Lancer une newsletter dans la silver économie : c’est tentant, mais êtes-vous prêts ?
Comprendre les enjeux, cibler son client idéal, produire et durer, tester et itérer, accélérer au bon rythme | Cases Study : Ages & Vie et Nold
Bienvenue dans Longévité, où j'analyse les dernières tendances de la Silver économie. Dans cette édition, je vous aide à lancer votre newsletter en évitant les pièges et déconvenues. Nous explorerons des tactiques que j’emploie pour mes projets et j’essaie de répondre à LA grande question : Comment savoir que votre contenu plaît aux bons lecteurs ?
Dimanche dernier, vous vous êtes régalés d’un opus au titre accrocheur (j’en suis plutôt fier) où je vous proposais d’imaginer une newsletter destinée aux proches d’une personne âgée qui ne se sent pas encore concernée par l’adaptation de ses parents à leur vieillesse.
L’idée : leur mettre le pied à l’étrier en les amusant avec un contenu iconoclaste qui apporte de la bonne humeur, quelques informations utiles et incite à réfléchir au sens profond de la vie et au rôle que doivent jouer - ou pas - les enfants de personnes qui prennent de l’âge.
J’ai reçu plusieurs réactions enthousiastes d’abonnés m’enjoignant de créer moi-même cette pépite qui fait tant défaut à notre paysage médiatique.
Ainsi que des questions sur le mode opératoire : à supposer que vous décidiez de lancer un tel projet, comment s’y prendre ?
C’est pas moi qui vais la faire
Je n’ai pas l’intention de me lancer moi-même dans un tel projet, à moins que des sponsors me rémunèrent pour le faire. De même serais-je partant pour accompagner une entreprise qui choisirait de lancer sa propre newsletter sur le modèle de "mes parents vieillissent".
Pourquoi je n’en ai pas envie ?
Parce que le grand public n’est ni ma cible, ni l’audience avec qui j’aime converser.
Moi, ce qui m’intéresse, c’est de communiquer avec vous, les professionnels de la Silver économie qui vous levez chaque matin avec la même obsession que moi, adapter la société au vieillissement.
Je touche là le point névralgique de toute réflexion à propos de la création d’un contenu régulier (newsletter, vidéos, podcast, etc.) : vous devez aimer votre sujet et votre public.
Vous devrez être à l’écoute du second afin de produire pendant des années un contenu consacré au premier.
Cela peut vous sembler difficile de prime abord, mais croyez-moi, plus vous plongerez dans votre sujet, plus vous découvrirez de nouveaux abîmes à sonder et plus vous prendrez plaisir à raconter vos explorations à votre public.
Parfois même, vous reviendrez sur un sujet déjà traité afin de l’aborder sous un angle neuf et si vous faites bien les choses, vous prendrez autant de plaisir à la défloraison d’un sujet inédit qu’à la réitération sur un sujet balisé.
Méfiez-vous des vendeurs de rêves
Oubliez les conseils des marchands de tapis du web qui vous font croire qu’il est possible de faire vivre un média en ligne sans le moindre effort, de constituer une audience massive en trois coups de cuiller à pot et de devenir rentier à Dubaï dans un délai inférieur au séjour de Gabriel Attal à Matignon.
Ce n’est pas réaliste. Vous risquez d’être déçu et de vous ennuyer ferme. À moins de confier le job à un tiers, bien entendu. Mais même si vous optez pour cette occurrence, vous devez savoir quoi raconter à vos clients. Car c’est bien de cela qu’il s’agit si vous vous lancez dans l’aventure : vous allez ouvrir un canal de communication privilégié avec vos clients et vos futurs clients potentiels.
C’est à vous et à vous seul de savoir à qui vous parlez afin de bien définir comment vous allez le faire.
Si vous vous reconnaissez dans la description que je viens de faire de l’auteur type d’un bon contenu pour une audience ciblée et identifiée, nous pouvons passer à l’étape suivante : le ciblage de votre audience.
