitoyens ne souhaitent pas finir leurs jours en EHPAD, la corrélation entre domicile adapté et rejet de l'institution n'était pas aussi explicite auparavant. L'EHPAD souffre désormais d'un tel effet repoussoir qu'il est devenu, en soi, une motivation pour investir dans un domicile adapté.
Il y a là un argument marketing que les acteurs de l'adaptation du logement auraient tort de négliger. Dans la mesure où les consommateurs l'expriment ainsi spontanément, pourquoi s'en priver ?
Cette tendance porte également un enseignement pour les exploitants d’alternatives à l’EHPAD. Car même si l'institution suscite un rejet massif, des seniors y sont admis chaque jour. Une part significative d'entre eux y sont "placés" contre leur gré, leur famille agissant ainsi par ignorance des alternatives possibles.
L'enjeu de communication autour des alternatives est donc majeur. Sans diaboliser davantage cette institution, un travail d'information reste nécessaire auprès de toutes les parties prenantes pour présenter les alternatives existantes, préciser dans quelles situations elles sont envisageables, et détailler leur coût réel.
Derrière le rejet massif de l'EHPAD se cache une méconnaissance profonde des solutions alternatives. Et l'absence de ces alternatives sur les salons grand public ne contribue pas à améliorer la situation.
Conclusion : Faut-il exposer au Salon des Seniors ?
Après avoir observé pendant deux jours, je peux affirmer avec certitude que ce salon constitue une occasion importante à saisir pour de nombreux acteurs du marché des seniors.
Pour les services financiers dédiés aux seniors, c'est évident - la proximité avec les stands des caisses de retraite vous garantit un public préoccupé par son pouvoir d'achat et réceptif à vos solutions.
Pour les acteurs de l'habitat alternatif, c'est l'occasion de commencer à éduquer le marché, d'atteindre les aidants familiaux qui cherchent des solutions pour leurs parents, et de vous positionner clairement comme une alternative crédible à l'EHPAD.
Pour les entreprises d'adaptation de l'habitat, votre présence est non seulement pertinente mais presque indispensable - vous répondez à une attente explicite d'un public qui cherche activement à éviter l'institutionnalisation.
Le Salon des Seniors s'améliore d'année en année sous l'impulsion de Quinze Mai, devenant un véritable baromètre des préoccupations des 60-70 ans. Au-delà de l'aspect commercial, c'est un lieu d'observation privilégié pour comprendre les attentes réelles de votre cible.
Ma recommandation est donc double : visitez ce salon pour y observer les tendances et les comportements, et envisagez sérieusement d'y prendre un stand, idéalement à proximité des services qui attirent naturellement votre public cible.
La Silver économie peine encore à trouver son modèle de distribution. Pendant que vous hésitez entre B2C et B2B2C, vos clients potentiels, eux, sont bien là, arpentant les allées de ce salon, en quête de solutions que vous pourriez leur proposer directement. Ne commettez pas l'erreur de les ignorer.
La Silvermap est ma cartographie dynamique de l’écosystème Silver économie. Un article pour expliquer le concept.
Voir note ci-dessus ⤴️
L'Agence AutonomY est une structure créée par les CD Hauts-de-Seine et Yvelines afin de favoriser l'autonomie à domicile des personnes âgées (60 ans et plus) et celles en situation de handicap, tout en développant l'attractivité du territoire.
Je vous propose que nous nous rencontrions, à votre convenance, en vue d’éclairer plus largement quelques autres angles morts.
Bonsoir Alexandre,
C’est la 3ème année que je me rends au Salon des Séniors.
L’affluence que vous observez devant les guichets de la CNAV est comparable à celle d’épargnants légitimement inquiets : c’est ce qui leur permet de patienter debout.
Les agents CNAV accessibles déclarent volontiers qu’ils assurent sur le Salon une « vitrine » : rien n’y est traité.
Je vous invite à élargir votre regard en enquêtant auprès d’associations qui tentent d’aider nos concitoyens dans leurs démarches : débordées !
D’où les offres commerciales qui se déploient pour celles et ceux qui peuvent s’en offrir les honoraires.
Quant à ce que vous nommez l’habitat alternatif, la France a plus d’un quart de siècle de retard au plan de l’offre - par rapport aux Pays-Bas.
Cordialement,
François-Noël Tissot