Cibler votre audience
Vos lecteurs sont des clients et des prescripteurs potentiels. Des gens qui ont intérêt à mieux vous connaître. Bénéficier d’un contenu qui les éduquera et renforcera le lien de confiance qui se tissera avec vous au fil du temps.
Vous devez donc savoir dès le début :
À qui vous parlez
Quel message voulez-vous faire passer
Quelles actions attendez-vous de vos lecteurs
Une audience plus large que la cible, c’est normal
Votre audience sera plus étendue que votre public cible. Même si elle plus large, elle reste constituée de personnes issues de l’environnement que vous ciblerez.
Exemple B2C : Si vous ciblez les proches, vous intéresserez des enfants, petits enfants, mais aussi des personnes âgées qui liront votre lettre d’un air détaché et en recommanderont la lecture à leurs enfants, sans admettre que le vrai sujet, c’est eux.
Exemple B2B : si vous ciblez les décideurs de la protection sociale, vous serez aussi lu par des équipes marketing, produit, relations institutionnelles, des syndicalistes, des élus locaux et toutes leurs parties prenantes.
C’est important de rester focus sur votre cible, tout en ayant conscience d’un écosystème plus large qui servira notamment de relais vers des cibles primaires que vous n’avez pas atteintes directement.
Cibler, c’est se faciliter la vie
Une fois votre ciblage établi, votre mission consiste à n’écrire que pour votre cible, à la garder à l’esprit à chaque fois que vous créez un contenu. Plusieurs avantages :
Vous adoptez un discours dans lequel elle se reconnaît.
Vous sélectionnez des thèmes et des angles utiles pour elle.
Vous adoptez un niveau de technicité qui lui correspond.
Une personne qui n’est pas la cible le comprend et cesse donc de consulter votre contenu, sortant de votre base d’abonnés, ce qui vous évite d’y comptabiliser des touristes.
J’ai consacré un dossier à la détection et élimination des touristes et parasites, vous l’avez lu ?
Ne pas cibler, c’est risquer le hors sujet
Comment voulez-vous que les abonnés se reconnaissent dans votre contenu si vous ne prenez pas parti ?
C’est un problème récurrent dans la Silver économie. Combien de fois ai-je rencontré des entrepreneurs qui veulent parler aux 11 millions d’aidants, aux 26 millions de seniors où même à tous les Français, puisque la vieillesse nous arrivera tous un jour.
C’est séduisant de penser que tout le monde se sentira concerné, mais il est plus facile de communiquer à une petite audience, parce que tout le monde n’a pas la même opinion sur un sujet.
Si tout le monde pensait pareil, nous aurions 577 députés d’une même obédience, une religion universelle, un seul parfum de glaces chez Berthillon et tout le monde s’habillerait de la même façon.
Si vous cherchez la neutralité à tout prix, le seul résultat que vous obtiendrez, c’est un contenu aussi soporifique que l’horloge parlante.
Ce n’est pas ce que vous souhaitez, n’est-ce pas ?
Étude de cas : la newsletter Ages & Vie pour les élus locaux
J’ai créé et animé pendant 2 ans une newsletter adressée par Ages & Vie aux élus locaux afin de les persuader des bienfaits de l’habitat partagé et du modèle Ages & Vie.
Cette newsletter devait faciliter le travail des équipes de terrain auprès des mairies.
Mois après mois, les élus locaux recevaient des analyses, des chiffres, des témoignages d’autres élus, soutenant Ages & Vie, des démonstrations, etc.
Afin de toujours rester informé des enjeux et de l’environnement de la marque, je rencontrais Simon Vouillot (l’un des 3 cofondateurs de l’enseigne) tous les 15 jours pour des réunions de travail sur les contenus.
Nous nous entendions sur le sujet et l’angle. Il rédigeait souvent lui-même un édito et me laissait quasi-carte blanche sur la rédaction. Cette méthode de travail me permettait de créer des contenus qui sonnaient comme du Ages & Vie, mais en même temps, étaient beaucoup plus libres, ouverts et non institutionnels que la production du service communication interne de l’enseigne.
Je pouvais me permettre des écarts qu’un salarié Ages & Vie s’interdisait.
Puisqu’on parle d’Ages & Vie, avez-vous lu mon dernier dossier ?
Le fond et la forme
J’ai beau envisager différents types de contenus, j’en reviens toujours à la newsletter écrite, car c’est celui que je pratique moi-même et que j’aime le plus réaliser. J’ai essayé la vidéo et le podcast, mais le rapport au médium me plaît moins.
Le médium que j’aime
L’écriture me vient naturellement.
Je laisse les mots s’écrire avec fluidité. Une fois terminé le premier jet, je reprends le texte afin d’en améliorer la musicalité, le rythme. Je supprime les parties peu pertinentes, trop éloignées du sujet, qui alourdissent la narration.
Il m’arrive de relire le texte une trentaine de fois et à chaque relecture, je coupe, je rature, je reformule, je simplifie.
Je suis mon plus fidèle lecteur
Et c’est une force, car prenant plaisir à la création je me satisfais de l’acte en soi, quand bien même la lettre ne trouverait pas son public.
C’est cette passion qui m’a permis de produire une lettre chaque dimanche depuis le début, quand je n’avais qu’une cinquantaine de lecteurs.
Vous n’êtes pas obligé d’être passionné par la création de contenu, mais force est de reconnaître que cela réduit l’effort de l’acte créatif et sa répétition pendant des années.
Que dire, semaine après semaine ?
Vous aurez remarqué (ou pas ?) que, bien qu’ayant annoncé il y a quelques mois que je renonçais à publier deux fois par semaine, j’ai fini par renouer avec ce rythme d’une publication tous les trois jours. Tout simplement parce que j’ai assez de choses à partager pour me permettre cette intensité, sans me lasser ni - je l’espère - vous ennuyer.
Pour savoir où je vais et anticiper un petit peu, j’utilise un planning éditorial, que je tiens sur Notion, où je recense les idées aux différents stades de création allant de l’idée brute au contenu publié.
En voici un aperçu :
C’est sur cet outil que je travaille les contenus avant de les intégrer à Substack et Linkedin. Mais le planning ne reflète qu’une petite partie de mes idées : la plupart, toujours au stade de l’idée, sont rassemblées dans une table secondaire…
Dès que j’ai une idée, je la range dans cette liste. Je l’alimente grâce à ma veille, mes échanges et mes réflexions.
Si vous voyez dans cette liste un sujet qui vous intéresse, dites-le moi en commentaire ou par retour d’email, j’y consacrer ai un prochain opus.
La forme qui plaît ?
Il y a autant de possibilités formelles que de cibles, je ne vais donc pas vous assommer avec des injonctions. Je peux cependant vous confier quelques observations issues de ma pratique :
Les listes de liens sont has been : Une majorité de lecteurs ne clique pas sur les liens. Ils consomment le contenu que vous leur mettez sous les yeux. Si vous faites des résumés d’articles publiés avec un renvoi vers votre blog, 90% des abonnés se contentent du résumé.
Le poids des mots : Les boîtes email sont très sensibles au poids des posts. Si vous ne voulez pas que vos contenus soient coupés en deux, rester sobre sur les images, les couleurs et les boutons.
Choisissez vos formules : Certains mots et caractères spéciaux font passer vos e-mails pour du spam. J’en ai fait l’expérience récemment avec mon dossier Ages & Vie : le caractère & a bloqué sur certaines messageries.
Dans un autre genre, j’ai publié un dossier intitulé : Le viagra, un traitement préventif contre la maladie d’Alzheimer. Il a été classé en spam par ces puritains de Gmail qui ont dû penser que j’en vends… et manifestement ce n’est pas bien.
Plus c’est long, plus c’est bon ? Plusieurs abonnés trouvent mes email trop longs. J’essaie de me restreindre dans une zone comprise entre 2000 et 2500 mots. Je maintiens cette taille car j’ai observé que vous êtes nombreux à les lire en entier. Mais toutes les audiences n’ont pas votre profil. D’où l’importance de connaitre les usages de votre cible, et de calibrer vos contenus en conséquence.
Choisissez le média que les abonnés attendent. N’essayez pas de diversifier les formats sur un même canal. Je publie des analyses écrites. Les vidéos que je poste de temps à autre sont très peu regardées.
Mes podcasts intéressent 25 fois moins d’abonnés que mes textes.
A partir de l’analyse de mes résultats, j’ai ajusté ma stratégie éditoriale. Si vous lancez une newsletter, vous devrez vous astreindre à la même discipline : Vous n’écrivez pas votre journal intime. Vous n’écrivez pas pour vous faire plaisir. Vous n’écrivez pas pour le plaisir d’aligner des mots. Vous devez donner à vos abonnés ce qu’ils veulent.
Donc, commencez à produire, puis analysez les résultats, et autorisez-vous des variations dans ces limites. Ce n’est pas une contrainte, c’est un cadre (j’y reviendrai plus en détail la semaine prochaine quand j’étudierai les stratégies de croissance de votre audience).
Ne confondez pas la newsletter promotionnelle de votre e-shop et une newsletter de contenu comme Longévité. Les deux sont utiles, mais elles n’ont pas le même objectif. Moi, je vous parle de la deuxième catégorie et mes conseils ne s’appliquent pas à la première !
Comment savoir si ma newsletter fonctionne ?
Suivez les chiffres communiqués gracieusement par la plateforme qui héberge vos contenus. Ils ne sont pas toujours fiables à 100% comme je l’ai expliqué dans mon dernier bilan (Virage), mais vous donnent cependant des indications, des tendances qui suffisent souvent à valider si vous allez dans la bonne direction ou dans le mur.
Vous devez déterminer un chiffre qui a du sens et vous concentrer dessus. Selon votre sujet, les résultats peuvent être différents. Je vous présenterai un bon outil de pilotage la semaine prochaine.
Vous choisissez vos KPI en fonction de votre stratégie et de vos objectifs.
Ne commettez pas l’erreur stratégique de Nold
Nold est un média lifestyle financé par Danone. Il s’adresse à une cible de CSP+ urbains et un peu réacs qui se regardent vieillir sans rougir, du moins le prétendent-ils. J’ai fait une étude détaillée de Nold en début d’année 2024. J’y explique pourquoi cette opération m’évoque un bateau sans cap ni gouvernail.
En résumé : Les créatrices sont parties dans une direction sans savoir avec précision ce qu’elles feraient du projet, dont le périmètre et l’offre payante se développent au fil de l’eau, sans stratégie.
Même si Danone en a sous le pied, ils n’ont pas envie de financer à fonds perdu un projet qui ne leur sert à rien et la parenthèse enchantée dans laquelle le projet s’est épanoui pourrait bientôt se refermer.
Pour ne pas commettre la même erreur, pensez ROI dès la conception. Comme dans toutes les opérations marketing que vous lancez, vous devez avoir des idées claires sur l’objectif, les KPI qui vont mesurer vos résultats et les milestones que vous voulez atteindre.
Pour finir, l’offre bonus
Si ma prose vous a persuadé de créer votre newsletter et que le clavier vous démange déjà, créez une newsletter Substack et faites-moi signe pour que :
Je vous parraine
Je vous accompagne
Il manque un truc, non ?
Je crois qu’il faudrait que je consacre un dernier opus à une question cruciale que je n’ai pas traitée : comment faire grossir votre audience.
En effet, vous devez aller chercher des lecteurs quelque part et évaluer les différents canaux d’acquisition.
Je vous donne rendez-vous dimanche prochain pour aborder cette dernière partie.
Et mercredi, je vous propose un topo sur le Silver Economy Festival de Cannes, ce que j’y ai vu, ce que j’y ai appris et ce que j’en déduis sur l’évolution de notre écosystème. L’épisode devrait s’appeler : l’Archipel de la Silver économie.
Merci pour ce partage d'expériences. J'y viendrai certainement à la newsletter mais pas tout de suite. Car comme tu l'as dit si bien je n'ai encore pas décidé de ma cible et de l'objectif pour un bon ROI.